vendredi 31 décembre 2010

SHACKLETON- Fabric 55


Tu te passes ce disque et arrivé à la moitié tu t'imagines le soir où Shackleton est venu mixer à la Fabric, la boite de nuit la plus fascinante du globe. En fait tu ne l'imagines pas, tu y étais, ou tu y es maintenant. Il fait sombre et l'ambiance est glauque. Les mecs autour de toi ont la même réaction depuis une demi heure: ils se demandent tous si c'est déjà commencé ou déjà fini. Le geste est un peu hésitant, tu te rappelles que tu regardes Walking Dead en streaming et que ton attitude générale depuis tout à l'heure ressemble un peu à ça. Tu as déjà oublié si tu as bougé normalement depuis 30 minutes et tu es incapable de t'en souvenir, ton cerveau semble rester à l'écart, là ou tu ne peux plus le rencontrer. Flash: un truc tape en syncope, sans s'arrêter. Mais tu es quelqu'un d'assez gentil et tu ne demandes pas grand chose: pour secouer ton cul, il te faut juste un kick régulier, imposant. Là, tu le devines, tu l'imagines, mais de fait, tous ces sons de percussions en peau de chèvre te troublent. Encore quelques instants et tes voisins vont se peindre le visage de façon sommaire et vulgaire, ce qui te fera immanquablement songer au clip de ce vieux Gil Scott avec des gamins inquiétants. Très rapidement, toujours en quête d'un repère pour te bouger, tu as peur. Un truc visqueux te tombe sur la trogne, rend tes mouvements plus lourds. La basse, tu te rend compte que tu en as déjà un bon paquet sur les épaules et qu'il est déjà trop tard. Tu espères trouver un regard amicale mais tu ne trouves que le désert des regards vitreux, qui comme toi, se posent les mêmes questions. Tu n'es plus clair. Tu n'as pourtant payer la rançon que pour un verre, ou deux, tu as un doute, mais pas assez en tout cas pour justifier ton état. En regardant la sono qui commence à enfoncer ta boîte crânienne, les peaux de chèvres te sautent aux yeux, des mains sans bras les frappants dans les airs. Tu respires fort et tu te dis que rien ne va plus, ce morceau est trop long. Tu te lèves et tu vas changer de morceau: tu reprends tes esprits et tu as l'impression d'être dans une scène de Lynch car tu es seul, et tu réalises que tu as déjà franchi 17 plages sur le disque. Tu as écouté le mix de Shackleton, Fabric 55 et tu n'as strictement rien compris.

mercredi 29 décembre 2010

Killing Joke - Absolut Dissent

Il y avait quelque chose de dérangeant avec ce disque au premier abord. Killing Joke nous avait laissé sur un Hosanna tribal et incantatoire, une suite à un Pandemonium du fond des grottes, primitif et préhistorique. En quelque sorte, le projet n'avait jamais semblé aussi pharaonique et mégalo. Pourtant, ce petit nouveau semblait moins méchant, plus tubesque, plus dance, voire eurodance. Finies les échappées tribales et les mélodies aux violons. En quelque sorte "Here comes the singularity" est un véritable pied de nez à leur propre son, et un écho à leur propre morceau "Eighties". Cette sensation de son ronflant et surfait, de vocaux encore plus caricaturaux, d'effets parsemés sur des guitares balourdes, d'une bofitude bovine. Un peu à la Nine inch nails dernière période, Absolut Dissent semblait représenter tout ce que l'on pouvait craindre des clichés de Killing Joke: un rock testostéroné et bodybuildé, proprement sali et pleins de concessions dans le choix des morceaux pour satisfaire les gatherers de toutes les époques. Coleman en bon général mène les troupes avec ses thématiques paranoïaques dignes d'un vrai fan d'X Files, assène ses diatribes haineuses à un état qui complote pour le control total.
Pourtant ce double LP surgonflé se révèle aussi addictif qu'il s'était annoncé grandiloquent. Une collection de tubes, rien d'autre. Des refrains qui s'enchainent, des mélodies que l'on redemande, du dancefloor pour clichés Halloween travesti, des claviers aussi larges et pompeux que cette pochette et autant de morceaux en mode déclaration de guerre vaine. On réhausse le ton sur quelques morceaux de bravoure agencés intelligemment pour ne pas perdre le fil: the great cull, the raven king, Ghosts of ladbroke grove, Honour the fire, et on gonfle le côté ridicule sur un tube new wave plus que bienvenu (European Super state). A l'arrivée, un disque qui revient largement sur la platine et qui imbibe le cerveau de refrains fédérateurs. Au fond, quoi de plus Killing Joke qu'un édifice caricatural et monumental? Une grande galette de Post georges Frêche punk. En espérant que le prochain disque soit entiérement dub.

Deathspell Omega - Paracletus

Deathspell s'est transformé en le diable en personne, cela ne fait plus aucun doute. Peut être que leurs meilleurs méfaits sont derrière eux, mais le plus diabolique est bien celui-ci. Fas,ite m'avait largement ennuyé, dans ses digressions expérimentales pompeuses et malvenues, et Paracletus est son exact opposé. Plus de rondeurs, plus incisif, mieux taillé, plus cohérent et surtout digeste, Deathspell semble aller à l'essentiel. Un seul LP cette fois ci, et certains trouveront que le black de Deathspell perd en originalité et en identité. Ces propos sont valables, question d'affinités surement. On y retrouve ici ce qui me touche dans cette musique de panda grimés: cette ambiance occulte et noire jusqu'au boutiste, des sonorités démoniaques et un quota de mélodies salvatrices acoudées à des rythmiques enlevées se posant en contrepoint parfait au reste. Le côté raffiné de Deathspell est toujours là, cette fois ci se voulant bien franchouillard, se payant même un passage à la Forbidden site bien XIXième. Pour le reste, un tourbillon occulte semblant tournoyer autour d'un seul et même morceau, renouant avec le malaise cathartique qu'était la musique de Mayhem. Physique et dense tout autant que le précédent était intello et clairsemé; Une offrande trouble.

vendredi 24 décembre 2010

ERYKAH BADU-New Amerykah Part 2 (Return of the Ankh)


Parce que je ne prends pas le "site qui porte le nom d'un ep de Clutch" -j'évite d'augmenter leur référencement naturel sur goo)))gle- très au sérieux, parce que je ne trouve pas que la musique de Caribou soit excitante, parce que ça fait 2 ans maintenant que m'est apparue une fulgurance embarrassante, parce que je n'aime pas le rock retenu et tendu qui se joue les genoux serrés dans un jean trop juste et les pieds qui tapent au sol, parce que je ne porte pas de moustache ni de mèche, parce que je pense qu' Autechre a réalisé l'album (un doublé en fait) le plus ambitieux de l'année sans aucune concurrence digne de ce nom, parce que même si sur disque je peux concevoir le rejet, le groupe à la fourmi reste la formation actuellement en vie qui tarte le plus sur scène, sans aucune concurrence raisonnable (pourtant cette année je n'ai vu que des légendes dans leurs domaines: d'Ulver à MF Doom, en passant par Autechre, Eyehategod et Public Enemy...), parce que je sais qu'un disque qui plait aujourd'hui peut être une merde dans 5 ans, parce que toute l'année il y a un écart sur la droite de cette page appelé "highly recommended", parce que je suis assez persuadé que ce genre d'article touche-kiki ne sert finalement pas à grand chose, parce que je suis assez maniaque pour tout ranger mais les classements me font chier, parce que des milliers d'autres gens ont conçus des tops qui vont parler à plein de monde, parce que combien de groupe aujourd'hui cultes n'étaient jamais présent dans les classements de fin d'année, parce que j'ai passé bien trop de temps à me procurer des disques sortis dans des temps reculés, parce que les disques qui passent le plus dans/sur ma platine ne sont pas convenablement écoutables, parce que j'achète des disques et que je n'engrosse pas mon disque dur, parce qu'il y'aurait trop de disques qui n'ont pas encore eu le droit à quelques lignes, et pour d'autres raisons, cette année, je ne vous ferais pas l'affront de vous proposer un top 10, 50, ou 100 disques qui déboitent- comme l'an dernier.
Par contre, je peux garantir à l'occasion de cet anti-chronique que le second opus de la nouvelle saga d' Erykah Badu est un album fantastique. La dame a enregistré un album d'une classe froissante, d'un funk issu d'une autre époque, celle des claviers couinants et des wah wah en rut, mais aussi d'un hip hop mutant habité des meilleurs accolytes- un mec est même dévoué au moogerfooger, les afficionados du PornGear comprendront, ou ?uestlove en batteur; d'une soul psychédélique aux rondeurs affolantes. Pas forcément meilleur ou moins bon que le premier volet, ce second chapitre est tout simplement un complément idéal, une version plus apaisé mais aussi plus vivante, luxuriante, où chaque périple engagé (le mode replay) se finit par une chute cotonneuse dans cette saturé de couleurs et de sons, sans fioritures ni abus putassier, simplement classe et élégant, guidé par la voix royale d'une chanteuse impeccable dans son registre. Encore.

