lundi 31 janvier 2011

MARVIN, ZËRO, EZEKIEL& HINT, SCORN- La machine du moulin rouge


Après avoir tourné de manière bien trop ridicule pour trouver une place pour dévoiler ici le temps qu'il m'a fallu pour me garer rue des martyrs, et après un passage rapide chez Ronald, c'est à la bourre que je rentre enfin dans la loco, pour voir la grosse soirée (la première de l'année, fait un voeux) de janvier, qui affiche fièrement les groupes qu'on voit régulièrement dans noise mag sur scène.
J'aurais aimé dire que j'ai assisté à un superbe concert de Zëro, que j'adore ce groupe, et que c'était éblouissant, mais ça serait faux. Déjà, j'aimerais aimer Zëro, mais à chaque fois que j'ai tenu un de leur disque dans mes fébrils mains, il a finalement finit là d'où il venait, dans son bac, si ce n'est leur tout premier 10" que je me passe régulièrement en faisant le même constat: faudrait que je chope le reste. De plus j'aurais aimé voir Zëro. Ce n'est pas le cas. J'ai vu 3 morceaux, avec un son dégueu de là où j'étais. Ca ne ressemblait pas à grand chose, la batterie n'avait aucun relief (merde ! Je me repasserais Spade & Archer demain pour la peine), et la voix était un peu braillarde (le vrai reproche constant de pas mal de groupe d'ici, et déjà chez Bästard je n'aimais pas la voix). Pourtant tout chez ce groupe devrait me plaire: une musique sans limite de style, audacieuse, faites par de vrais passionnés, fans des Residents, de Devo, de Pere Ubu; pleins de claviers judicieusement choisis, et avec une rotation des taches qui fait plaisir à voir. Mais ça ne me touche pas, et ce que j'en vois est bien trop court pour m'emballer. Quand je retrouve mon posse, le constat est sec: "bien mais poussif au bout d'un moment".
Hint & Ezekiel. Le public semble massivement être celui d' Ezekiel, quand les morceaux du duo retentissent, les intros ne suscitent pas les faveurs du public. Pourtant, je n'ai pas grand chose à faire d'Ezekiel. Hint est un groupe qui m'a toujours fasciné, bien que découvert sur le tard, via RAGE, quand ils sortaient Wu Wei, leur dernier album. C'est seulement 2 ou 3 ans plus tard que j'ai enfin pu mettre la main sur le disque- ma première rencontre avec celui-ci, enfin-tout en me remémorant les papiers sur le groupe de l'époque. " Un no man's land sonique". Wu Wei est un album passionnant, et le reste de la discographie l'est tout autant. Du coup, après avoir raté l'occasion de les voir avec Overmars il y a déjà longtemps (2003? 04?), c'est seulement maintenant que je peux enfin les voir (les précédents passages avec Ezekiel à Paris n'avaient pas été possible non plus). Et malgré une première partie (les 45 premières minutes) redoutable, passé Mr Investigator et Chinatown (reprise de Bästard, justement) je commence à me faire un peu chier. J'aimerais être 15 ans en arrière, voir le groupe sortir son vinyle de remixs au stand merch et les voir en formation resserré devant les visuels. Un concert tout de même impressionnant avec ce dispositif scénique titanesque.
J'ai déjà vu Marvin et j'ai à peu près le même rapport qu'avec Zëro: je n'arrive pas à me décider pour m'acheter leurs disques, j'en entend le plus grand bien , et sur scène, ce que j'en ai vu m'a paru très satisfaisant. Mais non, ça me parle pas. Pourtant j'aime Trans Am - oué, elle est facile. Deux quarts de morceaux (ce qui fait à peu près un demi morceau, mais c'est absolument pas raisonnable pour en parler) et je remonte pour ne pas rater tonton Harris. Les gens qui nous lisent un peu de temps en temps ou qui nous connaissent personnellement savent que Mick Harris fait partie des artistes importants et estimé ici. La première fois que j'ai pu voir Scorn en concert fait partie des 5 mornifles les plus mémorable de ma vie musicale, sans aucun doute possible. Depuis, je n'ai raté aucun passage de l'anglais, même si je sais aussi que si Harris a décidé de dépasser les 120 BPM je me ferais chier. Heureusement, Michou est dans une "dub mood" ce soir et propose des morceaux issus de "Stealth" et "Refuse, start fires"- dans la mesure du reconnaissable. Basses étouffantes, beats malsains, larsens et drones menaçants, la patte Harris résonne magnifiquement dans la machine du moulin rouge. La machine tremble, l'ambiance est poisseuse, épaisse, limite palpable. Harris se retire en laissant des cerveaux totalement dévastés, comme à la fin d'un film de Romero.

PS: J'allais oublié de mentionner un public composé de phénomènes, certes choquant, mais particulièrement remarquables: danseur imitant le paon ou la grippe aviaire, hystérique qui crie en rythme, et la palme: un mec qui secoue la tête pendant 2 minutes puis s'arrête et hurle à son voisin "Ca l'fait trop avec les cheveux longs!". Ceci est véridique.

PS2: Je lance un appel: si quelqu'un veut se débarrasser de son split Hint/Unsane, qu'il me fasse signe. Je cherche ce disque depuis 10 piges !

Audioactivism #2

J'ai toujours trouvé que le label lyonnais était le pendant français à Ninja Tune, ou du moins sa réponse avec une touche française. Le label oscille entre les excellentes idées et les signatures plus convenues. Les récentes sorties de Kaly Live dub ne m'ont pas vraiment enthousiasmé, mais au contraire les diverses collaborations instigués par les têtes pensantes du label : Ez3kiel et Hint, ou encore tous ces inédits du studio JFX sortis sur des maxis sont passionnantes. Jarring est un label qui prône la création avant tout, et le vivier d'artistes qui se rencontrent dans le studio. Audioactivism fait la part belle à leur amour pour le hip hop nouvelle génération et recompile des morceaux éparpillés sur différents maxis, mais aussi de nouvelles collaborations. Au programme, deux morceaux de Vagina Rush de Rzatz (chroniqué dans ces pages), deux morceaux du JFX studio session #1 (collab entre Picore et différents Mc's, dont oddatee et ben Sharpa, chroniqué aussi dans ces pages), une poignée de morceaux issus des dernières sorties Jarring et des nouveautés. Une jolie manière de regrouper sur un seul disque quantité de morceau dans la même optique, comme la division Big Dada pour Ninja Tune. On insistera encore sur la beauté du morceau de Picore et Oddateee, décidément magique, avec sa nappe toute en montée qui rappelle dälek dans ses meilleurs ébats industriels tout en attendant patiemment la suite de l'hélium du peuple qui devrait arriver en 2011. Belle surprise que K The I ??? qui pose sa voix sur un morceau de Kaly Live dub, dans un flow toujours aux limites de l'acceptable, mais toujours aussi novateur. Hip hop aux gros beats, qu'eux appellent abstract dans leur volonté de se différencier du reste de la scène, mais qui est une version moderne des dernières tendances grime ou dubstep avec flow accolé par dessus. Du déchet sur le morceau avec John Morrisson (n'est pas Roots Manuva qui veut) et sur l'inédit de Senbeï rapidement irritants. Un point positif pour l'initiative et pour le tracklisting plutôt complet. Ils attendent votre coup de pouce pour les sortir des galères financières. (jarring Effect)

Fowatile - Fowatile EP

A l'heure où Madlib en découd avec son challenge d'un disque par mois, et continue dans sa version open source du beat, en les faisant se multiplier comme l'ami le faisait avec les pains, d'autres s'essayent à des voies alternatives pour faire sonner leur hip hop. C'est le cas de ce premier EP de Fowatile, qui s'engouffre dans une voie d'un hip hop moderne, acceptant les influences initiales pour ranger le sampleur au placard. Une session purement live, sans aucune séquences ni préenregistrement, à base de beats de claviers et de batterie électroniques. Du coup on à droit à des kick spatiaux et complétement arythmiques, entre handclaps fédérateurs et envolées mélodiques sur fond d'effets abstract surréalistes. Vocalement, Fowatile navigue entre le très bon (Conglomerate a un gros feeling nous rappelant le Roots Manuva des maisons) et le moins inspiré surtout dans les refrains soulful un peu en trop (Beatyful girl). Du coup Fowatile nous emmène bien loin de la galaxie des malaxeurs de cire que peuvent être les amis de chez Stonesthrow et s'intéressent plus à l'aspect dévastateur des beats, aux possibilités de la composition directe et à la fraicheur de la rencontre de plusieurs cerveaux connectés par cette modernité. Les programmations de batterie sont parfois très étranges (Coca holla) et se posent en contrepoids complet de beats qui raclent et sentent la fumée. Fowatile signe leur manifeste en choisissant leur camps, plus Flying Lotus que Mf Doom, plus Ninja Tunes/Warp que Stonesthrow. Pour le bon comme pour le mauvais finalement. Pour le plus inspiré comme pour le plus embarrassant.

