dimanche 2 janvier 2011

Marilou sous la neige ou la mélancolie des classements de fin d'année


Comme la Marilou de Gainsbourg, cette année s'est éteinte sous la neige (pas très) carbonique de l'extincteur d'incendie... Et c'est à l'heure où le givre et les bûches au beurre encombrent nos routes et nos estomacs que tous les magasines ou autres sites culturels nous abreuvent de leur classement de l'année, leur top des meilleures choses qu'ils ont vues ou entendues. Étrangement, lorsque la fin de l'année approche, c'est à toutes les choses que je n'ai pas vues que je pense. Tous ces films que j'ai raté, parce que pas d'argent ou pas de temps ou pas l'occasion tout simplement. Tous ces ratés qui me minent jusqu'à leur sortie en dvd. Alors je les regardes sur leurs estrades, grommelle un peu et maugrée quelques monosyllabes de ronchon patenté qui n'a qu'une hâte: qu'on lui offre un bon illimité pour faire une razzia dont tous les vendeurs de supermarché culturel se souviendront.

Films ratés... C'est tout de même très difficile à avaler quand on sait que je suis allé au cinéma 125 fois cette année (pas mon record si vous voulez savoir...). Au rayon des grands oubliés de l'année, des "à côté" qui font pousser des soupires honteux on retrouve quand même de sacrées pointures... La plus grande étant certainement le dernier Fincher, The Social Network. Ouais c'est le moment où vous vous dites "tss et après ce con se permet de faire des chroniques ciné alors qu'il a même pas vu le meilleur film de l'année". Ce qui se défend. Ce qui se défend encore plus si j'ajoute à cela que j'ai également raté Agora, le dernier Amenabar, Invictus d'Eastwood, A Serious Man des frères Cohen, Mother de Joon-ho Bong, Liberté de Gatlif, White Material de Denis, Life During Wartime de Solondz, Mourir comme un homme de Rodrigues, Lola de Mendoza, Film Socialiste de Godard, Air Doll de Kore Eda, Carlos d'Assayas, Submarino de Vinterberg (celui là je m'en veux assez particulièrement parce que je le guettais depuis des mois...), Hors la loi de Bouchareb, Biutiful d'Iñarritu, les Mystères de Lisbonne de Ruiz (apparemment Le meilleur film de l'année), Venus Noire de Kechiche, Potiche d'Ozon, Outrage de Kitano, Faites le mur de Banksy (voir mon précédent post...), Another Year de Leigh et j'en passe...

La liste des films ratés est en fait au moins aussi longue que celle des films que j'ai pu voir... Rajoutons aux quelques immanquables oubliés les block busters populaires Karaté Kid, Les Petits Mouchoirs, Twilight (j'ai quand même vu le deux hein...), Robin des Bois et autre Harry Potter (pas eu le courage d'aller au delà de celui de Cuaron) et vous obtenez quand même un résultat fort impressionnant qui pourrait me disqualifier à tout jamais du rayon des clones cinéphiles... Il n'en reste pas moins que j'ai quand même eu une année bien remplie niveau cinéma et que je n'ai pas démérité notamment en ce qui concerne les festivals et les inédits, les petites perles qui resteront peut être introuvables sur les écrans.

Mais tout de même... Ne pas avoir vu le dernier film de Jane Campion ou le dernier Woody Allen qui restait sur un Waterver Works d'une rare subtilité et d'une grande drôlerie, c'est la loose quand on se revendique amateur de cinéma... Mais bon visiblement, ma participation intense (et insuffisante, c'est bon j'ai compris) n'a pas freiné les cinéphiles que vous êtes, bien au contraire. Cette année encore la fréquentation des salles bat un nouveau records et dépasse les 203 millions de places vendues. Un chiffre exceptionnel, pas atteint depuis le début des années 80. Un chiffre d'autant plus exceptionnel que cela fait des années qu'on annonce la mort du cinéma pour plusieurs raisons.

La première relève de la technique en elle-même. En effet, la révolution numérique apparaît aujourd'hui pour certains comme la mauvaise chronique d'une mort annoncée, mettant à la porte les projectionnistes, la pellicule, bref tout un savoir faire qui deviendra juste une lubie de mémorialistes et de nostalgiques. Ne nous y trompons pas, le numérique n'est pas en train d'assassiner le cinéma, il est juste en train de lui faire vivre un tournant, un peu comme le parlant l'a fait avec le cinéma muet. Il s'agit ici d'un changement de support, qui s'il signe la disparition future de la pellicule ne signe pas la fin des images et de leur mise en forme.