lundi 20 décembre 2010

EARTH-Bureaucratic desire for extra capsular extraction


Magnifique initiative de Southern Lord, probablement en quête de quelques centimes, qui sort pour la première fois l'ensemble des premières sessions d'enregistrement de Dylan Carlson- surtout que la sortie du disque colle parfaitement avec ma volonté de mettre la main sur une version honorable de "German Dental Work", superbement repris pas Khanate. Au tout début du groupe, Carlson finance lui-même l'enregistrement de son jeune groupe, Earth, et s'offre pour 300$ quelques jours au studio Smegma. Le line up est alors constitué de Dave Harwell et Joe Preston, tous deux à la basse, accompagnant Carlson (le seul membre encore présent dans le groupe) et sa boite à rythme. Si on retient l'éternel "2", les sessions Smegma n'en sont pas moins importantes et mémorables, contenant, si ce n'est du rythme en plus, l'ensemble des éléments qui modèleront la musique du groupe dans sa première incarnation tout comme la scène doom/drone aujourd'hui grouillante de formations. 7 morceaux étalé sur 2 disques vinyles (ou un cd) retrace l'histoire. La musique de Carlson est essentiellement basé sur la lenteur et la répétition, s'articulant autour de concepts fumeux (le diabète puis la chirurgie oculaire pour la pochette, quelques références littéraires obscures toujours bon genre quand on cause metal pour les textes et les titres). Le temps nous permet de voir que la musique d' Earth, peu évidente de prime abord, a tout de même pris une quinzaine d'année pour prendre racine au sein d'une scène, et de germer pour faire des petits. Seul Joe Preston, pourtant parti rapidement, semble malgré tout avoir capté l'importance de cette musique. Si la flemme auditive ferait rapidement un lien avec Godflesh, alors en train de s'exciter outre atlantique, "Bureaucratic" n'a pourtant rien à voir. Carlson n'a pas du tout un jeu similaire à celui de Broadrick, son jeu est un blues fermenté, sourd et assourdissant, presque crêmeux tant il est asphyxiant. La guitare n'est pas abandonnée à ses larsens, elle est en permanence conviée à grogner. Si l'album qui réuni donc enfin l'ensemble des morceaux -jusqu'à présent disséminés entre un premier album amputé chez Sub Pop et un live réédité- ne semble alors pas disposer de charmes, Carlson a su convaincre pourtant des gens d'y adhérer: Kelly Canary, chanteuse des très obscurs Dickless (un 7" au compteur) vient hurler sur deux morceaux, alors qu'un certain Kurt Cobain, ami très proche du guitariste , vient marmonner quelques incompréhensibles paroles sur ces mêmes morceaux. Si les morceaux vocaux sont plutôt expéditifs sur le disque, "Bureaucratic" est largement composé de morceaux longs voir interminables. La répétition de Carlson et sa troupe atteignant un paroxysme usant sur "Ouroboros is broken". A la suite, résonne le très teigneux et fascinant German Dental Work, brutal agression du riff entêtant et gluant. Suivront un album devenu culte, et une poignée d'autres disques jusqu'à une première pause, achevée par un disque hommage au casting effrayant: Broadrick, Sunn O))) (logique), Autechre, O'Rourke, Mogwai, relançant la carrière de Carlson orientant sa musique vers une folk/americana venimeuse.

Skyline de Colin et Greg Strause

"- Ca m'a beaucoup fait penser à La Guerre des Mondes.
- Oui et puis à Avatar aussi, surtout avec cette couleur bleue super intense..."

Quand on sort de Skyline, les yeux bouffis par une heure et demie de lamentation, c'est le genre de choses qu'on ne s'attend pas à ouïr, le genre de propos qu'on n'imagine pas une seule seconde entendre... Vous me demanderez peut-être pourquoi je me suis engagé dans ce marasme qui s'annonçait avec évidence aux vues de la bande-annonce assez pathétique que les frères Strause avaient préalablement pondue. Vous m'en voudrez même d'avoir préféré aller voir Skyline et d'en chier avec difficulté une chronique alors qu'à la même heure j'aurais pu (dû) aller voir le film de Banksy...

Oui mais voilà, dernier vendredi avant Noël, Schwarzenegger vous dirait que c'est un peu la Course au jouet... Quelques heures à galérer dans les couloirs bondés de Châtelet, à se faire bousculer dans les rayons de la Fnac pour en ressortir le sourire aux lèvres, deux films de Murnau (L'Aurore et City Girl) et un coffret d'Eisenstein en poche. Bref, après cette frénésie, emportée par ces achats hautement louables et quelques autres, je me rendis compte que j'avais fini mon "magasinage" trop tôt. Hop, on embarque pour l'UGC le plus proche et vous connaissez la suite: la fainéantise intellectuelle l'emportant sur l'envie de lire des sous-titres (oui, je me dégoûte en écrivant ces mots...) je me suis engouffré dans la salle numéro trois, au milieu d'une foule énorme (très majoritairement masculine) ne se doutant certainement pas de ce qu'elle allait voir...

Toutefois, on constatera (avec effarement) que tout le monde n'est pas sorti de la salle dans le même état lymphatique que moi. Skyline n'est pas le premier sévisse cinématographique des frères Strause. Ces deux post-adolescents immatures ont déjà livré le brillantissime Alien vs. Predator - Requiem. Rien que ça. Plus sérieusement, à la base, ce sont tout de même deux spécialistes des effets spéciaux, détenteurs d'énormes studios à L.A, ayant collaboré sur de très nombreuses productions à très gros budget et notamment sur le dernier film de James Cameron, Avatar.

C'est le moment où vous faites l'analogie entre la dernière phrase du précédent paragraphe et les deux phrases d'introduction. On peut effectivement se demander s'il n'y a pas un peu d'Avatar là dedans, au moins au niveau des effets spéciaux. Je vous coupe tout de suite, la comparaison n'est même pas imaginable. Skyline est l'histoire de deux couples qui se retrouvent dans l'appartement chicos de l'un d'eux à Los Angeles. La nuit, des extraterrestres envoient des lumières bleues un peu louches partout dans la ville et au petit matin, ils commencent leur invasion, enlevant tous les habitants de la ville pour leur voler leur cerveau et se reproduire...

Moins qu'un simple film d'envahisseur un brin démagogique et légèrement propagandiste comme peuvent l'être ceux de Roland Emmerich, Skyline n'est qu'un dépotoir de dialogues risibles et un manifeste de plus de l'omnipotente culture bling-bling. La quasi totalité de l'action prend lieu dans l'appartement d'un des frères Strause, qu'il a gracieusement prêté pour l'occasion, un superbe loft surplombant la ville. On y arrive en grosse voiture, on jouit d'une vue magnifique sur la marina, on fait des fêtes très alcoolisées sur le balcon, on trompe sa femme parce qu'on est un beau gosse musclé qui ne sait pas tenir sa quéquette... Bref, rajoutons à cela une mise en abyme nombriliste qui nous pousse à nous demander si le film des Strause n'a pas un petit côté autobiographique et on atteint les limites intellectuelles du film.

Passons aux limites techniques maintenant. Les deux frangins se sont cassés le cul à démarcher des investisseurs sans passer par une major, pour des soucis "artistiques" paraît-il. En découle un plus petit budget mais une "liberté" totale. Le petit budget on le ressent très vite avec une qualité visuelle estampillée "Dessous de Palm Beach". Parce qu'ils sont rebelles, ils se sont dit qu'ils allaient tourné l'invasion en plein jour, ce qui ne rend rien. Parce qu'ils sont des as des effets spéciaux, ils se sont dit qu'ils allaient faire des aliens bien léchés, ce qui, sur les plans larges, ressemble à un jeu vidéo des années 90. Et puis tant qu'à faire, blinder le creux du scénario par des scènes d'action d’anthologie. Ceux qui verront la scène de l'avion qui s'écrase à la fin rigoleront certainement très fort...

Bref, peut-être suis-je en train de tirer sur une ambulance... Ma foi, c'est même certain. Mais il est assez intrigant tout de même de voir deux mecs se dépatouiller comme des cinglés pour vendre un tel projet, se bouger au Festival de Berlin avec une démo pour attirer les investisseurs, en trouver et pondre quelque chose d'aussi vilain. Parce que c'est vilain. Des acteurs aux lumières, des dialogues aux 900 effets visuels, tout est vilain. Ce qui l'est assurément encore plus c'est qu'un film pareil, sans aucun enjeu scénaristique, mais vraiment pas le moindre (spoiler: et qu'on ne me fasse pas passer les 2 minutes où Elaine apprend à Jarod qu'elle est enceinte pour un enjeu !!) puisse d'une part, avoir été écrit et d'autre part, finir par être comparé à Avatar... Bref, l'abrutissante fin du film laisse à penser aux spectateurs qu'il y aura une suite. Et pour cause, la suite a été mise en chantier avant même la mise sur le marché du présent épisode... L'enfer est donc un gouffre sans fin si tant est qu'on choisisse d'y tomber.

