Guillaume n'a pas arrêté de m'en parler, chaque jour qui passait, me disant que c'était l'un des meilleurs films qu'il avait vu cette année à l’Étrange C'est donc avec les meilleurs échos que je me suis rendu à la séance de 14h30 de Confession of Murder du coréen Byeong-gil Jeong, un thriller très nerveux qui joue sur le mélange des genres. Un flic course un tueur en série qui lui échappe et lui promet un grand destin. Quinze ans plus tard, alors que le délais de prescription est tombé, un homme revendique tous les meurtres dans une autobiographie, mettant en émoi la police et les familles des victimes et créant autour de lui un énorme engouement de fans hystériques. Seulement, le doute s'installe : s'agit-il du véritable assassin ? Pourquoi revendique-t-il maintenant ces crimes, au risque de lever contre lui une véritable vendetta ?
Dans une grande tradition asiatique, les genres comiques, dramatiques voire mélodramatiques sont imbriqués et offrent des séquences déroutantes où l'humour succède sans laisser de temps mort, à des scènes d'une gravité profonde. Confession of Murder offre une habile réflexion sur le rôle des médias et sur leur utilisation publicitaire, mettant clairement en lumière leur statut de promoteur d'informations erronées et non de pourfendeur de vérité. Byeong-gil Jeong offre de longues séquences de plateau, démontant les logiques spectaculaires de l'univers télévisuel. Le tout est entouré de très nombreuses scènes d'action dont des courses poursuites ultra-spectaculaires mais d'une improbabilité royale, qui pousse souvent au grotesque, non sans un certain plaisir coupable. Beaucoup moins noir que son confrère The Chaser, la fluidité et la maestria de certaines séquences de poursuites n'ont strictement rien à lui envier.
Toutefois Confession of Murder pâtit d'un scénario qui passe par tous les excès et joue toujours avec les frontières du ridicule. Une jeune femme vengeresse avec une arbalète, un serial killer présumé qui semble avec 19 ans, un flic qui vit chez maman, des serpents dans la piscine, des groupies en mini-jupe qui adulent leur beau tueur en série et bien évidemment, ces putains de scènes de poursuite qui ont la maîtrise technique d'Hollywood (et peut-être même bien mieux), mais qui sont aussi réalistes et crédibles que celles réalisées à Bollywood dans les années 90... Bref, ce nouveau thriller coréen, efficace à souhait, n'offre résolument pas grand chose de neuf, si ce n'est un ton plus léger qu'à l'accoutumée.
On file en salle 300 pour l'un des événements de la dizaine : la présence de Stephen Sayadian, réalisateur de films pornographiques qui a beaucoup oeuvré dans les années 80 en développant des films concepts. On peut, de prime abord, s'interroger sur la présence d'un réalisateur de films pornos dans un festival de films "étrange". Mais les réalisations de Sayadian ne sont vraiment pas comme les autres. Et son goût pour le raffinement, pour la sublimation de l'érotisme et pour la rencontre avec d'autres genres parlent pour lui. Le film présenté ce jeudi est un "remake" du Dr Caligari. Oui, le manifeste du cinéma expressionniste allemand, réalisé en 1920 par Robert Wiene. Lorsque son producteur lui propose de réadapter cette oeuvre, en 1989, le film vient de tomber dans le domaine public américain. Sayadian est donc libre d'en faire ce qu'il veut et va, avec une imagination débordante mais aussi une rigueur esthétique incroyable, développer et étirer les formes et les concepts de l'expressionnisme en le faisant rencontrer la SF des années 50, le théâtre underground des années 70 et le goût du kitch des 80's.
