mardi 4 mai 2010

Interview Florian Schall (Dead for a minute, Hyacinth, Meny Hellkin, Twin Pricks)

J'avais pleins de choses à raconter en introduction de ce billet, qui me tenait à coeur. Dead for a minute surtout, le groupe que j'ai usé à l'époque ou j'avais aucun revenu voire même pas de chéquier pour acheter un disque autre qu'en disquaire, à l'époque ou Union Of Uranus était mon truc fétiche. Puis Buddy Satan, un type qui trainait presque partout ou je trainais, que t'avais à la fois envie de claquer mais tu savais au fond qu'il jouait le même role que toi. Hyacinth, que j'ai moins apprécié, car découvert un peu tard surement mais après Meny Hellkin, que j'étais dégouté de voir mort. Florian Schall, quitte à lui faire gonfler les cheville est un type important (ouais c'est laché) du paysage musical français, activiste qui se nourrit de sa passion sans réellement chercher à obtenir des retours positifs, tant qu'il y a des retours. Du coup c'est avec plaisir que je poste ce billet, qui sera plus explicatif que mes mots maladroits, surtout qu'il a été généreux.

Salut, nos chemins se sont pas mal croisés sur le net, ça doit être ton coté nerd non ?

C’est vrai que j’aime bien squatter l’ordi. C’est un truc que je fais depuis que j’ai eu le malheur d’avoir un Amstrad CPC 6128 entre les mains. Je suis pas particulièrement fan de nouvelles technologies, je ne me tiens pas au courant de tout ce qui sort avant tout le monde. C’est juste mon outil de travail depuis que je bosse, donc fatalement… J’ai un Iphone maintenant, je fais souvent des surprises à mes amis sur Facebook quand je suis aux chiottes…

Avant de parler présent je voulais revenir sur pas mal de tes projets. Marrant car par exemple Dead for a minute est un des trucs que j’ai le plus usé quand j’écoutais que des musiques dites hardcore. Je trouvais que le groupe avait un grain particulier, et était particulièrement jusqu’au-boutiste. Je voudrais que tu reviennes dessus.

DFAM, c’est une des expériences musicales dont je suis le plus fier. On a démarré ça au lycée, juste une bande de potes ayant envie de jouer la musique qu’on bouffait par paquet de 100 disques à l’époque. Hardcore et métal pour commencer. Fin décembre 1998, on répète pour la première fois dans ma chambre, Geo passe devant ma fenêtre et intègre le groupe dix minutes plus tard. On fait nos premiers concerts à Metz et je crois que tout le monde s’en branle, alors on essaie d’aller voir ailleurs et là on se rend compte que ça a l’air de plaire. On aime bien jouer partout, on aime bien se faire mal, tout casser et faire le plus de bordel possible. On tâtonne un peu sur nos premiers disques, on expérimente sans trop savoir où on va, en évoluant au niveau de notre style à peu près tous les six mois. On fait notre toute première tournée en Allemagne avec Desiderata et c’est juste du bonheur (on joue dans un hôtel devant une personne et on passe la nuit à jouer aux quilles en se bourrant la gueule). On enregistre un split en rentrant, puis on s’attaque à l’écriture de Diégèse, notre dix pouces pour Shogun. On voit rouge, on veut que ce soit le truc le plus violent jamais enregistré. Je sais pas si on y est arrivé, en tout cas c’est le disque du groupe qui me plaît le plus. On repart en tournée avec Hot Scone, cette fois-ci. Les concerts sont sauvages et funs, on rencontre plein de gens (qui sont encore des potes aujourd’hui). On enregistre un nouveau split avec Submerge puis on décide de partir en Espagne avec eux. C’est la grosse tuerie, on s’amuse vraiment comme des fous, on prend goût au fait de partir en tournée. C’est aussi à ce moment-là qu’on décide de mettre fin à cette aventure. Geo a envie de passer à autre chose, on n’est pas tous d’accord avec lui mais on prend le parti de respecter sa décision. Pour moi, à partir du moment où tu remplaces une personne dans un groupe, celui-ci n’est plus le même. On pouvait pas continuer sous ce nom-là, même si ça commençait à « bien marcher » (on nous proposait des dates de plus en plus grosses, de plus en plus fréquemment, les disques circulaient un peu partout). On fait un dernier concert à Metz devant quasiment 400 personnes, peut-être l’expérience live la plus puissante de toute ma vie. On enregistre un dernier disque qui ne voit jamais le jour. Début avril 2003, fin de l’histoire. On se reforme pour les dix ans de Spiruline (asso DIY nancéienne) en 2007 et c’est fun, on joue n’importe comment, bon gros délire. Fin définitive de l’histoire. J’aurais énormément de choses à raconter sur ce groupe. Rien d’exceptionnel en même temps, juste des choses que d’autres groupes ont vécu, vivent et vivront encore. J’ai cependant l’impression qu’on était là au bon moment, qu’on a aidé à démarrer un truc qui vit encore aujourd’hui, c’est plutôt cool. Je dis ça en toute fausse modestie, hein. J’ai quand même le droit d’être fier d’au moins un truc que j’ai fait dans ma vie.

