mardi 21 février 2012

KING MIDAS SOUND, IKONIKA, KODE9- La Machine, Paris

Second passage parisien pour King Midas Sound, seconde claque mesquine dans les oreilles pour les curieux. Premier concert 2012 ici, déjà une ouverture référence. Martin est venu chercher son trophée, celui que tout le monde a appelé "héritage trip hop" en alignant les souvenirs de Blue Lines ou de Maxinquaye (relativement justifié pour le second). De fait, King Midas Sound sur disque faisait penser à une version apaisé d 'Under the Skin, premier album séminale mais méconnu d'Ice, visiblement saigné par Thaws. Devant un parterre venu assister à une messe dubstep bon goût, Martin, Hitomi et Robinson sont venus faire saigner les oreilles. Via un set relativement court, le trio a pris le temps de brasser son passé (Waiting for you), son présent alternatif (Catch A fire, signé The Bug) et son avenir. Guerre sonique, débauche de bruits et de basses, beats concassés et dégradés, Martin détruit systématiquement son vernis dub par l'excès de sons distordus et de nappes envahissantes. Punition. Magnifique agression face à laquelle il ne reste que deux possibilité: la soumission ou le rejet. Avant deux DJ sets dancefloor friendly parfois longs, King Midas Sound s'est imposé comme une entité passionnante et aventureuse, sabordant elle même ses acquis pour redéfinir son futur.

vendredi 17 février 2012

The Iron Lady de Phyllida Lloyd

Les hasards de l'histoire ou bien ceux d'une résurgence conservatrice ? Pourquoi faire un film sur Margaret Thatcher aujourd'hui, à l'heure où l'ultralibéralisme qu'elle a toujours défendue se débat pour protéger sa légitimité, tente de convaincre encore et toujours, avec plus de hargne et de virulence que jamais, qu'il est le seul système naturel pour l'épanouissement des ambitions humaines ? The Iron Lady se détourne très profondément de cette question ou du moins, feint de le faire et s'élance sur un parti pris scénaristique qui n'a rien en commun avec le caractère trempé de la vieille dame qu'il est censé nous dépeindre.

Il fallait s'y attendre, à l'instar de La Conquête qui narrait dans un mimétisme absurde l'ascension de Sarkozy, The Iron Lady est loin d'être un brûlot politique. Il est encore moins une analyse de l'Angleterre des années 80. La réalisatrice Phyllida Lloyd a choisi de voir la vie de Thatcher à travers le regard de la vieille dame sénile et malade qu'elle est aujourd'hui et d'exhumer ses souvenirs de jeunesse et de pouvoir. Et c'est un bien regrettable angle d'attaque, aux antipodes de l'histoire de cette femme.

Ni enquête à charge, ni hagiographie dégoûtante, le film cultive une laideur tant intellectuelle que formelle. Redoutant peut-être de froisser quelques bourgeoises mal dégrossies qu'elle avait séduit avec son infâme Mamma Mia !, Lloyd adopte un regard concupiscent et particulièrement impudique, cherchant vainement à agripper la compassion du spectateur. Sa Thatcher est une grand-mère qui perd la boule, encore traumatisée par la perte de son mari pourtant mort il y a des années de cela. Ce prisme de la folie douce et hallucinatoire rend les séquences de souvenir particulièrement irréalistes, non pas dans le sens où elles apparaîtraient comme non conforme à l'idée que l'on s'en fait, mais comme relevant d'un anachronisme perpétuel et d'une tendancieuse manie de ne pas vouloir faire du cinéma. Car, disons-le, en refusant toute analyse sociale, politique ou culturelle de l'Angleterre que Thatcher à traverser et du personnage même, Lloyd refuse le cinéma et le confine à une impuissance politique indécente.

Pourquoi ce refus de l'engagement et de l'analyse ? Que montre t-elle ? La construction d'une jeune fille d'épicier qui rentre à Oxford et s'éprend pour la cause conservatrice? A peine. Et par quel moyen ? D'ignobles flash back qui refusent d'entrer dans la complexité d'une vie, qui refusent de s'interroger réellement sur les processus sociaux et introspectifs de cette femme. Lloyd est piégée dans un scénario qui cherche à tout pris la compassion déplacée pour une personne qui mérite bien mieux que cet acharnement sentimentaliste, qui, par les actes et les engagements qu'elle a eu, mérite qu'on décortique les politiques qu'elle a défendues, la façon dont elle les a menées, la terreur qu'elle a fait régner, le monde qu'elle a contribué à instaurer.

