mardi 31 mai 2011
OXBOW, KODE9 & SPACEAPE, Villette Sonique
jeudi 26 mai 2011
DEFTONES- Around the fur (LP)
Etienne est un mec bien sous tout rapport. Au lycée, il était vu comme le mec qui aime la musique. Mais qui aime vraiment la musique. A l'époque, il faisait office de résistant: alors que tous ses potes achetaient à tour de bras des "compact discs", lui, via son père, il continuait d'acheter des vinyles. "Le con" se disait certain, "les cons", se disait Etienne. Dans les années 90, le nombre de gars qui le pensaient DJ était important. " Tu mixes ?".vendredi 20 mai 2011
ULVER- War of the roses
Chaque nouvelle tentative de m'enquiller cet album amène tristement le même constat: Ulver n'a pas produit ce coup ci un album mémorable mais un disque pénible et mauvais goût. Il y a toujours eu cette dimension kitsch dans la musique du groupe, mais Garm et ses potes ont franchi le cap du ridicule cette fois en étant incapable d'injecter dans leur bouillie les couches sonores de Shadow Of the Sun. Le concert accompagnant l'album nous avait pourtant mis en garde, avec ses passages Chérie FM et ses roulements de batterie que même Depeche Mode s'interdit. On avait misé sur quelques drones sympathiques et des passages riches en claviers. Mais le quatuor n'a pas enregistré quoi que ce soit d'expérimental ou d'avant gardiste sur War Of The Roses, juste une pop convenue, du sous Pink Floyd peu inspiré et embarrassant. Le morceau avec la Céline Dion des fjords, Siri Stranger, qui avait déja chanté avec le groupe ou avec Wyclef Jean enterre un peu plus l'album dans le pathos. Non, ce n'est pas beau, c'est pompier. Ulver avait jusque là fait illusion, étant vu avec son trip hop appliqué et ses influences soigneuses ( Future Sound Of London, pas les derniers en terme de kitsch mais largement battu ce jour, Coil...) comme le zénith de l'audace musicale par certains restés sur la base d'une mutation black metal improbable. Des bacs à disque entiers dégueulent d'albums plus audacieux que ces 7 morceaux. War of the Roses ne possède pas grand chose pour lui, il semble être un album de paresseux, les idées et le statut du groupe dépassant définitivement sa propre musique. Et ce n'est ni les quelques escapades prog gaulées correctement ici ou là et la fin climat/récitation qui sauveront le tout.
La conquête de Xavier Durringer

vendredi 13 mai 2011
BEASTIE BOYS- Hot Sauce Committee Part.2

Finalement, il est sorti. Et si le disque a longtemps été retardé, il n'a pas trainé: à peine un mois entre l'annonce de sa sortie avec date précise et la date de disponibilité. Les Beastie boys ont fait les choses vite et bien, comme pour rattraper 2 années de merde. Vu qu'on risque de s'étaler un peu, on va tout de suite aller à l'essentiel: cet album est une réussite. Rendez- vous en bas de page pour les pressés.
En 2009, les Beastie boys s'apprêtent à sortir Hot sauce Committee Part. 1, qui sous entend une "part. 2", effectivement prévu pour le printemps 2011. Le principe est simple: après Hello Nasty (98), les Beastie se sont rendus compte que leur album était alors bien trop important, et refusent dorénavant de s'aventurer dans un album trop long et pire, un double disque. Donc le choix est fait d'étaler sur 2 sorties à 2 ans d'intervalle. Hot Sauce, premier du nom est présenté à la presse, le trio assure un peu de promo, notamment en France où le groupe participe à un shooting photo dans les rues de Paris (disponible sur le net). Dans la foulée, "Too Many Rappers", se fait entendre sur le net, sur scène (quelques concerts sont d'ailleurs donné dont un peu glorieux où le groupe peine à rentrer Sabotage en rappel), suivi de Pop the balloon (pour un jeu vidéo), ou encore "Lee Major comes again" disponible sur quelques 7" gentiment distribués sur l'édition collector de "Check Your Head". La presse est assez claire: l'album semble dense, loin de "To the 5 boroughs" et ces extraits ont tendance à le prouver. En rentrant de promo pourtant, tout se plante, comme l'avion de la pochette de leur premier album: Adam Yauch découvre qu'il est atteint d'un cancer au niveau de la gorge, et tous les projets du groupe sont avortés jusqu'à nouvel ordre- si ce n'est la sortie du 12" de Too Many rappers, comprenant une apparition de Nas (cf. la chronique ici).
