mercredi 31 mars 2010

Jonas Reinhardt - Powers of Audition

L'album commence sur une petite plage athmosphérique typée Pink Floyd époque Wish you Were, et s'engage ensuite dans une lutte entre synthétiseurs, guitares et batteries endiablées. Jonas Reinhardt sur ce Powers of Audition revendique un concept tout au long de l'effort, où les blancs sont sensés être remplis par l'auditeur lui même, sans qu'il puisse s'en rendre compte. Bataille de moogs, typé revival Goblin (Zombi inside), avec un aspect rythmé héritier du Krautrock, dans la veine de ce qu'a réalisé Zombi Zombi. Pourtant les morceaux sont protéiformes et délaissent un aspect pour étaler les compositions dans un tout autre espace. On se fait ballader des anneaux de Jupiter au centre de la Terre, dans une bataille entre Mé (oui, musique électronique, vous savez, celle que peu d'initiés se partagent, entre Klaus Shoes pour le meilleur, Jean Michel Jarre pour le pire (pour l'anecdote, j'ai découvert récemment que celui ci avait réalisé un album en hommage au commandant cousteau) ou Tangerine Dream pour les deux) et psychedelia enflammée. Pourtant Powers of Audition reste trés rythmé, héritier direct des Pink Floyd époque Dark Side (Orbiter Dicta semble exhumer entièrement la production de cet album) dans sa version la plus céleste. Ce côté vieilli des synthés exige quand même d'être prévenu, car les sonorités sont quand même d'un kitsh propre au genre. Pourtant le charme qu'elles comportent, et le grand renfort d'autres claviers, de saxophone (??) et même de pulsations (Near a mirrored pit viper), permet de tisser une ambiance spatiale et de s'éloigner des égarements nightclubs dans lesquels ces musiques ont été récemment recyclées (Etienne Jaumet entre autres). On finit par trouver le voyage un peu court, et on se fait abandonner en plein vide intersidéral, sans combinaisons ni scaphandre. (Kranky Records)

Laura Gibson & Ethan Rose - Bridge Carols

Luxurieuse dans le minimalisme. Dépouillée et pourtant riche. Ce seraient les mots qui décriraient le mieux cette collaboration entre une chanteuse folk, et un arrangeur sonore. Ethan Rose fournit l'écrin qui permet à la voix de Laura Gibson de s'exprimer, tout au long de ce court album. La folk de Bridge Carols se fait fantomatique, spectrale et dénudée, comme si Ethan Rose avait exhumé des instruments du passé, des vieilles bandes pour les passer de manière erratique et créer une musique pluvieuse, toute en douceur au milieu de certains arrangements champêtres. La voix de Laura Gibson se rajoute par dessus, rappelant beaucoup Bjork, seulement pour son côté femme enfant. Bridge Carols donne la sensation de toucher du bout des doigts une sorte d'eden, de monde à part chez les deux personnages, une sorte de coffre à jouets des temps passés. La production nous rappelle presque les grands compositeurs folks de par leur dénuement et le côté enregistré dans la cuisine (Elliot Smith, l'album solo de Troy Von Baltazar). Un trou d'accalmie dans un monde orageux, où le temps resterait figé le temps de ces quelques notes, de ces quelques arrangements feutrés à base de cordes, de guitares squelettiques, quittés de toutes mélodies, pour en garder l'impact des notes sur la durée. Finalement, ce Bridge Carols serait la suite de Ys de Joanna Newson qui aurait été plus intimiste, chaleureuse (et non pas ce triple album fleuve qui ne se digère pas), une suite faite de peu de choses et pourtant laissant le souffle coupé le temps de ce court moment de paix. (Baskaru)

Brain Damage feat Black Sifichi - Burning before Sunset

La scène dite électro dub française tient quand même plus de l’échec que du mystère. La sensation que ce que la France a pu trouver comme alternative à Massive attack, en quelque sorte, en mariant musique électronique et influences dub (ou black music) a été ce genre pour néo hippies bobos, dreadeux de 18/20 ans qui avaient trouvé dans ce mouvement la satisfaction de pouvoir écouter du reggea moderne (sic) teintés de sonorités électroniques qui leur flattaient les oreilles. Trois fers de lance à ce pseudo mouvement, avec un Zenzile dans sa quète du graal : devenir Massive attack a la place de massive attack (influences rock, tricky en invité) (merde alors), High tone en mode « je me répète dans ma formule basse électrisée qui déchire les dancefloors » (on va nuancer sur Underground wooble, cet album s’écoutait par rapport au reste), et enfin Brain Damage. Bienheureusement, celui dont il est question aujourd’hui est le seul qui possède un quelconque intérêt, notamment grâce à l’album Short Cuts, qui redéfinissait les contours de leur propre musique en s’éloignant de cette soupe électro dub pour découper leurs morceaux au hachoir et s’inspirer de quantités de musiques de film, de petites ambiances pour former un tout cohérent et solide. En quelque sorte, Short Cuts était musicalement bien gaulé, rempli de surprises et surtout sortait des sentiers battus et des clichés horripilants que nous sort et ressort cette scène.

Pourquoi revenir sous le nom Brain Damage feat Black Sifichi ? On est d’accord, le poète est là tout le long de l’effort pour poser sa voix rauque et ses textes désabusés, mais ça n’est pas la première fois qu’il collabore avec le groupe. Burning before sunset est un retour en arrière pour Brain Damage. Là où ils avaient avancé de 10 pas, ils reculent de 9, pour livrer un album plus proche de leurs débuts, aux influences dub bien marquées, avec une basse omniprésente qui rythme des morceaux souvent riches, parfois moins, parsemés de samples et de sonorités variées (les cuivres me rappellent Girl I love You, en ce moment j’en entends partout). L’atout principal de ce disque se révèle être Black Sifichi, avec une voix d’outre tombe qui pose sa diction avec grande classe rappelant presque certains moments de King Midas Sound. On est d’accord, ce disque est taillé pour leurs lives, comme si quelque chose les avait emmerdés dans la tournée Short Cuts, avec quelque chose de bien plus direct, moins de travail sur les ambiances et plus sur les envolées, sur les rythmes. Après, Brain Damage sait nuancer sa musique, pour lui donner un aspect plus filmesque, moins lourde que celle de ses compères, moins adolescente en quelque sorte. Ce disque est plus proche des canons dub old school (lee perry) que des agaçants Zenzile and co.

Burning before sunset marque une pause dans l’avancée du groupe, qui lorgnaient vers des contrées ambiantes de plus en plus assumées et fait passer Short Cuts pour l’exception (malheureusement). Il en reste un sentiment que sans La participation de Sifichi, ce disque aurait été long. Si Brain Damage se veut un groupe de dub ambiancé, on retiendra surtout le côté ambiancé. (Jarring effect)

Microfilm - The bay of future passed

Le Post rock, ce fameux nom batard que l’on a accolé à quantité de groupes, pour signifier qu’ils faisaient des morceaux instrumentaux avec des instruments rock. Jolie fumisterie que ses nouvelles errances, entre shoegaze arty et féminisation outrancière, errances folks par ci par là, voix farinelliesques et grand guignolisme sonore. Le pire dans tout ça, c’est que l’on passe outre les réels objectifs d’un soi disant genre. Putain, il faut pas nous la faire à l’envers, qui est capable de s’envoyer un disque de Mono en entier, ou encore d’écouter A silver Mt Zion (et ses milles projets) sans prendre sa bite dans ses mains et se la frotter nerveusement pour éviter l’ennui. Microfilm est étiqueté post rock. Rien que pour ça, on aurait pu les détester. Ca serait sans compter sur le tour de force que réalise le groupe sur ce nouvel album (qui surclasse de loin les précédents), en livrant un album de ROCK. Pratiquer un rock à grosse tendances instrumentale ne fait pas d’eux un groupe arty, au contraire, les morceaux vont au grain, éliminent les passages inutiles, se contrefichent des structures pseudo progressives ou trois arpèges sont mixés de plus en plus fort pour ensuite se distordre. Microfilm laisse de coté violons et autre mièvreries. Microfilm se rapproche plus des Cure, dans cette façon de faire un rock mélancolique, avec une basse omniprésente et presque dansante, dans cette façon d’insuffler l’énergie du désespoir à ses morceaux, tout en restant dans un idéal céleste. Alors certes, certains passages peuvent rappeler Mogwai, (qui à la base était quand même chaudement recommandable), pour cette façon cristalline d’insister sur une mélodie ou de faire évoluer ses compositions en filigrane. Mais la comparaison s’arrête là. Microfilm se paye une production brute, bien rock, assez rythmiquement lourde, qui contraste avec l’ aspect toile de guitare et rehausse la force mélodique des morceaux.

A cela se rajoute le concept cinématographique, où chaque morceau raconte une histoire, à base de samples d’obscurs films (en majorité francais). De grands moments, avec ce Devant nous, rien qui rappelle la force de la maman et la putain de Diabologum, cette tristesse quotidienne palpable, cette acceptation d’un sort, cette non attente du lendemain (le sample semble retracer la dureté du monde ouvrier, donc du travail, devant l’incapacité à avoir une attente réelle de son travail, et devant le manque de reconnaissance du labeur physique). Le personnage de ce morceau ne se plaint pas, il constate, il regarde ses mains, il souffre et pourtant assume avec courage. Bien agencé, un autre sample sort du lot avec le morceau Blood Sample, psychédélique à souhait, hypnotique qui relate une histoire de meurtre, et qui termine sur un personnage principal admettant à la police qu’il n’y a pas de corps, donc pas de meurtre.