mardi 25 janvier 2011

SENSATIONAL MEETS KOYXEN- S/T


Skam n'en est pas à son coup d'essai en hip hop, on se souviendra de Shadow Huntaz, formation trop peu connu, mais de manière plus large aussi les emblèmes du label comme Gescom ou Boards Of Canada, pour lesquelles le hip hop fut (et reste probablement) une part importante de la construction sonore caratérisant leurs sorties -on en profite pour croiser les doigts quant à un nouvel album de BoC, mais ceci est une autre histoire. Second volet d'une rencontre entamé sur Wordsound (Sensational meets Kouhei) 4 ans plus tôt, ce second opus vient conclure une année riche en sortie pour le Japonais avec les 3 disques sorties sur Important plus tôt ( et nous faisant prendre conscience que Mr Matsunaga est désormais présent sur les plus prestigieux label de musiques exientes: Raster Noton, Important, Skam, WordSound, Mille Plateaux...). Ce deuxième volet de la rencontre sur disque entre Sensational et Kouhei parait s'inscrire dans la logique des plus récents travaux de Colin Julius Bobb, soit un hip hop plus funky, plus élastique, moins glauque et lourd que par le passé. On pense notamment à Acid & Bass. Sur le 5ème morceau, le semblant de refrain fait même penser au Funkee Homosapien, on est loin de la conception du minimalisme malade et baveux du Freak Styler sur ses premiers jets. On est quand même jamais chez Outkast pour autant: ici la voix part dans tous les sens, joue des effets comme l'écho et la stéréo, murmure dans l'oreille de l'auditeur avec ses cordes vocales totalement arrachées par le crack, caractéristique première et immuable de Bobb. Et ce n'est pas Mastunaga qui va offrir un écrin défendable sur MTV avec cette collaboration. Plus concret que certains de ses récents travaux partagés avec Vainio et Booth, ou même de son album solo qui pouvait parfois s'éloigner dans des digressions bruitistes pures, Koyxen signe une partition lourde et agressive. Mais avec toute la saleté déployé avec amour du bruit bien fait, le constat demeure inchangé: ce second opus à ce petit "je ne sais quoi" qui le rend (très) sensiblement moins hermétique que son prédécesseur. "GH" a des allures de battle attrapé en pleine rue et repasser dans un sampler branché à un cable poussiéreux. "SenKyx_st denis paris" semble avoir été enregistré dans la capitale française, probablement dans une piaule d'hôtel pendant la dernière tournée commune, et pendant que Sensational éructe 2-3 trucs, Kouhei esquisse rapidement un beat avec couinement digitaux en bonus. L'avant dernier morceau, qui voit Black Chameleon et D s'inviter sur le morceau, s'enfonce dans un périple électronique fait d'une saturation parasite éreintante alors que le beat ou la ligne de basse ne cesse de battre inlassablement sur le même motif. On reste ici dans la musique qui ne plait qu'à peu. Le morceau final a des allures de cavalcade de séquenceur, comme un segment de Quaristice échappé de sa session d'origine et remodeler par un vieux lascar armé d'un micro. On aurait aimé un peu plus, mais la durée se veut aussi austère que la production et la pochette- et on appréciera le retour du sticker en braille.

lundi 24 janvier 2011

Les chemins de la liberté de Peter Weir


Lors de sa présentation en avant première au Forum des images, le rédacteur en chef du magasine Positif disait de Peter Weir qu'il avait cela de particulier qu'on ne savait pas vraiment d'où il venait. Façon dissimuler de dire, "vous savez les australiens et le cinéma c'est un peu comme les muets et la chanson, certes ils peuvent ouvrir la bouche mais ils n'ont jamais sorti un disque". J'extrapole un peu, mais cette réflexion sortie de nulle part si ce n'est des tréfonds d'un égocentrisme très atlantiste, m'a un peu rappé la gorge. Des détestables Bazz Luhrmann ou Robert Luketic aux respectables Paul John Hogan (ouais bon... mais Muriel c'était marrant quand même, non?) ou Alex Proyas (surtout pour Dark City), la colonie australienne a plutôt bien percé à Hollywood et est loin de représentée une touche si "exotique" dans le paysage cinématographique.

Bref, oublions, l'intérêt du nouveau film de Peter Weir n'est pas de savoir s'il a quelque chose d'australien où non. Il n'est pas non plus dans le fait qu'il aura fallu attendre 8 ans entre Master and Commander et Les chemins de la liberté. Les mauvaises langues vous diront que le seul intérêt du film réside dans ces jolies retrouvailles entre le réalisateur et Ed Harris, qu'il avait dirigé en 1998 dans The Truman Show, oubliant peut être la belle performance d'un Jim Sturgess que l'on découvre littéralement ou celle, plus anecdotique certes, d'un Colin Farrell en briguant naïf et finalement sympathique.

L'histoire que nous conte Weir est l'adaptation du roman "A marche forcée" de Slavomir Rawicz, l'escapade d'une poignée d'hommes, fraîchement évadée d'un goulag, qui a traversé la Sibérie, le désert de Gobi et l'Himalaya pour rejoindre l'Inde et fuir le communisme en expansion.

Noyant l’âpreté de son récit dans une sauce très mélodramatique et trop romanesque, cette quête de la liberté s'aventure plus sur les dunes nauséabondes du Patient Anglais d'Anthony Minghella que sur les traces du Into the Wild de Sean Penn. Lyrisme forcé, raccourcis scénaristiques et choix de mise en scène discutables plombent cette échappée sauvage. Ainsi on n'a du mal à comprendre le montage inintelligible de l'évasion du goulag. Il en va de même pour les nombreuses coupes qui semblent privilégiées la beauté des paysages à la dureté et la violence de leur fuite.

Weir semble également peiner avec son contexte politique. Seconde Guerre Mondiale, guerre civile en Chine, expansion du communisme en Mongolie... La charge contre le stalinisme et contre l'internationalisation du communisme est à sens unique. On ne saura nier l'évidence des affres du totalitarisme à travers le monde. On pourra juste douter de la pertinence du réalisateur quand, au terme de leur périple, il les fait arriver en Inde, dans une liesse toute proprette, comme si l'Inde s'avérait être la patrie de la liberté. Weir semble juste oublier que, jusqu'en 1947, l'Inde est une colonie anglaise, qui lutte, pacifiquement, pour son indépendance et donc pour obtenir sa liberté à disposer d'elle-même, contre l'impérialisme britannique...

Alors si Weir, avec une obstination sans faille et un manque cruel de relativisme historique, taille avec une serpe bien affûtée dans le gâteau pourri de l'URSS et du stalinisme, il se vautre avec la même aisance dans ce visqueux fantasme de la terre promise. Son dénouement quant à lui est une pure plaisanterie, d'une naïveté toute déplacée lorsque l'on aborde un tel sujet. Si bien que l'aventure incroyable de ces hommes au courage sans pareil, devient une peu subtile démonstration d'une idéologie de la facilité. On aurait aimé que Weir réussisse à insuffler le même élan clairvoyant qui rugissait dans The Truman Show, le même optimisme adolescent qui jaillissait du Cercle des poètes disparus ou encore, le même naturalisme qui habitait son sublime Pique-nique à Hanging Rock. Il n'en est malheureusement rien...

dimanche 23 janvier 2011

The Green Hornet de Michel Gondry


Lorsqu'on connaît la carrière du monsieur, on se demande bien ce qui a pu le pousser à faire un film comme The Green Hornet. Selon ses propres dires, ce serait pour se faire pardonner auprès de son fils d'être un homme trop pris par son travail... Pourquoi pas, après tout. Si papa peut s'amuser tout en travaillant et en se faisant pardonner par son fiston, il n'y a pas de raison de se priver d'une telle opportunité.

The Green Hornet est, dès le départ, un ovni dans le genre du film de "super héros" qui s'émancipe (un peu trop peut-être, Cf. la bande annonce de Thor ou de Green Lantern...) sur les écrans depuis le début des années 2000. Tout d'abord parce qu'ici personne n'a vraiment de super pouvoirs. Ok, Kato est capable de ralentir le temps quand il saute en l'air pour donner un fulguro-coup-de-pied dans le nez du méchant, mais bon, c'est pas franchement grandiose. D'autre part parce que l'adaptation portée sur grand écran par Jay Chou et Seth Rogen joue sur un paradoxe que Hollywood commence à bien aimer: la révolte de l'anti-héros brimé en manque de reconnaissance et qui se découvre une vocation de défenseur des opprimés.

De surcroît, le duo central repose lui aussi sur un antagonisme original puisque le sous fifre asiatique est plus connu que le riche héritier grassouillet. Et surtout il est bien meilleur en castagne, en gadget, en intelligence pure etc. Bref, tout un tas de bonnes choses qui brouille un peu les codes d'une industrie éprouvante pour les méninges et pour les créateurs comme Gondry.

Tout cela offre une place immense aux acteurs. Tout l'intérêt du scénario écrit par Seth Rogen est de mettre en avant de jouissifs échanges verbaux entre les différents personnages, leur laissant de grandes latitudes comiques. Dommage peut être que l'humour de Rogen s'affadissent à la longue par la répétition quasi mécanique du potache adulescent mais la petite tension gay qui se trame entre les deux zigotos est particulièrement bien vue. Dommage également que le scénario ne propose pas à Waltz de faire autre chose qu'une imitation pataude de son personnage d'officier nazi dans Inglorious Basterds.