Dr Caligari est une véritable surprise visuelle qui garde certaines caractéristiques des années 20, notamment la reconstitution des extérieurs en studio ou encore la déformation des décors (notamment des portes, ici symbole de pénétration dans un univers sexuel très perturbé). Les décors sont d'une grande abstraction et le noir domine très largement, électrisé par quelques flashs colorés et par des costumes grisants. Sayadian reprend également les thématiques de la manipulation et de la folie : ici une psychiatre un peu autoritaire dirige un asile et fait des expériences sur la libido de ses patients, allant jusqu'à les faire changer de sexe ! Tout est chorégraphié, tant dans les dialogues que dans les mouvements des acteurs, insufflant un rythme brisé, tantôt frénétique, tantôt lancinant, proche de l'hallucination. L'onirisme crépusculaire est permanent, la folie ne cessant jamais de parcourir les personnages.
D'une permanente inventivité, cette version érotique de Caligari a une particularité notable : il n'y a pas une seule scène de sexe. Tout y est suggéré, par des poses lascives, par des sous-entendus érotiques, par des symboles phalliques ou vaginaux dans l'image, par l'humour omniprésent et par la thématique de l'hystérie féminine. C'est à la fois un bonheur et une frustration... Parce qu'on aurait bien aimé voir quelques nichons et quelques bites trainer ici où là.
Je retrouve Stéphane et Lionel au 7e bar. On fait le point sur la séance d'hier. Lionel a acheté une place pour Belenggu et je ne peux m'empêcher de le dissuader d'y aller. Je lui conseille plutôt de venir voir The Widower avec moi, film qui apparait dans la carte blanche du bouillant (et très bavard) Jello Biafra. Finalement Lionel essaie de refourguer sa place à quelqu'un sans succès. Le bouche à oreille sur Belenggu n'a franchement pas été bon et ça s'en ressent. On file en salle 300 et on accueille un petit nouveau, Benjamin, dont c'est la première à l'Etrange (j'en aurais dépucelé un paquet cette année...).
Dans une grande tradition asiatique, les genres comiques, dramatiques voire mélodramatiques sont imbriqués et offrent des séquences déroutantes où l'humour succède sans laisser de temps mort, à des scènes d'une gravité profonde. Confession of Murder offre une habile réflexion sur le rôle des médias et sur leur utilisation publicitaire, mettant clairement en lumière leur statut de promoteur d'informations erronées et non de pourfendeur de vérité. Byeong-gil Jeong offre de longues séquences de plateau, démontant les logiques spectaculaires de l'univers télévisuel. Le tout est entouré de très nombreuses scènes d'action dont des courses poursuites ultra-spectaculaires mais d'une improbabilité royale, qui pousse souvent au grotesque, non sans un certain plaisir coupable. Beaucoup moins noir que son confrère The Chaser, la fluidité et la maestria de certaines séquences de poursuites n'ont strictement rien à lui envier.
Toutefois Confession of Murder pâtit d'un scénario qui passe par tous les excès et joue toujours avec les frontières du ridicule. Une jeune femme vengeresse avec une arbalète, un serial killer présumé qui semble avec 19 ans, un flic qui vit chez maman, des serpents dans la piscine, des groupies en mini-jupe qui adulent leur beau tueur en série et bien évidemment, ces putains de scènes de poursuite qui ont la maîtrise technique d'Hollywood (et peut-être même bien mieux), mais qui sont aussi réalistes et crédibles que celles réalisées à Bollywood dans les années 90... Bref, ce nouveau thriller coréen, efficace à souhait, n'offre résolument pas grand chose de neuf, si ce n'est un ton plus léger qu'à l'accoutumée.
On file en salle 300 pour l'un des événements de la dizaine : la présence de Stephen Sayadian, réalisateur de films pornographiques qui a beaucoup oeuvré dans les années 80 en développant des films concepts. On peut, de prime abord, s'interroger sur la présence d'un réalisateur de films pornos dans un festival de films "étrange". Mais les réalisations de Sayadian ne sont vraiment pas comme les autres. Et son goût pour le raffinement, pour la sublimation de l'érotisme et pour la rencontre avec d'autres genres parlent pour lui. Le film présenté ce jeudi est un "remake" du Dr Caligari. Oui, le manifeste du cinéma expressionniste allemand, réalisé en 1920 par Robert Wiene. Lorsque son producteur lui propose de réadapter cette oeuvre, en 1989, le film vient de tomber dans le domaine public américain. Sayadian est donc libre d'en faire ce qu'il veut et va, avec une imagination débordante mais aussi une rigueur esthétique incroyable, développer et étirer les formes et les concepts de l'expressionnisme en le faisant rencontrer la SF des années 50, le théâtre underground des années 70 et le goût du kitch des 80's.