Les morceaux sont directs, la durée totale de l’album bien sentie qui permet de conserver une efficacité tout du long et le concept de composition au rendu poignant par moments. Un des seuls groupes dits post rock intéressants. (Head Records)

dimanche 28 mars 2010

Zëro/Marvin - Rosemary K's Diaries

A un Catalogue récent flambant neuf, les disques de plomb peuvent se targuer d'avoir un sans faute, aprés un Idole de Binaire sombrement efficace. Ce split sur 10'' se veut le premier d'une série (on l'espère) avec un jour par artiste, d'où le day one avec zëro et day two avec Marvin. Zëro, on en parle plus dans ces pages, avec un Joke box excellent et un Diesel Dead Machine encore plus efficace, moins tortueux mais beaucoup plus frontal. C'est cette impression qui se dégage de ces trois titres live, dont deux extraits de Diesel Dead Machine, the Opening et Load Out. D'ailleurs Ce Load out d'entrée a quelque chose de beaucoup plus endiablé sur disque, presque Jesus Lizard pour le côté qui te serine, agressif et insidieux, parsemé de vocaux transformés, beaucoup plus direct, et me rappelant clairement David Yow (mais bon, ça doit s'expliquer par mon manque de références). On enchaine avec le morceau de Joke Box, Car buses etc, beaucoup moins frontal, aux sonorités no wave (le self titled de Sonic Youth), héritieres de bästard, avec chuchotements et voix parlées de guise. Pour finir, the opening en montée en puissance plus festif.
Le deuxième jour, ce fut Marvin. Dépucelage pour ma part, pour un groupe qui vient de ma propre patrie (quelle ironie). Visiblement, avec sa sortie imminente sur long format, ce groupe va faire parler de lui (couverture sur couic mag) et il parait que le disque est fantastique. On veut bien les croire. Sur ce jour là, deux morceaux de l'album à venir sont proposés mais Marvin sur cet enregistrement live lance une machine effrenée avec un Vocomurder époustouflant, rempli de fun, vocoders qui sera de mise, guitares tortueuses qui enchaine les plans, et batterie peut être trop mise en retrait (oui le son live pêche un peu mais on pinaille). Decidemment, Devo revient souvent dans mes dernières critiques, mais la sensation que ce groupe ne finira jamais de créer des vocations. Içi c'est ce côté wagon lancé à pleine allure, plus le vocoder rythmé qui rappelle presque Kraftwerk sur good radiation (ça doit être le côté spatial du tout, qui englobe tous ces riffs). La batterie reprend de son solide sur le dernier morceau de ce split, Moustache 34, de loin le meilleur pour le côté fou des guitares qui se balladent dans quantités d'endroits différents pour revenir avec une facilité déconcertante au point de départ et arriver à une osmose mélodique et remettre sur les rails le wagon qui était lancé.
Bonne idée que de rassembler ces deux groupes pour un split, au vues des différents points communs que l'on peut leur trouver notamment dans cette façon d'envoyer bouler le rock hexagonal, et de débrider avec facilités leurs influences qui semblent être communes. (Les disques de plomb)

vendredi 26 mars 2010

Vex´D- Cloud Seed

Visiblement les mecs avaient arrété, pour plusieurs raisons, mais en grande partie du à la distance géographique et à divers projets qui les empechaient de mener à bien celui-ci. Il y a fort peu longtemps, lorsque j'avais décidé de me mettre à ce genre que l'on appelle dubstep, mon collègue m'avait suggéré de me pencher sur le premier (double) disque, Degenerate. Il en ressortait une impression de cohérence, et de grande maitrise des ambiances. Concrètement, ce qui ressort de ce Cloud Seed (qui pourtant a du être bricolé sur la fin, pour répondre aux exigences du label qui voulaient une sortie sous ce nom), est cette cohésion sur un effort qui reste quand même long (une bonne heure). On éprouve la sensation d'errer au gré d'un mix tellement le tout semble avancer et les ambiances se décanter petit à petit. Ambiances qui prennent leur temps et forment un tout sur la durée, avec peu de réel pilonage dubstep dancefloor comme on les imagine dans un club londonien. Içi le paysage dépeint est cybernétique, futuriste et technologique, entre contrées ambiantes apocalyptiques, douceur sexuelle et tension sous jacente. LE voyage commence avec une intro tout en labourage avec Warrior Queen au chant (présente sur le London Zoo de The Bug, dans ces pages), et s'éloigne peu à peu du genre dit dubstep. Le tour de force de ce cloud seed et de garder une lourdeur grave et des basses dantesques en fond, pour jouer avec plus de sonorités (le trés dub tout court Out of the hills), rajouter quantités d'effets, et s'approprier des contrées futuristes (le remix de Gabriel Prokofiev String Quartete No 2). Vex´d s'aventure même dans des contrées plus trip hop à grand renfort de cordes (Bar Kimura), où à l'aide de la chaleureuse voix de Anneka, pour mieux laminer l'auditeur sur le prochain retour bruitiste et arythmique (le final Nails bruitiste à souhait, presque libérateur suite à l'exigence immersif de tout l'effort). Le tempo reste lent, donc lancinant, surtout vues la profondeur et la lourdeur du son. Garder telle cohérence, dans un enchainement plus proche du mix total (je me répète) est un réel tour de force aux vues des différents paysages dépeints par cet effort. Vex´d joue avec l'aération et l'arythmie pour rendre grâce à ses coulées de basse avec plus de puissance. L'enrobage mélodique reste tout de même trés bien senti, et l'exigence de cet effort le rend encore plus passionnant sur la longueur. Beaucoup plus lourd que Burial, Vex´d livre un effort grave, loin d'être festif, soniquement trés travaillé. Pour rendre grâce à ce disque, mieux vaut éviter la sourdine. (Planet Mu)

Grasscut - Muppet/ Andreya Triana - Lost Where I Belong/ Jammer - Better Than

Pour commencer avec cette série de maxis, Grasscut présente un morceau à l'esthétique complexe et decomplexée, entre une electronica rêveuse, une folie 8bit et des sonorités naïves. Quelques samples par ci par là, dans un début de morceau un peu étrange (notamment vocalement), avec des percussions sautillantes. Puis vient cette nappe, grosse nappe aux limites des musiques trance, mélodiquement imparable, onirique et pourtant dansante, qui mue ensuite en boucle électro rock (batterie à l'appui) puis en avancée plus noisy, toujours en conservant les avancées du morceau (pour la version album, parceque je ne comprendrais jamais à quoi bon des radio edit, tout le temps tronquées). Le tout finit dans un choeur religieux, samplé dans une église. C'est sans aucune surprise (au départ j'étais convaincu qu'il se cachait lui même derrière le nom Grasscut, surtout par cette nappe énorme) que Nathan Fake vient relooker le morceau pour lui donner une teinte plus dancefloor, lui qui ne retient du morceau que cette montée en puissance pour la décliner au gré de beats moins noisy, plus directs et aux sonorités plus étouffés, dans la veine de son collègue James Holden. Un morceau aux couleurs typiquement house moderne, qui dénature largement l'originale (et c'est tant mieux). Pour finir un autre morceau, plus fascination pour les jeux vidéos, toujoura dans cette veine électronique décalée, avec une gaieté omniprésente qui démontre l'amour de Grascut pour les musiques d'ambiances, ou les supports musicaux en tous genres (musiques de films etc...)
Jammer, lui répond présent aux couleurs de son maxi (jogging jamaiquain), pour un single poings en l'air, comme s'il avait inventé la poudre, dans une boucle typée dubstep sur un flow (...) dans une boucle typée dubstep (...) dans une boucle typée dubstep sur un flow (...) dans une boucle typée dubstep sur un flow (...) dans une boucle typée dubstep sur un flow (...) dans une boucle typée dubstep sur un flow (...) dans une boucle typée dubstep sur un flow (non le maxi n'est pas rayé).
Finalement c'est Andreya Triana qui décline un morceau aux accents typiquement soul, sur une musique epurée, presque céleste, mixé par Bonobo (qui sort un album, bientôt si ce n'est pas déjà fait). Joli morceau (on passera directement sur la version album, encore une fois), où la demoiselle s'arme de choeurs, de violons, et surtout d'un lyrisme vocal soul touchant, sufisamment rythmé pour faire claquer des mains, et faisant écho au fait que bientôt Sade viendra garnir ces pages (et ouais mon gros, t'y échapperas pas, chose dite, chose faite). A noter le remix de Flying Lotus assez interessant, qui donne de grosses tonalités hip hop au morceau de base, en l'étouffant un peu plus, et en insistant sur un pilon beat qui rend la voix de Andreya plus plannante. (Ninja Tune & Big Dada)

mercredi 24 mars 2010

Khamsa Khala - All Rites Reserved

La fascination de beaucoup de musiciens occidentaux pour l’Orient n’est pas quelque chose de récent. Beaucoup de musiciens considéraient qu’un voyage, en forme de trip initiatique, un long voyage vers une différente culture leur permettrait en plus de s’enrichir personnellement d’enrichir leur musique à travers ce qu’ils ont vécu, mais aussi par certaines sonorités, rien de bien nouveau en somme.Les Beatles l’avaient déjà fait avec l’Inde, Savage Republic avec leur album Customs, composé avec les moyens du bord suite au vol de leur matos en Grèce, et la liste peut être longue. Jusque là, cet enrichissement restait ancré dans une démarche fondamentalement occidentale dans la manière de faire de l’art. En effet, il est évident que si certaines sonorités dites exotiques, ou world se sont incrustés dans la musique occidentale, même dans sa musique sacrée (oui, pensons à Dead Can Dance sur son Spiritchaser), la musique reste quand même clairement ancrée dans une tradition bien de chez nous. En gros elle permet un rapide angle de vue d’une autre culture, une régurgitation auto centrée d’une façade que le musicien veut bien nous montrer avec son background et son expérience propre. Une Fenêtre ouverte certes, mais toujours étroite. Pourtant, certaines de ces musiques nous paraissent pleines de fantasmes, fascinantes, par l’aspect religieux, ou même par son coté « frontières repoussées ». Ces musiques sont l’invitation au voyage dans notre imaginaire, mais aussi l’invitation à un certain héritage religieux non gangrénée par notre culture chrétienne.

