2011 serait-elle l'année du changement? Du moins, ouvre-t-elle un nouveau cycle dans ma vie de cinéphile obsédé par tout ce qui sort? La question que je pose nombrilistiquement (ouf, on dirait un titre de Mylène Farmer...) fait écho à la fin de mon dernier billet et aux démarrages généralement foireux que j'ai pu connaître depuis 2007 en fait en remontant dans mes archives.
Somewhere est en effet un objet extraordinairement envoûtant sur le papier. Nouveau film d'une réalisatrice qui tranche, qui expérimente ou qui ennuie, c'est selon, objet de réhabilitation pour un des troublions trop vite catalogué has been aux vues des erreurs qui ont ponctuées sa filmographie. C'est vrai qu'ils n'étaient plus très nombreux ces derniers temps, ceux qui croyaient encore au potentiel artistique de Stephen Dorff. Lui non plus d'ailleurs. Et puis voilà qu'est arrivée cette histoire, l'histoire d'un acteur qui zone dans un hôtel chic, infantilisé par tous ces gens qui l'entourent, ennuyé par une solitude qui habite tous les interstices de sa morne vie de baiseur à tout va. Car finalement il y a bien deux choses qui semblent motiver le personnage de Johnny Marco : sa fille, à la garde de son ex-femme, et puis les filles, les blondes notamment.
Difficile pour un mec comme Dorff de ne pas sauter là-dessus. C'est un peu comme si on lui proposait de mettre sa propre vie sur bobine. Plus besoin de vraiment jouer la comédie, simplement se souvenir de ce qui nous a fait plonger, de ce qu'était cette descente. La solitude, l'ennui, l'écoeurement, le sexe facile, l'absence du moindre effort qui conduit inexorablement à l'oubli de soi puis des autres. Tout cela semblait trop beau pour l'acteur.
Et Coppola aurait eu tord de ne pas croire en lui. Dorff, son sourire de jeune premier malgré sa trentaine finissante qui commence à courir sur son front, dégage une onde lumineuse qui absorbe tout le reste, l'espace comme ses partenaires. Autant dire qu'on ne l'attendait pas si bien, si beau, si présent, si envahissant même. Sans en faire trop il comble tout les vides du scénario et ferait presque oublier la symbolique primaire de la réalisatrice.
Car à ce monstre, Coppola n'a proposé qu'un rôle et l'horizon d'une mise en scène pour l'entourer. Triste piétinement facile, le film dans sa languissante longueur vous plonge dans une marmelade chic, où la vacuité narcissique du monde du cinéma se contemple névrotiquement. Si bien qu'on finit par avoir peu d'estime pour ce travail bâclé.
Dès l'entame le film tourne en rond: Marco, dans sa belle Ferrari noire, tourne sur un minable petit circuit puis s'arrête, sort de sa voiture et tourne le dos au néant qu'il vient de créer. Soit, Marco s'ennuie dans cette vie faite de redites et de laisser aller. Il s'ennuie tellement qu'il s'endort devant ces deux blondinettes qui lui font une danse avec autant de grâce, d'adresse et de lascivité que deux guenons pendues à une liane.
Le film en devient ulcérant. L'égotisme autiste du film, qui n'a d'yeux que pour lui et son monde, invite au non sens. Incompréhensible pour le commun de concevoir qu'il soit si compliqué et inhumain d'être une star, de faire la fête et de s'envoyer en l'air avec toutes les belles créatures qui vous entourent. On a du mal à s'émouvoir pour se personnage pathétique et pour la sordide complaisance de Coppola.
Surtout que celle-ci ne se prive pas pour en rajouter. Au détour des couloirs du Château Marmont (hôtel à 370$ la nuit pour une chambre simple et 3700$ la nuit pour le penthouse...) on prend l'ascenseur avec Benicio del Toro et puis on croit reconnaître Aurelien Wiik (!!) à une soirée. Et puis parce qu'on fait les choses en famille, on invite Alden Ehrenreich, jeune acteur couvé par papa Coppola et mis en scène dans Tetro.
Oui tout ça donne franchement l'impression de tourner en rond et de se moquer, non pas de ce petit monde qui se regarde les poils de bite (ou de chatte, faites votre marché) à longueur de temps, mais de nous, auprès de qui on cherche un peu de compassion.
Décidément non, 2011 ne changera rien à la routine du début d'année même si, il faut bien l'avouer, ce Somewhere n'a rien de comparable avec un The Spirit ou un Dante 01. Seulement le film le plus radical de Sofia procure la même envie que celle qui naît chez le pas désagréable Johnny Marco: prendre notre voiture, quitter la ville, nous perdre à la campagne et regarder les paysages plutôt que les lamentations bourgeoises de tous ces gens.
1 commentaire:
c'est le plus bel article que j'ai lu sur ce film…
Enregistrer un commentaire