2010 s'avère relativement calme pour le trio, MCA semble suivre un traitement qui lui permet progressivement d'envisager l'avenir. Début 2011, la machine s'accélère. Des photos d'un trio d'acteur (Elijah Wood, Seth Rogen, Danny McBride) habillé exactement comme les Beastie Boys dans la vidéo de "You gotta fight for your right (to party)", premier tube/clip débile du groupe en 86 laissent entendre qu'une version "revisited" va être projetée au festival de Sundance. La vidéo est en fait un court métrage de 30 minute, stupide et affichant un casting colossal (Will Ferrell, Susan Sarandon, Steve Buscemi, Laura Dern, Orlando Bloom, Krinsten Dunst, Chloë Sevigny... entre autre). La vidéo est réalisé par MCA, qui se fait un énorme plaisir en conviant tout le monde, et faisant figurer les 3 déguisé en flics, alors qu'au fond du décor, comme un signe de ce qui vient ensuite, l'échoppe "Paul's Boutique" est reproduite.
La première question est d'une tristesse assez incroyable, sous entendant qu'un groupe qui n'a jamais particulièrement fauté avec un album médiocre (encore que je me souviens parfaitement de mon énorme déception à la première écoute de To The 5 boroughs, le 15 juin 2004) ne peut, finalement, continuer éternellement sans fatiguer son public, essentiellement constitué de trentenaire ayant saigné les disques du groupe dans les années 90. Les Beastie Boys n'ont jamais fait d'album vraiment faible, et n'ont surtout jamais fait de grosse erreur, ou de faute de gout. La fin des années 90 aurait permis au groupe de venir se servir dans le bain "fusion" mais le trio n'a jamais cédé à aucune mode, continuant à faire sa propre mixture. Et c'est sur ce point que l'interrogation du renouvellement peut également être plié: dans les années 90, les Beastie Boys étaient les créateurs de mode et de tendance. Combien de magazine aujourd'hui doivent beaucoup à Grand Royal ? Combien de groupes sont passés par Grand Royal (le label) ou se réclament d'une façon ou d'une autre du trio ? Combien de marque de fringue doivent leur statut à X large ? Les Beastie Boys ont été un moteur de la culture populaire des années 90, et ce , sans jamais faire la moindre concession. Le besoin de se renouveller apparait de toute évidence complètement stérile, de plus, au regard de leur carrière. Reprenons: En 86, ils sont le premier groupe de l'histoire du rap à arriver en tête des charts avec leur premier album. En 89, ils sont parmi les premiers groupes (De La Soul au même moment, et Public Enemy arrive dans peu de temps) à élever le sampling au rang d'art et à ce titre, l'abstract hip hop, le trip hop et la musique électronique en générale tout comme le hip hop au sens très large leur doivent énormément- influence allant ainsi de Dj Shadow à NERD en digressant du coté des Chemical Brothers. Ils sont aussi parmi les premiers à se payer un procès pour les mêmes raisons. En 92, ils sont un des premiers groupes de rap à se produire sur scène avec de véritables instruments (on y reviendra lors d'une chronique de Check Your Head), chose assimilé par la suite aussi bien par les Roots que par Cypress Hill. En 94, ils s'engagent à reverser l'ensemble des droits d'auteurs de certains morceaux de leur nouvel album (ill communication) à une association pour le Tibet, Milarepa, fondé par MCA. En 2000, ils inventent l'utilisation moderne du DVD en étant le premier groupe à proposer un système de multi angle et de changement de bande sonore sur la quasi intégralité de leur clip. En 2006, ils révolutionnent le concert filmé en proposant à 50 personnes du public de capturer eux-même le film.
Alors pourquoi font ils encore de la musique ? Tout simplement parce que ces 3 là ont dépassé le simple stade de "groupe", ils sont juste 3 potes qui produisent de la musique quand ils ont le temps. Et ils n'ont pas besoin de se renouveller puisqu'ils sont perpétuellement en train d'inventer. Personne ne fait de la musique comme eux, ils n'ont pas de pairs. Ils font du Beastie Boys, ils sont seuls. Ni plus ni moins.
