Le primavera sound 2008 c'est un peu à lui tout seul l'affiche qui fait rêver, voire cauchemarder au vu de l'impossibilité de tout voir. Des sacrifices allaient devoir être faits.
Au départ devant y assister deux jours, et pensant que vendredi 3h du matin signifiait vendredi 3h du matin et non pas samedi 3h du matin (horaires de perchés), je me trouvais à l'entrée dans la nuit du jeudi au vendredi et revenais avec un pass trois jours en apprenant que Portishead jouaient dans le prochain quart d'heure.
Me dirigeant le plus rapidement vers la scéne centrale pour les voir, j'entendais les premiéres notes du set, composé à la fois d'ancien succés (cowboys, mysterons...) et de chansons du dernier album. Ce sont d'ailleurs celles ci qui prennent une autre tournure en live, plus épiques, plus libres, les mélodies saccadées sont jouées jusqu'à épuisement, dans la plus pure tradition des musiques chamaniques. Beth Gibbons ne se transforme pas en maîtresse de cérémonie, et avec sa timidité caracterisée s'écarte de scéne dès que les parties instrumentales font leur apparition. Typique visage angoissé, gravement porteur de vocaux desilusionés, ses vocaux se font fébriles, limite criés d'un lourd desespoir à certains moments (We Carry on). Ceux qui voulaient enterrer le trio de Bristol suite à ce Third devront attendre, ils ont encore de bons atouts.
Profitant d'une euphorie, je m'ecclipse de la scéne centrale pour aller voir un peu le décor du scénario de ces prochaines journées et je tombe en début de set de Explosions in The Sky. Autant que sur cd, un gros soufflé qui s'écroule, d'une rare mollesse et d'une trés faible intensité me fait bailler.
Et là je me rends compte que De La Soul va commencer son set sur la scéne ou Portishead nous avait laissé enchantés une bonne demi heure avant. Aucun regret, un set d'une rare energie, avec la part belle faite à l'ambiance guerriére du gros, nous pilonnant de tubes et rameutant tout le public vers eux, sur un fond de révolution des moeurs.Grosse énergie et surtout grosse présence scénique pour ces Mc's qui restent humble et remercient Public Enemy ou Portishead d'avoir largement ouvert le pas à la soirée.
Fin du set et sachant que le plus gros restait à faire, une bonne nuit de repos m'attendait aprés n'avoir raté "que" Boris et Moho pour aujourd'hui.
Le lendemain était la journée trés attendue avec un programme assez chargé qui s'est rapidement déchargée à l'annonce faite au guichet: "plus de place pour Portishead" qui jouait en salle interieure. On remercie l'orga d'avoir prévenu que ce deuxième concert se déroulait sous réservations. Libérant le début de soirée, on essaye de se satisfaire de ce manque palpable (puis on les aura vus la veille au soir quand même, pas grave).
C'est ainsi que l'on se dirige vers Six Organs of admittance sans aucune attente, aprés les quelques écoutes sur cd. On a bien eu tort d'ailleurs, car ce concert en valait plus que la peine, instaurant une ambiance noisy, jouant sur les sonorités et la distortion de mélodies magnifiques, le groupe nous laisse mélancoliques et songeur, assis sur des gradins sur lesquels ont vient d'assister un spectacle assez epoustouflant. Cet endroit prenait de suite une autre ampleur avec ce qu'il venait de s'y passer. Toujours ce satané trou a boucher donc, ce sera chose faite avec Bob Mould Band, derniére épopée de l'ancien frontman de Hüsker Dü. D'ailleurs à part le nom, il ne reste pas grand chose de cette énergie, de ce son, de cette rage si ce n'est un rock passablement lourd mais surtout trés miévre dans la droite lignée des Foo fighters ou autrres réjouissances FM. Commençant légérement à s'impatienter, on se dirige vers la scéne encore non visitée pour assister au set de Subterranean Kids, représentants métalcore du festival pour l'Espagne. Une demi chanson et le ton est donné, vraiment pas ma came.
Un trou qui commence à s'éterniser avant que Devo ne prennent place sur une des scénes centrales. Et bien sur c'est à une prestation inhumaine à laquelle on assiste, robotisée, depersonalisée, un gros show de géants qui s'amusent, profitent de ce retour pour nous asséner tous leurs tubes. Are we not men? We are devo! Dansant comme des humanoides mongoloides, le public commence à sortir de son propre corps lorsque biggy boy (un poulet transgénique?) personnage du groupe fait son apparition sur scéne, qu'un mec deguisé en lapin monte sur scéne et que le son s'arrète. Tout est allé bien vite et on ne saurait même pas expliquer ce qu'il s'est passé sinon que l'on continuait à voir le groupe s'agiter sans rien entendre. Prestation absurde, kitsh, dansante, debilisante, mais tellement prenante, Devo nous donne la premiére claque du festival, et on part les yeux dans le ciel en tendant l'autre joue.
C'est avec des espoirs que l'on part car nous attendent Fuck Buttons et OM sur la scéne du fond. Fuck Buttons d'abord remplit plus que haut la main le contrat de "grosse surprise à laquelle on s'attendait tout de même au vu du cd bien prometteur". Sur scéne c'est juste une sorte de messe initiatique entre drone, noise et electronique tribale que nous refourguent ces deux prodiges, en programmant des vocaux criées, des percussions sur caisse claire resamplées sur le moment et des nappes d'une rare intensité mélodiques le tout en étant face à face et en headbanguant violemment. Affaire à suivre donc, car ces deux là ont donné un autre rythme au festival qui commence largement à ressembler à la fin du monde.
