vendredi 9 septembre 2011

L'oncle de Brooklyn de Daniele Cipri et Franco Maresco

En voilà deux qui n'ont absolument pas peur de cracher à la gueule du monde et de dire "je vous emmerde" aux spectateurs comme au cinéma lui-même. Cipri et Maresco forment un duo à scandale en Italie qui malheureusement n'a jamais percé en France. La faute à des distributeurs frileux pour ne pas dire aveugles. Actifs depuis la fin des années 80, il faut attendre dix ans avant de découvrir Toto qui vécut deux fois (1998), brûlot scabreux, décadent, sale et particulièrement violent envers l'Eglise. Cette charge anticléricale leur vaudra d'ailleurs d'être censurés dans leur propre pays durant de longues années. 

L'oncle de Brooklyn date lui de 1995. Il est d'ailleurs dommageable de le découvrir après Toto tant il est une bonne introduction à l'univers si particulier des deux réalisateurs. Mais malheureusement, ED Distribution, qui s'est battu durant de longues années pour en acquérir les droits en France, n'a pas pu les sortir dans l'ordre dans lequel elle le voulait. Louons tout de même leur formidable persévérance! 

Dans un Palerme complètement vide et en ruine, deux nains mafieux confient à quatre frère un vieil homme aux cheveux long qui ne dit mot. Il vient de Brooklyn, il est censé être leur oncle. Est-ce utile de vous raconter cela? Pas vraiment. L'histoire ne tourne même pas autour de ça. D'ailleurs, autour de quoi tourne l'histoire? J'aurais du mal à vous en conter une ébauche... Le cinéma de Cipri et Maresco n'est pas tant dans le récit puisqu'ils refusent la narration conventionnelle à grand renfort d'interludes absurdes et scatologiques mais aussi en s'adressant directement au spectateur, en le bousculant, en l'insultant, en lui crachant dessus. 

Au début du film, un gros homme s'adresse à nous en affirmant que ce film est censé briser les idées reçues sur la Sicile et en montrant le vrai visage de Palerme, associant les autorités à sa confection. On en sort avec un rictus cynique tant ils se sont bien foutus et de nous et des "autorités". Tout ici n'est que mafia, perversion et délabrement. Le film serait le pendant extrême de la Grande Bouffe de Marco Ferreri et de l'Affreux, Sales et Méchants d'Ettore Scola. 

L'apocalypse que l'on suppose à laisser un monde aux mains d'hommes (puisque même les rôles féminins sont joués par des hommes) à la virilité contrariée, obsédés par la luxure et la goinfrerie, éructant et pétant où qu'ils aillent, laids, gras, grossiers, irrespectueux. Les mères sont maltraitées, la figure du Christ est interprétée par un balafré difforme à qui il manque un œil, les ânesses sont prostituées (mémorable scène de sodomie qui ouvre presque le film)... Le tableau qu'ils peignent de l'Italie est violent, discourtois, décadent. Pour autant, cette ironie noire et injurieuse est un bonheur de cinéma. Et si L'oncle de Brooklyn n'atteint pas l'irrévérence de Toto, il en laisse présager ses géniales qualités et ses quelques défauts (comme à l'accoutumée, la lenteur, les silences et la difficulté à saisir le sens du propos ou de l'histoire en déconcerteront plus d'un!). 

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