Les 3 se font un malin plaisir à se retrouver derrière le micro, 7 ans après leur dernier album totalement rap. Les textes sont toujours un mélange foutraque de private joke, d'ego trip 15ème degré, de références télé et d'obsessions pour la bouffe. Horovitz, Diamond et Yauch ont également choisi de reprendre une formule qui avait vu le jour sur Check Your Head (cf. So Watcha Want, Stand Together...) et qui avait trouvé toute son ampleur sur Ill Com (cf... tout l'album mais surtout "All right Hear this" ou sur "the scoop") et qui avait trouvé ses derniers rebonds sur Hello nasty ( "Electrify" ): les voix sont à nouveau traffiquées, maltraitées, gavées de reverb et de distortions. Le trio affiche plus que jamais son identité à travers ses choix de production, chose qu'ils ont toujours faite, mais qui aujourd'hui trouve un écho différent à l'heure où certain essaient de voir où va le groupe. Ils prouvent tout au long de ces titres qu'ils ne vont nulle part puisqu'ils avancent sur un terrain où ils sont seuls, où personne ne peut les y attendre et que eux seuls dicteront la suite.
jeudi 12 mai 2011
OXBOW- King of the jews
J'ai beau le répéter à chaque fois que je tente de le faire: il m'est totalement impossible d'écrire au plus juste un billet sur Oxbow. Pourtant je m'acharne. Hydrahead propose une nouvelle édition du second album d' Oxbow, le disque le plus tordu et exigeant du groupe, mais aussi celui qui demeure selon Mr Robinson (le chanteur, pour les ignares) son préféré. King of the jews est un album absolument indispensable d'un rock totalement ravagé, esquinté et éreintant, d'un blues vicieux et sec. Robinson sort de ses envies suicidaires (quoique), Wener brode de superbes riffs, pendant qu'Adams glisse des lignes de basses fuyantes et hypnotiques. Ce second enregistrement est probablement l'album le plus complexe du groupe, le plus difficile, qui peut facilement concurrencer un Residents en terme de terreur joviale et de compositions alambiquées. HH sort une version qui semble fidèle à l'original, reprenant notamment le curieux symbole mêlant une étoile de David et une svastika sur le rond central de la face B. Cette édition est semble-t-il limitée, et cet album étant déjà peu commun, il semble urgent de se ruer sur ce nouveau pressage.
mardi 10 mai 2011
WEEDEATER- Jason... the Dragon
Avec un nom pareil, il parait peu probable que le penchant Dungeons & Dragons de Dixie Dave Collins ait pu prendre le pas sur l'admiration de substances stupéfiantes. Pochette et nom d'album sont pourtant là pour nous prendre en traitre. Sort ta bure de moine ou ton armure et ton glaive on fait un grandeur nature dans le jardin. Il n'en est rien, Dixie est un malin qui trompe l'ennemi: le titre de l'album est une référence à une phrase faisant allusion à la consommation d'opium. Bref: Weedeater est de retour, faisant une musique toujours aussi lente que le temps qu'il faut au groupe pour enregistrer un album (on excusera quand même Collins de s'être lui-même dégommé l'orteil à coup de fusil, repoussant l'enregistrement dudit album), et dans la suite logique si ce n'est exact de l'album précédent: God luck and good speed. Jason déploie ce qui était déjà entamé sur le précédent, tout en gonflant le nombre de passage plus calme, americana de grenier sans le banjo limite inquiétant jadis enregistré. Tant de quiétude au milieu de ce blues distordu et poisseux ferait presque peur. Mais la musique de Weedeater, certes grasse comme l'herbe huileuse de leur fumerie, n'est pas aussi pesante que celle des potes d'Eyehategod, de l'ancêtre Buzzov-en, voir même celle qui composait "16 tons". Juste l'amour du riff et de l'ampli qui gueule. Et de matières à retrousser le cerveau (quiconque à déjà vu le garçon sur scène compendra pourquoi). Homecoming à même un coté inédit pour le trio avec son riff presque "Pumpkinien". Les crusts de Weedeater continuent de faire voler une épaisse poudre verte du vinyle quand il se fait épingler par le diamant, et son sludge de faire partie des disques du genre qu'on continue d'écouter soigneusement.
SCORN- Yozza
Scorn ressort un EP "facilement" disponible, chose qui n'était pas arrivé depuis bien 10 piges (chez Hymen en fait), alors que quelques maxis étaient sortis chez Combat (doit y avoir un mot qui traine sur un de ces disques). Yozza sort donc chez Ohm Resistance et se présente comme un prolongement et un complément à Refuse, Start Fires, l'excellent dernier album en date. Yozza se compose de 4 plages qui se situent donc dans la logique tout juste entamée par Harris: une musique terriblement noire, offensante, insultante pour les enceintes, mais qui semble également s'enfoncer comme jamais jusque là dans ses racines dub. Harris, accompagné de Treasey encore, paie son tribut au reggae et au dub. Les kicks sont massifs, les caisses claires résonnent comme des timbales métalliques distordues. Les basses sont les monstres apprivoisés de Scorn: étouffantes, insidieuses. Derrière le bruit reste maitrisé et composé de strates diverses; on devine plus qu' on ne sait ce qui encercle l'audition. Harris est le Lee Perry contemporain, il enflamme son Black Ark. Eprouvant, noir... et recommandé.
