mercredi 6 octobre 2010

Les amours imaginaires de Xavier Dolan


Il existe ici bas, nombre de réalisateurs (ou d’acteurs) énervants. Certains aiment (à tord ou à raison, là n’est pas tout à fait la question) déblatérer sans fin sur Schumacher ou Bay, consacrant l’inanité de leurs films aux idéaux muets, oubliant peut-être qu’à défaut d’être de prolixes philosophes, ils sont de brillants techniciens. Il y a ceux qui s’insurgent contre le cinéma d’auteurs, contre ces réalisateurs qui sentent les archives, la naphtaline et la Nouvelle Vague. Et puis il y a ceux qui s’indignent de la suffisance et de l’égotisme de certains individus qui, persuadés (ou peut-être même convaincus) d’avoir du talent, s’affaissent dans ce que le critique appelle la vanité ou la prétention.

Pour certains, Xavier Dolan est énervant. Enervant car à 21 ans il a déjà réalisé deux films. Enervant car son premier long, J’ai tué ma mère, a connu un grand succès critique et a notamment été récompensé à Cannes. Enervant enfin car le jeune homme donne cette froide image de l’autosatisfaction créatrice, celle d’un jeune homme au génie sans pareil qui aurait réinventé le cinéma à lui tout seul. Plus que son talent certain, c’est donc bien son « orgueil imaginaire » qui enquiquine le spectateur français (qui, bercé par les Bresson, les Rohmer, les Chabrol et les Godard, n’apprécie pas le trop plein d’esbroufes et ne comprend pas le besoin qu’on peut avoir à chercher des esthétiques un brin chichiteuses).

Anne Diatkine, "critique" au magasine "Elle" écrivait que pour quiconque connaît le cinéma depuis plus de 20 ans, le film de Dolan n’avait rien de novateur. Simplement parce que le jeune québécois, certainement trop bercé par ses idoles, de Wong Kar-Wai à Almodovar, leur emprunte trop ou plutôt, leur rend trop hommage, si bien que l’hommage, au lieu d’être le témoignage de sa modestie, apparaît comme le pompeux aveu de sa prétention.

Xavier Dolan abuse de ces ralentis contemplatifs qui, pourtant, figent parfois avec brio le temps éternel de l’amour et toutes les méandreuses alcôves de l’insatisfaction et de la frustration. Il déçoit avec ses raccords de plans parfois douteux et peu esthétiques (un comble !). Il énerve avec ses inutiles réajustements de cadre lorsqu’il filme ces témoignages pourtant savoureusement écrits.

C’est d’ailleurs cette écriture drôle et cruelle qu’on ne peut pas lui reprocher. Son trio amoureux repose pour beaucoup sur ces échanges choyés et sur ces silences bavards. On suit avec une assiduité sans brèche, les amours contrariées de ces deux amis amoureux de la même personne. Ce bellâtre n’a de cesse de leur distillé des signes torrides, sauvages, ambiguës pour finalement les laisser sur le tas.

Et puis on ne pourra pas reprocher non plus à Dolan de ne pas soigner ses lumières, ni ses ambiances, ni sa musique. Encore moins d’être partout à la fois. On a vite fait d’oublier qu’en plus d’être acteur, réalisateur, scénariste, le jeune homme est aussi au montage et à la conception des costumes. Le perfectionnisme agace, il est à mon avis loin de l’ignorer, mais comme il le dit lui même, cela lui passera.

Enfin, il faut reconnaitre à Dolan la conviction avec laquelle il s’atèle à construire une œuvre homogène, traitant des affres des rapports humains avec cette plume vive et caustique. Les multiples similitudes que l’on notera entre J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires vont clairement dans ce sens : les apartés témoignages, la course poursuite dans les bois, cette conflictualité avec le sexe féminin... Le canadien bâtit une œuvre complexe et raffinée, et c’est bien là l’essentiel !

Mais que les sceptiques se rassurent, ceux qui voudront continuer à bavasser sur le « comportement imaginaire » du jeune homme auront de quoi jaser encore et encore après avoir vu le film. En effet, la succincte apparition de Louis Garrel, autre tête de turc du cinéma francophone, ne sera pas là pour leur suggérer l’idée qu’on peut être quelqu’un de (soit disant) insupportable et faire des films qui valent le coup d’être vu.

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