Il fallait bien le voir ce foutu film d'ouverture quand même ! C'est l'entrée de cette troisième journée, le festival offrant, fort heureusement, des séances de rattrapages pour ceux qui ne pouvaient pas être là où qui, comme moi, avaient fait d'autres choix.
The Agent n'est pas, comme on pouvait s'y attendre, un pur produit coréen. Déjà parce que, contrairement à ses confrères, le tournage n'a pas eu lieu en Corée mais a été délocalisé en Allemagne. Nous voilà plongés dans un film d'espionnage en plein Berlin, mettant aux prises des agents nord et sud-coréens autour d'une bien trouble affaire de prise de pouvoir dans l'ambassade des "rouges". C'est drôle de voir revenir cette expression à plusieurs reprises dans le film. Ca donne l'impression d'être dans un vieux films des années 80, en pleine Guerre Froide. De fait, la ville de Berlin est particulièrement symbolique : les vestiges du stalinisme face à l'un des Dragons, dans la capitale allemande qui a toujours incarnée cette fracture de blocs.
The Agent redessine ainsi la géopolitique mondiale de façon assez troublante et, même, déconcertante. Fini le temps où les fiers occidentaux déplaçaient leurs productions dans des pays du Tiers monde afin de conférer un exotisme très néocolonialiste à ces films d'espionnage dont James Bond ou OSS 117 s'étaient faits une spécialité. Voilà que l'Asie débarque en force en Europe, impose son style, sa vista, sa patte sur des lieux aussi mythiques que la porte de Brandebourg. Il n'y a pas ce regard exotisant dans le cinéma coréen. On ne cherche pas à capter des stéréotypes, à donner une image de l'Allemagne. On exploite son territoire, on en fait le terrain de tensions bien plus lointaines. A ce titre, il est assez intéressant de voir que le personnage central du film est un nord-coréen. Bien évidemment, il va être amené à remettre en cause son attachement à la République Populaire de Corée, mais pas forcément à l'avantage de ceux du Sud. En effet, The Agent se garde bien d'adopter une posture manichéenne sur les relations entre les deux pays, démontrant au contraire, qu'elles sont plus ambiguës qu'on ne le croit et qu'elles se jouent sur de très nombreux tableaux.
Après cette petite remise à niveau de géopolitique, on reste en Asie pour le manga Blood C - The Last Dark. On n'est pas immobile pour autant puisqu'on traverse la mer du Japon pour une sale histoire de monstres/vampires. C'est le lot de tout festivalier qui dévore du film sans se méfier : il peut tomber sur des choses auxquelles il ne connait rien. Aussi, il est difficile de chroniquer, même succinctement, un film dont l'univers m'est totalement étranger. De Blood, je ne connaissais que l'ignoble adaptation live, The Last Vampire, réalisée en 2009 par Chris Nahon, échappé des écuries Besson... J'ai depuis appris que tout cela est tiré d'une série de bouquins nommés Blood + et dont Mamoru Oshii lui-même est à l'origine, donnant naissance à une série animée d'une cinquantaine d'épisodes diffusés au Japon en 2005. Viennent après des jeux vidéos, puis des films. Un vrai filon dont Blood C - The Last Dark n'est qu'une petite partie assez sympathique à regarder par ailleurs. L'animation y est de qualité, les dessins sont très soignés (en même temps, quand on est produit par les mêmes studios que Oshii et qu'on est tiré de son oeuvre, on a intérêt à respecter le standing...). On notera pour l'anecdote, la très bonne séquence d'ouverture dans le métro de Tokyo, parfaitement mise en image et superbement rythmée. Pas un chef d'oeuvre, mais un agréable moment.
Petit passage en salle 100. Ca se bouscule dans les couloirs, les poseurs, les voyeurs, tout ceux qui aiment se faire voir... c'est assez fou. Avec Guillaume on se demande d'où vient tout ce monde... En arrivant en bas des escaliers pour prendre un peu d'air (et surtout de 3G), on comprend mieux : ils viennent pour le dernier film de Dupontel en avant-première, 9 mois ferme (que j'ai zappé, vous ne m'en voudrez pas). Nous on préfère aller voir un vieux truc...
Gaspar Noé nous accorde quelques minutes pour nous présenter un film qu'il a acheté dans une Fnac en Espagne. Une vieillerie de 1944, assez rare, d'un certain Edgar Neville, nommée La Tour des 7 bossus. Noé nous le présente comme une curiosité, notamment parce que le mec en question a été un pote de Bunuel avant de réaliser des films franquistes... Et en effet, plus que par sa réalisation, le film brille pour deux choses. Une convocation de tout un tas de références qui se pratiquaient depuis les années 20, du réalisme poétique à la Feyder, au film noir à la Fritz Lang en passant par le cinéma expressionniste de Robert Wiene... L'identité visuelle est composite, assez forte, sans être remarquable. On note un certain goût pour les freaks, avec tous ces bossus.
Mais ce qui marque surtout, c'est l'antisémitisme dont le film se larve dans sa dernière partie. On apprend que la ville sous-terraine où se planquent les bossus a été construite par des juifs qui se cachaient des lois d'expulsions. Alors, le professeur d'archéologie déclame que les signes hébraïques qu'il voit sur une poterie sont "horribles". On comprend très vite que ces bossus ne sont qu'une métaphore, qu'ils représentent les juifs en question. C'est encore plus flagrant quand on sait qu'ils font du trafic de faux billets. Bah ouais, les juifs, l'usure, tout ça... Le film s'achève de façon assez improbable : ces vilains difformes, plutôt que se rendre au monde du dessus, préfèrent crever dans leur cachette, détruisant eux-mêmes la citadelle juive...
Je crois que la salle 500 est maudite. Mis à part Wrong Cops je n'y ai rien vu de bien pour l'instant... Guillaume me prévient qu'il ne vient pas voir Frankenstein's Army car Mad Movies l'a descendu. Je retrouve Sophie qui a proprement arrosé un siège avec son smoothie à la fraise... Frankenstein's Army est un ratage de grande classe. Le film est annoncé dans la veine d'Iron Sky (qui, s'il a été décevant sur sa fin, était un trip plutôt drôle). Sauf qu'on n'arrive jamais à savoir ce que veut faire ce foutu réalisateur hollandais. Toujours le cul entre deux chaises, il oscille entre comédie sans humour et horreur sans peur... C'est d'un ennui mortel. Ici encore, le found footage apparaît vraiment comme une paresse ultime de mise en scène plutôt que comme un vrai parti pris artistique. Ca ne rend rien, ça fait jeu vidéo, et c'est pas du tout crédible dans l'ambiance 1940 sur le front russe... Un gâchis tant il y avait quelque chose de fou à faire avec une idée pareille... A croire que, les mecs qui ont des idées folles avec des nazis, que ce soit dans Iron Sky ou ici, avec F'sA, sont toujours rattrapés par quelque chose qui les dépasse : l'obligation de sombrer dans les normes narratives les plus éculées pour le premier ; une mode visuelle barbante et ô combien surestimée pour le second.
On sort prendre une bière. On croise des gens de Panic Cinéma qui prennent aussi un verre une table plus loin. On se raconte nos vies. Un peu de chaleur humaine et d'alcool avant d'aller affronter la nuit Bad Girls. Parce que oui, il est minuit, je suis sur le pont depuis 14h30, mais j'ai encore 8h de cinéma qui m'attendent... J'ai déjà les yeux qui piquent, mais le Monaco m'a donné un peu de courage (qui a dit que c'était une boisson de pédé ?).
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