Avec Buried j’entame ce qu’on pourrait appeler un cycle, constitué de films que j’ai eu la chance de voir en avant-première pour la plupart à l’Etrange Festival qui s’est déroulé au début du mois de septembre dernier. Pour ceux qui ne connaissent pas mais qui sont adeptes de nanars, d’étrangetés, d’horreur, de jusqu’auboutisme ou juste d’expériences sensorielles et cinématographiques inédites, je ne peux que leur conseiller d’aller faire un tour sur le site de l’événement pour pleurer sur ce qu’ils ont raté.
Parenthèse faite, penchons nous sur ce « phénomène » venu d’Espagne. Chaque année ou presque, on nous annonce l’arrivée d’une nouvelle petite pépite tout droit débarquée de la très prolifique industrie du film de genre made in Spain. Le début des années 2000 a en effet marqué l’apparition sur nos écrans d’une nouvelle vague de réalisateurs comme Amenabar, Cerda ou Balaguero qui excellaient dans le genre épouvante/horreur. Depuis, les « phénomènes » se sont multipliés, faisant l’étalage d’un savoir faire de plus en plus admirable et d’une innovation des plus remarquables, transformant la créativité ibérique en un argument de marchandising plus que rentable.
Ces dernières années nous avons donc eu le droit à Lopez Gallego, Fresnadillo, Vigalondo ou encore Plaza. Le petit dernier s’appelle Cortès, comme le Conquistador (ok, on oublie la vanne). Il débarque avec un film qui a rodé un grand nombre de festivals à travers le monde, remportant un succès d’estime qui va lui permettre d’être distribué aux Etats-Unis par Lionsgate, ce qui n’est pas rien.
Le pitch minimaliste en déroutera plus d’un : un homme enterré dans un cercueil au beau milieu de l’Iraq avec pour seuls compagnons un téléphone portable, une lampe torche et un briquet, a une heure et demi environ pour que son gouvernement le retrouve… et le sauve ! La question que soulève dès-lors le présent synopsis est la suivante : mais qu’est-ce qu’il peut bien se passer durant ces putains de 90 minutes ?
Buried semble adopter la règle la plus usitée du théâtre classique, celle de l’unité. Unité de lieu tout d’abord ; comme vous l’aurez compris tout se passe dans ce cercueil et on n’en sort jamais si ce n’est par quelques travellings arrières écrasants qui plongent notre homme dans les entrailles du désert iraquien. Unité de temps ; une heure trente pas plus, c’est la durée du film mais aussi la durée de vie des ustensiles à disposition de Ryan Reynolds pour tenter de se sortir de là. Enfin unité d’action ; c’est le moment où les plus réfractaires, les sceptiques mais aussi les benêts (vous vous rangez où vous voulez) me disent « mais quelle action ? On est enfermé dans un cercueil pendant 1h30, à part se branler j’vois pas c’qu’il peut faire le mec ! ».
A ceux là je répondrai par un argument récemment entendu en cours de la bouche d’une enseignante en cinéma. Elle parlait en ces mots : « Certains disent que les films français sont trop bavards, qu’il n’y a pas d’action. C’est faux. Les dialogues c’est de l’action ». Et Buried en est un exemple parfait.
La mise sous tension joue sur deux tableaux : le premier, évident, est ce sentiment terrible de claustrophobie. Un espace confiné, succession de gros plans et de plans serrés : mis à part deux travellings, on échappe jamais à cette pression de l’espace qui, si petit soit-il, est de plus en plus hostile à la survie du seul protagoniste. C’est un choix ; d’autres auraient préférés montrer l’affairement autour de cet homme enterré mais cela n’aurait pas rendu grand-chose si ce n’est une gesticulation de masse. Ici un homme se débat à l’intérieur, seul. L’extérieur ne lui est presque pas accessible. Pire, quand il l’est, il est incompréhensible, irrationnel, loin d’être rassurant.
Le second c’est l’oppression de l’imaginaire ubiquité. Ce téléphone portable, ce fameux objet sur lequel tient en réalité, l’intégralité de l’intrigue. La véritable question sociétale du film serait alors celle-là : qu’elle société serait la notre sans portable ? Comment survivre, comment savoir, que savoir ? Cet objet à la déconcertante banalité se révèle être aussi bien un atout qu’une contrainte pour l’enterré. Qui appeler ? La police ? Elle ne comprend rien. La famille ? Pourquoi faire ? La CIA, le FBI, le Département d’Etat ?
Cette articulation autour de dialogues parfois improbables avec un extérieur à la désorganisation patente est l’une des plus grandes réussites du film. Buried tourne au pamphlet cinglant, dynamite l’incompétence des institutions américaines, balance sur la désinformation, le mensonge, sans jamais verser ni dans le pathos, ni dans le cynisme. Ca n’évite certes pas à ce huis-clos quelques écueils (le serpent…) là pour combler les très rares temps morts du film. Mais ça lui donne une dimension bien plus riche que celle d’un simple cercueil en bois…
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