Deux films à voir demain 26 décembre au cinéma, entre deux plats à huitres et si vous avez le courage de vous traîner dans une salle qui les diffuse.
Le premier est une re-sortie du premier film distribué par ED Distribution en 1995 et qui reste, à ce jour, leur plus gros succès en salle. Les Habitants est un conte absurde qui dissèque le rapport des habitants d'un quartier isolé à l'intimité et à l'extimité. Le cadre est pour le moins saisissant : quelques familles habitent une rue de maisons en brique toutes identiques, ébauche d'un quartier nouveau qui ne verra jamais le jour. Quelques années après la promesse d'une sortie de terre, rien n'a été construit si ce n'est cette rue, morne, stéréotypée, coupée de tout le reste du monde par des bois qui marquent une étrange frontière entre cette périphérie urbaine et le "par-delà".
Les habitants ne sont pas moins étranges... Un enfant qui se grime de noir et se déguise en Lumumba, une femme frigide qui a une Révélation incomprise, un garde chasse myope et stérile qui erre dans les bois à la recherche du facteur qui lit ses lettres... Tout ce petit monde perd grandement la tête, et les dérives de chacun alimentent une sorte de naufrage collectif que rien ne semble arrêter.
Dans une ambiance assez austère qui colle parfaitement au contexte et aux personnages névrotiques qui s'y déplacent, Van Werderdam interroge le fait de vivre en ville... à la campagne. En confrontant le vivre ensemble d'un village, où tout le monde se connaît et où tout le monde est obligé de se côtoyer dans un décor de ville en devenir, il crée un habile décalage où la déshumanisation et la suspicion sont maître, quoi qu'il arrive. Rien n'échappe à son regard acéré : l'emprise de l'Eglise sur la sexualité, le voyeurisme et l'individualisme, le racisme post-colonial persistant, l'ennui des nouveaux ensembles ou encore la normalisation de l'urbanisation contemporaine... Sur un ton tantôt féroce, tantôt cocasse, il prolonge les interrogations de Tati sur l'influence de notre milieu de vie sur nos comportements sociaux. C'est parfois rasoir, parfois longuet, mais souvent savoureux et caustique.
Autre film mordant, le dernier film du fanfaron anglais Ben Wheatley qui ne cesse de faire parler de lui depuis son deuxième film Kill List, et qui revient dans un tout autre registre, dévorer les genres, les remixer et les dévier sérieusement de leur sentier battu. La route, c'est d'ailleurs le fil conducteur de ce road movie barré qu'est Touristes. Un mec un peu fêlé qui a pour habitude de tuer purement et simplement les gens qui l'emmerdent et qui ne respectent rien (la nature notamment), embarque dans son délire sa nouvelle petite amie qui va bientôt dépasser le maître pour se faire elle-même plus vengeresse que justicière !
Sur un modèle très différent de celui qu'arpente pourtant God Bless America, Wheatley croque des personnages qui ont un peu de mal à évoluer tout au long du film. Si le dépassement est le retournement assez attendu, le reste oscille entre petit jeu de cynisme et petit massacre campagnard, le tout sur une très bonne bande son mais avec un manque de profondeur. Les personnages secondaires, pourtant parfois très forts en potentiel (comme la grand-mère), sont relégués au second plan et pas entièrement exploités, notamment dans leur dimension comique.
Wheatley montre surtout avec ce film qu'il en a sous le pied. S'il ne manque pas d'idée, son film a fortement tendance à se vautrer dans l'arty, dans le facile et le clinquant. A quoi bon nous asséner des longs et lourds ralentis bien inutiles et surtout très incohérents avec le reste de l'esthétique dessinée ? On est assez loin de l'audace de Kill List, de sa noirceur, de son syncrétisme virtuose. Mais l'humour so british, cliché parmi les clichés, fonctionne à plein, et le film se laisse voir. S'il peut vous donner envie de regarder les deux premiers de Wheatley, c'est encore mieux !
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