Pas dégoûté du cinéma pour un sou, j'ai illico filé au Forum des images pour une séance salvatrice, histoire d'absoudre ce péché de fainéantise. Et c'est avec un autre péché, celui de la chaire, que j'obtins le pardon : Un chant d'amour, magnifique film de Jean Genet, réalisé en 1950 et censuré durant 25 ans, me rappela aux douces mélodies du cinéma...



dimanche 19 décembre 2010

Cyclobe - Wounded galaxies Tap at the window

Troisième partie de ce bilan 2010 en forme d'hommage à Peter Christopherson, une chronique d'un projet qui n'a à proprement parler rien à voir avec Sleazy. Le line up vous en dira plus. Tout d'abord, Ossian Brown, qui a bossé avec le Coil époque postérieur à 2000, époque de la série de live, mais aussi d'éditions en tous genres d'albums obscurs et dronesques (ANS, Constant shalowness leads to evil, time machines, mais aussi le magnifique remote viewer). Le numéro deux de mon duo, Stephen Thrower a lui aussi travaillé avec coil, notamment sur la BO de hellraiser. Pour terminer, les invités : avec Thigpaulsandra, musicien s'occupant des claviers qui a aussi travaillé avec Coil sur la partie la plus lunaire de leur carrière mais aussi divers musiciens ayant bossé avec Current 93 ou Nurse with wound. Le topo est posé, ce disque contient plus de membres de Coil que Coil n'en contenait lui même. Cyclobe n'en est pas à son premier essai, et a collaboré avec Nurse with wound ou a projeté diverses expositions. Rendre hommage à Sleazy était notre but, et quelque part les lents paysages musicaux dressées par Cyclobe sont monstrueusement Coilesques. On retrouve notre cornemuse de remote viewer qui se mue lentement, nos marimbas utilisés lors des dernières tournées, ce violon sinueux et déchirant. Cyclobe possède une liberté que Coil atteignait seulement live ou sur leurs disques où les machines tournaient toutes seules. Cyclobe devient une entité à part entière, quelque chose de diabolique qui peut à peu se réveille et insuffle une verve psychédélique. De longs drones qui s'enchevêtrent sur des phrases rythmiques plus feutrées, le tout sali par violons parasites et insectoides, voilà cyclobe. La magie opère sur la longueur, et les morceaux centraux sont les plus marquants, notamment la longue procession forestière qu'est ''the woods are alive with the smell of his coming''. Tout un programme industriel et ambiant, qui essaye de faire vivre un organisme musical bien personnel, avec ce je ne sais quoi qui nous rappelle les prestations live de coil les plus libres. Un grand disque, qui nous permet de saluer encore une fois l'influence de Coil, de christopherson sur les musiques modernes, rituelles et avant tout magiques.

The Threshold Houseboys Choir - Form Grows Rampant

Christopherson ne souhaitait pas redonner un nouveau Coil sous un autre nom. Avec un profond respect d'archiviste de la mémoire de John Balance il aura donné et commercialisé le plus d'enregistrements possibles de l'entité Coil, mais son travail sous ce nom s'arrêtera là. La deuxième partie de ce bilan 2010 en forme d'hommage à Monsieur Christopherson consiste en son travail solo (toujours avec un Danny Hyde dans l'ombre bien entendu) : The Threshold houseboys choir. Christopherson était fasciné par la Thailande, durant la fin de son existence, et aura participé à divers rituels au point d'en faire sa patrie d'adoption. Form grows rampant se présente sous forme d'un CD+DVD. Vu que le DVD contient la même musique que le cd, on s'attardera surtout sur le contenu global de l'objet. Christoperson nous éclaire la performance en nous contextualisant le tout. Les rituels ''religieux '' présents sur le DVD sont ceux du festival Ginjae dans le sud de la Thailande. Le festival a lieu durant la neuvième pleine lune de l'année, ironie des plus grandes en sachant l'attrait que Balance avait pour la lune et la dénomination de ''moon music'' sur la dernière partie de carrière de Coil. Durant ce festival, pendant une dizaine de jours une série de rituels sont pratiqués pour prévenir l'invasion du monde par les mauvais esprits. Les rituels que l'on peut voir sont ceux de jeunes garçons qui sont pour la plupart dans une transe religieuse effrayante (sans aucun usage de psychotrope ou d'alcool), transe crée par une sorte de shaman. Certes les images ne sont pas des plus délectables, mais il n'existe apparemment aucune douleur et surtout aucun effet qui puisse subsister suite à ces rituels (cicatrices ou autres). Christopherson explique que lui par contre a du être hospitalisé suite à ces évènements, souffrant d'un mal inconnu, diagnostiqué comme une possession d'esprits diaboliques. Sleazy livre une sorte d'objet d'art total et crée une bande originale à ce qu'il a vécu et essaye d'en capter l'essence visuellement et soniquement. Rien de mieux indiqué apparemment que la musique de Christopherson pour traduire l'aspect mystique d'une nouvelle culture et la transe religieuse.

Evidemment, les analogies avec Coil pourront être nombreuses, avec une façon bien retenue d'aborder la mélodie et cette façon de créer des boucles d'une rare mélancolie et de retravailler les morceaux. On pense même d'entrée a la mélodie d'amethyst deceivers, maintes fois reprises et retravaillée pour finir par en perdre son essence primaire. Pourtant Sleazy pousse encore plus loin son travail d'orfèvre de la fin de carrière de coil. Tout d'abord, il travaille de manière entièrement numérique et livre une musique deshumanisée de A à Z, même dans les boucles vocales. Gros dilemme suite à la mort de Balance, Sleazy a decidé de faire l'impasse sur une nouvelle voix et de créer des sortes de boucles vocales qui sont triturées pour les allier de la manière qu'il le souhaite à ses sons. Les morceaux de Form grows rampant sont de lentes processions de boucles qui peut à peu libèrent leur potentiel mélodique en évoluant. La répétition, la transe est une sorte de gourou mécanique qui pousse les créations numériques dans le retranchement du mystique. Threshold houseboys choir est une entité mutante à volonté ethnique, mais pourtant foncièrement robotique. Christopherson tente une dernière fois de s'affranchir de son propre leg en transformant sa propre musique. Un concept en soi même, un projet artistique renouvellé, encore une fois Sleazy semblait avoir beaucoup de choses à nous dire, et d'une si belle façon. Seraient ce les esprits diaboliques qui l'auraient tué ?

samedi 18 décembre 2010

Soisong - xAJ3z

Commence aujourd'hui mon bilan 2010, en forme d'hommage rétrospectif aux derniers travaux de Peter Christopherson, aka Sleazy. L'homme s'est éteint cette année, dans son lit, en Thailande, sans mot dire de plus. 2010 se résume en majorité par cet événement d'une grande tristesse pour le monde musical. Le parcours de Sleazy, on ne le trace plus, de Throbbing Gristle à Coil en ligne de mire. Pour célébrer la fin d'un des personnages les plus influents de la scène musicale, ou du moins l'un des plus fascinants dans son parcours artistique, les prochains articles se centreront sur la fin de carrière de Sleazy, ses nouveaux projets et ses nouvelles fascinations. On en était resté sur ''The New Backwards'' de Coil, véritable travail de nécromancien de Christopherson et Danny Hyde. Soisong, ou l'une des nouvelles incarnations de Sleazy. Dans son dernier billet, Stockton revenait rapidement sur la récente compilation de COH et nous parlait des travaux du leader de COH, Ivan Pavlov, aux côtés de Christopherson justement. L'erreur principale de mon collègue occasionnel, c'est qu'il avait envie de pouvoir jeter une oreille sur les disques de Soisong, laissant entendre qu'aucun n'était sorti. Actuellement (et surement pour longtemps vu les circonstances nécrologiques), Soisong a composé un EP et un album. Un album dont il est question ici, donc. Mystérieux avant tout, le projet Soisong est aux antipodes du projet Coil sur la fin de carrière (les boites de dvd avec peignoir et savons vendues 300 dollars) et du projet throbbing gristle (les totems incrustés dans part two the endless not, dont le totem en or). Soisong semble profiter d'une aura bien plus apaisée et nager à contre courant en livrant un objet en tous points impeccable. Livré dans son sachet de preuve dont il faut extraire l'origami et l'ouvrir pour tirer un objet en forme de sarcophage où les deux gaziers apparaissent déguisés en femmes. Un disque octogonal, qui résistera donc à ma chaine HIFI qui n'accepte malheureusement que les disques de format normaux et qui me forcera à l'insérer dans mon ordinateur plus coutumier de ce genre de méfaits. On parcourt rapidement l'objet et les messieurs nous invitent à nous rendre sur www.soisong.com (''for more information use the album title as a key''), pour trouver des infos. Malheureusement, je bloque sur la laideur du site web en question, peux actuellement contempler des photos de Sleazy en vacances ou terminer sur un bête shop en ligne. J'ai beau taper mon titre code d'album dans tous les sens, le message d'erreur s'inscrit indéfiniment. Pour les photos de l'objet, un bon monsieur de l'internet s'est collé à la tâche avant moi, je lui volerais donc ses jolis clichés qui permettent d'imaginer l'objet (voir à la fin). Au delà de l'objet, Soisong est une rencontre artistique complète qui semble sur cet octogone atteindre des sphères de cohérence insoupçonnées. Sleazy apporte sa maitrise des couches sonores, son choix des ambiances feutrées et mélodiques et s'occupe aussi des vocaux donc, étape importante dans sa vie artistique postérieure à la mort de John Balance. Ivan Pavlov est crédité comme le maître des instruments, et la part belle est faite aux instruments jazzy sur ces couches sonores. Un piano trituré jusqu'à créer des fantômes, des cuivres, des lignes de basse agencées de manière à faire résonner de légères instrumentations électroniques. Soisong présente une entité beaucoup plus organique, beaucoup moins pesante que les projets respectifs des deux musiciens. L'espace sonore est parfois laissé en pâture au silence, et le poids des mélodies se fait donc d'autant plus marquant. Cet octogone bénéficie aussi de sa chaude production bien plus jazz qui renforce le sentiment de choix artistique. Les machines semblent être un outil plus qu'un vecteur, un outil de perfectionnisme sonique avant de devenir un être à part entière dans la composition. Les phrasés mélodiques semblent être repris puis éparpillés au cours des morceaux, laissant la liberté aux instruments de jouer. Jouer certes, mais souvent séparément, et le son est à l'épure. Jamais de rencontre cacophonique au seins des morceaux, où de penchants agressifs ou dark, soisong donne vie à des morceaux simples et directs. Au niveau des voix, Sleazy semble donner de plus en plus d'importance à la création de ses programmes et à la déconstruction et à la déshumanisation de vocaux enfantins. Il en ressort une impression robotisée accentuée par la manière qu'a Soisong de composer, avec quelque chose de binaire. Mention spéciale à la plus rythmée Dtorumi, qui donne un élan à un disque contemplatif, mais pourtant étrangement vivant. Soisong était une nouvelle étape dans la création de Sleazy, un bol d'air frais dans une discographie plus que chargée. Ce projet permettait à son son de s'enrichir de la présence d'un multi-instrumentaliste capable d'apporter cette vision organique et chaleureuse à la science du son que possédait Sleazy. Un pas en avant, un objet étrange, une collaboration fructueuse. Bon vent à toi Sleazy.


