mercredi 27 janvier 2010

Alain Bashung - Dimanches à l'Élysée

Alain Bashung c'est le futur produit de consommation pré Noël chez tous les bons Français. C'est normal vous me direz. Hallyday encore en vie, il n'existe pas encore de bonne gueule à qui fleurir la tombe. Bashung, contrairement à tout ce que peuvent dire ses détracteurs, est un artiste qui a su s'abreuver de la science des autres, qui a su s'entourer et laisser une partie du cerveau, une partie du processus d'écriture à d'autres. D'autres parmi lesquels Gainsbourg, Fauque...et même Roussel. Alors oui, Bleu Pétrole a été chroniqué ici bas. Oui, on sait trés bien à quel point ce disque n'a pas été la plus grande réussite du Monsieur. Et ce testament live s'en abreuve énormément. Single passé sous silence, introduction sur la pièce centrale du disque d'une dizaine de minutes, Bashung a decidé de teinter sa dernière tournée d'une aura folk, d'une aura des grands. On l'aura trop taxé d'hermétisme, d'intellectualisme, notamment sur des disques qui sont allé trés loins: Chatterton, Fantaisie Militaire et l'Imprudence. Trés loin dans le brouillard, dans l'esoterisme, dans la noirceur et surtout dans une maitrise d'un phrasé qui donnait vie à des mots a priori insensés. C'était le pari de toute une vie. Une vie marqué par la musique, musique qu'il a fini par réussir à tuer (car sa discographie est loin d'être exempte de tout reproche, marquée par quantité de tubes raccoleurs et de disques fades). Mais sur la fin, Bashung a vaincu ses propres démons, a réussi à s'allier de musiciens modernes, contemporains, aventureux pour se perdre lui même et déconstruire ses propres idées, pour épauler sa diction, pour faire déborder sa propre verve créatrice. Alors on lui en voudra pas d'avoir cherché à renouer avec ses premiers amours dans un dernier élan créatif, et d'incarner ce bien être dans une dernière tournée clairement axée autour de la facilité. D'ailleurs ca n'est pas pour rien que ce début d'hymne (facile) est repris avant LE tube du Bashung, Osez Joséphine. Nous pensons bien à ce blowin in the wind teinté de joie et de poésie. Alors ce double disque est de loin le tableau glaçant d'une dernière tournée qui contrairement à tout ce qui pourra etre écrit se veut gaieté et liesse. Car Bashung avant de s'éteindre renouait avec son amour pour les guitares, pour les mots directs, pour le côté sobre et dépouillé de sa musique, pour l'harmonica, et pour l'électricité. Les réorchestrations sont même parfois troublantes avec un Mes prisons et un Samuel hall endiablés, âpres et electrifiés. Pour une dernière tournée, pour un dernier hommage live, ce double disque n'est en aucun cas représentatif de sa discographie, mais surement bien représentatif de sa conduite live: généreuse, jusquà plus soif et surtout pleine de contradictions. On pense à ce seul et unique extrait de l'imprudence, exécuté en fin du premier disque, plein de douceur, pleine d'une force tranquille (mes bras) et d'une joie non contenue. Bashung reinterpréte ses propres morceaux, reprend des morceaux qui lui ont tenu à coeur, tout ca dans un fouillis pas forcément cohérent où la seule unité réside dans ce qu'il fait de sa propre musique, qui n'est au fond ni la sienne, ni pas vraiment la sienne. Il se l'approprie autant qu'il l'offre. Et c'est surement ça qu'il faudra garder comme image de lui. Parceque même si Bashung est cet aventureux artistique, même s'il est bien l'auteur des trois chefs d'oeuvres cités, c'est aussi un musicien qui aime faire plaisir avant de se faire plaisir. Là est le tour de force de ce produit posthume: remettre les pendules à l'heure dans un hommage poignant. Parceque si Bashung est ce type sombre qui pose au milieu du labyrinthique l'imprudence, si Bashung est ce type nevrosé qui s'amusa dans les contrées rugueuses et ambiancées (limites progressives) de Chatterton, il est aussi ce type rigolo qui aura composé des tubes générationels et se sera fait connaitre de la ménagère. Car si ce type aura mis en musique des textes d'une richesse abyssale, il aura aussi joué dans la cours des lourdeaux.
Et ces dimanches à l'Elysée sont un peu son dernier pied de nez. Non, Bashung n'est pas ce type triste au bord de la mort, vaguement dépressif sur sa dernière tournée. Et ça rend l'essai encore plus touchant.

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