Puis Hyacinth, qui a eu un succès d’estime tout de même ou c’est juste parce que je traine trop sur le net ? C’est derrière toi tout ça ? Pourquoi ?

Je ne sais pas trop ce que tu appelles un succès d’estime (Ndlr: j'appelais par succès d'estime un succès de nerds mais qui au final ne s'est pas soldé dans la réalité par l'impression que ça donnait sur le net). Ce que je sais, en revanche, c’est qu’avec Hyacinth on a sorti un 7’ sur Alchimia (qu’on a en partie détruit, d’ailleurs), un 12’ sur Stonehenge et fait 4 tournées (dont 2 à l’étranger) en l’espace de 12 mois. Ca a plutôt bien bougé pour le groupe, les gens avaient l’air super enthousiastes (aussi bien pour la musique que notre démarche), puis on bénéficiait du délire d’ « ex-membres de » (Dead For A Minute, Desiderata, Short Supply, Cross Me, il y a 5 ans ces noms-là parlaient encore). C’est vrai aussi que ça s’est bien excité sur les messageboards (style Viva La Vinyl, Awesomeboard ou Emofrance). Je pense y être pour quelque chose, vu ma notoriété de rat de forum. Je pense aussi que la musique que l’on faisait (fortement inspirée par Union Of Uranus, Carol, Acme, Born Against et l’émo ricain des 90’s) jouait pour beaucoup dans cet enthousiasme (c’était un style un peu tombé en désuétude). J’ai beaucoup apprécié jouer dans ce groupe, musicalement c’était direct et violent, je passais à la guitare et je pouvais enfin me laisser aller à faire du métal sans qu’on me casse les couilles. Après, c’était un groupe d’individus avec de fortes personnalités, les clash d’idées et d’égos étaient nombreux et pas toujours bien gérés, c’est ce qui a un peu beaucoup précipité la fin du groupe (ça et donc la forte activité en l’espace d’un an). On est rentré de tournée complètement épuisé après avoir donné un concert vraiment chaotique au Luxembourg. On a tenté tant bien que mal de relancer la machine mais c’était foutu, les rancoeurs étaient trop fortes et le malaise bien installé. On a quand même tapé 2 dates 6 mois plus tard, histoire de. Dernier concert au Kafé Kult à Munich devant plein de gens, aucun pote présent. Triste. Depuis, les tensions se sont apaisées, on traîne plus ensemble comme avant étant donné que nos vies ont bien changé mais c’est cool, le fait de ne plus jouer avec ces personnes font que je les apprécie encore plus qu’avant, héhé. ‘fin, ce que je veux dire, c’est qu’on a fait le bon choix d’arrêter. Je pense pas qu’on reprenne un jour, de mon côté c’est définitivement derrière moi. Je n’exclue pas le fait de rejouer dans un groupe qui envoie du métal et de la violence. Avec Geo, on s’est dit qu’à 35 ans on aurait le droit.

Finalement Meny Hellkin, chroniqué dans ces pages. Peut-être que je me trompe mais j’ai la sensation que c’était super éphémère. Quelque chose de prévu avec MH prochainement ?