BANGS & WORKS Vol. 1 A Chicago Footwork Compilation
Une prochaine évolution de la musique électronique dansable ? Alors que le dubstep est peut-être déjà en train de crever de ses blessures fatales (on y reviendra), voici qu'une forme se développe lentement et semble déjà faire des adeptes. Le moment est crucial car encore totalement underground, et ne concerne encore quelques 12" et quelques fanatiques danseurs notamment situés à ...Chicago (c'est bien y en a qui suivent). Le footstep/footwork est ainsi une mutation étrange, rappelant aussi bien une house primaire qu'un dubstep bourré de glitchs (au sens premier, c'est à dire accidenté, faites vos recherches) ou qu'un R'n'B irradié et effrayant. Le tout ressemble surtout à un ensemble de tentative, d'intro qui n'aboutissent jamais, de breaks sans fin. C'est donc (et de manière assez étonnante) Planet Mu qui se colle au travail de compilation de ce mouvement pour proposer un paysage de ce qui se fait dans le genre, avec en guise de repère Dj Elmoe ou Dj Trouble. S'il se dégage une identité très forte de cette musique, on peut rester scéptique quant à l'absence d'âme de l'ensemble de par une production systématique. Chaque morceau sonne exactement comme un autre, et il est difficile de voir ou se démarque chaque "producteur". les kicks et basses sont tous issus des mêmes samples de boite à rythmes vintage, idem pour l'ensemble des éléments rythmiques. Ca manque d'épaisseur, malgré l'apparente lourdeur des infras qui dégueulent de chaque coté ici. Une compilation qui ne manque pas forcément d'intéret, quoiqu'un peu longue, forcément, et parfois poussive, mais avant de prétendre être le futur de la musique -ou du moins une de ses branches- il va falloir qu'un de ses représentants affirme une réelle différence et tire le tout vers le haut. Et comme bien d'autres mouvements, la question quant à la fiabilité d'une telle musique sur un album reste entière.
PRAXIS- Profanation [Preparation for a coming darkness]
Il semblerait bien qu'après un léger hiatus à la fin des années 90 pour Praxis, la tentative de retour de ses membres d'origine ne pourront emêcher le nauffrage du projet. Mold était un album où Laswell s'entourait d'autres compagnons de route, signant par là même le décès du projet en studio. Quelques live (l'excellent "Tenessee 2004") et tournées avec le line up d'origine (c'est à dire Brian Mantia de Primus, Tom Waits, Godflesh à la batterie, Buckethead à la guitare et surtout Bernie Worrell, de Funkadelic, Talking Heads, Baby Elephant, Mos Def...) plus tard voici enfin disponible chez nous le dernier album studio du groupe. Enfin disponible car l'album date en fait de 2008, mais demeura longtemps disponible uniquement au Japon. Chose réparé via MOD Technologies (MOD pour Method Of Defiance ? Autre projet de Laswell, ce qui laisserait entendre un énième label pour le musicien avec Subharmonic et Axiom) qui propose enfin l'album augmenté de 3 lives.Le line up de ce "Profanation" est totalement hallucinant, presque aussi imposant que celui de Sacrifist, puisqu'il aligne au coté du presque quatuor (Worrell ne participe qu'à une poignée de morceaux et figure ici en temps qu'invité) PhonographDISK (présent sur les live "Warzsawa", et "Zurich", par exemple) Hawkman (ancien collaborateur de Tricky sur Blowback), Dr Israel (proche de Laswell et ancien Wordsound), Iggy Pop ( chanteur méconnu au sein des Stooges), Killah Priest (un proche de l'église Wu), Otomo Yoshihide (Ground Zero- pas le disquaire), Tatsuya Yoshida (Ruins, Zeni Geva et KK Nulls - on en avait déjà parlé), Serj Tankian (System Of A down), Mike Patton (Mr Bungle, Fantomas, Tomahawk, Faith No More, Melvins...), et feu Rammellzee entre autres. Pourtant, les "gros" line up ne font pas synonymes de qualité, et même si on peut difficilement reprocher des faiblesses musicales à cet ultime album, il faut aussi être honnête qu'on s'ennui un peu.