vendredi 17 décembre 2010

Les Marquises - Lost Lost Lost

Les Marquises a le chic de ces formations séduisantes par leur aventure et leur propos indéniablement élégant et classieux. Piège certain de pop expérimentale sucrée et facile d’accès, Lost Lost Lost n’est qu’un concentré de légèreté, douceur et facéties servies par un savoir-faire de bibouilleur très contemporain. Apanage autrefois des fortunés et inaccessibles grands protégés des affres du music buiseness, toucher à tout est aujourd’hui populaire, à la portée de tous, à la portée des différences, des visées singulières et des sensibilités de chacun. La légèreté qui se dégage dès les premières secondes d’Only Ghosts inspire une confiance naïve, suivant le déroulé d’une mince batterie aboutissant à un bouillonnement de sonorités et d’instruments, à peine relevé par un discret chant nasillard volontairement élément sonore plus que lead maladroit. L’antre de Lost Lost Lost se fait plus tamisée, post-jazz concrètement bruitiste, electronica désabusée arguant sa perte en répétitions truffées de grésillements, carnaval dark-folk à la voix affranchie, balançant rythme et hauteur. Les Marquises créent, à défaut d’une grammaire, un univers concentré riche en influences, en beautés resucées et offrent un cocon éphémère, aux pièces peut-être trop détachées les unes des autres, ou au contraire trop semblables en timbres et structures, mais laissent entrevoir un potentiel qui place la formation, moderne jusqu’à dans son line-up international, une ambition honorable augurant probablement le meilleur et un art bien au-dessus de la mélasse habituelle, en mal d’une personnalité plus affirmée peut-être, le regard encore trop sur les côtés et derrière surement, mais pétillant d’envie et d’idées. Gardons Les Marquises en tête, et attendons mieux, ça viendra. (Lost Recordings)

mercredi 15 décembre 2010

DEFTONES au Trianon



Ca va faire 10 ans que j'ai vu Deftones, la seule et unique fois jusque là - d'ailleurs, la première fois où j'ai réalisé le laps de temps écoulé, j'en parlais justement avec notre Monsieur Cinéma en chef. Non pas que le concert fut mauvais, loin de là, mais la suite de la discographie du groupe m'a moins passionné, et a donc moins attiré ma curiosité vers leurs concerts. Si l'éponyme m'avait beaucoup plu, j'ai toujours trouvé que le suivant, "Saturday night...", était l'album un peu fade qui s'oublie vite, traduisant aussi la fatigue d'un groupe qui se désintégrait progressivement. Mon collègue de plume a déjà expliqué le trajet récent du groupe, je ne vous ferait pas l'affront de vous rediriger vers One Love For Chi etc... Diamond Eye est un album qui a fière allure, peut-être celui qui peut faire face à l'indépassable White Pony tant la cohésion, l'énergie, la puissance du groupe est éclatante. Même Chino, le sujet favori des moqueries depuis 10 ans du à son poids étrangement variable semble aujourd'hui retrouver la forme olympienne de la fin des années 90. Il peut à nouveau hurler sans avoir l'air d'une autruche qui met bas.

Le Trianon est une magnifique salle, qui rappelle un peu le casino de Paris ou l' Olympia. L'ancien théâtre, fraichement ouvert, accueil de nombreux groupes depuis quelques jours, Tricky 15 jours plus tôt ou MIA 48 heures avant le posse de Sacramento. Comme pour de nombreux groupes, voir le quintet fouler les planches d'une salle de taille restreinte est nettement plus agréable que les voir se débattre sur la scène gigantesque d'un Zénith trop grand (sans parler de l'affreux POPB, mais c'est pas le "Routard Paris", arrêtons-nous là). Le public, majoritairement trentenaire semble avoir grandit avec le groupe, peu de jeunes gens déambulent dans la salle. Un single du petit dernier en ouverture, le temps de régler les derniers détails dans le son, Deftones s'impose immédiatement comme un groupe qui maîtrise la scène. Les ingés assurent un son baveux et à la dynamique douteuse: surprésence des infras et du kick de Cunningham,guitare en retrait. Pourtant la suite semble améliorer tout: le son se précise (étonnament, la qualité du son n'est pas la même selon son emplacement dans la salle, tout peut se jouer à quelques pas !) et le public devient beaucoup plus réceptif. Around the fur installe son rythme sur le morceau précédent et le groupe décuple son énergie. Le morceau confirme ce qui m'avait semblé évident une décade plus tôt: en seconde position ce morceau trouve une place idéale, mené par sa rythmique solide et improbable. S'ensuit une ballade entre White Pony et Around the fur (l'album), écartant les 4 (5?) autres albums du groupe pendant une grosse demi heure- je ne suis d'ailleurs pas sur que le groupe avait d'ailleurs joué Elite en 2001, les archivistes peuvent me répondre dans les commentaires; toujorus est-il que désormais je suis sur que le morceau a pris vie devant moi, sans regret, ce coup bas est un délicieux plaisir.

Sergio Vega, bassiste de feu quicksand amène une fraicheur qu'on espère provisoire, toute punk dans le groupe, pendant que le noyau de Deftones s'affirme aujourd'hui entre 3 identités qui conduisent le groupe: Moreno, la voix, le frontman et sa mise en scène cathartique en carton mais redoutable; Cunningham, l'impérial batteur qui dresse le solide et superbe squelette rythmique en tenant de sa frappe faussement épuré, rayonnante de créativité et de complexité (Digital bath, Passenger) et Delgado, l'un des atouts négligés du groupe, à mon avis un des plus important influenceurs moderne avec Noah Landis dans l'exercice du sound designer pour groupe de grosses guitares, dans l'ombre, discret, et pourtant essentiel qui n'hésite pas à s'absenter quand le climat ne le convie pas. Carpenter apparait presque, du moins à mes yeux, comme l'énigme du groupe, celui qui s'apparente le plus à un enracinement continu dans le "metal", qui continue de jouer de la guitare comme si il avait 16 ans, sur un attirail de matériel vomitif. Pour aller vite, celui qui fait tache, aussi bien d'un point de vue instrumentale que sur les photos promos. Pourtant son rôle dans Deftones demeure primordial, quoique complètement relégué quand Moreno s'empare d'une guitare pour Minerva. Passant donc par un improbable passenger, magnifiquement exécuté (on se pose tous la question au moment opportun: le détestable vigneron serait-il présent? Bien sur que non) le quintet s'aventure dans son répertoire le plus frais, puis finalement, propose 2 morceaux de l'époque (révolue?) où le groupe accoucha d'album qui avait des allures d' adieu: l'éponyme avec l'insupportable Minerva (paradoxalement, le son est superbe sur ce passage, la seconde guitare donne une ampleur jouissive à l'ensemble) donc et Saturday Night Wrist. Alors que je me dis que tout ça commence à trainer en longueur, le gang de Sacto revient vers White Pony en proposant Change et l'immonde Back To School, considéré par le groupe comme une erreur, pourtant toujours défendu sur scène - comme quoi cette carrière ne s'est pas intégralement faite sans compromis. Ce qui s'apparente à un rappel est bien évidemment orienté autour de 3 morceaux du premier album, le même que le groupe lui-même, tout comme BTS donc, aime moins au sein d'une discographie qui commence sérieusement à s'étoffer. Chino incite les téméraires à faire un circle pit, on se rappelle de l'amour de Moreno pour les Bad Brains puis le groupe se retire, laissant les superbes lights s'éteindre.

Malgré un dernier quart d'heure, très fun mais qui montre que le groupe a conscience de ses obligations tacites envers son public, on ressort du superbe théâtre en se disant que même 10 ans plus tard le groupe au poney blanc s'affirme encore comme une formation unique et à l'identité forte, proposant toujours cette musique passionnante que l'on chérie encore, mais pas comme un amour de jeunesse, plus comme une rencontre perpétuelle avec laquelle on n'en finit jamais. A l'heure où j'écris ces lignes, le groupe vient de prendre place suite aux affreux Coheed & Cambria, et je ne peux m'empêcher de penser que les gens enfermés dans le Trianon ce soir encore sont en train de passer une excellente soirée.