Qu’en est il alors lorsque des musiciens fascinés par l’Afrique du Nord décident de vivre l’expérience de manière totale, en jouant le jeu inverse, c'est-à-dire s’imprégner de la musique locale pour ensuite la salir par quelques éléments de notre contre culture occidentale. Contre culture, car Khamsa Khala parait être bien plus influencé par certaines formations des années 80, héritiers de la musique industrielle tout comme ils étaient novateurs dans la scène électronique. Cabaret Voltaire est le nom qui revient à l’écoute de ce All rites reserved (joli jeu de mots), qui d’ailleurs avaient livré un effort grandement influencé par les ragas indiens sur de longs drones shamaniques. Khamsa Khala livrent avec ce digipack agrémenté d’un DVD une expérience sonore mais aussi visuelle qui prolongent l’expérience vécue autant qu’elle est retranscrite. Instruments typiques sont joués d’une manière industrielle, dans la façon de découper les rythmiques ou d’utiliser certaines technologies pour traiter les sons (sampleurs) . Le premier morceau est d’ailleurs une boucle rythmique obsédante, qui dégaine le ton de l’effort et attaque de manière frontale. Les morceaux restent courts, (et rappellent alors à quel point le dernier effort de OM est bâclé, ou alors une version aseptisée et édulcorée de ce qu’est la vraie transe religieuse) pour laisser l’effort déballer quantités d’idées qui vont des instruments plus lyriques (flutes), au voix d’imams appelant à la prière en passant par un vocal féminin (ce morceau est d’ailleurs le seul qui livre une percussion bien occidentale, aux confins du trip hop). Le parti pris du traitement industriel et direct des instruments se fait sentir à travers certaines boucles, certaines nappes ou encore certains bricolages qui créent une ambiance décadente ancestrale, entre modernité et rites anciens (un peu à l’image de la culture fremen dans le Dune de Frank Herbert). Le disque, en plus d’être très complet est très bien produit, comme si au retour sur leur terre natale l’effort avait été digéré, et beaucoup d’invités se prêtent au jeu pour sublimer l’effort instrumentalement. Oui, beaucoup penseront à Muslimgauze pour la teneur de l’effort, ou sa portée socio culturelle, avec son message clair : le refus du format culturel auxquels sont bridés les artistes dits électroniques. Cependant, je n’ai jamais vraiment trouvé un effort de Muslimgauze aussi complet que celui-ci, et sa discographique maintes fois éreintante pèse contre le bonhomme. Bel objet, musicalement sans fautes, immersif et surtout visuellement très beau. (Lens Records)

lundi 22 mars 2010

Matta - The Lost

Marrant ce duo anglais. Marrant parce qu'ils sont Anglais, et qu'ils sont étiquetés Dubstep. Marrant parce qu'en plus ils nuancent leur musique faite de basses qui raclent la sono d'influences breakcore, plus proche de certains travaux d'Enduser que de Venetian Snares pour l'aspect synthétique d'ailleurs. Gros point positif pour ce maxi, il va direct dans le lard. Définition du duo avant une sortie longue durée, grosses basses découpées au hachoir avec un son très plastique (d'ailleurs le point négatif, qui rend le tout encore trop synthétique, pas assez chaleureux), accolées à des passages plus planants, héritiers peut être de ce Untrue de Burial (oui ce disque a été énormément critiqué, mais mine de rien il fait date dans le genre, peut être que malgré sa soi disant hype il faudrait lui rendre sa qualité intrinsèque). Envolées lyriques sont de la partie avec un morceau ou vocaux féminins sont de la partie (allez, qui n'a pas pensé à Prodigy? Avouez) . Au final un duo qui sonne encore un peu trop dancefloor londonien version 2009, pour un maxi qui ne demande qu'à être étoffé pour comprendre si le duo va en fait s'affaisser comme un soufflé ou si au contraire ces quelques jolis passages vont gagner de l'ampleur sur grand format. (Ad Noiseam)

Chapelier Fou - 613

Le chapelier fou était ce violoniste de formation surement voué à jouer dans un orchestre, qui aurait fini en type triste, peut être premier violon dans un élan de gloire, il se serait mouché dans une salle silencieuse pleins de vieux minant de ne pas dormir en s'appuyant sur leurs accoudoirs pour reprendre une énième fois une pièce de musique.
Mais quelque chose s'est passé chez ce type, une sorte d'illumination et surtout un écart sur son futur qui lui était prédit. Les précédentes sorties annonçaient la couleur, on était en droit d'attendre quelque chose de beau, quelque chose de nouveau, quelque chose qui nous remplisse de bonheur. 613 incarne toutes ces espérances. Le Chapelier fou, surement fort de sa précédente tournée acclamée se libère et éclate sa barrière instrumentale pour livrer quelque chose de toujours aussi intimiste mais pourtant bien plus universel. Un homme orchestre violoniste à la base, qui introduit quantité d'instrumentation néoclassiques à son electronica doucereuse, ou le contraire finalement, tellement la richesse des morceaux et leur intelligence ne permet pas d'établir une balance correcte. 613 est à la fois coloré, doux, joyeux, triste, nostalgique, peint un pays imaginaire tel que l'on pouvait s'inventer étant enfant et remet au gout du jour cet onirisme poignant et mélancolique. Le violon reste son instrument de prédilection, et la base fondamentale de cet effort, où le chapelier fou sample ses phrases, touche ses cordes, range parfois l'archet au placard pour digérer ses partitions et les intégrer à un tout beaucoup plus symbolique et beaucoup plus riche. On peut aisément l'accoler à cette frange d'artistes recherchant à tout prix à recréer cette magie imaginaire et ces fantasmes propres à l'enfance (son surnom n'est d'ailleurs pas choisi au hasard), pour livrer un pays imaginaire flottant, toujours doux et toujours très fin, avec une pointe de mélancolie (que vient sublimer la voix de Matt Elliott sur un morceau, qui plombe carrément l'ambiance, dans le sens positif du terme). On pense alors à Boards of Canada pour cette grâce et ce raffinement dans les arrangements, mais le Chapelier fou brouille les cartes, fort d'une production impeccable et d'une intelligence musicale. Rempli de surprise, cet album est aussi impeccable sur la longueur et truffé de détails, loin de vouloir peindre une bande originale ratée et synthétique, mais choisissant d'accoler son background classique à une vision d'une musique électronique personnelle, peut être plus à l'image d'un Richard D James pour l'univers marqué et sans concession. Gros coup de coeur que ce 613, qui fourmille d'idées et reste pourtant étrangement accessible et immédiat. " Comme c'est bizarre". (Ici d'ailleurs)

dimanche 21 mars 2010

AUTECHRE- La Machine du Moulin Rouge


Prise de conscience tardive, une merde sans nom pour dénicher une place ou un moyen d'entrer, et voilà, pas loin de minuit, une veille d'élection, prêt à prendre Autechre dans les chicos. Non, BTN ne nous permet pas d'avoir des invitations. Haswell, avec qui Autechre partage GESCOM en premier (enfin après Didgits) pilonne un coup sec et suintant les oreilles non averties. Merzbow, de son japon, se sent petit face à l'agression saccadée. Haineux.
Comme quand Autechre monte sur scène d'ailleurs. Pas de mise en scène, rien. Dans le noir, ils prennant place et sans se soucier de savoir si la sono a fini de passer son disque les basses rugissent. Contrairement au Rex il y'a déja 2 ans, Booth et Brown sont en hauteur, ce qui confère à leur statut de légendes une certaine crédibilité ce soir. Le son est imposant, assez baveux et imprécis, si bien qu'une enceinte (comme chez DOOM) rend l'âme rapidement. Autechre raconte en interview qu'ils n'ont pas rallumer leurs machines de leur dernière tournée, si bien que leur set up est le même qu'il y'a 4 ou 5 ans, basé autour de l'ordinateur. La musique y parait bien plus froide, glaciale même, et brute que précédemment. L'écart avec Oversteps (qui m'attends sagement ce soir sur ma platine, pour une redescente nocturne tout en douceur, le privilège de bien s'entendre avec quelques disquaires livrés en temps et en heure!) est encore plus flagrant: ici pas de pauses, pas de longues progressions. Autechre fait de la dance pour déviants. Tout y est âpre, sec, maladif. De courtes séquences s'enchainent, destructurant en permanence les mesures instables, qui ne se répètent jamais. Une fessée auditive qui, définitivement, créée sur scène un fossé gigantesque avec l'élégance que l'on prête généralement à cette musique. Au milieu des casses-couilles déplacés en légion ce soir encore (pourquoi tu viens à un concert avec ta promise pour passer la soirée à lui hurler dans les oreilles des conneries sur ta vie et tes soucis au boulot si c'est pas pour justifier la rançon demandée pour ton droit d'accès à ce concert??? Je ne comprends pas... a moins que les lecteurs propres des Inrocks retombés en adolescence qui jouent au pogoteurs limités-une célèbre digression psychologique déja constaté lors du concert au rex-t'ai vraiment épuisé ce que je peux totalement concevoir) un illuminé lève les bras au ciel comme si son empereur lui avait proposé un chatiment privilégié. Crasse bénédiction.

PS: Oui, la photo reflète bien ce qui est écrit plus haut: Autechre joue dans le noir. Total.