Meny Hellkin a démarré dans la foulée de Hyacinth. Ca me tenait très à cœur de jouer avec Julien et Christelle (anciennement Shall Not Kill et heureux fondateurs du label 213 Records) et de rejouer avec Geo (on s’était plus trop vu depuis la fin de DFAM). Le but du groupe c’était vraiment de ne se fixer aucune limite ainsi qu’aucune indication sur la musique que l’on devait faire. Jouer ce qui vient, expérimenter, essayer des choses, même si on se plante ou qu’on le fait mal. Pour ça que je m’étais mis au synthé (avec tout le succès qu’on ne connaît heureusement pas). On répétait à 4 au début, puis Alex (Gu Guai Xing Qiu) est venu nous prêter mains fortes à la batterie. Il nous a quitté un peu avant le premier concert, du coup c’est Fab (Hyacinth, Strong As Ten) qui a assuré les premières prestations live. Puis Alex est revenu, on a commencé à tourner (un peu) et enregistrer (beaucoup). Une démo, un LP et trois splits 7’ (avec les Bunch, Meths & Goats et The Ax). Un autre LP a été enregistré en collaboration avec Aghostino mais je ne sais pas s’il verra la lumière du jour. En revanche, un dernier split CD-R avec Dog Bless You (contenant un morceau commun ainsi qu’une reprise de 20 minutes du Set The Controls de Pink Floyd) doit sortir incessamment sous peu. On a donc, je pense, été très productif en matière d’enregistrement et de composition. En revanche, j’ai l’impression que les gens ont pas compris ce qu’on a essayé de faire. Peut-être qu’on le faisait mal ou que ce n’était pas le moment de le faire, je sais pas. J’ai senti une certaine forme d’indifférence polie à l’égard de la musique du groupe (hormis quelques amis qui trouvaient ça assez génial pour nous aider à sortir nos disques). On a fait une petite tournée en 2008 avec les Bunch, puis je me suis mis à bosser à l’Emile Vache, on a commencé à moins répéter (je ne sais pas si c’était de ma faute ou pas), Alex nous a à nouveau quitté. On a tenté de relancer la machine à 4 mais j’ai l’impression que la motivation n‘était plus aussi présente qu’avant. On a fait notre dernier concert à Besançon pour le Impure Fest de cette année. Une fin de groupe somme toute classique, dans l’indifférence générale. Maintenant, on me dit que c’est vachement bien et qu’on n’aurait jamais dû arrêter. Je sais. Fallait être là au bon moment.

On en vient donc à Twin Pricks, dont le disque (parle nous en d’ailleurs du format, c’est un 7’’ ?) sort d’ici peu chez Kito Kat. Une histoire humaine d’abord avec les Kito Kat ? Pourquoi tu as pris cette décision de faire un objet plus industriel que les autres sorties du label, cousues mains ? Quelles sont tes prétentions avec Twin Pricks ? On a cette sensation que tu t’assumes plus, tu chantes, tu épures ta musique, pourquoi arriver à ça maintenant ?

Twin Pricks est né il y a de ça quelques années, lorsqu’on Geo et moi nous sommes retrouvés autour d’un verre. On a toujours été des fans de pop, de soul, d’émo et de folk, de musiques tranquilles et accessibles (tout en adorant d’autres musiques, tout en en jouant des plus extrêmes). Geo me disait en délirant (à moitié) qu’il adorerait produire mon disque si jamais je me décidais à jouer seul. C’est une idée qui a fait son chemin dans nos têtes pendant quelques temps, je pense. Juste pas le bon moment à l’époque (encore). 2009. je bosse depuis 6 mois à l’Emile et je m’arrache les cheveux. Je parviens à faire en sorte que Geo intègre l’équipe et s’occupe du son pour les concerts. Du coup, on se retrouve à travailler ensemble et surtout constater qu’on a difficilement la possibilité de faire de la musique à côté. En revanche, on remarque qu’on a du temps à tuer les après-midi en attendant que les groupes arrivent pour les concerts du soir. On se met donc naturellement à discuter de l’éventualité de refaire quelque chose ensemble. On se fixe la deadline du 17 décembre 2009, date de notre première prestation scénique à l’Emile Vache. Ca se passe bien, on rigole comme des cons, les 30 minutes de set ressemblent plus à un sketch comique qu’à un concert mais c’est cool. On veut surtout éviter de se prendre la tête avec ce groupe. Dans la foulée on décide d’enregistrer 5 titres. On invite Sam (Chez Kito Kat) au studio. Il nous propose de nous le sortir. On est contents. On part sur l’idée d’un 7’ type single (un morceau par face) accompagné d’un CD regroupant les 5 morceaux de la session. On kiffe le vinyle depuis toujours, on sait aussi que le numérique est encore dans la place alors pourquoi pas proposer les deux formats au sein d‘un même disque (chose qui se fait de plus en plus, de toute façon) ?