Marc McGuire - Living with yourself

Le dernier Emeralds était fantastique (chronique ici). Enfin, le dernier, pas aussi sûr. Au rythme où vont les productions de ces gars là, on ne peut être sur de rien. Entre sorties d'archives, réeditions à plus grand tirages, collaborations, K7 and co, l'activisme de ce néo psychédélisme a de quoi donner le tournis. Comme leur musique en quelque sorte. McGuire est le guitariste d'Emeralds. Visiblement, on ne tient pas ici son premier effort solo, mais je vous laisse vous dépatouiller avec Discogs pour vous y retrouver. Lorsqu'on voit les crédits temporels de ce disque, entre mastering, sampling, arrangements et tout l'attirail moderne, on voit à quel point l'effort que l'on écoute a été étirée dans le temps. Surement pour le côté personnel et (ré)créatif de la chose. En tout cas le tout est masterisé par James Plotkin.

On peut comparer ce travail de McGuire en terme de concision avec le pré-cité Emeralds. Les morceaux vont à l'essentiel et cette collection d'arrangements de guitares (principalement) semble exorciser les démons d'un McGuire hanté par la superposition de couches et la transformation des sons. Ce minimalisme apparent est plus qu'un effet de style. Plus d'instruments auraient rendu fou l'auteur de ce disque qui semble accorder une importance démesurée au détail. Les couches se succèdent et se retirent pour mieux s'accorder dans une explosion d'effets. McGuire semble lié à une esthétique post rock et semble vouloir s'extirper de cette affiliation drone trop basiquement attribuée aux sons qui s'étirent. Un hommage aux relations, qui suinte la mélancolie d'un homme seul en proie au perfectionnisme, passage obligé chez tout artiste qui combat avec son instrument. Je vous vois venir, et le terme de masturbation aurait pu surgir si McGuire ne laissait pas suinter un mélodisme exacerbé qui rend l'essai lyrique. Au milieu de toutes ces sorties et leur aspect foutraque, on voit que cette scène dite néo psychédélique se débat avec elle même, en essayant d'expérimenter et de repousser leurs propres limites du son. Et pour un effort touchant, c'est louable. (Editions Mego)

lundi 13 décembre 2010

Igorrr - Nostril

C'est la fin d'année la plus excitante quAd Noiseam a du avoir. Les sorties se succèdent et redonnent un souffle à un label qui vivait surtout par ses éclairs de génie passés. Vous aurez tous certainement entendu parler d'Igorrr sur la toile en ce moment vu le buzz que ce disque semble réaliser. J'étais passé à côté du premier effort, car les mots breakcore accolés à des éléments plus ''baroques'' me présageaient une resucée du venetian Snares de l'époque classico endiablée. Puis j'ai découvert Whourkr , sorte de pendant metallisé d'Igorrr, toujours caracterisé par cette folie dans les influences et la manière dont leur auteur les assume. Pas déçu par celui ci donc, qui confirme bien toutes les attentes et tous les on dit que l'on a pu glaner sur la toile ces dernières semaines. Igorrr est frontal et raffiné, comme un mix pour teuffeur n'aimant que la neuvième de Beethoven, et pris devant la dilemme de l'ultra violence. Une sorte de BO pour un Orange mécanique des temps modernes, entre blasts beats dévastateurs, excursions métallisées et death signées Whourkr (Tendon) mais aussi opéra moisis, cordes alambiqués et parfois désacordées. Un joli fourre tout cabaret travesti et libertin où viennent parfois se greffer des sorties incongrues, où le bluegrass rencontre Thunderdome. Pourtant malgré ce côté qui en fait trop et qui mélange tout pour nous rendre fous, il se passe quelque chose d'une grande cohérence tout au long de ce Nostril, et même si Igorrr est clairement dans l'excès, il maitrise la semence pour en faire une progéniture qui ne soit pas diforme. Tellement extrême qu'au fond il en résulte presque easy listening, ou du moins facilement abordable, par son aspect mélodique soigné, sa production propre et l'emphase faite dans la composition. Un très bon disque donc, aussi déluré que sérieux. (Ad Noiseam)

jeudi 9 décembre 2010

Tea Time en compagnie de Chris Morris et de Sam Taylor-Wood


Vous l'aurez certainement compris vu le jour que nous sommes, je n'ai pas eu le temps de tenir mes délais. Il faut dire que quand on passe son mardi soir à bosser pour son mémoire et son mercredi soir dans sa voiture, coincé par la neige et le verglas, on a pas forcément le temps d'écrire les billets qu'on aimerait. C'est donc avec un léger retard que je vous invite à une séance anglaise, bordée de ce côté-ci de la Tamise par la comédie satirique Four Lions et, sur l'autre rive, par le biopic Nowhere Boy en compagnie de John Lennon.

Chris Morris est loin d'être un inconnu outre Manche. C'est même un agitateur public à qui la BBC Radio Cambridgshire doit certains de ses plus beaux moments d'antenne. Après sa carrière d'animateur radio, Morris a expérimenté son humour noir à la télévision britannique, notamment avec son fameux The Day Today qui fait de lui l'une des stars de la chaîne BBC2 et aide au lancement de la carrière d'un autre grand comique anglais, Steve Coogan.

C'est tout naturellement alors, après un BAFTA du meilleur court métrage en 2002 pour My Wrong #8245-8249 & 117 (produit par Warp Film), que Morris atterrit au cinéma avec une comédie qui a généré un sacré débat de l'autre côté du Channel. En effet, Four Lions (ou We Are Four Lions) raconte l'histoire de 4 individus vivant dans le nord de l'Angleterre et désireux de fomenter un attentat pour faire valoir la cause islamique. Ce synopsis rigolo est très vite monté à la tête de beaucoup de gens qui y ont vu non pas une satire mais une adaptation parodique des attentats qui ont eu lieu à Londres en 2005. Ces mêmes personnes, généralement des familles et des associations de victimes, ont donc tenté d'interdire le film et ont manifesté leur désapprobation devant les salles de cinéma.

Peut-on rire de tout? C'est la sempiternelle question que l'on se pose dès lors que l'on aborde un sujet un peu tabou, qu'on égratigne les immaculés, les nantis ou les despotes. Si l'on en croit la triste chronique faite par Télérama, l'initiative de Morris est "stupide". Pourquoi? Parce qu'il est "stupide" de faire croire que l'acte de terrorisme est l'oeuvre de gens idiots, de grands enfants benêts, ignares, maladroits...

C'est un peu comme si Télérama reprochait aux Monthy Python de faire passer le Roi Arthur et ses chevaliers de la table ronde pour des abrutis libidineux ou des couards dans Sacré Graal. Morris ne fait rien de plus que de reprendre un fait existant et tourner en ridicule la cascade des événements, l'enchevêtrement des attitudes de chacun, les atermoiements incertains d'une bande de non-initié qui veulent se faire plus roi que le roi. Certes, il prend ici un événement peut-être trop récent et qui a profondément meurtri l'Angleterre. Certes, il prend comme héros des terroristes islamistes et se moque d'eux. Mais il ne les rend pour autant ni détestables, ni inhumains, ni injustes. Au contraire, le film de Morris n'est jamais ni raciste, ni insultant pour la religion musulmane. C'est une force incroyable. Morris peint une bande de débiles qui s'imaginent à la hauteur d'une cause qui les dépassent complètement, dont ils ne cernent pas vraiment les enjeux, bref qui veulent faire parti d'un combat pour lequel ils ne sont pas armés.

Four Lions s'inscrit directement dans la lignée du succulent In The Loop de Armando Iannucci (sorti en 2009), que Morris a côtoyé à la radio au début des années 90. L'image est sale, et son traitement esthétique n'a aucune importance, bien au contraire. Elle est le témoignage d'une réalité laide et du regard laid qu'on porte sur elle. Alors pourquoi faire de belles images avec ce genre de choses? On est quelque part entre le réalisme social d'un Ken Loach et la délirante inventivité des Monthy Python.

Morris instigue l'absurde dans la moindre de ses scènes, dans le moindre de ses dialogues, dans la préparation des quatre amis comme dans leur intimité. En témoigne cette scène surprenante en famille, où Omar (génial Riz Ahmed), fatigué de se débattre avec autant de tocards, est réconforté par sa femme et son fils, tout deux au courant de ce que fomente Omar, comme si tout cela était tout à fait normal... On est interloqué, on est hilare, on est séduit. Cette comédie franchement irrévérencieuse est le petit cadeau anglais au pied du sapin de Noël.

Autre film et toute autre ambiance. La réalisatrice Sam Taylor-Wood tente de mettre en scène un scénario d'Anton Corbijn (réalisateur du génial Control) narrant les années lycée de John Lennon, sa rencontre avec la musique, avec Paul McCartney et Georges Harrison, le tout jusqu'à ce qu'ils embarquent pour Hambourg.

