Les films de Barr et Arnold sont formidables à plus d'un titre. Formidables tout d'abord parce qu'ils ne coûtent rien et ne rapportent rien non plus mais trouvent quand même le chemin des salles. Formidables aussi parce qu'ils prennent le contre pied esthétique de toute la production arty d'aujourd'hui : pas de chichi, pas de volutes inexplicables et sidérantes, pas d'étalonnage, une épure fraîche qui se veut l'emprunte du réel sur une fiction théorique à visée documentariste. Formidables enfin parce qu'ils se proposent à chaque fois d'établir avec cohérence une nouvelle éthique de la sexualité au cinéma tout en ratant à chaque fois avec fracas le sujet qu'ils visent.
Quand je dis à chaque fois, j'exagère... Mais prenons les deux derniers, American Translation et ces Chroniques. Tout deux brillent par leur incroyable candeur et par la cohérence de leur esthétique. Seulement American Translation sonne faux d'un bout à l'autre, pour cause de mauvais dialogues et d'une faiblesse scénaristique corrélative. Chroniques n'est pas bien meilleur de ce point de vue mais ménage quelques moments particulièrement drôles et sincères. La sincérité, c'est très certainement ce que cherche le plus le tandem. Mais à défaut d'avoir de mauvais acteurs, encore faudrait-il qu'ils aient une direction d'acteurs digne de ce nom !
Comme dans American Translation, les acteurs de Chroniques sont en vadrouille, tantôt dans des dialogues empesés, tantôt dans un surjeu gêné, gêné par l'enjeu du film. Car l'ambition est puissante : redessiner les contours de la sexualité à l'orée de l'hédonisme, du quotidien et non de la pornographie. Rien que le prétexte vaut le détour en salle. Seulement, nos amis ont eu les yeux plus gros que le ventre, les phalanges plus larges que leurs mains. A défaut d'être bancable, ils ont quand même voulu ouvrir leur film au plus grand nombre et ont coupé 5 minutes de film, à mon avis essentielles, qui leur auraient valu une interdiction aux moins de 16 ans.
Si bien que sans ces 5 minutes trop explicites, les scènes de sexe perdent tout leur sens. Comment redessiner la sexualité au cinéma si on se prive de la représentation du sexe lui-même ? Qu'il soit en action ou non, la nudité elle-même se retrouve amputée par ce parti pris étrange. Aussi, lorsque Barr et Arnold filment des scènes de sexe, on les trouve au mieux drôles, au pire gênantes voire ennuyeuses. Ennuyeuses car vidées de substance, vidée de la véritable représentation du sexe (du pénis, du vagin et de l'acte de pénétration, tant vaginale, qu'anale ou que buccale (si j'en oublie, faites moi signe)).
Nuançons ce tableau en louant la performance d'acteurs qui certes, ne brillent pas par leur jeu, mais par leur audace. Parce que oui, c'est difficile de trouver des acteurs capables de s'investir à ce point dans un film et, réciproquement, c'est difficile d'avoir les couilles de venir se les vider devant la caméra (quand on aspire à autres choses qu'au porno). Alors, oui, bravo à Mathias Melloul par exemple, particulièrement gauche et touchant dans sa scène de dépucelage, ou à Yan Brian qui après avoir joué dans Plus belle la vie (!!) s'est risqué à jouer le papy veuf qui entretient une relation avec une prostituée.
Peut-être aurait-il fallu, du coup, aborder la question d'une façon plus théorique et moins fictionnelle. Cela aurait assurément réduit encore plus le public mais aurait donné un souffle tout à fait différent au film, plus militant, plus intello... Ces Chroniques apparaissent trop simplistes et rigolotes pour nous convaincre qu'elles fouillent réellement le sujet jusqu'à la lie. Et c'est fort dommage.
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