PS2: Merci infiniment à Hachou (qui avait composé la chronique de Pig Destroyer l'an dernier). Il saura pourquoi.

samedi 20 mars 2010

Loscil - Endless Falls

Un jour de pluie, un jour où la fille de Scott Morgan (quatre ans) décide de prendre en photo cette cover du siège arrière de la voiture. Pourtant, ces automnes sans fin, cette humidité de la musique de Loscil est réhaussée tout le long par une chaleur instrumentale et un bourgeonnement d'idées. On tient un des disques d'ambiant se rapprochant de la qualité des derniers Tim Hecker. Un paysage cette fois ci bien réel, un paysage certes contemplatif (truisme pour un disque de ce genre), mais plus enlevé, à l'image des meilleurs travaux de Biosphere. Les morceaux s'articulent autour d'un drone fait de nappes de claviers, au volume crescendo et en couches qui se superpose et où viennent se greffer plusieurs éléments, d'une richesse contenue. Rythmique électronique ou divers glitchs discrets se greffent à des morceaux à l'architecture religieuse, avec un son plus céleste qu'étouffant. Le travail de Loscil sur ce endless falls se veut moins naturel et beaucoup plus menaçant, et le disque tisse une toile absorbante le long de cette heure de musique (deux morceaux de plus sur la version double LP) qui aboutit sur ce lake Orchard mininaliste à souhait avec pilon d'une ligne de basse fantomatique sur divers glitchs de drones alourdis et ralentis dans leurs effets. Loscil livre un molosse ambiant qui mord, qui se livre sur la longueur et prend son temps à étaler son paysage. Scott Morgan fait le pari de la durée, et aurait trés bien pu construire son disque en un seul morceau mais a préféré lui insuffler cette dynamique poétique et plus accessible, avec certains aspects bien plus humains (violons) qui peut à peut s'estompent. Certaines répétitions ou ajouts de couches se rapprocheraient des travaux de Reich, notamment dans certains mouvements plus saccadés ou enlevés mais la finalité moderne de l'effort, le parti pris sans concession d'un paysage aride réalisé à base de sonorités humides et les envolées sonores (Morgan joue énormément avec la superposition de ses couches et leur impact selon le volume) rapproche plus ce endless falls d'un long drone qu'aurait pu pondre Coil. L'album se termine sur un des plus beaux morceaux du genre jamais composés, avec ajout de voix à l'appui, diction spoken words à la tristesse infinie qui sublime les sonorités encore plus parcimonieuses de Morgan. "I've Lost interest in Music. It is Horrible". (Kranky Records).

jeudi 18 mars 2010

Mi Ami - Steal your face

J'aurais été sur que ça serait un one shot tellement le précédent était jusqu'au boutiste. Pourtant les gaziers reviennent encore plus enragés, et surtout dans une formation bien plus aguerrie avec un disque beaucoup plus complet. On ne change pas la formule du tout au tout, les guitares acérées sont toujours de la partie, les percussions épileptiques aussi, et on reconduit la folie furieuse vocale du précédent. Pourtant Steal your face est encore plus maladif que Watersports, fort d'un parti pris encore plus drogué, et insiste sur les ambiances comme une scie sauteuse. Cette fois ci les influences dub se font bien plus sentir, comme un bad trip qui s'intercale entre les rythmiques folles pour enfoncer le clou. Là où le précédent était axé sur une angoisse palpable de bout en bout le son sait ici se faire plus cristallin, et retrace quantité d'ambiances enfumées. Percussions rencontrent batteries et delay de toms pour exploser dans une hystérie latine dansante as fuck. Copulation au milieu d'un carnaval sous extasy, les vocaux présentent toujours cette folie sous jacente si ce n'est pas la démence totale par certains moments. Mais là où steal your face se détache du précédent c'est clairement dans ce panel de paysages qui vont piocher dans des visions beaucoup plus variées (dreamers), entre punk arraché, dub lancinante, mélodies bluesy noisy, itérations contemporaines dignes des plus grands shamans musicaux et écarts 8bit. Cette came est la dose la plus forte, la plus exotique et la plus efficace qu'on aurait pu attendre de leur part. Et cet aspect touchant qui se dégage sur la fin de l'effort était la dernière chose que l'on attendait d'eux (Native Americans). Favoris. (Thrill Jokey)

Zëro - Diesel Dead Machine

Il paraît que le précédent EP est entièrement intégré à l'album, et que du coup certains se sentent lésés vu que l'album est pas forcément long. Ça tombe bien, je ne possède pas Bobby Fisher, et surtout ça tombe bien qu'il ne soit pas plus long ce disque, car rien ne dépasse. Autant Joke Box était fantastique, autant celui là l'enterre. Un énorme travail de digestion des influences, et d'un affranchissement des ainés. Zëro n'a que faire de ses ainés, qui ont déjà défriché une scène dite noise rock par le passé (eux en tête d'ailleurs, avec bästard). Le rythme prend son envol, et zëro quitte tout artifice dit ambiancé à sa musique, pour ne sortir que l'essentiel de ce qui fait un disque de rock n roll aujourd'hui. Un disque où la technologie et le brassage des influences est passé par là, un disque où les synthés se marient encore mieux à des beats dantesques et où les roulements de toms ne trouvent écho que dans un chant écorche et beaucoup plus assumé. Production impeccable pour un disque OVNI, frénésie noisy mélodique aussi chargée en énergie qu'un paquet de dynamite, le tout appuyé par une intelligence de composition qui fait défaut à majorité des groupes estampillés de la sorte depuis belle lurette. A l'arrivée on se perd dans des morceaux directs, sachant rester accrocheurs. Jamais ce diesel dead machine rajoute la couche qui rend un effort indigeste, sait garder l'humour que tout effort rock devrait posséder, avec une auto dérision remarquée à l'image de Devo des débuts, entre sonorités kitchs et riffing décomplexé. La France n'avait pas sorti un disque aussi passionnant et intelligent de bout en bout depuis longtemps dans le style. Diesel dead machine est le disque qui te montre les fesses pour te faire la nique, avec une prise de risque totale, et un plaisir à jouer qui s'entend de bout en bout. Musique pour danser à poil avec chapeau de cowboy et claquer le fesses de ta voisine en souriant. (http://www.myspace.com/zeromusik )

mercredi 17 mars 2010

Yann Tiersen - Palestine EP

Les productions içi d'ailleurs sont de plus en plus travaillées, de plus en plus inédites. Y'a qu'à voir le packaging de la boîte des songs de Matt Elliott, ou sans taper dans le côté artistique les collaborations incongrues et souvent sublimées qui en ressortent. Dernière chronique en date était ce céleste this immortal coil, où se cachaient tripotée de noms. Visiblement ça en aura inspiré des collaborations, notamment sur cet EP précédent la sortie du prochain Tiersen. On va être clair d'entrée, Tiersen est capable du pire comme du meilleur. Un morceau du prochain album, pour 4 réinterprétations. Le morceau original entame l'ep, avec un son chaud et enveloppant, une rythmique cotonneuse qui entoure les notes infantiles et la musique onirique de Tiersen. Au gré du morceau monte la tension, à travers ces vocaux scandées, ces mélodies vaguement noisy en fond, le tout porté par une mélodie envoûtante. Premier remix, oktopus (dälek) s'y colle sous le nom de deadverse pour livrer une version guerrière de ce Palestine. Ici on se bat bien à coups de cailloux contre des tanks, et les seuls restes du morceaux original sont ces vocaux qui deviennent un coup de surin rythmique de plus à l'édifice dub et urbain que construit oktopus. Ce morceau n'est d'ailleurs pas sans rappeler les productions Godflesh sur love and hate in dub, avec une rondeur et une sécheresse hip hop pas loin de Ice.
Deuxième essai avec le chapelier fou, qui lui tire l'essence onirique du morceau en livrant une savante version cristalline, en agenceant beats déconstruits dans la plus pure tradition Richard D james album, en ralentissant et cassant les rythmes pour mieux arriver à intercaler sa patte colorée presque cabaret à la musique et finir par faire s'accoupler la mélodie de base au pur autisme électronique. Prouesse.
Matt Elliott quand à lui déleste un instant ses errances folks désenchantées des carpates pour renouer avec ses anciens amours de la basse et de la science du rythme. Il signe sous Third eye foundation un remix dans la lignée de celui d'oktopus avec moins d'aisance, et en laissant vivre un peu plus la musique de Yann Tiersen, en laissant la vie derrière sa couche de basse écrasante aux confins des sorties hyperdub. Comme si le morceau vivait encore, même écrasé sous une couche de ciment.
Après ces trois remix qui élèvent clairement le travail de Tiersen sur un plan rythmique, jouant avec la mélodie pour la transformer en quelque chose de beaucoup plus sombre, versions salies d'un morceau presque enfantin, c'est Tiersen lui même qui se prête au jeu en rendant une copie labyrynthique de son morceau divisant en deux mouvements son morceau, un premier dénué de rythme, presque néoclassique, apaisé, pour s'ouvrir sur une deuxième partie plus lancinante et surtout bien plus électronique et minimale que ce à quoi nous avait habitué le gazier.

lundi 15 mars 2010

Gill Scott-Heron - I'm New Here

Imaginez un débris qui rentre dans votre bar, votre bar habituel, celui où vous faites offrir des demis en bon pilier de comptoir. Vous êtes là à votre accoutumée, en sirotant des verres en désespoir du lendemain, toujours plus dur que la veille, essayant d'oublier la misère de votre quotidien. Bien entendu vous ne parlez jamais à personne, aux clans formés d'ores et déjà qui se pignolent entre potes, entre rires sournois qui vous fatiguent de fausseté, ou vous font jalouser d'envie au fond. Bref, accoudé, à moitié saoul, avec ces flash lancinants dans votre tête, où vous écrasez la tête d'un de ces incestueux petits connards contre le tabouret, pour enfin rigoler et utiliser l'alcool de manière salvatrice, vous êtes chez vous. Et rentre ce vieux gars. Il s'assoit à coté de vous, place normalement vide, et ô sacrilège il vous adresse la parole. Il vous dit qu'il est nouveau ici, que l'ambiance lui plait, et qu'il compte y rester. Et il vous adresse la parole. Il commence à vous parler, à vous raconter des histoires. Et là où normalement vous auriez rabattu son caquet de vieil homme, vous l'auriez saigné à froid pour qu'il la ferme sa grande gueule, là où vous commenciez à lui répéter qu'on vous la fait pas à vous, la magie opère. Ce type a un talent d'orateur fou, il vous hypnotise, vous raconte ses errances, et au gré des verres de whisky qu'il descend, votre taux d'alcoolémie s'emporte au contact de ses divagations. Ce type vous ramène à votre condition, son dévolu s'est porté sur vous, pas sur eux. Vous touchant au plus profond de votre être, vous racontant ses errances au gré du monde, ça en devient chantant, rythmé, et il vous prend l'envie de l'accompagner, de claquer des mains, de taper du pied, sur une rythmique parfois presque hip hop, soul, toujours cajoleuse. Vous l'accompagnez et ce type rigole, il se fend la poire de bien être, il continue à vous embourber dans ses délires. Vous l'admirez ce type, vous vous prenez à envier sa vie, vous enviez le fait qu'il se tienne là, au même endroit que vous mais en en ayant vu beaucoup plus. Au fond ce type, c'est ce que vous voudriez être. Là est le tour de force.