Sam Taylor-Wood rate en parti son film en berçant trop souvent dans une sorte d'euphorie teen déplacée qui fait plus penser à la naïveté de façade des films de Jacques Demy qu'à une bio tranchante (voire trop) comme on a pu y avoir le droit avec le récent The Runaways. Trop joyeux, trop propret et trop sage; Nowhere Boy manque cruellement de relief et ne réussit à s'échapper du mélo qu'avec les quelques morceaux d'époques... Et encore, on est là encore dans ce qui se fait de plus commun lorsqu'on pense vintage, retro etc.

Finalement ce qui est le plus intéressant et ce qu'elle réussit le mieux à cerner c'est la complexité des liens familiaux entre John, sa mère et sa tante (incarné par Kristin Scott Thomas) qui l'a élevé. Cette relation ambiguë, déchirante parfois, donne un peu d'épaisseur au personnage campé par un Aaron Johnson un peu à l'étroit dans une veste qui n'était à l'évidence pas taillée pour lui.


lundi 6 décembre 2010

The Trotsky de Jacob Tierney

Il y a deux semaines de cela se déroulait au Forum des Images une sorte d'automne du film Québécois, réunissant une trentaine de films sélectionnés parmi la foisonnante production de la Belle Province. Des films aux couleurs sombres et graves, abordant sans détour de nombreux sujets délicats qui sont de véritables angles morts dans le cinéma français. Âpre, sans détour, complexe et parfois très violent (voir Les 7 jours du Talion de Podz) ce cinéma propose une alternative intéressante à ce qui envahie de façon hebdomadaire nos salles notamment parce que son financement (assuré quasi exclusivement par l'Etat du Québec) lui donne de grandes latitudes.

Une oeuvre atypique s'est sortie de cette sélection. The Trotsky, second film de Jacob Tierney, est en effet un petit boulet rouge iconoclaste pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que comme son nom l'indique, Jacob Tierney est un québécois anglophone. Ca ne semble rien comme cela, mais comme nous l'a confié le réalisateur, la communauté anglophone du Québec est bien souvent assimilée à une communauté étrangère ou plutôt non-québécoise. Du même coup, il est d'une assez grande rareté qu'un film québécois soit écrit et produit en anglais, joué avec des acteurs canadiens anglophones et francophones...

En soit Tierney a mis le doigt sur quelque chose d'assez sensible dans la société québécoise: la cohabitation entre les deux cultures. Fort de ce bilinguisme, le Québec n'en reste visiblement pas moins le théâtre d'une opposition ou, tout du moins, d'une cordiale ignorance entre les deux communautés. Au grand dam de Tierney qui fait dire à un moment du film à son héros qui répond alors à son frère qui lui reproche de faire chier toute la ville avec ses conneries: "La moitié de la ville, je crois que les francophones n'en ont rien à faire de nous". Triste reproche...

Secondement, The Trotsky est une comédie. Là encore, rien d'extravagant mais, aux vues de la programmation, c'est une petite bouffée de jovialité. Non pas que les choses graves me rebutent, ce serait mal me connaître, mais à un moment, ça fait du bien de lâcher ses zygomatiques.

Sous ses airs de grand adolescent maladroit, veule et introverti, Léon Bronstein (alias l'excellent Jay Baruchel) a une certitude: en plus d'être son homonyme, il est la réincarnation de Léon Trotsky. Rien que ça! De ce fait, Léon a tout un planning pour réussir sa vie, autrement dit, coller à celle de son illustre prédécesseur. Il mène ainsi sa première grève dans l'entreprise de son père en mobilisant les salariés contre leur patron qui ne respecte pas la pause déjeuner. Mais cette grève est un échec. Léon voit l'occasion de se réaliser lorsque son père, pour mettre fin à cette obnubilation qu'il trouve ridicule, l'inscrit dans une école publique dirigée par deux tyrans "fascistes" (comprenez strictes et autoritaires) interprétés par Domini Blythe et l'impeccable Colm Feore.

Que retenir de tout ça? Au premier abord, ça apparaît un brin falot et on voit mal comment Tierney va bien réussir à se dépêtrer d'un sujet aussi barbant que l'éventuelle réactivation du communiste trotskiste au XXIe siècle dans le milieu estudiantin canadien. Et pourtant... Avec une véritable intelligence de ton, il parvient à toucher exactement le spectateur en posant une question fondamentale. Partant du constat que rien ne va plus, que l'injustice scolaire a pris le pas sur le devoir fondamental de l'école qui est celui de former l'esprit critique de ceux qui la fréquentent et de leur permettre d'utiliser ces connaissances pour construire ceux qu'ils seront demain, Tierney, se demande si, "la jeunesse" d'aujourd'hui, celle de Facebook et du rock acidulé, est bercée dans un ennui profond d'où elle pourrait sortir pour mener la Révolution ou si elle est plongée dans l'apathie, latente et immuable inertie, incarnation de l'immobilisme et de l'impuissance.

Et la question est plus que pertinente à l'heure où le nihilisme l'emporte (Notre jour viendra de Romain Gavras) et où les socles du capitalisme sont interrogés dans leur fonctionnement et dans leur utilité quant au bien être des individus et leur épanouissement (si tant est que cela eut été un des buts du capitalisme...). Tierney choisit bien sûr une issue positive à cela, respectant l'esprit du teen movie dont il a su jouer des codes durant presque deux heures.

Car avec son personnage programmé comme une machine de guerre, tout devient très vite un bouillonnement d'idées saugrenues et pourtant pas totalement absurdes, qui joue à la fois sur la jolie candeur de Léon, sur cette tendance presque schizophrénique à vouloir être absolument un autre ou encore sur son intense conviction dont il ne démord jamais. Le résultat est donc un monumental chahut gentiment gaucho, débordant d'énergie, tant dans la mise en scène que dans les dialogues extrêmement percutants.

Malheureusement, et c'est le cas pour la grande majorité des films diffusés lors de cet évènement, The Trotsky ne devrait pas sortir en salle en France. Peut-être en dvd, si le film a la chance de connaître le même sort que Pontypool. Et c'est quand même terriblement dommage de se priver de ça sur grand écran, tant le film instille une bonne humeur communicative et politiquement décalée... Bon allez je m'arrête là, il faut encore que j'écrive un truc sur Four Lions et Nowhere Boy avant mercredi...

vendredi 3 décembre 2010

La chronique de Stockton: Boule à facettes dans ton salon.



J'ai tenu parole: je n'assurerais pas un billet hebdomadaire chaque fin de semaine. On s'en fout. Après avoir rempli mes oreilles de cette infamie qu'on appelle "rock", je me passe de la techno mauvais goût et de l'électrokitch pour causer ce week end. En plus on me signale, par un mail aussi injurieux que déplacé "ça serait bien si tu pouvais causer de trucs qu'on a un peu zappé, des grosses sorties dans le genre". Ok. Et là, je vaissur la page, je vois qu'un des tauliers parle du dernier Bug. Soit. C'était au programme, donc j'en parle sommairement: vous savez que tous ici se trémoussent dans leur duplexe parisien et espagnole au son du ragga dance hall bionique de the Bug uniquement par loyauté pour Kevin Martin, car bien entendu, tout le monde trouverait ça juste infâme sans son nom aux crédit de ses rondelles. Ils ont saignés God, Ice, Techno Animal, et comme une dette impayée, écoutent et trouvent le moyen d'aimer religieusement chaque nouvel EP, nouvelle attaque du porte monnaie pour collectionneur. Et Martin se fait plaisir: 4 faces pour un truc qui aurait tenu sur un 10", on repassera sur l'honnêteté. Mais il y a ce truc étonnant, preuve de l'ultra activité du duo: un remix d'Autechre, qui ne semble plus s'arrêter à dégommer de la bande depuis sa remise en oeuvre sur le maxi de Surgeon voilà quelques années. Et ils sont forts les petits enfoirés, à hacher sauvagement ce morceau, comme leur truc complètement granuleux pour le Tried by 12 du East Flatbush Project jadis.

Puisqu'on est chez Warp, on continue: Flying Lotus, le bien aimé de tout le monde, qui semble directement sampler les beats de Dilla en y rajoutant un peu de fumée de spliff et de bruits cosmiques volés à sa tante (Madame Alice Coltrane) a sorti son nouvel album qui semblait faire l'unanimité. Si on remerciera le monsieur d'avoir invité Yorke pour obtenir une participation totalement énigmatique, on conclut surtout, à l'arrivée du disque, que tout cela va désormais un peu loin dans l'ultra densité de la production, qu'on s'éloigne un peu de ce qui faisait de l'album "L.A." un dsque réussi et passionnant. Il en fait un peu trop et on s'emmerde. Il est tout seul, on dirait qu'ils sont 15, j'ai les feuilles rouges passé les 3 premiers morceaux.







Autre gros truc qui a secoué tout le monde plus tôt dans l'année, Pantha du Prince, avec son black noise qui n'est ni black ni noise. Un peu comme le dernier Eno, tout est extrêmement propre, soigné. Sauf qu'Eno a collé quelques bons passages dans son disque, et qu'il en ressort un truc solide. Le sur-évalué (à mon sens, pas la peine d'en faire un commentaire long comme le bras) gars derrière cet étrange nom de scène fait un peu de l'orfèvre pour boite de nuit, et ça semble un peu raté, surfait. Les passages chantés sont affreux, ça coute rien de le dire. C'est un peu gras et pute parce que beaucoup trop joli. J'ajouterais que la pochette qui me rappelle les croutes accrochées aux mur des chambres dans les maisons de retraite me file le bourdon.