Dr Caligari est une véritable surprise visuelle qui garde certaines caractéristiques des années 20, notamment la reconstitution des extérieurs en studio ou encore la déformation des décors (notamment des portes, ici symbole de pénétration dans un univers sexuel très perturbé). Les décors sont d'une grande abstraction et le noir domine très largement, électrisé par quelques flashs colorés et par des costumes grisants. Sayadian reprend également les thématiques de la manipulation et de la folie : ici une psychiatre un peu autoritaire dirige un asile et fait des expériences sur la libido de ses patients, allant jusqu'à les faire changer de sexe ! Tout est chorégraphié, tant dans les dialogues que dans les mouvements des acteurs, insufflant un rythme brisé, tantôt frénétique, tantôt lancinant, proche de l'hallucination. L'onirisme crépusculaire est permanent, la folie ne cessant jamais de parcourir les personnages.
D'une permanente inventivité, cette version érotique de Caligari a une particularité notable : il n'y a pas une seule scène de sexe. Tout y est suggéré, par des poses lascives, par des sous-entendus érotiques, par des symboles phalliques ou vaginaux dans l'image, par l'humour omniprésent et par la thématique de l'hystérie féminine. C'est à la fois un bonheur et une frustration... Parce qu'on aurait bien aimé voir quelques nichons et quelques bites trainer ici où là.
Je retrouve Stéphane et Lionel au 7e bar. On fait le point sur la séance d'hier. Lionel a acheté une place pour Belenggu et je ne peux m'empêcher de le dissuader d'y aller. Je lui conseille plutôt de venir voir The Widower avec moi, film qui apparait dans la carte blanche du bouillant (et très bavard) Jello Biafra. Finalement Lionel essaie de refourguer sa place à quelqu'un sans succès. Le bouche à oreille sur Belenggu n'a franchement pas été bon et ça s'en ressent. On file en salle 300 et on accueille un petit nouveau, Benjamin, dont c'est la première à l'Etrange (j'en aurais dépucelé un paquet cette année...).
Pour ouvrir sa carte blanche, Biafra propose deux films dans lesquels il joue. Des films très rares, mais d'une qualité moindre. Le premier est un court métrage tout à fait oubliable, réalisé par son amie Ani Kyd, qu'il produit sous son label Alternative Tentacles. Les 15 minutes de I Love You... I'm The Porn Queen semblent durer une éternité et l'absence de sous-titrage (même juste en anglais hein, on n'est pas difficile et on a l'habitude...) n'encourage pas à l'attention. Vient The Widower, une étrange comédie horrifique datant de 1999 et réalisée par Marcus Rogers, mais qui ressemble plus à une version 80's d'un film d'Ed Wood. En couleur...
The Widower raconte l'histoire d'un pauvre type qui vient de perdre sa femme mais qui continue de vivre chez lui avec son cadavre, comme si elle était encore vivante. Il lui fait à manger, il lui parle, il la lave. Et puis il en a marre, dans un élan de romantisme presque touchant, il la sort pour danser, boire un verre et aller à la plage. Autant dire que ça attire pas mal le voisinage, notamment la vieille commère d'en face qui ne peut pas s'empêcher d'appeler les flics. Des flics d'une rare fainéantise, qui rechignent à chaque instant à faire leur boulot, et se complaisent dans l'incompétence la plus revendiquée qu'il soit !