Gondry lui, évite tant bien que mal les écueils de la grosse production classique. Chiche en effets spéciaux, préférant coûte que coûte les effets de plateau aux rajouts de postproduction, il se concentre sur le cadrage très propre de ses acteurs et sur leurs volubiles pérégrinations. Ca se bagarre, ça explose, certes, mais avec économie. Jusqu'à la dernière demi heure. Voulant visiblement rentrer dans son cahier des charges, le réalisateur français en rajoute des tonnes en multipliant des effets de manche qui s'épuisent et s'annulent les uns après les autres.

On en sort assez désemparé. The Green Hornet répond aux attentes des plus indulgents mais laisse pantois ceux qui espéraient un peu plus d'esprit. Le scénario balourd et trop centré sur Rogen (qui n'en mérite pourtant pas tant) saborde la psychologie des seconds rôles. On rît beaucoup mais sans arriver à distinguer le rire franc du rire putassier, voire indigné. Et puis reste le problème de la 3D. Inutile au possible, elle n'offre aucune valeur ajoutée à un film suffisamment spectaculaire pour ça... Du coup on n'est pas tout à fait certain que Gondry se fasse pardonner par son fils...

jeudi 20 janvier 2011

Kito Sounds #3 (CKK012)

Opulence. En voilà une jolie sortie. C'est d'ailleurs pas évident de raconter quelques trucs dessus en étant bref. Voici le troisième volume de Kito Sounds. On connait l'importance de ces compilations pour le label Chez Kito kat. Elles marquent en quelque sorte des points d'étape entre les différentes sorties. C'est aussi un bon moyen de mettre en exergue l'esprit de la structure : amitié, rencontres, coups de cœur. C'est aussi le moment de faire le point sur des directions artistiques, d'intégrer des petits nouveaux qui n'ont pas encore la matière de sortir un ep ou un disque. C'est aussi une plaque de rencontre géographique, qui permet de naviguer entre le Québec, Metz, le luxembourg... Et c'est finalement un moyen pour certains des artisans de la structure de lâcher des morceaux composés en partenariat, des inédits, voire des projets éphémères. Pour la troisième édition de ces compilations, on à droit à un double disque, et plus de deux heures de musique. Deux disques qui marquent une rupture entre les deux amours et les deux fascinations du label:l'aspect rock/folk/pop et le côté plus axé sur les machines. Du coup, deux disques, nommés sobrement Words et Sounds, qui permettent de marquer une première division au sein même de la compilation. Au Mastering, l'ami Kaliayev, qui couronne l'activité amicale et bon enfant du tout, en devenant un des artisans des Kito. Et vu le côté perfectionniste du Monsieur, c'est tout vu, on lui tire son chapeau. L'emballage suit toujours la règle d'or du fait maison, avec les coutures de rigueur, avec un rendu toujours aussi intéressant (Honte à vous les Twin pricks et votre originalité).

Côté Words, beaucoup de belles surprises. La première c'est ce morceau purement hip hop avec une instru céleste que se farcit Dog Bless you, et un flow inspiré d'un poto du quebec (pour l'anecdote, un collègue d'un ancien Dead for a minute, avec qui l'un des kito buvait des bières en regardant le hockey, avant d'apprendre que le monsieur rappait quand il ne regardait pas ce sport national). La deuxième c'est Salima, l'une des trois Kito qui prend son envol et son assurance et se retrouve en featurings sur pas mal de morceaux. C'est tout d'abord la voix de Beat for Sale, le trio made in Kito qui va bientôt sortir son premier EP. Les prestations live de Beat for sale ayant apparemment été une grande réussite, dans leur kraut électro post suicide motorique ultra efficace et qui sent le tube à plein nez sur tout ce que j'ai entendu, la demoiselle assume de plus en plus sa voix et son flow, avec raison. Beat for Sale livre un on the road entrainant et basique (bouffe bouffe bouffe mon beat, ya que ca qui t'excite). Elle chante aussi en présence de No drum no moog, ce backing band pour la tournée de Twin pricks qui livre une musique bien plus robotique que ce à quoi on pouvait s'attendre (va savoir pourquoi). Et dernière surprise, on la retrouve aussi sur ce tout nouveau morceau de Kaliayev, nouvelle perle d'une rare douceur, morceau à tiroirs d'une rare efficacité qui conjugue phrasés hip hop et arpèges cristallins, sur des changements rythmiques et des mélodies sucrées à tomber. Words c'est aussi un nouveau morceau de Twin pricks, que l'on connaissait déjà par vidéos interposés, à strasbourg dans le tramway comme ailleurs j'imagine, ou alors sur scène pour ceux qui les ont vu, mais encore dans votre jardin. Un joli morceau qui laisse la part belle à la voix de Dr Geo, sur une boite à rythmes rappelant a better view, et encore une fois ce sens du tube qui cloue le bec. Des morceaux que l'on chante au bout de la première écoute, il y en a peu. Dr Geo, on le retrouve aussi en solo, et lui aussi va aussi sortir un EP dans l'année. Toujours dans cette recherche des effets, des superpositions de couches, il nous livre un morceau encore une fois à la Thom Yorke version lonesome cowboy. Côté retrouvailles, c'est aussi le retour d'Alone with king kong avec un nouveau morceau, toujours aussi évident, comme s'il chantait dans ton salon. Un spleen et une mélancolie enfantine, et des accords immédiats. Sug(r)cane et diaporama sont aussi là, l'un dans la suite de son ep l'autre dans la continuation de son electronica romancée et raffinée chantée en français (j'ai plus de mal avec ce projet). Côté nouveautés, on nous introduit les skans, les jeunes strokes messins pour faire putassier mais pourtant tellement vrai. Bienvenue aussi à Ori, et son spleen à la New order première période, entre Ceremony et truth, d'une rare justesse. Bienvenue aussi à hAll, les squatteurs d'un bar messin (copyright DBY), dans un morceau non identifié, qui commence lentement en égrainant quelques arpèges pour susurrer insidieusement un malaise palpable dans une musique distordue au mélodisme outrageux. Incompréhensible et rempli de mal être, un malaise mélodique raffiné comme on pouvait retrouver sur le split de l'Austrasian Goat avec l'Acephale. Ce morceau va me hanter pendant un bon bout de temps. Niandra Lades est égal à lui même, dans une envolée lyrique habituelle du groupe qui rappelle le dernier album du chapelier fou avec une voix à la Billy Corgan, sans savoir pourquoi j'associe les deux. Pour clore la première face, RV Mell nous invite au recueillement dans une sorte de rock filmesque bourré de samples cinématographiques, et n'évite pas le rapprochement avec Microfilm, et c'est tant mieux pour eux.


L'opulence sera de rigueur aussi sur le deuxième disque, sounds, qui lui fait la part belle aux musiques électroniques de tous bords. Les chouchous de Komparce (Dog Bless you+ Mr Bios) entament la compil sur le parc, et pousse les possibilités du duo vers un nouvel horizon rempli de claviers, en livrant une douce version electronica cosmique où les mélodies se superposent sans jamais s'entrechoquer. Raffiné, tout comme le nouveau morceau de Dog Bless you beaucoup plus feutré, articulé encore autour des claviers grésillant, et d'un beat hommage à toute une frange de la scène hip hop. Quant à cette note de guitare obsédante, je jurerais savoir d'où provient le sample. On mange des briques rouges, et lui aussi nous vend du beat, comme quoi le serpent se mord la queue dans ce morceau endiablé. Je prends les paris sur la qualité du disque à venir, et je réserve mon exemplaire, sachant que le gros chien a une marge de progression ahurissante à chaque nouvelle production. God Bless you, dog. Le troisième projet des deux larrons, c'est Mr Bios donc, qui pose sa carte de visite de responsable de l'aspect lunaire de la musique de Komparce dans une sorte de version de Thriller (je vous jure, le beat) sous LSD. Sonorités sous prozac qui s'entrechoquent et s'envolent comme si Jonas Reinhardt avait le sens du rythme. Sounds c'est aussi cette mélodie bienvenue de Maxime Robin, la partie québécoise du crew qui lamine nos oreilles avec du coton dans une version épique de la musique électronique. Chez les québécois connus, on retrouve E1000 avec un morceau d'une rare intelligence, bourré de différentes parties et qui allie rythmiques déjantés à une ambiance flottante avec une rare maitrise. Du coup, on a du mal à comprendre pourquoi il s'affuble de cette grotesque étiquette dubstep sachant que sa musique n'a rien de putassier et au contraire côtoie les sphères ambiant. J'accroche moins au morceau de Brach, qui fait dans l'electro jazzy avec une ligne de basse un peu encombrante et Artaban pêche un peu sur une production surchargée qui ne rend pas grâce a son parti pris enlevé et sa richesse sonore. Mauvaise surprise en milieu de parcours sur ce délire de Monsieur Beater, prénom kurston qui nous renvoie en pleine gueule les cauchemars dancefloor du samedi soir. Niveau découvertes, on s'attardera sur deux Ovni. Tout d'abord ce morceau drone de Main de givre d'une rare beauté glaciale, rappelant les sorties Touch par la grâce atteinte par les cordes et cette boucle obsédante et minimaliste. Deuxième grande surprise, sur 14:13, possiblement le projet de l'austrasian Goat elle même qui livre une pièce chaotique et pourtant superbement orchestrée où se côtoient quantités de plans différents, entre ambiant contemplative et claviers distordus qui font copuler les doors avec sister ray. Un grand morceau de bravoure, qui en devient obsédant. Une agréable surprise en fin de disque, avec ce morceau de fracture commençant doucement pour se terminer dans une orgie shoegaze magnifiée au son épique. Mention spéciale au morceau de Fleo (c'est encore Dr Geo, j'en suis presque certain) qui triture sa guitare dans un morceau rappelant autant le Neil Young de dead man avec un reverb d'église et une mélodie de comptine pour enfant. Sûr que Ben Chasny est jaloux. On oublie pas Millimetrik, Sample book et son amourette lancinante, Dr Hood qui fait office du fou du roi dans un morceau déjanté et Jeff qui triture ses claviers sur un morceau qui a quelque chose de naïvement terrifiant.