Je fais juste un léger détour par le mix de Kode9 pour Dj Kicks est un truc super fun à s'enquiller, surtout pour le morceau de Sticky, ""Look pon me" qui cassera méchament les couilles de tout le monde, toi, lecteur, le premier. Mauvais goût parfaitement maitrisé à ce point, ça s'applaudit.












Le gros évènement de l'année, c'est la résurrection (temporaire ?) de Plastikman, le projet sombre et minimal de Ritchie Hawtin qui sortait des disques incroyables dans des temps immémoriaux. A l'occasion de la sortie d'un coffret qui coûte un rein, il sort l'inattendu: un nouveau maxi. Et si le son est remarquable, on se dit arrivé péniblement au bout de la seconde face qu'il existe des démos de groovebox sur youtube bien plus excitantes que ces deux pauvres plages.








Pendant ce temps, COH sort une compilation (visiblement) de différents travaux (le principe même d'une compilation me feras tu remarquer). Je connaissais pas bien jusque là le monsieur, mais je sais qu'il gravitait pas mal dans les sphères de la galaxie TG/Coil, puisqu'il avait d'ailleurs entamé un nouveau projet avec Sleazy qui vient tristement de nous quitter. En attendant peut-être un jour la sortie de ses premiers jets avec la moitié de feu Coil, cette compilation s'axe principalement sur des morceaux basé sur le sampling lourd, un cut up continu et qui me semble peu représentatif du travail du producteur au sens large. L'objet est en tout cas magnifique, et devance un prochain album qui arrive à grand pas.





Un saut par la planète Def Jux: El-P avait annoncé la fin du label, pourtant, il dégaine un nouvel album loin d'être anecdotique, et signe une sortie posthume sur Def Jux. Le premier disque, weareallgoingtoburninhellmegamixx3, est une réussite totale: du grand El-P, instrumentale, mais riche, foisonnant, habité, tout en beat massifs et en synthé galactique. Les basses sont grasses et délicieuses, soutenant un sens de la composition toujours aussi fin et intelligent. Fortement conseillé !







Le second disque est l'album de Camu Tao, décédé l'an dernier, et pour qui la communauté hip hop indé s'est largement mobilisé. Def Jux tel un phénix qui s'écrase aussi tôt renait de ses cendres encore fumantes pour sortir ce disque fou, indescrptible. Pour le décrire, je crois que je ne vois rien de plus logique que de dire que ça ressemble probablement à ce qu'aurait été Gnarls Barkley si cela avait été la fusion entre Beak>, TV on the radio et Giovanni Marks. Vous n'êtes pas plus avancé? Heureusement, internet vous aidera à vous faire une idée.







On finit par faire un coucou à Trent. Que fait-il de ses longues journées depuis qu'il a (temporairement) sabordé NIN? Il refait du NIN avec sa femme et son pote Ross. Le résultats c'est How Te Destroy Angels, un disque chiant et sans intérêt, enfermé dans un très chouette emballage. Si Trent est toujours aussi efficace en terme de production, il tourne tout de même méchamment en rond, et ses qualités de musicien me paraissent de moins en moins réelles. Le pire reste encore les gémissements de sa femme, imperturbable- elle ne cesse de couiner et de grincer comme Britney.







On trouvera davantage notre compte sur la BO du dernier Fincher, qui nous a habitué à du très bon quant aux musiques de ses films: Fight Club était parfait, pour n'en citer qu'un. Choix étonnant, quand on y pense, que de prendre Reznor pour un film où concrètement il ne se passe rien (c'est du moins une réflexion qui aurait pu sembler légitime en 1994), pourtant, on est dans la suite logique de Ghost et l'accompagnement sonore du film est efficace. D'ailleurs, même dans la hi-fi ça passe impeccablement aussi. Bon, en voiture, cette musique solennel est assez chiante, faut dire ce qui est.

jeudi 2 décembre 2010

The Bug - Infected

Mon collègue l'avait explicité avec justesse sur la chronique du précédent maxi, Hitomi est la muse de Kevin Martin, et ça se ressent au niveau musical. Le premier morceau en featuring avec la demoiselle est un des morceaux les plus étonnants que nous a concocté The Bug. Étrangement proche de l'ambiance de King Midas Sound, pour ce côté lourd mais fantomatique et nocturne, avec une rythmique sèche altérée par de parcimonieuses mélodies envolées. Un morceau aérien tout en douceur, ou Hitomi rappelle sans s'y méprendre à Martina Topley Bird, qui était aussi la muse éternelle de Tricky sur ses (meilleurs) albums, avant de rejoindre Satan (Massive Attack). La deuxième étape est une piqûre de rappel pour ceux qui ont aimé London Zoo, puisque Tune in est construite sur la même base instrumentale que Poison Dart, avec Warrior Queen. Cette fois ci c'est le plus en plus inspiré Roots Manuva qui rappe sur ce morceau et le transforme en manifeste urbain dansant pour soirée pas forcément recommandable. On a encore une fois ce sentiment vaporeux du son qui semble s'effacer derrière des volutes de fumée et derrière des machines en fin de vie qui finissent par disjoncter. Le remix à proprement parler de Poison Dart avec Warrior Queen est un dub originel, dans lequel le morceau a été trituré au gré des commandes de la machine, réduction de bpm et bidouillages en tous genres. Il en sort un morceau moins vengeur et une version plus minimaliste pas forcément très convaincante. La grosse surprise réside dans ce remix de Skeng par Autechre, déjà présent sur la compilation des vingt ans de Ninja Tune. Autechre triture le morceau pour disséquer sa fascination pour la rythmique. Le flow ragga semble se poser en contrepoint parfait au travail minutieux d'autechre qui tisse une ambiance plannante en fond de sa création d'arythmie. Un peu comme un morceau de Meat Beat manifesto squelettique, Autechre prouve son aisance à manier les différents univers des possible de leurs machines. (Ninja Tune)

mercredi 1 décembre 2010

Philip Jeck - An Ark for the listener

Ce qui frappe avec les sorties de chez Touch, c'est leur immense cohérence et leur délicatesse artistique. Touch est un label comme on les aime, qui passe au peigne fin ses choix au niveau des artistes, mais aussi au niveau du son des artworks. Un objet de chez Touch est rapidement reconnaissable, et son contenu aussi. Ecueil des musiques avant gardistes et souvent composées de manière conceptuelles, Touch est à la pointe de l'avant garde ambiante. Cette fois ci, le label nous propose un objet de Philip Jeck, qui contient en fait deux différents concepts, donc deux différentes phases de création.

La première phase est An Ark for the listener, qui est une une reflexion sur un verset d'un poème de 1875 :

''With a memory that outrides

The all o water, an ark

For the listener ; for the lingerer with a love glides

Lower than death and the dark ;

A vein for the visiting of the past-prayer, pent in prison,

The-last-breath penitent spirits – the uttermost mark

Our passion-plunged giant risen,

The Christ and the father compassionate, fetched in the storm of

His strides.''

Gerard Manley Hopkins

Une ambiance purement aquatique donc, voire même apocalyptique, qui retrace une noyade en cascade. Un artwork expressément choisi pour, avec une installation présente au tate modern, mais surtout cet arrière de pochette terrifiant, photo d'une chute d'eau à Brighton qui retrace le poids des éléments déchainés.

Une grosse introduction qui permet de contextualiser ce travail de titan de Jeck sur ces différentes installations live qui lui ont permis de compiler cet ark for the listener. Un an de lives pour en arriver à extraire les sons présents sur ce disque. Un travail de romain, dans l'agencement et la justesse des sons.

La deuxième phase sont ces deux morceaux finaux, rajoutés à la fin du disque sous le nom de Coda, qui sont en fait un remix d'une suite de sons extraits d'un live et un morceau préparé pour un magazine.

L'unité, vous me direz ? Elle est bien entendu dans la musique et dans son processus créatif. Jeck crée tout à base de vieux lecteurs de musique, qu'il rachète dans des dépôts (objets bons pour la poubelle en gros) et qu'il bidouille pour en tirer toutes sortes de sons. Jeck crée des sons à base de machines et une fois que les réglages lui conviennent il superpose diverses couches, où salit une propre base sonore. Un travail de longue haleine donc, pour tirer une quelconque cohérence.