THE BUG- Run


Au rythme où les projets de Kevin Martin se retrouvent sur ces pages, il nous suffira plus que de stipuler si le disque est bien ou pas, car discret comme est le bonhomme, notre réserve d'informations va rapidement s'amenuiser.
Martin expliquait l'an dernier que sa nouvelle muse asiatique, Hitomi, avait débloqué le processus créatif de King Midas Sound, permettant enfin au disque de voir le jour. On pourrait bien croire que la rencontre avec l'artiste à des répercussions à tous les niveaux puisque son influence se déploit également au sein de The Bug-en plus de l'inédit Black Chow pour Hyperdub. Bien moins mélodieux que ses derniers travaux donc, The Bug continue son propre parcours, s'éloignant semble-t-il du "dubstep", label encombrant s'il en est, pour aller plus dans le sens d'obsessions plus anciennes chez Martin (le hip hop, le bruit, le dance hall). Reprenant le même schéma que pour le second EP de KMS, ce nouvel essai de l'insecte, assez inattendu, développe sur 3 pistes un thème, un seul et même motif qui varie au gré des voix et des orchestrations. Sombre, noir, agressif, la musique est ici obsédante, si l'on peut faire abstractions des conneries baragouiner dessus: les voix sont impeccables, mais les paroles type "white is black, right is wrong" semblent bien creuses.
Seconde fois également que la nouvelle muse de Martin confectionne le visuel, et ici aussi le résultat est très réussi. Un mariage (artistique du moins) qui ne fait pas de faute jusque là.

ANTIPOP CONSORTIUM- Fluorescent black


Noir fluo! Comme un message à passer, ou simplement une référence à leurs couleurs scintillantes dans leur dernier clip? Dernier, ou plutôt premier depuis la réconciliation. APC s'était désosser lui-même après son second album, chacun y allant de sa petite escapade, formant néanmoins deux blocs distincts: Beans d'un coté (on en a parlé, notamment avec Thorns) et M Sayiid et H priest de l'autre (Airborne audio, on en a pas parlé, mais si le site eut existé en 2005 probablement qu'on en aurait parlé). Réunis, avec le discret mais néanmoins effectif Earl Blaize dès 2007, Antipop sort donc le disque qui prouve que le groupe a des choses à dire et n'est pas là que pour effectuer une performance pour fanatiques blindés lors d'un quelconque ATP.
Certes, APC ne révolutionnent pas la musique qu'ils avaient laissés orpheline après 2002, mais signalons tout de même que les suiveurs n'ont pas été légion. C'est donc en terre vierge que le quatuor revient, comme pour reprendre une place qui ne lui était de toute façon pas disputée. En une demi décennie d'absence, le groupe se ressoude donc en ayant affiné sa propre formule, si bien que sans rien apporter à son propre parcours, et à leurs propres exigences, les New Yorkais ont surtout fait un disque où leur mixture arrive à son apogée. Comme tous les groupes qui ont plus de 10 ans d'existences, on peut se questionner sur la pertinence d'exister encore après tant de temps - et laisse donc le choix de ne pas écouter ses disques au final. Mais une persévérance certaine dévoile qu'au delà de choix et d'évidences charmeuses (I was Born electric), existent de réelles qualités. La production est limpide, puissante et précise, tandis que les constructions mélodiques sont régulièrement judicieuses. En cela d'ailleurs Antipop Consortium ne mérite aucunement le caractère "experimentale" qu'on colle systématiquement à sa musique: en s'appliquant rigoureusement au schéma chanson (couplet-refrain) APC ne tatonne pas, il construit comme on envisage un morceau pop: en le composant. Ici pas de bruits, pas de passages foncièrement surprenant pour une paire d'oreilles réfléchies. APC ne sample plus depuis longtemps, mais compose tout. Ses éléments rythmiques accompagnent des mélodies qu'ils définissent eux-même. De fait, c'est à leur sommet que sont aujourd'hui les 4. Lay me Down, Reflections, Volcano, apparently, NY to Tokyo sont autant de preuves que sans aucun renouvellement, APC pose parmis ses tous meilleurs morceaux. Et du coup, noir fluo savère peut être un cran au dessus du trop long Arrythmia, mais ne dépasse pas encore le plus experimentale (qui pour le coup l'est réellement) Tragic Epilogue.
A ceux qui hésiterait encore entre le CD et le Vinyle, en plus d'offrir une réelle qualité de pressage (une habitude chez eux: Arrythmia gagnait largement en qualité sur le support noir), le vinyle permet de jouir au mieux du vertigineux visuel.

THAVIUS BECK- Dialogue


Avant que Labwaste soit mis entre parenthèse fin 2007, Adlib semblait bien se diriger vers une musique de plus en plus orientée dancefloor, comme si l'aspect purement hip hop indé ne satisfaisait plus le beat maker. On aurait également pu croire que Beck lorgnait sévèrement vers une musique de plus en plus rude, de par une association obscure avec Reznor (par obscure j'entends: qu'a t-il fait concrètement a part un remix?). Lors d'un passage parisien en hiver 2007-08 alors qu' il accélérait sensiblement le BPM de ses rythmiques, on avait tous les éléments en main pour croire que la musique de Beck, en tout cas, allait se muter sur son prochain album. Puis la collaboration avec K-the-I??? nous affirmait comme le contraire.
Dialogue se sera fait attendre, finalement. Mais la surprise n'est pas là pour autant, si ce n'est dans la teneur générale de l'album. On sait Beck peu fan de sa voix, aussi, il s'évertue pourtant à poser cette dernière sur la grande majorité des morceaux collecté ici. Choix intéressant; même si Adlib ne sera jamais le MC le plus rapide de l'ouest son timbre est agréable, contraste avec la musique parfois glaciale. Il confère de plus au disque une cohérence qui faisait défaut à Thru, album qui semblait s'égarer à bien des endroits. Sur le plan musical en revanche, la musique de Thavius ne semble pas avoir tellement évoluer. Sa production prend de l'ampleur au fur et à mesure qu'il avance dans sa propre discographie. Mais son utilisation de certains procédés techniques propre à la musique électronique le rattache indubitablement à une certaine facilité, renforcé par une production qui ne s'aère pas, qui reste trop enfermé dans un écrin digitale. Le déluge de synthés et de charley numériques, par exemple, sur "Go!" qui est néanmoins impeccablement rappé, accolle au disque un aspect brouillon. Ces quelques défauts d'effets techno gabber au robot ménager n'empêche pas le disque d'être remarquable. Trop d'exigences de notre coté? Nous finirons par souligner l'artwork très soigné de la pochette, réalisé avec soin par Sonny Kay (Mars Volta) et qui semble faire écho à une pochette plus ancienne de Del tha Funky Homosapien.

jeudi 11 mars 2010

The Prodigy - The Fat of the Land

Ici bas on est du genre idée fixe. Du genre l’idée qui te trotte trop longtemps dans la tête. En l’occurrence cette blague là elle tient la route depuis 1997. Autant dire une éternité dans le monde des musiques dites électroniques. Une musique qui avance au gré des technologies, indéniablement, et qui possède les sonorités les plus marquées par une époque. Un disque électronique, en général, c’est marqué d’un sceau. Alors on joue vraiment au con avec ce groupe, qui finira par avoir ici (si ce n’est pas déjà fait) plus de chroniques que d’albums dans leur discographie. Normal, vous nous direz lorsque mon collègue se paye une dissertation sur UN morceau, avant de se payer une chronique fabuleuse du précédent album (Music for the Jilted generation). Normal aussi lorsque l’album sorti l’an dernier en est déjà à trois articles au compteur. Autant dire qu’ici, prodigy a plus de succès qu’en France.

Oui car ce qui est fascinant avec ce groupe, c’est qu’il fait clairement partie des entités mainstreams, de celles pour qui la sortie d’un album est un événement en soi, de celle pour qui une tournée se transforme rapidement en raz de marée. Raz de marée qui est moins valable en France ou le groupe est boudé, peut être à cause d’un vulgaire chauvinisme qui fait que l’on tient à notre soi disant french touch, que l’on préfère nos soirées animées par nos Daft Punk, Justice, Vitalic et consorts, représentants à la tronche plus catholique (désolé M. Fabius) d’un genre destiné à moisir sur les dancefloor de boites françaises et parisiennes (un monde à part) périmées, où bon goût ne rime pas avec prix de la vie. Prodigy est clairement cantonné à quelques tubes (peut être que 2009/2010 signe leur retour en grâce auprès d’un public français, retour qui se sera fait à coups de grosse artillerie live, guerre et feu), mais surtout et notamment à ce Smack my bitch up monstrueux, dantesque, agrémenté d’un clip tout aussi lourdaud et à la fois passionnant. L’histoire d’anamour, de haine, appelez ça comme vous voulez commence là, par un morceau surexposé, maintes fois entendus, un morceau que TOUT le monde connait mais qui est resté cantonné à ce statut de tube générationnel, qui fleurit toujours en soirée, et qui restera bloqué comme première piste d’un disque vendu par camion mais éternellement bloqué en mode repeat. Un clip censuré, un morceau taxé de misogyne et un groupe taxé de gros con (en gros) si on rajoute l’inscription dans leur livret, citation de Goring. L’histoire on la connait, parti de là Prodigy incarne un mouvement musical à lui tout seul. On lui trouve des copains de soirée plutôt pas fréquentables (Fatboyslim, sic !), et on l’affuble du sobriquet Big beat. Vaste blague que ce catalogage express qui permet de ranger une musique à tiroir plus facilement dans un de ces tiroirs justement, pour se débarrasser de quelque chose de trop encombrant.