Avec Sam, on se connaît depuis le lycée. On vient tous les 3 de la Vallée de l’Orne, y’a une espèce de lien indicible qui nous unit. Une espèce de fierté à la con. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire. On parle d’une certaine manière, on réagit d’une certaine manière, on partage les mêmes souvenirs. Donc ouais. Y’a trois labels avec qui je nous voyais sortir un disque. 213 Records (des copains), T’As Voulu Voir Vesoul (un copain) et Chez Kito Kat. Sam s’est montré tout de suite intéressé, et pour nous c’était comme une évidence. Rombas, Vitry, Richemont, la vallée de l’Orne. 5-7 représente pour mes négros de l’usine. Puis j’aime beaucoup la démarche du label, cela va sans dire.

On a souhaité sortir un disque pressé avec une pochette faite de façon industrielle car c’était la seule façon de rendre justice à l’artwork qui avait été prévu à cet effet. On ne pouvait pas sérigraphier la pochette, beaucoup trop complexe. C’est vraiment la seule et unique raison. On travaille actuellement sur un projet de maxi pour la rentrée, celui-ci sera pour la peine complètement différent et adapté à une sortie plus artisanale (il a été pensé dans cette optique).

Je ne pense pas avoir de prétentions particulières avec Twin Pricks. Du moins autres que celles de jouer une musique qui me plaît, faire plein de concerts et rencontrer plein de gens, échanger avec elles et Geo, écrire des morceaux dont je peux être fier… j’ai jamais eu d’autres prétentions dans mes autres groupes non plus, j’ai jamais cherché à vouloir plus que ce que j’avais ou pouvais avoir, d’ailleurs. J’ai toujours aimé chanter (je fais ça depuis que j’ai dix ans), j’adore hurler aussi mais depuis Meny Hellkin j’assume vraiment ma voix claire, j’aime jouer avec elle, chercher des mélodies qui sont agréables à chanter… Je tiens à préciser que c’est bien Geo qui compose la musique dans Twin Pricks. Mon rôle est de lui apporter des idées de structure et d’arrangements (quand j’en ai), écrire les textes et les mélodies vocales. Sinon, tout le mérite lui revient. J’ai un projet solo dans lequel j’écris mes propres chansons. Ca s’appelle Trippy Eden. Un petit truc sans prétention, encore une fois. Si tu regardes la plupart des hardcoreux qui ont commencé à notre âge, aujourd’hui ils font tous des trucs plus épurés, plus calmes, plus minimalistes (ce n’est pas une généralité, je constate juste qu’il y en a beaucoup). C’est ce qu’on appelle la maturité. C’est une belle connerie, mieux vaut ne pas y penser et faire ce que tu aimes. Puis, comme je t’ai dit plus haut, à 35 ans je remonte un groupe pur violent histoire de se remettre dans le bain.

Florian Schall c’est aussi Buddy Satan, des fois je me demande si tu n’es pas un peu complètement schizophrène. L’impression de te voir un peu partout (blog de chroniques, distribution, programmation de concerts a l’Emile vache, promotion, quantités de projets). Explique moi un peu comment tu gères tout ça de front ? Tu es comme un chat, tu as plusieurs vies ?