Fin du monde qui va d'ailleurs se confirmer avec OM, groupe qui à lui seul justifiait quasiment ma présence à ce festival. M'approchant de la scéne, voulant profiter à fond de cette experience sonore mystique, on profite des balances entre Al Cisneros et le nouveau batteur remplacant de l'ex Sleep. Angoissant d'ailleurs car ces deux là n'ont pas encore l'air de bien se sentir, impression confirmée au cours du set par un Cisneros vigilant sur le jeu de son nouveau batteur. POurtant cela ne gachera en rien un set TROP court composé de Flight of the eagle, to the shrinebuilder et At giza, un peu plus de 50 minutes donc, donnant l'impression d'une coupure temporelle. On est bien sortis de notre corps, bougé au rythme de ces incantations, vibrant au son d'une basse au volume indécent et senti la tension palpable dans chacun de ces accords attendant la libération, l'envol. D'ailleurs revenir à ses esprits était difficile, la conscience du temps et de l'espace ayant été largement floués. Tel que je l'attendais, l'experience la plus troublante du moment ne déçoit `pas mais laisse un arriére goût serein dans la bouche, un sentiment d'accompli.
C'est donc sur le chemin du retour que l'on s'interroge sur la journée de demain qui devra conclure ce festival de bien belle maniére.
Aprés la prestation de OM, l'envie de me déplacer pour des groupes pour lesquels je ne me berçais pas d'illusion ne m'excitait qu'á moitié, c'est donc pour Throbbing Gristle a 21h45 que je me dirige vers le lieu du crime.
Même coup que pour Portishead le deuxième jour, TG joue a l'auditoire, et nécessite donc l'achat de places (assises). Cette fois ci on obtiendra les notres et le sourire d'un enfant pour qui Noël approche se faufile sur nos lévres.
Aprés une coup passablement longue on s'installe dans une sorte de théâtre quitté de toute lumière où les membres s'installent chacun derriére une table, estampillé des insignes du groupe. Ils installent une projection avec leur logo, et Genesis P Orridge se léve pour entamer les premiéres notes de chant. Le son fait son entrée, mur palpable, physique, les samples sont lachés de maniére agressive et Orridge nous montre toute sa maîtrise androgyne, son savoir faire malsain pour chambouler nos dogmes musicaux. Violons életriques complétement distordu à l¡appui le groupe cherche à créer cette ambiance dérangeante, pas réellement apaisante qui oblige à la réaction. C'est d'ailleurs lors de After cease to exist, qu'ils retransmettent les images de Coum Transmission, un film de 77 ou des images de groupes jouant en t shirt aux croix gammées entourent un court métrage moitié porno moitié snuff où l'on assiste à une ablation des testicules. C'est à travers ces images que TG crée un mur sonique hors du commun, immergeant et dérangeant qui incite à la réaction. Comment une telle prestation peut elle rassurer? Car à la fin ce son est rassurant, porteur de sens (ou de non sens). C'est finalement live que je comprends entiérement l'entité Throbbing gristle, en comprenant l'entité COUM. C'est rasasié que je sors de cette prestation, et complétement bouleversé. On vient d'assister à un renversement artistique entier, à un manifeste en direct, en lien direct avec le fluxus, le dadaïsme et autres courant. Aprés cela, on peut partir tranquille.
Pour s'aérer un peu la tête on assiste à l'entrée en scéne de Dinosaur Jr (dont le frontman avait assisté quelques minutes plus tôt au show de Throbbing gristle). Anachronique, la musique ne porte vraiment pas d'interêt, de sens, assez banale, mais surtout fort du traumatisme sensoriel vécu auparavant. C'est donc sans aucun goût que l'on se dirige vers la prestation de Clipse, qui nous redonne énormément d'énergie. Au niveau hip hop ce fest a vraiment choisi les bons groupes, riches instrumentalement et instaurant la guerre : "C'est un putain de concert de hip hop, enlevez ces écrans géants, je veux que toutes ces pétasses me regardent moi!".
On ne pourra tout de même pas finir leur set vu que ma dernière envie se dirigeait vers Shellac, qui débutait sur ma scéne favorite un set carrément réussi. Autant sur cd Shellac n'est pas forcément ma tasse de thé, autant en live, ce son fait mal et l'énergie carrée et mathématique n'a d'égal que les coupures rythmiques. Puis le show est vraiment fédérateur avec un batteur qui chauffe l'assistance en desossant sa batterie pour un "the end of the radio" aux airs de priére. Excellente surprise que ce groupe, que l'on savait doué, mais qui est en fait complétement taillé pour la scéne, d'où l'attrait d'Albini pour ce son live.
Pour finir ce festival en douceur, ereinté, la nuque douloureuse, affamé, on s'assoit sur fond de Tindersticks pas convaincant, peut être justement trop "en fin de festival" et assez démotivant, sur fond de blues hanté ennuyeux, pas assez habité en live alors que sur cd le tout restait cohérent et convaincant. Ça vient surement de l'état d'esprit. On quitte donc le lieu en ratant Animal Collective, trop epuisés pour se présenter sur la scéne centrale.
[Macho)))]
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