Il y en a pour tout le monde et cette troisième édition marque d'un sceau une grande période créative pour l'une des structures les plus agréables et les plus créatives de l'hexagone. Merci. (Chez Kito Kat).

mercredi 19 janvier 2011

King Cannibal - The Way of the Ninja

King cannibal se rajoute aux vingt ans du label Ninja tune, qui pose sur un disque ce que Ninja Tune avait décidé de ne pas sortir. L'originalité avait primé en essayant de regarder vers l'avant et de privilégier les collaborations inédites plutôt que le best of redite, et King Cannibal décide de rendre hommage à un label qui a forgé ses goûts musicaux. King cannibal livre le mix Ninja Tune. Il recompile ses vinyles, ses disques, ses mp3's et essaye à l'aide de ses machines de créer un mix d'un disque rempli à raz bord (à comprendre 75 minutes de musique) pour créer le best of Ninja Tune made in Cannibal. L'hommage à Jarmusch au passage (facile mais ça fait plaisir) et on est parti pour une heure quinze de musique dansante et futuriste, entre grosses nappes et cut ups anarchiques selons le bon gré du sieur. Pour qui suit le label depuis une paye, le mix est peut être inutile, bien qu'il permette de faire ressurgir certaines gloires du label. Un éclectisme un peu putassier parfois, avec ce besoin de balancer du rock et des guitares, car cela fait aussi partie du label (chouette). Dans l'ensemble, de jolies tranches de bonheur, et encore une fois de très belles pièces qui bénéficient d'un joli traitement et d'un joli agencement. On reconnaît pleins de choses un peu partout, sans que ça vaille le coup de revenir sur chaque passage (le site www.ninjatune.net/thewayoftheninja le fera clairement mieux que moi) et les pièces modernes les plus efficaces sont représentés. Warrior queen est encore là avec ce morceau de The Bug qui me hante decidemment et que je retrouve dernièrement partout (que Stockton revende son maxi et retourne écouter Godflesh, on ne lui en tiendra pas rigeur). L'initiative est carrément fun et bien plus entreprenante qu'un vulgaire best of et Ninja Tune prouve cette année qu'ils ont fêté leurs vingt ans comme il se devait, avec pour ligne directrice la création artistique, les rencontres et les yeux tournés vers le futur. Une jolie rétrospective qui tournera dans votre platine en enchainant claques sur claques et sons gigantesques tout en gardant le côté dancefloor auquel un tel mix aspire. On regrettera quelques passages un peu irritants où certains sons sont gardés de manière itérative pour les besoins du mix. Je vois déjà venir le camarade Damo qui préfère les sessions de King Midas Sound. (Ninja Tune)

samedi 15 janvier 2011

Horse Gives birth to fly - Tried Trails


Plutôt que de vous faire un remake de la Métamorphose de Kafka, ou encore du festin nu de Burroughs, essais qui pourraient décrire l'expérience totale qu'est la musique d'Horse gives birth to fly, on notera ici l'aspect insectoide et rampant de ce tried trails. On avait déjà parlé du combo Montpelliérain dans sa précédente livraison qui lorgnait plus vers une dark ambiant (chronique ici : http://beyondthenoize.blogspot.com/2010/10/horse-gives-birth-to-fly-ouroboros.html). Ici, tried trails est une toute autre sorte de voyage. La version rock du rituel d'HGBTF. Tried trails est du coup beaucoup plus frontal, beaucoup plus noise et surtout beaucoup plus rampant. Il grésille et grimpe et gré des volumes de guitares. Les rythmiques sont massives et s'engorgent dans des roulements de boucles tournoyantes. Tried Trails sont des rasoirs qui tournent et s'envolent, ce sont les lames de l'ensorceleur qu'il lance au dessus de sa tête tout en nous envoûtant. Si le parti pris est complétement différent et montre un autre visage de la musique d'HGBTF, l'objectif reste le même : la transe. Gros point positif que le parti pris sonore écrasant, où les larsens prennent part à la fête pour enrober le corps et le lacérer et où les cordes semblent claquer aussi fort que les coups de semonce que sont les coups sur les peaux. On pourrait être salauds, et vous vendre la chose à coups de gros noms, mais leur musique se passe de comparaison idiotes sur ce tried trails. HGBTF est avant tout le son des tôles froissées qui se rencontrent et qui copulent. Un rituel noise bien à eux, avec une énergie live décuplée. Deux visages pour une même musique prouve que HGBTF a encore beaucoup de choses à explorer, et ses aspirations peuvent partir dans plusieurs directions. On a même droit à quelques vocaux qui accentuent ce côté industriel, incantations grinçantes. On ne va pas se priver aussi d'un artwork (toujours confectionné par Miccam) vraiment magnifique, d'un gris rouillé correspondant bien au son post industriel du combo. Le seul regret finalement, c'est que les morceaux soient si courts. Les différentes explorations gagneraient à être développées sans fin. Touchante expérience totale. (Myspace)

vendredi 14 janvier 2011

Harry Brown de Daniel Barber

D'apparence, Harry Brown a tout du film réactionnaire que l'on s'empresse de cataloguer dans la sordide galerie des films à tendance xénophobe. Il est vrai que la trame de ce film de vengeur urbain a de quoi alimenter les logorrhées incendiaires : un papy, ancien militaire de l'armée britannique ayant officié en Ulster, décide d'éradiquer la terreur par la terreur suite à l'assassinat de son meilleur ami par une bande de jeunes.

Des vengeurs, le cinéma en a connu une tripotée. De Charles Bronson à Clint Eastwood en passant par Kevin Bacon, les personnages d'hommes meurtris n'ayant plus confiance dans les institutions coercitives de l'Etat ont toujours eu le regard vide de ceux qui n'ont plus rien à perdre. Récemment aussi, on a vu naître le genre de la vengeance fun et rigolote... Il faudra m'expliquer ce qu'il y a de plus "fun" dans le discours réactionnaire de Kick Ass que dans ce lui de l'Inspecteur Harry... La couleur des collants peut-être... Harry Brown, lui, vient de perdre femme et ami. Il ne lui reste qu'une boule au ventre dès qu'il sort de son appartement et des larmes pour pleurer ceux qu'il a aimé. Ses souvenirs de soldat, il les a enfouis, terrés bien loin dans sa tête.

Et contrairement à ces terminators d'os et de chaire, le personnage interprété par Michael Caine est rempli d'une douloureuse indolence. Son charisme est hoquetant, entaché par son âge et sa maladie. Le roublard cockney interprète d'ailleurs à merveille ce vieil homme qui lui ressemble un peu. Lui qui fut membre de gang, puis militaire en Corée, semble livré avec une peine sincère, un triste regard sur ce que deviennent les quartiers où il a grandi.

Personne ne remettra en cause la dignité du personnage de Sir Michael Caine même si toutes ses failles en font un faux héros presque trop inoffensif. Ce qui choque certainement, c'est cette mise en avant profonde, telle une entaille, d'un fossé intergénérationnel qui semblerait ne pas avoir de fond. Papy gâchette contre p'tits cons en mobylette en somme. Une rengaine que tout le monde connaît bien, qu'on a souvent vu et qui alimente les débats sociologiques des piliers de comptoir.

Et Daniel Barber ne fait pas dans la dentelle quand il dépeint cette jeunesse aux abois, qui crame, vole, tue sans pitié ni discernement, sans émotion et sans la moindre notion du bien et du mal. La scène d'introduction est d'ailleurs assez éloquente. Les scènes d'émeute dans la cité ont un écho tout particulier. On pense à Villiers le Bel, à Sarcelles... A cette mobilisation violente et ulcérée qui apparaît comme incompréhensible quand on n'en détient pas les codes et les enjeux. Pourtant pas question de faire de parallèle entre ici et là-bas, le contexte ne le permet pas vraiment.

Harry Brown, malgré ses défauts, n'est pas le simple film de vengeur libérateur. Tout d'abord parce qu'il apparaît bien plus comme un cri d'urgence dans le marasme social et urbain que connaissent aussi les quartiers pauvres de Grande-Bretagne que comme une rance et violente envie de tuer du jeune pour restaurer le calme. Le film dénonce cette avalanche de violence, digne d'un film apocalyptique et parfois d'un western, et questionne tant sur la réception de la violence légitime de l'Etat que sur l'incapacité de ce dernier à offrir un avenir différent à ces jeunes anglais "de souche". Car oui, il n'est pas question ici d'origine ethnique. Les jeunes sont tout ce qu'il y a de plus britanniques dans le nom et le faciès (lire un article de Rue89 sur le film), substituant donc l'axiome "étranger mal intégrés/violences exacerbées" par un plus subtile "relégation sociale/violent désespoir/délinquance et rejet des valeurs traditionnelles".

