Plus de deux ans après le dernier album de Clouse, que s'est-il passé dans le cerveau déjà bien abîmé du guitariste ? On savait depuis Cherry que $&$ s'éloignait sur ses enregistrements du rock au sens traditionnel pour s'orienter de plus en plus vers la musique électronique. Mais l'homme n'a pas pour autant été dans la simplicité et n'a pas créer une entité électronique moderne ou orientée dancefloor, mais s'est répandu dans la fange de la distortion, de la répétitivité également tout en améliorant son groove. Si le dernier LP avait été un album décisif dans l'exploration de la saturation, Le Grand Larance Prix est l'exact réponse inattendu de Clouse, et pourtant la cohérence du projet reste intact. En un sens, Shit & Shine signe son album le plus calme, et peut-être même son album le plus accessible. Mais cette facilité n'est recevable que hors contexte, car la musique de Shit & Shine reste singulièrement conçu, et donc profondément étrange et repoussante. A l'excès de distortion, Clouse a préféré l'exploration de la répétition inlassable via des outils nettement moins belliqueux. Synthés, samples, boites à rythmes et guitare ondulent dans une transe psychédélique déroutante. Les titres se passent la balle dans un élan malade, entre délire auditifs incertains et occurrences rythmiques obsessionnelles. Abstrait, le disque l'est. On pense parfois aux globes occulaires de San Francisco, on songe parfois à Lynch, et on se rappelle forcément des Butthole et des Boredoms. Sauf qu'on est dans une agression passive et non frontale, mais nous ne sommes pas non plus dans les nappes éthérées et les carillons japonais. On vire même parfois du coté d'une musique franchement plus europénne, quand Shit & Shine s'obstine: Faust ou Kraftwerk paraissent ici donner des idées à Clouse, obsessions mécaniques et synthés en roue en libre en guise de témoins. Le deuxième disque comprend notamment les faces les plus surprenantes de ce nouvel album. "Switchin 2 nite mode" développe comme un générique télé délabré, dont le retour maladif devient pesant et malsain. Par dessus, des voix samplées et parlées tentent de raconter quelque chose, d'incompréhensible, avant de virer vers une longue marche glorieuse mais exténuée. Malaise. L'autre face est dédié au long "French Automotive", morceau totalement improbable. Autour de quelques notes stellaires de synthétiseurs une nappe oscillante apparait timidement avant de s'éteindre. L'intention est étrange, le résultat rappelle immédiatement les anciennes gloires de la techno européenne: Comme une collision entre la manière d'un Tricky à ses débuts (Maxinquaye/Nearly god), expérimentale et à l'instabilité recherchée, et un Future Sound Of London, avec ses claviers vaporeux et enivrants, ou l'école Chain Reaction grâce à ses résonances électroniques.
Les différents projets de Clouse semblent aujourd'hui n'avoir aucun avenir certain (qui de Todd, vraiment, et qu'en est-il concrètement de $hit & $hine qui propose cet album de manière quasi officieuse ?!?), mais si nous avions déjà largement défendu ces entités, ce rare triple album ne se présentera pas ici comme le premier (et dernier ?) faux pas. Recommandé !
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