Buddy Satan c’est une partie de moi. C’est mon avatar, la personne qui me représente sur Internet, sur les forums et sur mon blog. C’est un personnage que j’ai créé quand j’habitais encore chez mes parents, dans ma chambre. Buddy pour le côté copain et Satan pour le côté connard. A travers ses doigts, je peux me permettre de raconter des conneries plus grosses que moi, donner des avis pas forcément mesurés, faire chier le monde juste parce que ça me fait rigoler. Je sais pas si c’est de la schizophrénie. La semaine dernière, un mec réagissait encore à l’édito de mon blog en me disant qu’il était déçu, qu’il ne pensait pas que j’étais aussi blasé et cynique. Bien entendu, je peux l’être. Mais les gens qui me connaissent savent aussi que je suis naïf, joyeux et profondément optimiste. L’image que tu renvoies n’est pas forcément celle qui te définit véritablement. C’est vraiment juste une partie de toi. J’essaie d’être le moins manichéen possible, mais je ne peux empêcher les gens qui me lisent de me prendre pour la dernière des enflures ou le type le plus prétentieux du monde, étant donné que c’est l’image que je tiens à renvoyer par certains de mes écrits et réactions. Maintenant, étant donné que je fais aussi pas mal de promotion pour mon taf, la limite entre mon personnage et ce que je suis devient de plus en plus trouble (vu que je fais vachement moins le connard sur les forums par rapport à il y a quelques années).

On me voit partout parce que je squatte beaucoup l’ordi pour bosser et que je passe un temps certain sur la promotion de mes projets. Je publie des chroniques de disques tous les mois, faut que j’en fasse la promo. J’organise des concerts 4 fois par semaine, faut que j’en fasse la promo. Je joue dans un groupe, j’ai envie d’inviter les gens à les découvrir, faut donc que j’en fasse la promo. J’ai quantité de projets en cours, ça me bouffe un paquet de temps assez fou mais ça va, je crois que je m’en sors encore bien. En revanche, il est clair que ça me laisse beaucoup moins de temps pour m’occuper de ma vie privée, et ça me fait gravement chier. Je suis en train d’essayer de remédier à ça, passer plus de temps avec ma moitié et moins me laisser submerger par mon travail-passion. J’ai de la chance d’avoir rencontré une fille compréhensive et qui aime la musique autant que moi. Mais c’est clair que c’est pas évident tous les jours.

Concernant l’allusion au chat, je suis intimement persuadé d’avoir été félin dans une autre vie. Y’a des signes qui ne trompent pas (j’ai une tête de matou, je ronronne, j’aime bien passer mes journées à dormir).

Tu subsistes comment dans la vie pour pouvoir gérer tous ces projets ?

Je bosse donc en tant que programmateur à l’Emile Vache depuis décembre 2008. J’ai aussi un autre boulot en intérim (un jour par semaine) histoire de boucler mes fins de mois. Je suis archiviste sur le site d’Arcelor Mittal Gandrange, je prépare la fermeture définitive du site. C’est un boulot cool.

Je te lis depuis pas mal de temps sur Prententious Asshole, et j’en déduis une ligne directrice assez fun, avec pour caricaturer des gouts de black metalleux intello fan de pop sucré. Parle nous de tes gouts, mis à part Sade (tu as vu que chez nous aussi ça fait un tabac), The Gossip, Shining et The Austrasian Goat.