Ensuite parce que le beau ciel qui se lève au terme du film, est d'un bleu amer et moins porteur d'espoir qu'il n'y paraît. Cette vengeance, ce massacre et ces émeutes ont changé le quartier, certes, mais pour combien de temps? Et à qui a vraiment servi ce bain de sang? Si le climat semble plus serein, la condition sociale des habitants du quartier n'a pas changé et leur dénuement reste total. Tout, ou presque, reste donc à faire, Mister Brown.

mardi 11 janvier 2011

Somewhere de Sofia Coppola


2011 serait-elle l'année du changement? Du moins, ouvre-t-elle un nouveau cycle dans ma vie de cinéphile obsédé par tout ce qui sort? La question que je pose nombrilistiquement (ouf, on dirait un titre de Mylène Farmer...) fait écho à la fin de mon dernier billet et aux démarrages généralement foireux que j'ai pu connaître depuis 2007 en fait en remontant dans mes archives.

Somewhere est en effet un objet extraordinairement envoûtant sur le papier. Nouveau film d'une réalisatrice qui tranche, qui expérimente ou qui ennuie, c'est selon, objet de réhabilitation pour un des troublions trop vite catalogué has been aux vues des erreurs qui ont ponctuées sa filmographie. C'est vrai qu'ils n'étaient plus très nombreux ces derniers temps, ceux qui croyaient encore au potentiel artistique de Stephen Dorff. Lui non plus d'ailleurs. Et puis voilà qu'est arrivée cette histoire, l'histoire d'un acteur qui zone dans un hôtel chic, infantilisé par tous ces gens qui l'entourent, ennuyé par une solitude qui habite tous les interstices de sa morne vie de baiseur à tout va. Car finalement il y a bien deux choses qui semblent motiver le personnage de Johnny Marco : sa fille, à la garde de son ex-femme, et puis les filles, les blondes notamment.

Difficile pour un mec comme Dorff de ne pas sauter là-dessus. C'est un peu comme si on lui proposait de mettre sa propre vie sur bobine. Plus besoin de vraiment jouer la comédie, simplement se souvenir de ce qui nous a fait plonger, de ce qu'était cette descente. La solitude, l'ennui, l'écoeurement, le sexe facile, l'absence du moindre effort qui conduit inexorablement à l'oubli de soi puis des autres. Tout cela semblait trop beau pour l'acteur.

Et Coppola aurait eu tord de ne pas croire en lui. Dorff, son sourire de jeune premier malgré sa trentaine finissante qui commence à courir sur son front, dégage une onde lumineuse qui absorbe tout le reste, l'espace comme ses partenaires. Autant dire qu'on ne l'attendait pas si bien, si beau, si présent, si envahissant même. Sans en faire trop il comble tout les vides du scénario et ferait presque oublier la symbolique primaire de la réalisatrice.

Car à ce monstre, Coppola n'a proposé qu'un rôle et l'horizon d'une mise en scène pour l'entourer. Triste piétinement facile, le film dans sa languissante longueur vous plonge dans une marmelade chic, où la vacuité narcissique du monde du cinéma se contemple névrotiquement. Si bien qu'on finit par avoir peu d'estime pour ce travail bâclé.

Dès l'entame le film tourne en rond: Marco, dans sa belle Ferrari noire, tourne sur un minable petit circuit puis s'arrête, sort de sa voiture et tourne le dos au néant qu'il vient de créer. Soit, Marco s'ennuie dans cette vie faite de redites et de laisser aller. Il s'ennuie tellement qu'il s'endort devant ces deux blondinettes qui lui font une danse avec autant de grâce, d'adresse et de lascivité que deux guenons pendues à une liane.

Le film en devient ulcérant. L'égotisme autiste du film, qui n'a d'yeux que pour lui et son monde, invite au non sens. Incompréhensible pour le commun de concevoir qu'il soit si compliqué et inhumain d'être une star, de faire la fête et de s'envoyer en l'air avec toutes les belles créatures qui vous entourent. On a du mal à s'émouvoir pour se personnage pathétique et pour la sordide complaisance de Coppola.

Surtout que celle-ci ne se prive pas pour en rajouter. Au détour des couloirs du Château Marmont (hôtel à 370$ la nuit pour une chambre simple et 3700$ la nuit pour le penthouse...) on prend l'ascenseur avec Benicio del Toro et puis on croit reconnaître Aurelien Wiik (!!) à une soirée. Et puis parce qu'on fait les choses en famille, on invite Alden Ehrenreich, jeune acteur couvé par papa Coppola et mis en scène dans Tetro.

Oui tout ça donne franchement l'impression de tourner en rond et de se moquer, non pas de ce petit monde qui se regarde les poils de bite (ou de chatte, faites votre marché) à longueur de temps, mais de nous, auprès de qui on cherche un peu de compassion.

Décidément non, 2011 ne changera rien à la routine du début d'année même si, il faut bien l'avouer, ce Somewhere n'a rien de comparable avec un The Spirit ou un Dante 01. Seulement le film le plus radical de Sofia procure la même envie que celle qui naît chez le pas désagréable Johnny Marco: prendre notre voiture, quitter la ville, nous perdre à la campagne et regarder les paysages plutôt que les lamentations bourgeoises de tous ces gens.

lundi 10 janvier 2011

TORTOISE- Why waste time?


Tortoise continue sa mue, celle qui a commencé dès que le gang de Chicago a un jour graver un morceau sur un sillon, et qui n'a cessé depuis d'être. Why Waste Time a tout de l'ep pirate, parce que sorti uniquement sur un label japonais, parce qu'aucun disquaire digne de ce nom ne peut l'avoir dans son bac à disques, et puis parce qu'il se revend déjà à prix d'or sur le net. Le nec plus ultra de la part d'un groupe qui se revendique de Can, de Dilla, de Sly & Robbie,de Earth (j'en sais rien en fait), des minutemen, qui se fait remixer par Autechre depuis 20 ans, se situe tout de même dans cette pochette qu'on dirait repris d'une cassette de black des années 80, ou d'un dessin non retenu de Savage Pencil: écriture gothique et hémoglobine dégoulinante. Depuis la rétrospective passionnante que le groupe a sorti en 2006, Tortoise semble s'orienter de plus en plus vers une musique où la recherche de la place du clavier au milieu de l'orchestre rock ne cesse de se développer, un peu comme le fait Reznor depuis With Teeth (oooouuuuupssssss!!!!!). Le morceau d'ouverture commence sur un beat qui s'emballe, à la production saturé et aux infrabasses cannibales. Le rythme rappelle que les 5 ont, fut un temps, sorti un disque chez Warp, les nappes congelées emportant avec elles la BaR d'un dub d'une autre époque. La suite a tout de la digression de Kevin Drumm lorsque celui partagea l'affiche avec Tortoise en 2008 pour le festival de Jazz à la Villette, comme un enregistrement échappée de la soirée, tout en s'écroulant sur Gigantes, prodigieux morceau de l'album précédent, remixé par Mark Ernestus devenant ici plus obsédant encore. La musique instrumentale (NIN devrait en prendre de la graine- re-Ooouupsssssssssssss!) de Tortoise vient se terminer sur un medley de séquences plus ramassées, entre le jazz rock et l'électronique décomplexé typique des 5, toujours propulsé par cette improbable science du son et de l'acoustique que McEntire, batteur et producteur du groupe (et non seul membre tyrannique comme Trent- Ooooupsss -ter), continue perpétuellement d'affiner. Sans réellement savoir d'où sortent ces titres (promo, disponibilité....) on se délecte de ces 4 morceaux ( et 3 vidéos, 2 lives et un clip) tout en se rappellant que Mr Maandig devrait s'en inspirer (Oooouupsssssss) !