D'autre part, il existera toujours quelques zozos, iconoclastes fous, malades de génies qui feront vivre encore et encore, mélangeant nostalgie, irrévérence et innovation, les techniques du cinéma des premiers âges et des âges intermédiaires. Me vient à l'esprit le nom de ce cinglé de Guy Maddin (assurément l'un des cinéastes les plus importants du cinéma contemporain), maître es-résurrection du muet et du noir et blanc. Je ne peux que vous inviter à découvrir l'oeuvre passionnante, mélancolique et sexuelle de ce canadien. Tales From The Gimli Hospital, Archangel, Et les lâches s'agenouillent, The Saddest Music In The Word sont autant de segments improbables, drôles et oniriques, hommages à ce cinéma disparu qu'il ne cesse de réactualiser avec vigueur et intelligence. Je ne serais pas le même accro sans Careful, film magnifique, éloge libéré de la création, pied de nez formidable à la moiteur des productions actuelles, radicale déclaration d'amour d'un artiste pour son art.

La seconde relève de ce putain de téléchargement. Depuis des années en effet, les chantres de la production annoncent qu'ils vont devoir tailler dans le vif et sacrifier les films les plus radicaux pour survivre. Le fait est que le cinéma ne s'est jamais aussi bien porté au niveau des entrées, que la 3D, déviance visuelle capitaliste plus que progrès réel de la technique au service de l'image, génère des profits ahurissants. N'y voyez tout de même pas une invitation au téléchargement illégal. Je considère personnellement cela comme une ânerie qui ne met certainement pas en danger les salaires des acteurs et des producteurs (pour l'instant) mais qui met une pression énorme sur les salaires des intermittents du spectacle, obligés de se prostituer dans les émissions de téléréalité et de se faire payer au lance-pierre. Le danger vient d'ailleurs plutôt de cette télévision qui a pour obligation de consacrer un certain pourcentage de ses bénéfices à la production cinématographique et qui, vous l'avez remarqué, ne diffuse quasiment plus de film en prime-time... Ce qui devrait la pousser, par un lobbying aisé vu les liens de notre président avec la direction des chaînes privées, à chercher à faire disparaître cette obligation ou tout du moins, faire baisser son pourcentage, mettant par là-même en danger le cinéma français.

Mais nous n'en sommes pas là et, au bout de ce long article qui ne chronique presque rien finalement si ce ne sont quelques états d'âmes passagers qui squattent mon dimanche matin, vous attendez peut être un "classement" des meilleurs films que j'ai pu voir cette année... Bah oui, finalement on a beau trouvé ça un peu con, relevant presque d'une névrose nostalgique et maniaco-dépressive, on aime bien faire son petit rangement de fin d'année, histoire de.

Je retiendrais donc de 2010 du rire tout d'abord, avec le déjanté I Love You Phillip Morris et le savoureux Four Lions. Des larmes aussi (ne me remerciez pas pour le poncif) avec le somptueux A Single Man de Tom Ford ou La Pivellina du couple Tozzi et Frimmel. Je retiendrais également des voyages. Mystique et sensoriel comme celui qu'a proposé Winding Refn avec son Valhalla Rising. Déroutant et mélancolique comme Mammuth du tandem Kervern et Delépine. Épileptique et complètement dingue comme Enter The Void de Gaspar Noé. Sensuel et italien en compagnie de Juliette Binoche comme le Copie Conforme d'Abbas Kiarostami. De l'initiatique, avec la traversée de la Géorgie par le jeune Tedo, dans l'Autre rive de George Ovashvili, un des coups de coeur de l'année.

Il y aura eu de la terreur grâce à Amer d'Hélène Cattet et Bruno Forzani, brillante revitalisation plus qu'un simple hommage au giallo. Du suspens, avec le dernier film de Roman Polanski, The Ghost Writer. 2010 aura également été une belle année pour le cinéma d'animation, avec l'Illusionniste de Sylvain Chomet, le tonitruant Fantastic Mister Fox de Wes Anderson (assurément l'un des tous meilleurs films de l'année) ou encore le retour de Toy Story dans un troisième épisode tout simplement génial. Enfin, cette année aura eu son lot de transcendance divine avec le très réussi Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois ou encore son film pop-érotico-apocalyptique avec le Kaboom de Gregg Araki.

Bref, vous l'aurez compris, j'en aurais vu plus il aurait fallu que j'écrive un bouquin plutôt qu'un article... J'ai maintenant hâte de commencer l'année 2011. Par une bonne merde, comme l'an dernier avec Rec 2, comme 2009 débutée avec The Spirit et comme 2008, que j'avais entamé avec Dante 01...


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