Mes goûts sont multiples. J’ai été sensibilisé très jeune à la musique dans sa diversité. Ca a commencé avec de la pop, du punk et de la new wave quand j’avais 4/5 ans, puis du métal vers l’âge de 10 ans. Un doigt de pied dans l’engrenage et c’est toute la jambe qui suit… J’ai découvert le hip hop à 12 ans, puis le néo métal et le hardcore à 15 ans. J’ai eu une petite période d’intégrisme musical à cette époque-là (tout ce qui ne sonnait pas comme Korn ou Sick Of It All, c’était de la grosse merde), puis je me suis rouvert à d’autres styles de musique vers mes 18 ans. Aujourd’hui, je ne me mets plus d’œillères en ce qui concerne la musique. Pour moi, c’est un langage. Afin de le comprendre, il faut pouvoir en saisir toutes les nuances. Bien entendu, il y a des styles que j’affectionne plus que d’autres, mais j’ai pas envie d’en bannir certains de ma construction culturelle sous prétexte qu’ils ne sont pas « musicalement corrects ». Pour moi, l’écoute du second Lindsay Lohan est tout aussi jouissive que celle du Nachthymnen d’Abigor ou des démos de No Escape. J’aime éprouver ce que je ressens avec chacun de ses disques. Et je pense pouvoir dire merci au punk-rock de m’avoir sensibilisé à cette culture de la diversité. C’est un sur-genre qui regroupe tellement de sous-genres différents… Le punk-rock m’a clairement amené à apprécier des styles tels que la teenpop ou le black métal, deux musiques stylistiquement à l’opposé l’une de l’autre mais très intéressantes à étudier d’un point de vue sociologique. Puis merde, je suis un gros métalleux mais j’ai un cœur, quand Michelle Branch me chante que je suis « partout où elle regarde », je fonds comme des poireaux dans une poêle (il est presque midi, j’ai la dalle). Puis je sais pas pour toi mais je peux pas écouter qu’un seul style de musique. C’est impossible. Même si je vais bloquer pendant une semaine sur un genre en particulier, je sais que la semaine suivante je suis parti pour un autre cycle. Et ça s’en va, ça revient. Comme dit l’autre con, c’est fait de tous petits riens (il a raison, n’empêche).

Au tour de Twin Pricks. vous êtes deux, comment tu envisages la tournée (parce que visiblement c’est ça qui va compter) ? J’avais entendu que tu voulais que ça fasse presque tournée de clochard généreux (j’extrapole), tu nous expliques ? D’ailleurs si t’as un appel à faire pour du booking, c’est le moment de prendre la parole.

On envisage la tournée comme des vacances. On bouge tous les deux, avec nos guitares, nos amplis et notre batterie. On souhaite jouer dans des lieux cools pour des gens cools. Pour ça qu’on a surtout sollicité des amis pour nous organiser des dates. Ca ne m’intéresse pas de démarcher des clubs, des bars ou des SMACS. Ca arrivera peut-être, qui sait. On ne veut pas aller dans cette voie-là, en tout cas. On ne demande pas d’argent pour jouer parce qu’on sait qu’on en aura, que ce sera probablement le minimum et que ça le fera, quoiqu’il arrive. Etant des deux côtés de la barrière (musicien et organisateur), ça me fait toujours délirer de voir les cachets que demandent certains groupes pour jouer. Même si on a 15 ans de musique derrière nous, on a surtout envie de privilégier les rapports humains et affectifs avant l’argent. C’est ce qu’on a toujours fait, c’est ce qu’on fera toujours. Je sais pas si c’est une attitude de clochard généreux. Je me souviens qu’à l’époque de DFAM, les autres groupes messins avec qui on jouait souvent se plaignaient de ne pas trouver assez de dates, de ne pas réussir à jouer aussi fréquemment que nous, et qu’ils se demandaient comme ça se faisait. Sûr que si tu demandes 1000 euros à une asso pour jouer, tu ne risques pas d’aller bien loin. Sinon, je ne vais pas faire d’appel booking pour la tournée de juillet (c’est pas encore bouclé mais c’est en bonne voie), en revanche si effectivement quelqu’un a envie de nous faire jouer, qu’il/elle nous contacte. On n’est vraiment pas chiant, on aime jouer, rigoler et discuter.

J’aurais bien aimé te faire cette interview sur Metz, face à face, parce que je suis sur qu’au fond et derrière Prententious Asshole se cache un type foncièrement tendre, vu les paroles de Twin Pricks, qui sentent la mise à nue, vu l’aventure humaine qu’il se passe autour de ce bouillon Metz/Kito Kat et autres. Je me trompe ?

Bah c’est ce que j’expliquais plus haut à propos du personnage de Buddy Satan. J’ai une part de connard qui sommeille en moi, comme chez n’importe qui. Je l’inhibe comme je peux, au travers de mes écrits. Ma copine trouve que je suis plutôt facile à vivre (je fais le ménage, la cuisine, je la soutiens dans ce qu’elle entreprend). Faudrait aussi demander aux gens qui m’entourent, ce qu’ils en pensent. Tu veux que je m’auto-analyse ?

Twin Pricks va durer ou pas du tout ? Tu sens que cette fois ci c’est la bonne ? Ou tu préfères les projets éphémères, qui sortent d’une idée précise, d’un moment, d’une magie ?