Yann Tiersen - Dust Lane

Le débat Yann Tiersen est toujours aussi marrant. Il y a ceux qui l'adorent (en majorité ceux qui ont adooooooré la BO d'Amelie Poulain) et trouve sa musique fascinante. Il y a ceux qui le détestent et qui en plus de le trouver pompeux le trouvent mauvais. La vérité se situe quelque part entre les deux. Vérité que je ne prétends pas détenir, étant très peu intéressé par les travaux du bonhomme. En le prenant comme ce qu'il est, une sorte de digestion pop et propre sur elle d'une frange des musiques expérimentales, Yann Tiersen compose parfois de bons disques, des disques qui s'écoutent. Des disques toujours propres sur eux, où jamais l'expérimentation ne semble aller trop loin et où certaines digressions bienvenues sont vite sabordées par une ligne de chant pop vomitive, ou encore des pianos en jouets enjoués. Une musique loin d'être fondamentale, et qui se passe surtout de la moindre intellectualisation, mais qui arrive quand même à vivre par elle même, au travers de jolies pièces. Ces pièces sont d'ailleurs les seules qui survivent au temps, car lorsque Tiersen amasse les pistes et superpose les influences et les instruments, sa production synthétique semble dégueuler de manière insipide et surtout irritante. Yann Tiersen devrait se contenter de la simplicité, et de ne pas vouloir être un compositeur expérimental pour personnes qui n'écoutent pas de musique expérimentale. A chacun son public en quelque sorte. Pourtant Dust Lane éveillait la curiosité, tout d'abord avec ce maxi Palestine en guise de lame de fond sonore, ou Yann Tiersen semblait capable de s'entourer de musiciens variés et modernes : chapelier fou, matt eliott qui exhumait third eye foundation, oktopus de dälek (qui semble définitivement trouver un nouveau terrain de jeu avec la production de musiques plus pop). Palestine est clairement la meilleure pièce de cet album. Une pièce simple et bien écrite, qui avance en scandant ces quelques lettres et qui fait mouche par la rondeur et la chaleur de ces mélodies bien écrites. Ensuite, la piste titre rappelle les mêmes ambiances et monte peu à peu en puissance (pour finir de manière assez cacophonique d'ailleurs, entre étirement de samplers et brouhaha vocal superposé, où l'on distingue des cymbales dans ce méli mélo musical) dans une veine toujours très distinguée. Dust Lane pourrait faire mouche, si c'était un disque de folk. Dust Lane pourrait faire mouche si la globalité du disque n'était pas cannibalisée par des influences non assumées (Dark Stuff donne la sensation que Matt Elliott habite le morceau, confirmation?) et indigestes. Pourtant, au sein des morceaux, des passages font mouche, de part leur simplicité et leur capacité à aller au grain, sans déborder de manière putassière. Chaque morceau présente son heure de gloire, mais yann Tiersen veut trop en faire. Dust Lane est bourré à craquer, dans ses pourtant courts trois quarts d'heure qui sont parfois imbuvables. Dust Lane est le disque qui exprime clairement le problème de la musique de Tiersen. Pompeuse, avec l'effet de trop, mais qui pourrait pourtant être si jolie si elle aller à l'essentiel. Rabattez vous sur le maxi de Palestine, qui en vaut clairement la peine. (Mute)

dimanche 9 janvier 2011

Stateless - Ariel EP

Derrière cette pochette rose se cache un bonbon d'accueil d'hôtel. Ces bonbons petits aux goûts indéterminés, entre menthe, eucalyptus et fraise qui sont aussi insipides que le sourire du réceptionniste. La version album commence plutôt bien, avec ces rythmes ethniques et les sonorités lourdes qui se rajoutent peu à peu, kick pattern sur cette mélodie orientalisante. L'entrée de la voix est même salvatrice, vu qu'elle échappe aux possibles écueils du genre. On tient un tube, certainement. Malheureusement Stateless le saccage. Le refrain est insupportable, aigu et plaintif, sur une sonorité dubstep domino. On rajoute à cela un programmateur qui s'amuse avec sa Roland, et le pattern du haut (vous savez, ce pattern qui fait du bruit lorsque vous passez la main au dessus, kikoo loool), dans un but inconnu. Un joli emballage pourtant, ravagé par le manque de concision. On passe sur le premier remix, qui lui aussi s'est payé une Roland récemment, et qui a le mérite d'être court. Dark Sky lui donne un nouveau souffle au morceau en emballant un peu le tempo et en lui donnant des allures de teuf jungle, rendant les harmonies vocales complétement en trop, et finalement insupportables au bout de six minutes. Le morceau a pourtant un corps dancefloor un peu tuning qui pourrait largement plaire aux fans de Makina et autre gaietés espagnoles (et oui, on se cultive comme on peut à l'étranger).
Deuxième long remix pour Midland's inflight, qui donne une saveure particulière au morceau. On oscille entre une house minimale et une electronica onirique, quelque part entre les différents travaux de four tet, comme si pause avait copulé avec le dernier disque (recommandé d'ailleurs). On se prend au jeu et ce morceau labyrinthique relève à lui tout seul le niveau du maxi, et donne une vie à ce morceau. (Ninja Tune).

samedi 8 janvier 2011

Bang on! - Hands High

Avec un nom pareil, et une pochette sortie tout droit du Looking for Eric, on ne peut pas se tromper sur la marchandise. Des bons britons d'une banlieue industrielle en friche qui ont la bougeotte. J'aurais imaginé des types rasés qui apprécient par dessus tout la bière amère (plus c'est chaud, meilleur c'est) se buvant en fiole, et qui l'urinent le samedi au stade sur les bourgeois se payant des places bien chères à côté du terrain, pour voir le Liverpool animer les foules. Hands high est sa déclaration de guerre grime, brulot dubstep qui claque qui rappelle la dernière mouture d'High Tone sur l'instrumental, tout en mélodies saillantes et rebondissantes. Au niveau du flow, typique de cette nouvelle vague hip hop encore mal identifiée, proche d'un roots manuva qui aurait avalé de travers (sa bière, vous suivez bien). La vie à Liverpool a l'air d'être un enfer. Fut un temps où la révolte était Public Enemy, voire boogie down production, et je serais pas étonné que ces nouvelles productions sonnent l'avènement d'une nouvelle vague. L'époque est différente, les armes aussi. Gros tube malgré les clichés. (big dada)

vendredi 7 janvier 2011

Zeitkratzer - Alvin Lucier

Suite à la magie que recélait l'hommage à Whitehouse, l'interêt porté sur les musiciens et leur catalogue s'est accru. Il sembleraient que leurs travaux hommages s'articulent autour de deux principales branches. L'une des deux est un travail sur certains compositeurs ayant repoussé les limites du son et de la composition, dans une veine dite ''old school''. On englobera les travaux en hommage à James tenney et John Cage, en attendant les sorties sur Morton Feldman et Stockhausen. Ici, Alvin Lucier est au centre des débats. Lucier est un physicien de la musique minimaliste, et a crée une des approches les plus modernes de la musique en déviant du propos originel et en étudiant l'impact des sons sur un espace, mais aussi de l'espace sur le son. Les cinq pièces que nous propose ce disque ont été travaillées live avec la participation d'alvin Lucier lui même qui permet au Zeitkratzer de jouer avec ses propres concepts. Des répétitions de sons, de longs drones, des pianos dissonants et des instruments qui dévient de leur propre création originelle pour user l'auditeur et apporter un impact physique. Pas étonnant que Zeitkratzer s'intéressent aussi aux déviances industrielles qui sont en quelque sorte l'héritage de la musique de Lucier, dans la recherche continuelle d'une transe et surtout du son comme vecteur. Difficile de ne pas théoriser la musique d'Alvin Lucier pour pouvoir en comprendre les tenants et les aboutissants, vu qu'il repousse la vision que nous avons d'une composition musicale. La musique de Lucier vit et revit à travers l'agencement et la disposition des instruments, et leur manière d'interragir. Une étude sur les tempi, sur les arythmies, sur les dissonances, sur les accords et sur la façon dont plusieurs instruments (voire objets) peuvent vivre différents lorsqu'ils sont en présence l'un de l'autre. L'acoustique devient le point central du travail de cet hommage, avec la façon dont un instrument peut réagit à l'introduction d'un nouvel objet et ce dans une pièce qui permet au son de vivre. Douces sonorités religieuses et mantras à la Charlemagne Palestine se mélangent à assauts plus dissonants et volontairement désagréables. On entend quelques éternuements qui donnent à la prestation live des allures de messe. L'interêt des covers prend tout son sens avec Alvin Lucier, qui conceptualisait d'abord sa musique avant d'en créer l'essence. Elle peut donc être soumise à différentes interprétations (dans un pur respect des normes initiales) et se transformer au gré des endroits et des musiciens. Une base fondamentale pour un grand nombre de musiciens plus modernes et de musiques moins exigeantes, notamment le dub (voué à perpétuer une tradition de remix) mais aussi la discographie de Coil qui pousse la composition dans ses retranchements les plus bruts avec le choix de pièces non figées. Analogie qui est loin de paraître incongrue aux vues de ces longs drones inhumains et qui s'auto alimentent rappelant les travaux minutieux de Time Machine. Au final, divers travaux sont ici présentés, qui essayent de synthétiser les différentes expérimentations d'Alvin Lucier, entre compositions strictes et pièces plus libres. Un joli travail de titan encore une fois, qui a inspiré un grand nombre de musiques modernes. On songe alors (pour faire putassier) au DVD de neurosis pour A sun that never sets qui serait une tentative foirée d'occuper justement l'espace différemment grâce à leurs compositions et à la géographie. (Zeitkratzer)