The Iron Lady passe à côté de tout cela. Ni féministe, ni antiféministe, ni travailliste ni conservateur, ni élogieux ni incendiaire, ni politique ni désintéressé. A force d'empiler les "ni", cette biographique très vilainement montée (et aux cadres très approximatifs) finit par ressembler à tout ce que son personnage principal n'est pas (et tout ce qu'il n'a pas voulu être ) : un consensus mou qui refuse de dire sa vérité et louvoie sournoisement dans les abîmes fangeux de l'incohérence esthétique, politique et cinématographique. 

lundi 13 février 2012

GESCOM-Skull Snap

Quelle période faste pour les fanatiques d'Autechre. Depuis 2 ans, le groupe ne cesse de produire et publier des disques sous toutes ses formes. Deux albums en 2010, un coffret pour complétiste ensuite, puis un EP de Gescom et la réeditions de Lego Feet: période aussi importante pour les détracteurs que les fans hardcore et admirateurs critiques- qui trouvent ici une pièce de choix. Gescom est l'incarnation la plus trouble du duo, puisqu'officiellement présentée comme un collectif anonyme auquel les deux participeraient de temps en temps, au coté de Russell Haswell (qui était très probablement l'architecte principal de MiniDisc) et Rob Hall parmi une vingtaine d'autres. En toute logique, la musique de Gescom est la plus éparpillée au gré des enregistrements, allant de la noise expé au hip hop électronique en passant par du hardcore old school. Si la participation de Booth & Brown est donc totalement incertaine, elle semble pourtant bien effective, tant les sonorités luisantes et limpides de la paire semblent asperger le sillon sur les 5 morceaux. Le collectif s'inscrit dans une rupture nette suite aux derniers EP, puisque éloignant ses morceaux d'une musique dansante pour produire ses plages les plus ouvertement hip hop: de la typo au beat, Gescom baigne dans ce son depuis ses débuts et rend hommage au précieux disques ayant atteint les oreilles de ses géniteurs. Mais le penchant naturelle de ses artisans pour les complications donnent l'impression d'une musique brutalisée, d'un hip hop funky passé dans un hachoir n'ayant laissé que peu de place aux évidences, comme si Mantronix s'était fait broyer par les chicos d'un Oval goulu, agresser par les rayons d'un Coil cannibale. Breakbeat digitale accidenté, où le repos semble malvenu, publié sur... Skull Snap, sous-label de Skam dédié au hip hop.

vendredi 10 février 2012

GONJASUFI-Mu.zz.le

Comme si tes oreilles commençaient à bruler, du sable bouillant venant se répandre dans tes conduits. C'est comme si tu découvrais un vieux disque issu d'un futur qui n'existe forcément pas, dans un vieux coffre, que tu soufflais pour en extraire la poussière qui se serait incruster dans les sillons de ce double 10". C'est comme si tes héros les plus opposés avaient décider de produire la musique la plus absurde possible, si Tubby en se passant Blue Lines sur la sono de Martin avait décidé d'inviter 13th floor elevator pour créer des boucles dans un sampler nucléaire défaillant. Comme si en pleine traversée du désert, tu croisais ce vieux mec au look de sans-abri qui, en se grattant l'épaisse chevelure t'indiquait que le chemin que tu cherches, il n'existe pas. Comme si la fin du monde c'était maintenant et que dans un ultime écho tu distinguais la musique qui saluerait la fin de ton passage ici. Comme si Dr Leary imitait le bruit des soucoupes avec un modulaire après t'avoir passé quelques grammes de son meilleur LSD. Comme si la platine refusait obstinément de jouer le rythme à la bonne vitesse, comme si ce sans-abri croisé plus haut avait saisi le micro pour éructer des histoires que lui seul comprend par dessus le pâté de batterie qui s'échappe du diamant. Comme si le chef de fil Sun Ra redescendait sur terre pour festoyer une dernière fois, mais sans toucher le moindre instrument, pour contempler le travail des fidèles manchots.