Il a maintenant 13 ans, ce disque, autant dire que c’est un homme d’âge mur, qui devrait avoir la libido plus trop explosive, sur la pente descendante plutôt qu’en baraka. Et bien non. The fat of the land n’a pas pris une seule ride, ni dans les sons, ni dans la production, ni dans le genre, ni dans certains gimmicks. Autant, son successeur est déjà agaçant cinq ans après avec ces sonorités fisher price en guise de clavier, et une rythmique en pvc plutôt qu’en fer forgé, autant the Fat of the land reste en haut du slogan guerre et feu, et brandit le blason que Prodigy revendique sur scène. Une teuf, une méga rave qui se fait d’autant plus actuelle aujourd’hui qu’une grande partie de la scène électronique dite moderne (ces intellectuels de breakcoreux ou d’idm) reviennent à l’essence de leur musique pour rebalancer des sonorités genre caravane dans la forêt, pilules magiques et tête contre l’ampli (je pense au retour de Venetian Snares à ces sonorités par exemple). Une teuf où se rencontreraient tous les rebus de tous les genres, des fans de grosses guitares (les influences rock ne sont pas une nouveauté chez le groupe : Vodoo people), des punks à chiens, les fans de hip hop, les défoncés chroniques planant pour une dose de clavier sentant légèrement la marie jeanne. Un même dancefloor où agiter sa tête, entre compagnons exclus, entre compagnons visant le même idéal : le booty bounce.

Au delà de cet humour, de ces influences débridées, et surtout de cette efficacité qui fait mouche du début à la fin de cet effort (allez, Breathe est fatigante à la longue, peut être pour ça qu’ils la rejouent à une sauce différente actuellement), c’est surtout la justesse des arrangements, du choix sonore, la richesse du tout, la folie meurtrière rythmique agrémentée de quantités de beats au sens frappant du terme. Le tout est enveloppé dans une masse clairement audible de sons, de coupures rythmiques de superpositions de couches, de reprises thématiques orchestrées parfaitement. Prodigy sur the fat of the land, c’est l’aspect enfumé et efficace du rock au service de la musique électronique et de son aspect clinique, avec ces basses jouées comme si tu tenais ton propre instrument (Climbatize, ou LE meilleur morceau du groupe), ces rythmiques assassines que l’on peut mettre en parallèle avec l’approche que les Beastie Boys ont eu du hip hop (Diesel Power en étendard tue le hip hop). A l’heure où quantité d’artistes ont déshumanisé leur musique sous prétexte qu’ils pouvaient composer avec moins de budget, avec moins de temps requis, avec moins d’appareillage, avec des machines moins encombrantes. A l’heure où le premier guignol venu peut sortir sa production électronique, Prodigy rappelle avec ce Fat of the land la beauté et l’intérêt de l’instrumentation et de l’orchestration. Et c’est clairement ce qui a fait défaut à son successeur, qui sera composé de manière plus humble, plus cheap aussi, et qui sonnera en conséquence, mais qui restera supérieur à toutes les productions du genre dit electro clash mes couilles sur ton front, simplement orné de ce nom maudit : prodigy.

The Fat of the land reste toujours aussi actuel, aussi immédiat, aussi rond, aussi luxuriant, aussi accueillant et restera un de ces disques générationnels comme il s’en fera rarement. Un album clé pour passer au XXIème siècle, un album clé des années 90, et surtout un disque encore tout chaud, qui je le répète, 13 ans est toujours complètement actuel. Un article pour faire date, et surtout pour comprendre l’essence et l’apport de ce groupe sur la scène actuel, pour un disque qui fait date.

Der Blutharsch - Live at the Monastery

On me l’avait bien caché celui là. Un live en Autriche, entièrement acoustique, visiblement enregistré dans un monastère. Un live charnière de l’entité qui se transforme peu à peu en un groupe de rock psychédélique, dernier rempart face aux aspirations industrielles et surtout dernière mutation pour délester les velléités médiévales de The Moon Lay hidden beneath a cloud. Quoi de mieux alors que d’enregistrer dans un lieu non païen ? Quoi de mieux que de se délester de toutes les influences ambiant, les ambiances de guerre mondiale largement fondatrices de l’entité (qui justifiaient d’ailleurs son existence suite au précédent projet d’Albin Julius) ? Finalement quoi de mieux que de finaliser l’essai qu’ était Time is Thee enemy pour pouvoir définitivement enterrer les errements stylistiques, choix qui débouchera clairement sur ce When did Wonderland end ? (on en reparlera).

Ce live At the Monastery est le disque apo folk de Der blutharsch, le seul l’unique disque entièrement folk du projet, live acoustique sublimant les mélodies simples, directes, les instruments forestiers et l’ambiance religieuse et mystiques d’une musique typiquement folk. Finalement, cet album, ce live qui réinterprète les versions d’anciens morceau du groupe (point d’ancrage tout au long de la carrière du groupe, la mutation de ses propres morceaux, présentés comme des matériaux bruts protéiformes qui seront remodelés tout au long de leur carrière :je pense à ce magnifique Everything is Alright !, album de cover d’eux même) arrive au point nommé. Epurés au maximum, les morceaux présentent le projet sous un angle plus humain, moins martial (même si l’aspect percussif reste une marque de fabrique du groupe même sous un schéma acoustique), plus touchant peut être, moins psyché que ce que deviendra l’entité. Ce Live at Monastery arrive comme un hommage des deux collaborations de Albin avec Douglas Pierce sur les deux albums de Death In june (Take care and control et Operation hummingbird). Là où ces deux disques sont largement influencés par les travaux de Der blutharsch, ce live at monastery parait être l’album de Der blutharsch le plus influencé par Douglas Pierce.

Comment ne pas craquer devant l’immédiat de ces mélodies, douces, entourés de violons, de clarinettes, encadrant des paroles touchantes et des vocaux se mélangeant, se répondant, le tout dans une acoustique parfaite, laissant vivre un son plus brut du groupe. Ce live at the monastery est un disque à la fois à part et charnière pour Der Blutharsch, peut être le seul aussi homogène d’ailleurs, aussi direct, aussi rempli d’optimisme guerrier. « Never Surrender ».

vendredi 5 mars 2010

Death in Vegas - Dead Elvis

Sophia Coppola, Elvis Presley, Andy Warhol. Trois noms qui nous rappellent que Death in Vegas sont lourdauds. Déjà cette pochette pue la masturbation, rappelle ces tableaux ridiculeusement plagiés sur le déjà ridicule Marilyn de Warhol, où l’on peut voir Jim Morrisson et consorts répétés à l’infini sur fond de couleurs bisounours. Berk. Et encore berk pour le statut de ce groupe surestimé, brassant quantités d’influences déjà vues, arrivant pile au bon moment. Un soufflé qui commence plus bas que bas, avec ces influences reggea/dub typiquement françaises, les mariant avec des sonorités électro kitsh, genre découvertes de la machine. Scène britannique qui pète plus haut que son cul, arty au sommet de la chaine, putassier dans la production, sans jamais la moindre prétention d’une cohérence quelconque. Dead Elvis c’est un peu la BO d’un film de série B qui se voudrait intellectuel, comme si Godzilla rencontrait jackie chan en jamaique, pour livrer un combat singulier et complètement épique (sic !), étiré sur toute sa longueur, passages ambiant de rigueur pour les ralentis incluant les perles de sueur tombant version Zack Snyder. Caméra retour arrière pour les plans plus post rock, genre mise en exergue de la tristesse de la chose (I Spy), toutes cithares dehors, accélération meurtrières de rigueur sur le double kick retombé arrière, avec un remake de Prodigy époque The Fat of the land en passage à tabac (du genre, Austin Powers qui jouerait du Tenacious D). Malheureusement, la série B musicale, n’est pas un genre à part entière, et Death In vegas ne gardera son nom que pour une apparition correcte au sein de la BO de Lost in Translation. C’est en revenant sur ce disque qu’on en viendrait presque à trouver le dernier Massive Attack bon.

Pelican - Ouat Oui Hole Come Tou Nideu

Voila une participation d'un dénommé gugo, avec son propre accord, et son amour éperdu pour la musique de Pelican. Baudelaire parlait d'un autre oiseau à l'époque, le fameux Albatros: Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !//Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid ! Trève de Bavardages, parole à l'ami gugo:

"Quand on est dans la merde jusqu'au cou, il ne reste plus qu'à chanter." Beckett


Informer c'est déjà vendre un peu quoi qu'on en dise. A la prime citation d'un simple produit ou de son triste auteur ce sont des copies écoulées, c'est la rançon à payer quand on vient nier une œuvre. Ou plutôt : quand on la remet là où on la situe naturellement, dans l'horreur gaspillée, l'aveu d'impuissance du copiste qui vieillit en même temps que son mimétisme, et s'éloigne toujours plus de l'art...