jeudi 6 janvier 2011

The Third Eye Foundation - The Dark

Le retour aux affaires de Matt Elliott sous son projet the third eye foundation est quelque chose d'aussi inespéré que naturel. Il avait récemment sévi sous ce nom pour une poignée de remix aux côté de différents artistes mais semblait pourtant avoir mis au placard cette partie de sa musique depuis longtemps, en explorant l'aspect folk des carpathes sous son nom. Matt Elliott semblait avoir besoin d'aller plus loin, de varier les essais et surtout de s'éloigner de cette musique guerrière flirtant entre ambiant et drum n bass qu'il avait crée sur Ghosts. Mon partenaire avait signalé sur la chronique de sa rétrospective Collected works qui reprenait ses trois disques et quantités de live et inédits, l'intelligence de la musique de Third Eye foundation, capable de se renouveler en s'alimentant de ses propres sonorités passées. On sent chez Matt Elliott une intelligence de la discographie dans son ensemble, comme si les choses évoluaient naturellement chez lui. Le travail de l'anglais devient en quelque sorte cannibale en mangeant son propre vécu pour toujours recréer et aller de l'avant. Et c'est finalement ce qui saute à la gorge à l'écoute de cette nouvelle galette. Retrouver les sonorités agressives et dépressives de ghosts n'est pas le but de son créateur. Mais revenir sur la friche laissée par little lost soul en poussant encore plus loin l'attrait qu'il a eu pour cette musique calmée et profondément triste, où les rythmes sont découpés de manière feutrée pour mieux servir la diversité instrumentale et insister sur une profonde mélancolie. C'est ce que fait matt elliott dans the dark. Encore plus loin, encore plus profond et encore plus triste, sans se singer ou utiliser des gimmicks périmés. The Third eye foundation est actuel, et navigue au cours de ses quatre premières pistes qui n'en forment finalement qu'une au gré des ambiances de little lost soul qui aurait appris des cordes et des boucles superposées du projet folk de matt elliott. Deux guests pour ajouter encore plus de couches à cette ambiant fantomatique et rythmée (Chapelier fou le violoniste et manyfingers) se rajoutent à la fête. Quatre pistes pendant lesquelles Matt elliott nous dévoile un paysage aride et pourtant confortable, sans soubresauts, entre rythmes de velours qui peu à peu accélèrent par dessus ces chants d'opérette et qui se transforment sans jamais aller bien loin. Une dernière piste cathartique, bien plus proche de Ghosts, qui se permet de tapper plus fort et d'enlever un peu le faux rythme de tout l'album en sorte de réminiscence de ce à quoi ressemblent les finaux des concerts de Matt Elliott. Quoi qu'on puisse lire ci et là, un grand retour, dans un grand packaging, et une pièce de plus à une œuvre complètement cohérente. (Ici d'ailleurs)

mercredi 5 janvier 2011

Sug(r)cane - Under the sea (CKK011)

Content de revenir aux affaires avec de nouvelles sorties Chez Kito Kat. Le label a eu une grosse activité en 2010, et a enrichi son catalogue de quantités de sorties. On sent que le label trouve son rythme de croisière au niveau des sorties, tout en gardant ce côté amical et coup de cœur dans les ''signatures'' (ne vous méprenez pas sur le terme bien entendu). Pour un bilan de la structure, 2010 est une excellente année et vu naitre quantités de jolis objets, de nouveaux projets, et d'évènements en tous genres (concerts, collaborations avec diverses formes d'art etc...). Pour la onzième sortie, c'est le projet luxembourgeois qui s'y colle, projet au nom qui me chiffonne d'ailleurs pas mal. Canne à sucre aurait été prononçable, mais là, ce a manquant au milieu du nom me tracasse à chaque fois que je pense le nom à voix haute. Du coup je ne pense plus Sug(r)cane. Je pense à cet objet avec l'ours polaire qui nage sous la mer, et à ces lamantins qui illustrent l'insert (je crois que ce sont bien des lamantins hein). Et je nage. Avec eux. Car finalement c'est ce qu'ils nous invitent à faire au cours de ces 40 minutes. Nous immerger dans leur trip rock teinté d'electronica, voire d'influences hip hop (youth). Je dois le dire je la redoutais un peu cette sortie, ayant été floué sur la qualité avec le dernier Saycet, et ces chants horribles. Du coup, du rock teinté d'electronica avec un chant féminin qui déballe un onirisme marin, ça avait de quoi me faire trembler (bon, dit comme ça je passe pour un pleutre). Et under the sea nous fait comprendre certaines choses sur les exigences d'un disque de la trempe. Premièrement, ce qui rebute c'est l'excès de lyrisme, et le côté plaintif que peuvent avoir ce genre de galettes, avec excès de pathos et mélopées au piano sur fond de violons couinards. Under the sea n'en présente pas. Ils préfèrent agencer certains beats de manière savante sur fond de sonorités acoustiques, tout en assumant leurs influences abstract et leur sens du rythme et en n'ayant aucun problème à sampler ci et là. Ensuite, les voix. On a toujours peur de se retrouver avec une connasse (il n'y a pas d'autres mots) qui vocalise aussi bien que ta mère qui fait de la pâtisserie et qui en fait des tonnes parce que là elle est enregistrée. Ca n'est toujours pas le cas ici. Diversité des choix, et surtout ces variétés d'ambiances permettent à la voix de s'approprier plusieurs ambiances. On pense à ce sunny day plus enlevé rythmiquement qui s'exprime avec a production jazzy et feutrée et où la voix de Deborah joue sur les répétitions et sur la musicalité des échos. Sug(r)cane est intelligent, et c'est surement ça qui leur permet de livrer une musique personnelle dans une scène vomitive et bourrée de clichés. Les morceaux sont suffisamment longs pour évoluer, et savent où ils vont. La production est plus que bien foutue, avec cette sensation de bulle sonore assez protectrice (savourez moi ce dernier morceau évolutif à l'esthétique ambiant plus que fascinante) qui permet aux rythmes et aux delays de ne pas percer le tout. Une interlude qui est plus une introduction à sunny day, et le reste passant la barre des sept minutes, de quoi nous faire savourer un velours qui réchauffe en ce début d'année et de tisser une toile de fond plus que confortable. (Chez Kito Kat)

Alamaailman Vasarat – Huuro Kolkko

Huuro Kolko est cet aventurier fictif des temps anciens, une sorte d'archéologue qui voyage dans le monde et qui récolte ces insectes qui servent de pochette au nouveau disque des finnois. Un concept album donc, avec une pochette étiquette qui se rapproche dangereusement de la pochette d'un des disques de Syd Barrett (la preuve) . Vasarat est un groupe de jazz moderne, qui à la base d'un line up purement jazz (quasiment klezmer) essaye de retranscrire la diversité et la richesse de ses influences dans une version extrême et endiablée de cette musique festive. Fut un temps où Vasarat dynamitait ses influences jazz à l'aide de grosses guitares et transformait ses morceaux initialement festifs en foudre de guerre métalliques. Aujourd'hui Vasarat n'a que faire de ce cross over vu et revu. Vasarat est unique. Sa musique pour ce cinquième disque l'est plus que jamais. A la fois plus proche de ses racines, et plus apaisé, Vasarat se permet aussi de transformer ses pièces en une sorte de quantités de petits voyages internes et de livrer une sorte de BO au voyage de Monsieur Kolkko. Pas assagis pour autant, mais pourtant capable de plus de diversité, mais surtout de plus de mélancolie dans cette musique festive pour les gens tristes, un peu à l'image de Kusturica. Une unité dans la diversité qui permet à Vasarat d'explorer toutes leurs influences tout en recrachant une bouillie unique, avec passages grandiloquents moins rentre dedans que ce qu'ils faisaient au début (Natiivit). Plus court, plus concis, moins épuisant et téléphoné que ce qu'ils faisaient avant, Vasarat perd en surprise ce qu'il gagne en impact et en musicalité. Car c'est bien le mot qui exprime le mieux la qualité de ce nouveau disque. Musical et varié, plus intelligent, et justifiant la décision d'un concept album. Un peu tard donc, retour sur ce disque passionnant d'un groupe passionnant.

mardi 4 janvier 2011

Black Lung - The Soul Consumer

Doit on prendre au sérieux les choses que l'on peut lire sur Black Lung ci et là ? Son géniteur aurait gouté à la chair humaine en Ukraine et depuis ce jour son obsession aurait été de pouvoir y regouter, mais aussi de pouvoir s'en priver. Il se serait exilé à la frontière Andorrane, dans notre beau pays, et aurait donc profité de ce lieu propice au calme pour profiter des dons de chair fraiche (bien entendu dons rime avec libre arbitre). Les donateurs (dieu les bénisse?) auraient assisté aux sessions et auraient influencé la composition de ces morceaux. Un beau programme de vampirisme pour ce consommateur d'âme.
Vingt ans d'activisme au sein de la musique électronique et industrielle, vingt ans d'évolutions en tous genres et de renouvellement de sa propre architecture sonique pour un premier album chez Ad Noiseam.
Il est trompeur ce disque, pleins de contradictions. Black Lung boursoufle ses beats pour délivrer des morceaux de teuf presque anachroniques, technoides et rampants et les accole à de grandiloquents passages ambiant, voire industriels. Une energie rock dans les passages les plus enlevés, un peu à la Nine Inch Nails qui composerait encore des choses valables, avec ce côté imparable du tube, qui fricote avec la gravité des musiques plus exigentes (night spend dreaming, ou encore quantités de sons triturés au sein du disque). On ne croit pas si bien dire pour Nine Inch Nails, avec cette sensation que ce même tube d'Iggy pop a été samplé sur brazen cellar stomp, qui rappelle evidemment closer, dans une version presque Pan Sonic. Un gros bordel moderne, expérimental et pourtant diablement efficace. Ce qui regroupe tous ces morceaux, c'est l'aspect frontal de la musique de Black Lung qui vit et revit à travers ces sonorités mortes et inhumaines. Pas vraiment de répit dans la surenchère, et lorsque l'on pense tenir notre accalmie bienvenue, Black Lung nous renvoie des distortions en tous genres pour mieux enfoncer la lame dans notre chair. Un disque qui parle au corps, un disque charnel et venimeux, qui rappelle ce que l'on préfère dans la musique moderne, allant de Neu à Throbbing Gristle en passant par Prodigy, Nine Inch Nails et les sex pistols pour l'aspect haineux et décontracté. Black lung rend sa copie, et déclare la guerre. Rassurez vous, il assure être revenu à des habitudes plus...''végétariennes'' depuis. Favori. (Ad Noiseam)

dimanche 2 janvier 2011

Marilou sous la neige ou la mélancolie des classements de fin d'année


Comme la Marilou de Gainsbourg, cette année s'est éteinte sous la neige (pas très) carbonique de l'extincteur d'incendie... Et c'est à l'heure où le givre et les bûches au beurre encombrent nos routes et nos estomacs que tous les magasines ou autres sites culturels nous abreuvent de leur classement de l'année, leur top des meilleures choses qu'ils ont vues ou entendues. Étrangement, lorsque la fin de l'année approche, c'est à toutes les choses que je n'ai pas vues que je pense. Tous ces films que j'ai raté, parce que pas d'argent ou pas de temps ou pas l'occasion tout simplement. Tous ces ratés qui me minent jusqu'à leur sortie en dvd. Alors je les regardes sur leurs estrades, grommelle un peu et maugrée quelques monosyllabes de ronchon patenté qui n'a qu'une hâte: qu'on lui offre un bon illimité pour faire une razzia dont tous les vendeurs de supermarché culturel se souviendront.

