On ne sait trop quoi penser du cinéma de Pascal Laugier si ce n'est qu'il est inextricablement imparfait, incomplet et pourtant, du moins jusqu'ici, stimulant. The Secret, première aventure hors des frontières nationales (à savoir qu'il s'agit d'une production canadienne et non hollywoodienne comme bon nombre de média aiment à le prétendre...) devait marquer une étape nouvelle dans sa filmographie, lui permettre de passer un cap avec un film ô combien ambitieux et à la bande annonce plutôt prometteuse.
The Secret raconte un village qui se meurt, Cold Rock, un village délaissé par le monde, délaissé par l'industrie vieillissante et qui perd ses enfants par dizaines. Les enfants disparaissent. Un mystérieux homme surnommé The Tall Man les enlève à leurs parents. Pour qu'on ne les revoit plus jamais. Julia, infirmière qui tient le dispensaire de la ville, ne croit pas à cette légende, jusqu'à ce que ce fameux Tall Man fasse irruption chez elle un soir et enlève son fils. Elle se lance alors à sa poursuite...
La bande annonce, aussi intéressante qu'elle soit (et elle l'était), annonçait avec prétention le principe du film et son fonctionnement sémantique : en annonçant que ce teaser était basé uniquement sur le début du film, Laugier nous signifie que la première partie sera suivie d'un basculement irrémédiable qui remettra en cause l'intégralité des certitudes du spectateur sur ce qui s'est passé. La première des problématiques à laquelle se confronte très rapidement le film de Laugier est justement dans ce twist central : ce que l'on a cru n'était pas vrai. Soit... Mais une fois la bande annonce déconstruire, la seule chose que l'on a en tête c'est : et alors ? A ce twist drôlement placé y succèdent un autre, puis encore un, puis encore... Sans que l'on ne voit clairement comment cette structure accumulatrice puisse servir le sens du récit. La rythmique est lourde, les accords malhabiles. La musique se fait tapageuse et on se met étrangement à repenser au début du film.
A son générique plus précisément. Succession de plans aériens sur des paysages montagnards, des plateaux, des forêts traversées de routes sinueuses, des maisons identiques, banlieusardes. Des interstices de ces pleins, jaillissent dans un rouge vif et criard les noms des différents intervenants. Quand on y pense, on a rarement vu générique aussi laid. Et déjà une drôle d'appréhension nous envahissait. Celle du ratage en règle... Car par delà l'erreur scénaristique imposée par ces twists à répétition dont on finit par pressentir la nature de chacun jusqu'à l'épuisement de toute notre panoplie de bâillements, c'est bien le fond de l'ouvrage qui devient de plus en plus rance. Et c'est à partir de là que ceux qui n'ont pas vu le film s'arrêtent.
Il y a une caractéristique récurrente dans le cinéma de Laugier qui n'est pas sans poser quelques questions. Ses trois longs métrages sont heurtés par une sorte de paranoïa profonde, par l'immensité des complots qui se trament autour de nous, autour des plus faibles. Dans Saint Ange, des expériences étaient menées sur des enfants dans les caves et derrière les murs du pensionnat. Dans Martyrs, une sordide organisation mondiale séquestrait des femmes pour les mener jusqu'à une mort extatique. Dans The Secret, le complot prend une tournure plus sociale, d'une bêtise et d'une naïveté confondantes. Les riches des villes enlèvent leurs enfants aux pauvres campagnards pour les protéger de la déchéance sociale de leurs parents. Pour Laugier, les pauvres ne sont pas capables d'élever leurs enfants. Ils sont sans emploi, ils sont alcooliques, violents... L'air de la liberté se trouve dans les grandes cités urbaines où la culture est à portée de main, où des gens aisés et bien intentionnés sauront, eux, prendre soin de ces pauvres petits anges mal nés... Le réalisateur semble ressusciter l'adage médiéval "L'air de la ville rend libre", réactivant au passage l'acculé clivage entre ville et campagne...