Je me suis jamais fixé de limites dans le temps. Les groupes dans lesquels j’ai joué ont tous arrêté parce que c’était le moment. J’aurais aimé que ça dure plus longtemps, mais il est des choses sur lesquels on n’a parfois aucune emprise. Concernant Twin Pricks, j’espère que ça durera le plus longtemps possible, en effet. On ne se met aucune forme de pression avec Geo. Par exemple, juste après l’enregistrement du 7’ (janvier 2010), on n’a quasiment pas du tout répété. On ne s’y est mis sérieusement qu’il y a deux semaines (on est début mai 2010). Pour les dates, on se dit pas qu’on doit absolument jouer. On a très envie de le faire, mais si ça vient pas « officiellement » (genre on nous propose des dates), on prendra nos guitares et on ira jouer dans la rue. Y’a pas d’objectifs précis, de buts à atteindre, si ce n’est le fait de jouer et de ressentir ce plaisir de partager la musique que l’on a créé avec d’autres, que ce soit par le biais de concerts ou de disques. C’est un besoin vital, viscéral. Les projets éphémères, on va les mener à termes au sein même de ce groupe (on a des projets de vidéos, une tournée particulière avec Culture Reject à l’automne, l’enregistrement d’un album avec un maximum de collaboration). Et si ça doit arrêter, je referai autre chose derrière.

Tu es un peu le mouton noir dans ton groupe de pote hein ? Avec tes gouts d’ancien coreux barbu et sale, ton affection pour la musique de goule, on se moque un peu de toi ? Aucune envie de ressusciter tes anciens (actuels) amours le temps d’un projet ?

Bah, je bosse dans un café-concert, je vis de ce « travail », donc rien que pour ça je passe pour un sale vendu auprès de la plupart de mes copains punks (que je peux désormais compter sur les doigts d’un moignon). Alors se faire bâcher parce que je préfère écouter Vanessa Carlton plutôt que le énième groupe de crust de salon, j’ai l’habitude. Mais je crois que c’est comme ça un peu partout. Les préjugés à la con. Certains groupes de chanson m’ont déjà pris de haut parce que j’avais les cheveux sales et un t-shirt Archgoat, pensant que je n’étais rien d’autre qu’un métalleux débile. Le punk DIY me crache à la gueule parce que je gagne 750 euros par mois pour faire jouer des groupes et faire vivre un semblant d’alternative culturelle dans ma ville (comme chacun sait, mieux vaut bosser dans le public, c’est plus honorable que de vivre pauvrement de sa passion). Les professionnels de la musique me prennent pour un amateur et les amateurs pour un professionnel (je parle des plus mauvais côtés de ces deux statuts). On se moque de moi, mais honnêtement je n’en ai rien à foutre. Certes, ça me rend un peu triste quand les critiques ou les moqueries viennent de personnes que j’estime proches de moi, mais même ça j’ai appris à vivre avec (cette syntaxe est purement mosellane, ndlr). J’ai une folle envie de continuer à faire ce que je fais parce que j’aime ça et j’estime être plutôt bon là-dedans. Le reste, je m’en branle. J’ai des projets à moyens termes que je veux faire aboutir, ça fera toujours grincer des chicots mais c’est comme ça, dès que tu fais quelque chose tu te confrontes à la critique. C’est la même chose en musique. J’ai hâte de connaître l’avis des gens par rapport à Twin Pricks, les bons comme les mauvais, les louanges comme les saloperies. J’ai envie d’aller de l’avant. Regarder en arrière, c’est cool, la nostalgie ça rassure mais ça ne fait pas avancer. Je ne ressusciterai pas mes anciens groupes (sauf si c’est pour une excellente raison, comme avec DFAM pour Spiruline). J’en monterai d’autres. Dans 5 ans…

Qu’est ce qu’il va se passer pour toi lorsque la tournée sera terminée, le disque distribué ? Déjà quelques idées futures ?