Derrière cette pochette à la laideur typique Laswell, se cache un album de funk metal galactique pour stade quelque peu épuisant et un peu vain. Il faudra attendre la seconde moitié de l'album, notamment sur une plage comme "Babylon Blackout" pour apprécier les ultra profondes lignes de basses de père Laswell se creuser entre la batterie sobre et les lignes de claviers psychédélique de Monsieur Worrell. Patton s'autoparodie en glapissant vainement sur un grind'n'bass aors qu' Iggy croone tranquilement sur le rythme impeccable du duo Brain/Laswell. Rammellzee, qui enregistrait donc là parmi ses toutes dernières lignes de chant est également fidèle à lui même passant sa voix dans un multi effet cosmique à telle point que sa voix de dictateur de décharge est totalement méconnaissable. Hawkman apparait comme il y a 10 ans au coté de Tricky: toaster qui se pose sans souci sur un rock massif -cf Bury The Evidence sur Blawback. Avec son affiche démesurée, Laswell met donc un terme au projet (annoncé il y a quelques mois) tout en ayant enregistré une épitaphe anecdotique, au regard de quelques autres disques précédent ("Tenessee", "Sacrifist"...) nettement plus remarquables.
mardi 3 mai 2011
Norwegian Wood de Tran Anh Hung
Le réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung adapte ici un roman de Haruki Murakami, best seller mondial (que je n'ai bien évidemment pas lu) autour d'un amour impossible, celui que porte le jeune Watanabe a Naoko, jeune fille psychologiquement fragilisée depuis la mort de son premier petit ami et qui depuis, souffre d'une incapacité totale à ouvrir son corps à la pénétration.Si mon entrée en matière est à la fois douce et crue, c'est que Norwegian Wood (La Ballade de l'Impossible) se promène constamment entre la beauté fantasmée du Tokyo de 1968, aux grandes ouvertures et habités par la végétation, écueil d'une certaine idée du romantisme, et l'âpreté de certains dialogues, de certaines douleurs, de certains mots.
Watanabe a perdu l'amour de Naoko le jour où ils ont fait l'amour pour la seule et unique fois. Depuis, malgré toute la tendresse qu'ils se portent et l'intensité des sentiments qui les unis, la jeune fille ne cesse de se détruire et de dépérir. Parallèlement, Watanabe sait qu'un autre amour lui tend les bras, celui de Midori, une jeune étudiante qu'il ne peut satisfaire pour le moment. Car le jeune homme, pris dans l'étau de la culpabilité et certain d'être en parti à l'origine de l'agonie de Naoko, s'est promis de la protéger et de n'aimer qu'elle, tant qu'elle vivrait dans ce monde.
Le contexte d'un Tokyo en révolte n'est qu'un très léger prétexte. D'ailleurs dès qu'il le peut Tran Anh Hung quitte la ville et part retrouver les grands espaces qu'il aime tant. Rarement on aura vu film aussi fleuri, aussi investi par une nature qui marche au rythme des tourments de chacun. Les retrouvailles estivales de Watanabe et Naoko, l'hiver tragique, la violence d'une mer tourmentée, allégorie du chagrin inconsolable du garçon. A l'aise sur tous ces terrains, le réalisateur plane tout de même plus dans ses extérieurs magnifiques où les sentiments sont plus vifs, plus exaltés. Ses intérieurs sont toujours ouverts, offrant à chaque instant une fenêtre, un cadre vers une verdure apaisante et sereine, contrastant avec la douleur qui affleure peu à peu.
Cette douleur est surtout dans les mots. Tran Anh Hung a choisi d'écrire des dialogues sans détour, sans tabou, qui abordent droitement et crument les choses du sexe et les problèmes de Naoko. Cela heurte un peu mais évite tout un détour psychanalytique qui aurait été mal venu. La violence est aussi dans le mouvement. Ainsi Tran Anh Hung demande t-il a ses comédiens de marché rapidement, de créer un rythme par leurs déplacements heurtés, par leurs souffles coupés.
Il y a indubitablement une certaine beauté dans ce Norwegian Wood, quelque chose d'épidermique et sensuel qui nous abreuve de sentiments très hétéroclites. C'est peut-être cela qui fait qu'au final on a du mal à adhérer complètement au travail du réalisateur, tantôt trop emphatique, tantôt trop prudent. Ainsi, alors qu'il souhaitait mettre en avant le côté physique de ses personnages et mettre en évidence leur peau, il traite avec un certain détachement les scènes d'amour, préférant cadrer serrer sur les deux visages qui s'épuisent, délaissant le reste des corps. D'autre part, alors que ses dialogues sont sans travers, les scènes d'amour sont bien chastes, comme si la distance vis à vis des images couvraient la violence des mots.