Ce qui est désarmant ici, c'est l'absence de rythme et l'image surannée du film. Certes, voilà un hommage tout à fait crédible aux films de série B des années 80, mais tout de même... Un peu de punch et de folie n'auraient pas été de trop pour que l'on apprécie vraiment la dimension punk du film. Trop doux, The Widower semble avoir passé plusieurs décennies dans le formol, empêtré dans un immobilisme qui le rend, tout de suite, beaucoup plus vieux que ce qu'il n'est. La dimension comique du film, seule direction possible à vrai dire (même si le film de Rogers n'est pas dénué d'un certain romantisme nécrophile), ne tient qu'au travers du duo policier, sorte de pendant imbécile, incapable, ringard et pas cool de Starsky et Hutch... Accompagnée d'une vieille mégère qui fait penser à la mère de Stallone dans Arrête ou ma mère va tirer !, le trio fonctionne bien et offre quelques bonnes répliques.
On a envie de prendre un verre. On sort fumer, prendre l'air, avant d'enchaîner avec Nightdreams de Sayadian, encore lui. Mais on ne le verra jamais. Benjamin doit rejoindre Emil dans le Marais et on décide de l'accompagner. Une petite baisse de régime, normale aux vues de tout ce que j'ai ingurgité de films jusqu'à maintenant. Voir le ciel, même de nuit, c'est un petit miracle, un moment agréable. On se pose sur un banc. De la musique, des pétards, de la bière. Vient minuit, l'heure du RER. L'heure de rentrer dans le 7-7. Demain on verra le documentaire de Richard Stanley l'Autre Monde, le dernier Sono Sion Why Don't You Play In Hell ?, l'étrange Freak Orlando et encore un Sayadian, Café Flesh.
The Widower raconte l'histoire d'un pauvre type qui vient de perdre sa femme mais qui continue de vivre chez lui avec son cadavre, comme si elle était encore vivante. Il lui fait à manger, il lui parle, il la lave. Et puis il en a marre, dans un élan de romantisme presque touchant, il la sort pour danser, boire un verre et aller à la plage. Autant dire que ça attire pas mal le voisinage, notamment la vieille commère d'en face qui ne peut pas s'empêcher d'appeler les flics. Des flics d'une rare fainéantise, qui rechignent à chaque instant à faire leur boulot, et se complaisent dans l'incompétence la plus revendiquée qu'il soit !
Ce qui est désarmant ici, c'est l'absence de rythme et l'image surannée du film. Certes, voilà un hommage tout à fait crédible aux films de série B des années 80, mais tout de même... Un peu de punch et de folie n'auraient pas été de trop pour que l'on apprécie vraiment la dimension punk du film. Trop doux, The Widower semble avoir passé plusieurs décennies dans le formol, empêtré dans un immobilisme qui le rend, tout de suite, beaucoup plus vieux que ce qu'il n'est. La dimension comique du film, seule direction possible à vrai dire (même si le film de Rogers n'est pas dénué d'un certain romantisme nécrophile), ne tient qu'au travers du duo policier, sorte de pendant imbécile, incapable, ringard et pas cool de Starsky et Hutch... Accompagnée d'une vieille mégère qui fait penser à la mère de Stallone dans Arrête ou ma mère va tirer !, le trio fonctionne bien et offre quelques bonnes répliques.
On a envie de prendre un verre. On sort fumer, prendre l'air, avant d'enchaîner avec Nightdreams de Sayadian, encore lui. Mais on ne le verra jamais. Benjamin doit rejoindre Emil dans le Marais et on décide de l'accompagner. Une petite baisse de régime, normale aux vues de tout ce que j'ai ingurgité de films jusqu'à maintenant. Voir le ciel, même de nuit, c'est un petit miracle, un moment agréable. On se pose sur un banc. De la musique, des pétards, de la bière. Vient minuit, l'heure du RER. L'heure de rentrer dans le 7-7. Demain on verra le documentaire de Richard Stanley l'Autre Monde, le dernier Sono Sion Why Don't You Play In Hell ?, l'étrange Freak Orlando et encore un Sayadian, Café Flesh.
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