Films ratés... C'est tout de même très difficile à avaler quand on sait que je suis allé au cinéma 125 fois cette année (pas mon record si vous voulez savoir...). Au rayon des grands oubliés de l'année, des "à côté" qui font pousser des soupires honteux on retrouve quand même de sacrées pointures... La plus grande étant certainement le dernier Fincher, The Social Network. Ouais c'est le moment où vous vous dites "tss et après ce con se permet de faire des chroniques ciné alors qu'il a même pas vu le meilleur film de l'année". Ce qui se défend. Ce qui se défend encore plus si j'ajoute à cela que j'ai également raté Agora, le dernier Amenabar, Invictus d'Eastwood, A Serious Man des frères Cohen, Mother de Joon-ho Bong, Liberté de Gatlif, White Material de Denis, Life During Wartime de Solondz, Mourir comme un homme de Rodrigues, Lola de Mendoza, Film Socialiste de Godard, Air Doll de Kore Eda, Carlos d'Assayas, Submarino de Vinterberg (celui là je m'en veux assez particulièrement parce que je le guettais depuis des mois...), Hors la loi de Bouchareb, Biutiful d'Iñarritu, les Mystères de Lisbonne de Ruiz (apparemment Le meilleur film de l'année), Venus Noire de Kechiche, Potiche d'Ozon, Outrage de Kitano, Faites le mur de Banksy (voir mon précédent post...), Another Year de Leigh et j'en passe...

La liste des films ratés est en fait au moins aussi longue que celle des films que j'ai pu voir... Rajoutons aux quelques immanquables oubliés les block busters populaires Karaté Kid, Les Petits Mouchoirs, Twilight (j'ai quand même vu le deux hein...), Robin des Bois et autre Harry Potter (pas eu le courage d'aller au delà de celui de Cuaron) et vous obtenez quand même un résultat fort impressionnant qui pourrait me disqualifier à tout jamais du rayon des clones cinéphiles... Il n'en reste pas moins que j'ai quand même eu une année bien remplie niveau cinéma et que je n'ai pas démérité notamment en ce qui concerne les festivals et les inédits, les petites perles qui resteront peut être introuvables sur les écrans.

Mais tout de même... Ne pas avoir vu le dernier film de Jane Campion ou le dernier Woody Allen qui restait sur un Waterver Works d'une rare subtilité et d'une grande drôlerie, c'est la loose quand on se revendique amateur de cinéma... Mais bon visiblement, ma participation intense (et insuffisante, c'est bon j'ai compris) n'a pas freiné les cinéphiles que vous êtes, bien au contraire. Cette année encore la fréquentation des salles bat un nouveau records et dépasse les 203 millions de places vendues. Un chiffre exceptionnel, pas atteint depuis le début des années 80. Un chiffre d'autant plus exceptionnel que cela fait des années qu'on annonce la mort du cinéma pour plusieurs raisons.

La première relève de la technique en elle-même. En effet, la révolution numérique apparaît aujourd'hui pour certains comme la mauvaise chronique d'une mort annoncée, mettant à la porte les projectionnistes, la pellicule, bref tout un savoir faire qui deviendra juste une lubie de mémorialistes et de nostalgiques. Ne nous y trompons pas, le numérique n'est pas en train d'assassiner le cinéma, il est juste en train de lui faire vivre un tournant, un peu comme le parlant l'a fait avec le cinéma muet. Il s'agit ici d'un changement de support, qui s'il signe la disparition future de la pellicule ne signe pas la fin des images et de leur mise en forme.

D'autre part, il existera toujours quelques zozos, iconoclastes fous, malades de génies qui feront vivre encore et encore, mélangeant nostalgie, irrévérence et innovation, les techniques du cinéma des premiers âges et des âges intermédiaires. Me vient à l'esprit le nom de ce cinglé de Guy Maddin (assurément l'un des cinéastes les plus importants du cinéma contemporain), maître es-résurrection du muet et du noir et blanc. Je ne peux que vous inviter à découvrir l'oeuvre passionnante, mélancolique et sexuelle de ce canadien. Tales From The Gimli Hospital, Archangel, Et les lâches s'agenouillent, The Saddest Music In The Word sont autant de segments improbables, drôles et oniriques, hommages à ce cinéma disparu qu'il ne cesse de réactualiser avec vigueur et intelligence. Je ne serais pas le même accro sans Careful, film magnifique, éloge libéré de la création, pied de nez formidable à la moiteur des productions actuelles, radicale déclaration d'amour d'un artiste pour son art.

La seconde relève de ce putain de téléchargement. Depuis des années en effet, les chantres de la production annoncent qu'ils vont devoir tailler dans le vif et sacrifier les films les plus radicaux pour survivre. Le fait est que le cinéma ne s'est jamais aussi bien porté au niveau des entrées, que la 3D, déviance visuelle capitaliste plus que progrès réel de la technique au service de l'image, génère des profits ahurissants. N'y voyez tout de même pas une invitation au téléchargement illégal. Je considère personnellement cela comme une ânerie qui ne met certainement pas en danger les salaires des acteurs et des producteurs (pour l'instant) mais qui met une pression énorme sur les salaires des intermittents du spectacle, obligés de se prostituer dans les émissions de téléréalité et de se faire payer au lance-pierre. Le danger vient d'ailleurs plutôt de cette télévision qui a pour obligation de consacrer un certain pourcentage de ses bénéfices à la production cinématographique et qui, vous l'avez remarqué, ne diffuse quasiment plus de film en prime-time... Ce qui devrait la pousser, par un lobbying aisé vu les liens de notre président avec la direction des chaînes privées, à chercher à faire disparaître cette obligation ou tout du moins, faire baisser son pourcentage, mettant par là-même en danger le cinéma français.

Mais nous n'en sommes pas là et, au bout de ce long article qui ne chronique presque rien finalement si ce ne sont quelques états d'âmes passagers qui squattent mon dimanche matin, vous attendez peut être un "classement" des meilleurs films que j'ai pu voir cette année... Bah oui, finalement on a beau trouvé ça un peu con, relevant presque d'une névrose nostalgique et maniaco-dépressive, on aime bien faire son petit rangement de fin d'année, histoire de.

Je retiendrais donc de 2010 du rire tout d'abord, avec le déjanté I Love You Phillip Morris et le savoureux Four Lions. Des larmes aussi (ne me remerciez pas pour le poncif) avec le somptueux A Single Man de Tom Ford ou La Pivellina du couple Tozzi et Frimmel. Je retiendrais également des voyages. Mystique et sensoriel comme celui qu'a proposé Winding Refn avec son Valhalla Rising. Déroutant et mélancolique comme Mammuth du tandem Kervern et Delépine. Épileptique et complètement dingue comme Enter The Void de Gaspar Noé. Sensuel et italien en compagnie de Juliette Binoche comme le Copie Conforme d'Abbas Kiarostami. De l'initiatique, avec la traversée de la Géorgie par le jeune Tedo, dans l'Autre rive de George Ovashvili, un des coups de coeur de l'année.

Il y aura eu de la terreur grâce à Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, brillante revitalisation plus qu'un simple hommage au giallo. Du suspens, avec le dernier film de Roman Polanski, The Ghost Writer. 2010 aura également été une belle année pour le cinéma d'animation, avec l'Illusionniste de Sylvain Chomet, le tonitruant Fantastic Mister Fox de Wes Anderson (assurément l'un des tous meilleurs films de l'année) ou encore le retour de Toy Story dans un troisième épisode tout simplement génial. Enfin, cette année aura eu son lot de transcendance divine avec le très réussi Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois ou encore son film pop-érotico-apocalyptique avec le Kaboom de Gregg Araki.

Bref, vous l'aurez compris, j'en aurais vu plus il aurait fallu que j'écrive un bouquin plutôt qu'un article... J'ai maintenant hâte de commencer l'année 2011. Par une bonne merde, comme l'an dernier avec Rec 2, comme 2009 débutée avec The Spirit et comme 2008, que j'avais entamé avec Dante 01...