Pour Twin Pricks, les projets sont multiples après la tournée. On va enregistrer quelques vidéos pour illustrer le 7’. On s’enferme également pour réaliser un EP qu’on a en tête, une sorte d’hommage à l’émo des 90’s, celui pop et bricolé qui sortait chez Tree records, Caulfield et compagnie. Pour la peine, l’artwork sera une sérigraphie et le tirage plutôt limité. Je ne sais pas encore si Chez Kito Kat sera de la partie, en tout cas je l’espère. On aimerait aussi sortir un split avec les Verduns, des amis et voisins de l’Emile Vache. Un super duo de blues déviant que le monde devrait s’empresser de découvrir. Enfin, y’a ce projet d’albums rempli de collaborations qui nous tient à cœur, Geo a déjà commencer à bosser dessus, moi je viens seulement de mettre en forme quelques thématiques. Ca sortira probablement l’année prochaine, on veut d’abord monter un studio pour le réaliser (et ça, ça prend du temps). Ensuite, on compte partir en tournée à l’automne avec Culture Reject. Geo prend la batterie, je prends la basse, on devient son backing band le temps de quelques dates françaises. Ca va être bien cool, je connais pas encore la période ni les dates mais ça va se faire courant octobre. Bien entendu, on souhaite jouer partout, le plus possible. C’est à ce moment-là que je vais voir si tous les gens à qui j’ai rendu service en organisant des concerts vont répondre présents ou pas.

En ce qui concerne ma vie personnelle, beh je compte partir à Tokyo en août avec ma moitié. C’est un rêve de gosse que je peux enfin réaliser. Je vais en prendre plein la gueule, j’ai hâte. Au niveau du travail, au moment où je te réponds, je suis dans le flou le plus total. Je ne sais pas si l’Emile Vache va tenir longtemps à ce rythme, si je serai encore partie prenante du lieu à la rentrée ou non. J’aimerais beaucoup que ce soit le cas mais je pense que mon départ est inéluctable. J’ai envie de retrouver une vie un peu plus normale. J’espère néanmoins que je continuerai à évoluer dans ce milieu. Je compte aussi tuer mon blog pour ouvrir un site un peu plus conséquent à partir de septembre.

La question qui sert à rien, mais tu penses quoi de Prodigy (le Prodigy de Liam Howlett, pas le MC De Mobb Deep, vu que Samuel de Chez Kito Kat hésitait) vu qu’ici on fait une fixette ?

J’aimais beaucoup Music For The Jilted Generation, je l’ai vraiment sucé lors de mes séjours successifs en Angleterre à l’époque où celui-ci est sorti. Puis les clips de Voodoo People et No Good m’ont marqué. J’aimais bien Experience aussi, plus roots et juvénile. J’écoutais pas mal Carl Cox et Josh Wink aussi, j’étais pas un dingue de techno mais j’aimais ces sonorités répétitives et entêtantes, ces invitations à la transe (j’aimais pas danser, j’aimais bien rester assis et écouter). 1994, bon vieux temps (pour la noise et le crossover en France aussi). Avec The Fat Of The Land, j’ai décroché. C’est un super disque mais il manque un truc. J’ai beaucoup besoin du facteur affectif pour apprécier un groupe à un moment donné. Ouep, tout est une question de moment et d’affection.

En te remerciant je te laisse le mot de la fin. Et je te dis à bientôt de toute façon, j’espère pour vous faire tourner dans ce beau pays plat où je loge.

C’est moi qui te remercie. J’espère n’avoir pas dit trop de bêtises. Si vous voulez des infos sur Twin Pricks, l’Emile Vache, Records Reviewers Are Pretentious Asshole, la scène musicale messine en général ou mes anciens projets, n’hésitez pas : the_dead_kid@hotmail.com

J’ai pas vraiment de mot de la fin, je pense plus ou moins avoir tout dit dans cette interview. Au risque de paraître redondant, je vous encourage à écouter Confessions Of A Broken Heart de Lindsay Lohan, c’est un disque qui changera votre perception de la teenpop. Je devrais finir avec une citation mais je suis trop inculte pour en sortir une potable.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

twin pricks sucks

Anonyme a dit…

très bonne interview

Anonyme a dit…

bonne interview, j'espère vous voir jouer à Metz en attendant la sortie du cd (ou vice-versa).