Lecture simpliste, déviance complotiste, propos terriblement dangereux ? On en vient à imaginer que Laugier n'a pas voulu dire ça, mais bien son contraire. Personne n'aide les pauvres à s'en sortir. Cette communauté de chômeurs, abandonnée de tous au milieu des Rocheuses, sans service public, doté d'une police vieillissante et désenchantée est en réalité une incarnation de ces classes populaires qu'on oublie et qu'on accuse, après les avoir dépouillées, d'être responsables de leur propre déclassement social. Une fois le constat fait de leur incurie, il ne reste à ceux qui leur ont tout enlevé qu'une dernière chose à leur ôter : leurs enfants. C'est ce qu'on croit comprendre dans le long monologue final de Jodelle Ferland où celle-ci se demande si elle a bien fait de quitter sa vraie famille. Là encore, le message est naïf, et au vu de l'interminable démonstration de lenteur faite par le réalisateur, on aurait souhaité qu'il aille bien plus loin.
The Secret s'avère donc être une terrible déception, dont on regrettera longtemps que les ambiances travaillées, les rares plans séquences bluffants (celui où Julia est sortie de la maison par la police et traverse la foule jusqu'à la voiture) et la prestation convaincante de Jessica Biel n'ait pas été servis par un scénario à la hauteur...
A son générique plus précisément. Succession de plans aériens sur des paysages montagnards, des plateaux, des forêts traversées de routes sinueuses, des maisons identiques, banlieusardes. Des interstices de ces pleins, jaillissent dans un rouge vif et criard les noms des différents intervenants. Quand on y pense, on a rarement vu générique aussi laid. Et déjà une drôle d'appréhension nous envahissait. Celle du ratage en règle... Car par delà l'erreur scénaristique imposée par ces twists à répétition dont on finit par pressentir la nature de chacun jusqu'à l'épuisement de toute notre panoplie de bâillements, c'est bien le fond de l'ouvrage qui devient de plus en plus rance. Et c'est à partir de là que ceux qui n'ont pas vu le film s'arrêtent.
Il y a une caractéristique récurrente dans le cinéma de Laugier qui n'est pas sans poser quelques questions. Ses trois longs métrages sont heurtés par une sorte de paranoïa profonde, par l'immensité des complots qui se trament autour de nous, autour des plus faibles. Dans Saint Ange, des expériences étaient menées sur des enfants dans les caves et derrière les murs du pensionnat. Dans Martyrs, une sordide organisation mondiale séquestrait des femmes pour les mener jusqu'à une mort extatique. Dans The Secret, le complot prend une tournure plus sociale, d'une bêtise et d'une naïveté confondantes. Les riches des villes enlèvent leurs enfants aux pauvres campagnards pour les protéger de la déchéance sociale de leurs parents. Pour Laugier, les pauvres ne sont pas capables d'élever leurs enfants. Ils sont sans emploi, ils sont alcooliques, violents... L'air de la liberté se trouve dans les grandes cités urbaines où la culture est à portée de main, où des gens aisés et bien intentionnés sauront, eux, prendre soin de ces pauvres petits anges mal nés... Le réalisateur semble ressusciter l'adage médiéval "L'air de la ville rend libre", réactivant au passage l'acculé clivage entre ville et campagne...
Lecture simpliste, déviance complotiste, propos terriblement dangereux ? On en vient à imaginer que Laugier n'a pas voulu dire ça, mais bien son contraire. Personne n'aide les pauvres à s'en sortir. Cette communauté de chômeurs, abandonnée de tous au milieu des Rocheuses, sans service public, doté d'une police vieillissante et désenchantée est en réalité une incarnation de ces classes populaires qu'on oublie et qu'on accuse, après les avoir dépouillées, d'être responsables de leur propre déclassement social. Une fois le constat fait de leur incurie, il ne reste à ceux qui leur ont tout enlevé qu'une dernière chose à leur ôter : leurs enfants. C'est ce qu'on croit comprendre dans le long monologue final de Jodelle Ferland où celle-ci se demande si elle a bien fait de quitter sa vraie famille. Là encore, le message est naïf, et au vu de l'interminable démonstration de lenteur faite par le réalisateur, on aurait souhaité qu'il aille bien plus loin.
The Secret s'avère donc être une terrible déception, dont on regrettera longtemps que les ambiances travaillées, les rares plans séquences bluffants (celui où Julia est sortie de la maison par la police et traverse la foule jusqu'à la voiture) et la prestation convaincante de Jessica Biel n'ait pas été servis par un scénario à la hauteur...
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