Pour cet arc de travail, les ''instruments'' utilisés sont selon Jeck : ''fidelity record-players, Casio SK1 keyboards, Sony minidisc recorders, Behringer mixers, Ibanez bass guitar, Boss delay pedal and zoom bass effects pedal''. L'univers de Jeck est sur cet ark for the listener translucide, et l'ambiant décharnée que l'on croit squelettique se transforme rapidement en trou noir musical, d'une limpidité extrème. La lourdeur du son est accentué par la chaleur des basses (notamment sur ce Thirtieth guerrier) et les mélodies organiques semblent jouées de sous une étendue d'eau. On vit la noyade des corps, à travers cette chute sonique céleste et la succession des différentes phrases musicale est d'une rare cohérence. Seul défaut de ce corps vivant : certains morceaux sont un peu courts et les bribes d'idées auraient surement gagné dans la recherche de drones plus constants. Sinon, du pain béni pour le corps, et une piqûre de rappel pour ceux qui croyaient que seule la dark ambiant permettait d'atteindre ces sphères. Avec aussi peu de moyens, on croit entendre Inade. (Touch).

lundi 29 novembre 2010

Journal d'un festivalier masochiste (seconde séquelle) par Moi


Je suis à la ramasse. Tout d'abord, je n'ai pas pris le temps de finir de déblatérer sur le merveilleux festival Chéries Chéris ou du moins sur sa programmation plus que bancale. Parce que oui, je n'y suis pas allé qu'un week-end mais bien dix jours durant pour y voir une vingtaine de films allant du salutaire documentaire sur la situation des homos en Ouganda au suppliciant film concept de Claude Pérès, Infidèles que je n'ai pas réussi à supporter jusqu'à la fin (première fois de ma vie que je quitte une salle avant la fin d'un film, même pour Un Lac de Grandrieux j'étais resté jusqu'au bout et je peux vous dire qu'il en fallait du courage...) en passant par l'exotisme kitch, cheap et philippin des films de Parungao et d'Altajeros qui continueront longtemps à envier le talent de Brillante Mendoza...

Comble du comble du comble du comble, le grand prix du jury a été remis à l'une des plus affligeantes réalisations que j'ai eu l'occasion de voir durant ces 10 jours de festival, le bien nommé Uncle David dont j'ai parlé dans le billet précédent... La coupe était pleine bien avant la fin du festival mais tout de même! Cela valut au jury d'être chahuté lors de la cérémonie de clôture. C'était la moindre des choses...

Finalement le salut sera venu de deux films européens et des programmes de courts métrages. En effet, Brotherhood, drame danois très sombre sur une liaison interdite entre deux néonazis (allusion aux pratiques des SA qui servirent de prétexte à l'exécution d'Ernst Röhm) méritait de très loin une récompense. Tout comme House Of Boys de Jean Claude Schlim (avec le grand Udo Kier), courageux (mais très imparfait) film sur l'apparition du sida et sa réception dans une maison de passe d'Amsterdam.

Ensuite parce qu'il y a une montagne de films dont j'aimerais parler longuement... Tient, il y a peu, je perdais mon temps à attendre quelque chose quelque part. Par je ne sais quel hasard, je me suis retrouvé dans un rayon dvd d'une grande chaîne de distribution de biens culturels dans laquelle un de mes comparses au crâne rasé a travaillé (je ne peux pas en dire plus, il tient à rester anonyme). J'étais à la recherche d'Amer, un film hommage au Giallo dont je parlerais un autre jour et, que vois-je, une petite pépite que j'ai eu la chance de voir à l'Etrange Festival.

Ils ont osé sortir Pontypool directement en dvd... Les distributeurs sont parfois des gens insensés et criminels qui préfèrent diffuser le remake du Dîner de cons dans moins de 10 salles, avec l'assurance d'un échec certain, alors que se trouvent, sous leurs yeux de professionnels, des choses vraiment intéressantes qui, à défaut d'être des révolutions ultra transgressives ou des chefs d'oeuvre intemporels, sont des films qui dégagent une personnalité forte.

Ce film de Bruce McDonald est un mélange assez savant du Zombie de Romero, du Fog de Carpenter et du Bug de Friedkin. Dans l'Ontario, alors que sévit une tempête de neige, enfermés dans le studio d'une radio locale, quelques animateurs apprennent peu à peu de terrifiantes nouvelles venant de l'extérieur. Le puzzle se construit par le croisement des informations et des témoignages. La pression monte, elle monte même terriblement. McDonald double tout ça d'une paranoïa latente qui s'immisce dans ce qui fait l'essence même de la communication entre les êtres humains du XXIe siècle, le langage. Le film s'ouvre sur un fait divers qui est un somptueux jeu de mot. C'est savoureux. Tout est dans le hors champs, la suggestion, le dehors... Jusqu'à ce que les zombies viennent frapper à la porte du studio. Vraiment si vous traînez comme moi dans le rayon horreur-fantastique, jetez un oeil à la jacket du dvd... Le film, en VO bien sûr, est un très bon moment.

Enfin, c'est véritablement l'actualité brûlante qui m'a fait sortir de mon mutisme circonstancié. Non pas que je me mortifiasse (hum le subjonctif imparfait qui claque) douloureusement comme l'a fait notre nostalgique Big Ad sur son blog (et bing j'te fais de la pub) à propos de la mort de Leslie Nielsen. C'est juste que mercredi c'est le jour des sorties, et qu'est-ce qui sort mercredi? Un film qui a fait un gros buzz sur le net et qui a clôturé l'Etrange Festival (vous allez trouver que je radote mais j'espère au moins que tout ça vous donne envie d'y aller à ce putain de festoch!), j'ai nommé Monsters.

Monsters fait le buzz car on le compare à District 9 de Neill Blomkamp (bizarrement la première fois que j'ai écrit son nom c'est son prénom que j'ai mal orthographié... allez comprendre), parce qu'il n'a coûté que 15.000 dollars (et quand on voit le résultat on se demande comment c'est possible) et parce qu'il est l'oeuvre d'un illustre inconnu tout droit sorti de l'école de ciné, un certain Gareth Edwards.

Démentons une première chose: le film a en réalité coûté 200.000 $ ce qui n'enlève vraiment rien à la beauté plastique de l'ensemble, notamment celle des effets spéciaux. Monsters est l'histoire d'un gars et d'une fille forcé de faire un bout de route ensemble. Le problème c'est qu'ils doivent traverser une zone "infectée" qui s'étale sur une partie du Mexique et des Etats-Unis où vivent de vilaines bestioles extraterrestres.

Edwards pour son premier film livre une parabole politique sincère mais un brin naïve. Même s'il ne devait pas se tourner là au départ, le choix de la frontière américano-mexicaine n'est pas le fruit du hasard. L'analogie faite avec la politique migratoire mise en place conjointement par les deux pays, est évidente et matérialisé par ce mur gigantesque censé empêcher les aliens d'entrer sur le territoire américain. La peur de l'autre, de l'inconnu, de l'envahissement. Celle de la guerre aussi, toujours aussi présente dans les pays anglo-saxons (rappelons qu'Edwards est anglais et pas américain).

Certainement trop affairé à chercher un réalisme qui amène pourtant le film sur les chemins d'un onirisme étrange, humide et brumeux, il en oublie peut-être d'insuffler quelque chose de palpable dans ses personnages, trop en retrait. Le film est souvent contemplatif, pour le plus grand plaisir des yeux. Mais on aurait aimé un souffle, quelque chose qui vous prenne vraiment par les tripes pour adhérer complètement aux intentions du réalisateur. Pour finir je n'oublie pas que j'écris sur un blog initialement dédié à la musique. Sachez donc que la musique est l'oeuvre de Jon Hopkins, comparse d'un certain Brian Eno... Les mélomanes que vous êtes apprécierons peut-être.

Brian Eno - Small Craft on a milk sea

Warp est mort. Vive Warp. Le label n'a plus le monopole du bon goût et des trouvailles folles. Il paraitrait même (selon un dealer de disque toulousain), qu'ils pressent à moins d'exemplaires. Serait-ce une esbrouffe pour m'expliquer que j'arrive trop tard pour toper le Move on ten d'Autechre en LP ? Ou alors un choix commercial qui privilégie l'édition de t shirts boards of canada (foutrement moins risqué, on leur accorde). Pourtant 2010 aura été un bon cru pour le label. D'abord deux Autechre, et d'excellente factures. Ensuite un PVT qui il faut l'avouer était magique. Et pour couronner le tout, on apprend que Brian Eno sort son nouveau disque chez eux. Événement en soi. Du coup j'ai voulu éviter de me spoiler à tout prix. Ne rien lire, ne pas écouter les teasers en tous genres. J'avais envie d'être surpris par ce grand Monsieur. Pour la surprise, on repassera. Par contre, pour le reste, on atteint la dose requise de plaisir sonore en tous genres. Brian Eno a abandonné l'expérimentation depuis quelques temps, c'est chose sure. Mais sur cet album, il a aussi abandonné le mauvais goût pop, mais aussi les différentes collaborations ennuyeuses avec des branleurs de manches hyperactifs. Brian Eno revient à l'essence de ce qui le caractérise:triturer les sons et les agencer de manière à créer une ambiance. Le parrain de l'ambiant music reprend son leg en quelque sorte. Et avec panache. La dose minimale :un bidouilleur de génie, un piano et une guitare. Ce qui chez d'autres artistes me hérisserait au plus haut point, de naïveté contemplative répugnante de mauvais goût, arrive ici en plein cœur de la cible. Eno semble naviguer dans plusieurs terrains dont il est friand, de l'ambiant la plus pure jusqu'à l'electronica dont il a défriche le paysage, en passant par le goût des sonorités dissonantes mais pas trop. Small craft on a Milk sea est un disque en mouvement, qui avance clairement sans regarder derrière lui. Eno retrouve l'alchimie qui a fait de sa musique simpliste quelque chose de sophistiqué. L'agencement des boucles, la reprise de sons, le choix des rythmiques (purement moderne sur cet effort, comme s'il se décidait à entrer dans une nouvelle ère) et son héritage rock n roll/pop forment un tout cohérent qui permet à Eno de livrer un de ses tous meilleurs disques. (Warp)