Pelican, c'est une sale affaire dont il faut causer, parce qu'il ne se sent pas agoniser, il est déjà tristement insensible, désolidarisé de son influence tellement il a dans la gueule l'influence des autres... Son impuissance, c'est le mou remous de sa nouille qui ne bande plus qu'aux injections du talent des autres. Il pourrait être poli, se branler dans son coin et distiller son extase naïve dans des petites gouttelettes stériles, dilapidées-là sur les steppes sableuses qu'il foule maladroitement. Il a la jouissance aride, ce qu'il enfante crève de chaud sitôt expédié du réservoir qu'il a gros dans la gorge, le Pelican. Il a sucé de son orifice horrible tant de modèles célestes qu'il ne peut que freiner sous ses kilos en trop coupables, s'enfoncer dans les sables mouvants et s'y figer avant de disparaître. L'ennui c'est qu'il persiste et signe en 2009 son petit retour qui n'est même pas un crash terrible dont le vacarme assourdissant gênerait ses détracteurs, mais à peine un ricochet de plus avant la noyade. Le regard terne de ses pochettes grisâtres ou abyssales a repris le carminé ardent des premiers jets fameux, ses vertes années rougeoyantes. Le graphiste a eu l'inspiration de laisser la flotte, qu'on n'oublie pas dans quel égout le pélican barbote indolemment. Qui viendra cartonner un si gauche canard ? Il ne mérite même pas d'être haï, il faut s'en moquer et tirer la chasse, le laisser couler sous la bonde de l'ennui.

La signature sur Southern Lord et la participation du nouveau mécène Anderson au disque qui va le régaler de dollars n'est que de la publicité, certainement pas un régime. Le produit s'est lui-même vidé de toute substance, n'étant grossi que de matières superfétatoires, au point qu'il en est ringard avant même sa sortie matérielle, on connait déjà la chanson adipeuse. On n'est même pas surpris d'entendre des minauderies sur "Last Breath" (si seulement !) tant ce chant ridicule a honte de lui et de sa proximité avec ces harmonies mielleuses... La saveur suave ne décrasse pas la gorge saturée des débris des autres, elle les coule dans une nouvelle structure si indigente que Giacometti applaudirait le rachitisme de ce filtrat inutile. Pelican invente le poids-lourd allégé, le contenant qui ne demande qu'à exploser d'air comme un ballon ignoblement boursouflé. Le batteur ne fait même plus rire de sa nullité avérée, on le prendrait presque en pitié, qui peut en vouloir à ce pauvre diable de laisser filer entre ses baguettes des mélodies aussi périmées ? Il transpire l'honnêteté à l'insu de ses propres pauvres efforts rythmiques.

Pelican n'attend plus que l'aval du musée Grévin pour mettre un point d'orgue à sa subtile harmonie du désenchantement. Il est déjà sa propre caricature, statufié dans sa stérilité de mime pas drôle. Les disques passent comme le vent, ce n'est pas Pelican qui avance mais le temps qui le recale à chaque nouveau disque merdique. Ce n'est plus Grévin qu'il faut supplier pour qu'il nous range le Pelican loin de la voie publique, mais le musée des horreurs...

Pelican, l'ex-dinosaure qui réfute l'ère glaciaire qui lui a balayé son avenir. L'occasion peut-être d'esquiver ce colosse encombrant pour revenir à ses deux premiers efforts, imprimés comme le passage énorme d'un mastodonte d'une ère géologique antédiluvienne. Le reste c'est de la ritournelle de plus en plus décatie, du papier de verre devenu paillettes, du tellurique qui veut décoller en sphères post-rock et s'effrite dans la stratosphère de l'ennui, une fine poudre dans les yeux et un gros caillou dans la chaussure, un pavé dans des flaques d'eau, de la daube préhistorique qui n'a gardé du caillou rugueux de ses origines qu'une surface plane et lisse, une pauvre substance caillée à tailler en cire dans les tympans déjà obstrués d'ordures fossilisées et qui s'érode avec elles jusqu'à devenir un nouveau style, la post-muzak minérale. Ce dont nous avons tous besoin maintenant, c'est de laisser la nature absorber cet étron, que ça fermente un peu, car aucune récolte ne pouvant être moins personnelle il faut laisser les autres recycler Pelican. Il faut que ça transite, que ça se digère. Ce qui en sortira héritera probablement d'une sale gueule, mais peut-être qu'elle fera rire. Ce texte ne demande pas mieux.

jeudi 4 mars 2010

DOOM dans la capitale de la France


L'évènement a lieu à l'Elysée Montmartre. En première partie, Ugly MacBeer pousse des disques via une platine et un système d'ordinateur portable très sophistiqué et encore peu répandu. UMB avait sorti pour une marque de vêtements à la fois Allemande et Américaine-qui sponsorise d'ailleur la soirée- un cd appelé injustement "mixtape" où le monsieur enchainait exclusivement des morceaux tirés de la riche discographie de Doom. Tout ça était écrit. Accompagné par un compagnon au look totalement improbable (cheveux longs, col roulé, veste en daim, on dirait un mec echappé de la sorbone ou du "péril jeune", au choix), d'un autre malin qui se promène avec une combinaison noire, un glaive et un masque metallique (quelle originalité) et enfin de Mike Ladd, UMB enchaine une série de morceaux très "horrorcore", et n'est pas sans rappeler les Gravediggaz, ou Spectre dans ses meilleurs moments. Mike Ladd est un MC qui avait fait parler de lui à la fin des 90's avec ses différents projets et associations (avec APC et Co Flow notamment ou en remixant Enrico...) et qui semblait très en vue dans le petit monde underground d'alors. Ce fan des Bad Brains s'était fait très discret ces derniers temps, même si on le retrouve, par exemple, sur le fameux "Anarchist Republic Of Bzzz" (Mr Skidz, si vous nous lisez: mes honneurs) sorti tout récemment au coté de Sensational (le monde est vraiment petit) au micro. Sur fond de films gores (Maniac cop, canibal holocaust), tout ce petit monde avait déja sorti des disques ensemble (notamment "Mo dougly weird Stories") et va visiblement continuer. Finissons les multiples références pour aller à l'essenciel: ça faisait longtemps qu'une première partie ne m'avait pas franchement emballé, tout simplement. La soirée commence bien, reste plus qu'à en terminer avec les multiples interrogations concernant l'évènement.
DOOM, on en a déja largement parlé dans ces pages (fouillez dans la barre sur le coté) ne s'est jamais redéplacé en Europe natale depuis plus de 20 piges, car son pays d'accueil ne lui a jamais accordé le sacro-saint VISA. Pire encore, certains concerts organisés n'ont en fait que proposés des mecs portant le masque et n'étant pas Daniel Dumile Ze Rwiil Ouane. On parle également de concert où Metal Face devient Metal Finger ou plutot Metal CrossFader en passant quelques disques sans rien d'autre. La crainte de voir un concert foireux est donc réelle, même si la promo se veut rassurante.
Et finalement, aucun doute possible. Accompagné d'un mec jamais calé qui se prend pour Necro, masqué par un bandana, avec un tee "COCAINE" (en fait j'ai lu "OCAIN" le reste étant caché par sa veste, j'en ai déduis que c'était une référence au puissant psychotrope, je n'affirme rien et reste à la recherche d'une réponse peut-être plus juste) d'un DJ lui aussi bandané et d'un autre gars qui au bas mot doit peser 1 Guy Carlier et demi, DOOM apparait et aucun doute possible. On reconnait son bide à bière, et surtout sa voix, la fameuse voix cotonneuse et éraillé, celle qui parcourait déja les disques de KMD et 3rd BASS, et qui désormais se démultiplie au gré des envies en Viktor Vaughn, King Geedorah, MF DOOM, DOOM (tout court), Madvillain, Dangerdoom etc... Dumile commence sur l'excellent Accordion de Madvillain et toutes les craintes s'envolent: ce concert sera historique ET excellent. Le posse sur scène donne un coté un peu ghetto qu'on attendait pas forcément (soirée sponso Clark Mag quoi) mais la formule fonctionne même si le mec en necro n'a visiblement aucune notion de rythme.
Le son est colossal. Il permet de voir de quoi est capable cette salle en hip hop, et rend justice aux énormes beat de Metal face ou de Madlib dont les basses deviennent étouffantes ce soir. Contrairement aux productions de RZA qui n'avaient pas franchement décollées l'an dernier dans la même salle avec GZA, celle de Dumile et consorts sont ici puissament ré-haussé. Une enceinte n'y survivra d'ailleurs pas, grillant lamentablement au milieu du set. Sur scène, DOOM entame tranquilement, se ballade avant et au fur et à mesure que sa voix se chauffe, de se déchainer de plus en plus, prend un rythme de croisière remarquable. Virtuose de sa propre voix, il ne se plante jamais, enchaine les morceaux à une vitesse incroyable, rappelant l'énergie des Beastie, sans temps morts. Il se permet de jouer avec sa voix en la modulant parfois, et en en faisant finalement un instrument qu'il maitrise à le perfection. Dumile pioche dans Madvillain, donc, mais va aussi chercher du coté de ses solos classiques (Mm Food, Operation Doomsday ou le petit dernier) ou de ses alias (King Geedorah dont il exécute un FAZERS anthologique par exemple). Entre la puissance du son et l'incroyable maitrise technique, couplé à l'impression de bordel ultra maitrisé à cause de tous le posse sur scène, le concert prend des allures de messe à la gloire du fantome se cachant derrière le masque (qu'il soulèvera pour une gorgé de houblon), une orgie sonore impressionante.
Mais après un faux départ puis un autre, le concert ne durera qu' un peu plus d'une heure, ce qui rend le public nerveux, entrainant toutes sortes d'insultes. Certes, la durée peut paraitre un peu juste notamment au vue du prix (rappelons nous, cependant, que RATM ou Prodigy qui font casquer autant voir plus n'ont pas jouer plus longtemps à titre d'exemple). Vu la qualité de la performance, il faut admettre avec lucidité qu'un prolongation entamerait probablement celle-ci. Néanmoins, DOOM aurait pu éviter de stipuler à la fin du second rappel qu'il n'a été payé que pour jouer une heure (même si c'était ironique, à 40€ la place je ne crois pas que le chaland ait payé cette somme pour "une heure"), donnant à cette première date européenne de sa carrière un gout amer guidé par la thune et une approche syndicale du concert.
Alors concert exceptionnel: oui, mais quand même court (1h10), pour ne pas dire un peu juste. On se consolera en réalisant que d'un point de vue PUREMENT qualitatif, nous avons assisté à un évènement. Pas moins.

