Programme était un projet fascinant. D'abord musicalement, les arrangements de Damien Bétous, cette capacité à sampler, à déconstruire, à s'affranchir du rock (les stooges...) et à s'accoupler avec la musique contemporaine, en lorgnant vers les musiques expérimentales. Mon cerveau dans ma bouche était un bijou, qui poussait encore plus loin certaines choses dites en sourdine sur #3 de diabologum, qui s'appliquait à donner des lettres d'or aux machines. Le carcan était devenu encore plus libre et à la fois minimaliste et chargé sur l'enfer tiède, contemplant même une esthétique free, des sonorités différentes et s'abbreuvant des musiques contemporaines avec brio. Puis Bogue, ce petit album, ep qui synthétisait l'esthétique du projet en poussant les limites du glauque, en gageant sur les expérimentations de génération finale (une boucle sonore qui servait une installation vidéo, drone minimaliste répétitif qui marquait noir sur blanc la fascination de bétous pour les compositeurs type Tony Conrad ou Terry Riley). Programme c'était aussi Michniak, le shaman contemporain, l'adolescent qui se voulait le porte drapeau d'une génération, scandant des vérités, irritant certains de part son nombrilisme, embrassant l'appui des autres pour le côté prophétique de ses paroles, réalistes et dures, tristes et dégueulasses, comme notre société. Puis Programme n'était plus, michniak vaquant à ses occupations en solo, satisfaisant ses désirs artistiques total avec des vidéos (un dvd "Appelle ça comme tu veux", et le projet poing perdu qui était un symbole d'art total). En 2010, Programme revient, dans sa formation initiale. Un concept à la clé (d'ailleurs récupéré d'une idée d'un projet solo de Michniak, agent réel). On le sent en filigrane, voire de façon carrément lourde au long de ce nouvel effort, l'agent réel est une sorte de troisième personne, presque en égo trip. Les armes ont changé, Michniak se veut porte parole cette fois ci, il le crie, il a pris confiance en lui, sa voix n'est d'ailleurs plus trop parlée, plutot carrément scandée (et perd indéniablement en impact). Ce qui est fort domnmage, c'est que cette fois ci on sent que Michniak se justifie, tout au long du disque. Là ou avant il ne cherchait qu'à satisfaire son mal être, dans une démarche cathartique, sans aucune prétention au final, si ce n'est un nombrilisme assumé, Michniak a pris conscience que ses travaux avaient touché, que beaucoup de gens pouvaient s'identifier à ses paroles, et ça se ressent ici. Programme tourne en rond, le mot est laché. "Fumer boire, fumer boire, dire bon les gars qu'est ce qu'on fait? on sfait chier? slever, sortir, srassoir, refumer reboire". Alors ouais, on a compris, mais cette fois ci c'est pataud, faussement poétique, faussement plein de rage. Et Michniak se cache derrière ce concept. A cette critique de facilité, de mièvrerie post générationnelle, de malaise sociétaire, on répondra que c'est l'agent réel, comme un journaliste chroniqueur du quotidien. C'est facile? C'est le monde qui le veut. Et on le voit venir, on sent que de toute façon les critiques proférées seront de toute façon contrées dans l'oeuf. Quelques assauts rappellent les grands moments de Programme comme "Ce n'est pas ça" où Michniak reprend un ton plus glauque, plus shamanique occidental. Nouveauté aussi, le porte parole appelle à la réaction, appelle à l'état d'urgence "parler d'un problème contient déjà le type de solution qui lui sera trouvé" et se veut complétement politique, là où il n'était que chroniqueur social et constatateur de faits du quotidien.
Derrière se cache toujours Damien bétous, qui livre toujours de trés belles pièces, beaucoup plus rock (et donc proche de diabologum) mais aussi bien plus frontale (live?) en pilonnant certaines rythmiques et en jouant BEAUCOUP plus qu'avant sur les répétitions. Ses fascinations musicales se font encore plus sentir, notamment sur cette pièce de 30 minutes, "Nous" où collages divers évoluent dans une tradition Pierre Henry, d'où emerge trois temps fondamentaux du morceaux: nappe bruitiste drone, mélodie de guitare puis riff pour un morceau à l'esthétique dadaiste. L'ennui principal est aussi que l'organisation du disque ne donne pas crédit à la plupart des morceaux, trop courts, qui laissent la place à ce Nous central lui plus arrangé et plus musicalement aliénant en presque baclant les brulots autour (qui auraient surement gagné à plus d'arrangements). Le problème de Programme en 2010, c'est que le message a evolué, et en est devenu caricatural, sans foncièrement changer dans la forme. Là où Nonstop livre des pirouettes verbales comme background à une chronique de l'aberration de la société sans aucune prétention, Programme se veut militant, engagé pour au final retomber comme un soufflé sur cet agent réel bien décevant. (Ici d'ailleurs)
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