mercredi 3 mars 2010

Chokebore - Black Black

Ceux qui suivent le groupe le sauront (et ça a du les empécher de dormir), il se sont reformés pour une poignée de lives (en évitant soigneusement le pays ou je crêche). Un nouvel album n'est d'ailleurs pas exclu, vu que de toute façon en ce moment aucune coupure ne paraît éternelle. Cette reformation est surtout une bonne nouvelle car le groupe semble interesser beaucoup plus que lorsqu'il existait encore, ce qui pourrait pousser un label (peu risquée comme tentative ma foi) à réediter les disques de Chokebore pour que les gens puissent enfin les légaliser à un prix décent. Alors même si je ne considère pas ce Black Black comme le meilleur disque du groupe, on va faire avec ce qu'on a (blague à part regardez à quel prix s'écoulent leurs disques sur Amazon). Un jour, on m'a parlé du spleen Hawaien pour qualifier Chokebore. Ça m'a interpellé. J'y ai beaucoup réfléchi et ai médité sur cette phrase en essayant de voir ses implications. Ça ne voulait strictement rien dire, comme vous pouvez l'imaginer. (mais ça pourrait faire une bonne étiquette quand même hein).
Chokebore est de ces groupes peu reconnus des années 90, associés à tort à la scéne grunge car soi disant considéré par Cobain comme son groupe préféré, groupe qu'ils aideront à tourner avant de partir. Alliance de rock légèrement lourd et de rock lo fi, mélodiquement imparable et porté par une voix charismatique à fleur de peau.
Considérez Black Black comme une avancée pour le groupe qui met en valeur son côté plus lo fi, qui est plus l'album entrainé par Troy Von Baltazar, qui satisfait là son fantasme de musique plus epurée, avant de saborder le projet pour partir faire du sous Ellioth Smith en studio. Il en résulte un disque imparable, agréable à l'écoute et rappelant les meilleurs moments des Smashing pumpkins pour cette ambiance adolescente semi nostalgique, sorte de madeleine rock aux effets larmoyants. Von Baltazar transcande de sa voix tout l'effort et insuffle ce sentiment cafardeux à tout le disque, ralentissant largement le tempo la majorité du temps dans une rythmique comateuse et des distortions limpides (the sweetness). Le son Chokebore est cotonneux, suffisament mélodique et travaillé pour être personnel, mais aussi direct. Ce disque est tout juste assez immédiat pour être touchant, tubesque par pleins de moments mais aussi et surtout à fleur de peau tout le long.
A coup sur, leur reformation arrive au bon moment, et on pourra voir les stickers "Nouveau Disque du Spleen Hawaien" ou encore "le plus indie des groupes indie est de retour" fleurir sur les promos. Espérons qu'ils puissent réediter ces disques tels quels, sans en changer la moindre parcelle de production.

Bardo Pond - Ticket Crystals

Vous l'aurez compris, Bardo Pond peut simplement être décrit comme du rock à cinq, avec le besoin irréprésible d'élargir le spectre visuel par le spectre sonore. Du rock drogué, divinatoire qui étire les sons dans l'espace, comme si les cinq s'installaient au milieu d'une pièce entourée d'amplis pour voir ce que laisser vivre les mélodies, laisser l'électricité et les effets divers (feedbacks, delays et compagnies) pouvait créer. Cinq assomés qui ont pris la décision de s'imposer le son sans le canalyser au lieu de nous l'imposer. M'est idée que sur galette, le son est tout de même bien plus canalysé qu'en concert, où les stridences doivent là prendre le pas sur les mélodies et l'aspect flottant ou onirique de la musique. On the Ellipse était l'album nostalgique par excellence, tout en finesse et tout en confinement de l'espace sonore. Ticket crystals est plus cauchemardesque, moins renfrogné, moins béat. Les influences métalliques du quintet se font plus sentir qu'auparavant, avec cette fois ci des chansons qui s'articulent autour de riffs (certes décomposées et broyées jusqu'à atteindre l´état recherché, mais bel et bien des riffs). En cela celui ci se rapproche plus de Bufo Alvarius, dans l'approche frontale des morceaux, tout en gardant ces envolées latérales. En quelques sortes un résumé total de ce que peut être Bardo Pond: empilées en strates Ticket crystals assomme, se permet les étirements divagatoires et posséde ce même raffinement qui incarnait Dilate (Isle). C'est aussi un côté plus pop, qui permet à Bardo Pond de lancer l'hommage à certains de ses artistes 60's (hippies) phares, comme Les beatles avec cette cover de Cry Baby cry ou encore sur le trés ensoleillé Moonshine. Toujours trés colorée, la musique de Bardo Pond garde une cohérence époustouflante au cours d'un disque loin d´être court, mais qui pousse l'expérience dans ses retranchements sur des morceaux debridés ou le format importe peu. Tout d'abord c'est ce pavé psychédélique qu'est FCII, basé sur une ligne de basse itérative sur laquelle s'enroulent des drones et différentes sonorités ennivrantes. La deuxième grosse expérience du disque se situe dans sa conclusion cauchemardesque (Montana Sacra II) où un sample vocal fait la nique à un combat entre la mélodie et l'ampli, sorte de spirale aspirante qui ne cherche ni à éclater ni à avancer.
Bardo Pond aura beau être assimilé à la scène dite post rock (déjà ce mot ne veut rien dire), aux travaux de Mogwai (quelqu'un peut enfin me dire pourquoi?), le groupe est l'incarnation du psychédélisme moderne, et du rock dans ce qu'il se fait de plus narcotique.

mardi 2 mars 2010

Rage Against the Machine - Live at the Grand Olympic Auditorium

Le nouveau travail de Morello est plutôt bon, celui de Zack de la Rocha aussi d’ailleurs. Pourtant, c’est toujours avec le même plaisir que l’on revient à Rage Against the Machine. Peut être parce qu’on est de vieux cons, surement même, mais aussi et surtout parceque RATM ne prend pas une seule ride avec le temps, surtout sur ses deux plus grands albums : Evil Empire et l’éponyme.Oui, dans cet ordre là. Evil Empire est l’album qui grandit le mieux avec nous, qui satisfait le plus notre curiosité de bouffeurs de musique, et qui synthétise de la manière la plus intéressante ce que l’on peut aimer chez ce groupe. Groovy, funky à souhait, avec une basse dantesque, un riffing dans la poche et une énergie décuplée soutenue par un zack de la Rocha toujours plus hargneux. D’ailleurs avec le temps (peut être parce que le hip hop est beaucoup plus présent dans mes oreilles), Zack de La Rocha s’éloigne de cette image de MC qu’on lui avait accolé plus jeune, pour prendre la place d’un chanteur hardcore aux limites du rap par moment dans le flow, mais qui gueulera toujours plus qu’il ne rappera.

Pour parler de RATM, j’ai donc choisi cet objet là, un live sorti après la dissolution du groupe, dernière livraison sur scène du groupe lors d’un double concert. Produit par Rick Rubin d’ailleurs. (ahah). On peut saluer la décision de réaliser ce qui est en fait un best of du groupe sur scène, vu que le groupe était avant tout un groupe taillé pour la scène. On peut aussi cracher sur une tracklist qui laisse sur la touche le meilleur album (et souvent peu admiré d’ailleurs), Evil Empire, réduit à deux singles Bulls on Parade et People of the Sun.( N’étant pas vraiment adepte de The Battle of LA). On trouve aussi dommage que la reprise présente soit celle de MC5 (loin d’être la meilleure sur Renegades), et qu’on laisse de côté des morceaux comme Snakecharmer. Après c’est très carré (trop), et le disque bénéficie d’un son d’une immense lourdeur (où la basse se transforme en une écrasante chose riffant à outrance par moment lorsque Morello s’amuse avec ses pédales et tournevis). C’est d’ailleurs surement ça qui rend RATM toujours fascinant. La sensation que le groupe n’est pas cette icône du rap métal que l’on veut s’ériger pour cicatriser une adolescence musicale, mais plus les héritiers de groupe débridés, des machines à rock n roll, des machines à riffs comme Led Zepelin. Car finalement, avec le temps, c’est à ce groupe qu’ils nous font penser, dans leur débordement d’énergie, dans cette joie de faire vivre les morceaux, de jouer sur les sons et de rester toujours groovy et lourd. Du moins, la rythmique est clairement héritière de John Paul Jones et de John Bonham dans cette façon de swinguer sur un riff de base, et de tapper FORT. Quant à Zack de la Rocha, il confirme bien sur ce live ce qui a été écrit plus haut, il s’illustre plus comme un entertaineur, un animateur de foules et un gueuleur qu’un MC. (d’ailleurs c’est peut être ce qui se fera sentir sur le nouveau projet de Morello, le sentiment qu’il joue cette fois ci avec un vrai MC).

Alors l’objet est pas essentiel en soi (c’est vrai que les albums live, c’est pas souvent excitant), mais pour un groupe de scène, c’est toujours plus intéressant qu’une vulgaire compilation. IL était temps de réhabiliter ce groupe qui finit toujours par squatter notre sono à un moment ou un autre, sans jamais s’interroger sur les bonnes raisons finalement. Et à l’heure où certains groupes que l’on écoutait plus jeunes ont peur de grandir, RATM s’impose comme un exemple qui a su saborder l’aventure au bon moment, et qui au lieu de fatiguer sont restés essentiels.

NB: Pour l'édition DVD, qui regarde des DVD live?