mercredi 11 septembre 2013

DEFTONES, THREE TRAPPED TIGERS, LONELY THE BRAVE - Zénith, 06/09/13

La dernière fois que les Deftones ont joué au Zenith, ils étaient encore accompagné de Chi Cheng, le bassiste, malheureusement décédé cette année. On se dit que ça doit leur faire bizarre de refaire de grosses salles en Europe sans lui désormais, alors que Vega assurant l'intérim depuis près de 5 ans n'est venu qu'à Paris pour venir dévaster le trianon. Retour donc au Zenith, le premier depuis 2006 si je ne m'abuse - le premier pour moi depuis 12 ans.

Les Deftones ont eu pas mal de difficulté à placer de bons groupes en premières parties de leurs dates. Si tout le monde se souvient des alors très jeunes Linkin Park, et des moins jeunes A Perfect Circle en ouverture de leurs anciennes tournées - du moins pour ceux qui les ont vu, le groupe a depuis laissé place à des formations plus modestes ou parfois totalement médiocre. L'hiver dernier, par exemple, les sous Glassjaw qui ont joué au Trianon étaient à la limite du supportable. La première partie ce soir se nomme Lonely The Brave, le nom craint un poil, et lorsque les types montent sur scène, l'absence total de charisme couplé à un son étonnamment sourd ne laisse présager rien de bon. Pourtant, ces anglais très appliqués s'en sortent bien. C'est propre, bien foutu tout en étant simple, ça joue légèrement gras sans avoir la moindre volonté métallique, et le mec qui tient le micro chante bien. Avec ses mélodies évidentes, ses constructions faciles et ce chant pas très éloigné d'un Sting rajeuni, on se positionne quelque part entre ce que Helmet a pu faire de plus accessibles, et un Pearl Jam souriant. Lonely The Brave est très sympathique, on se doute que sur disque ça doit être aussi un poil chiant parce que ça ne propose pas grand chose, mais sur scène, malgré l'aisance scénique à l'inverse de celle des têtes d'affiche, ça fonctionne.

Mais la grosse surprise, c'est la seconde partie. Rarement, je crois, j'aurais vu un groupe ouvrant pour une grosse tête d'affiche être aussi impressionnant. Je ne connaissait pas Three Trapped Tigers, et je regrette. Les types se font installé une batterie et une série de machines de chaque côté de la scène, une guitare et on se dit qu'on va avoir droit soit à un truc synth-cheap et risible, soit du dubstep/metal et que ça sera tout aussi ridicule. Si le tout premier morceau met du temps à se mettre en place, le bordel évoquant plus un shred au tout début qu'un vrai morceau, on capte vite que els types ont en fait une technique défiant toute concurrence, et que le niveau général n'est pas un truc de branleurs sans expérience. Le batteur hallucinant, frappe comme une pieuvre sur son kit et mène de manière remarquable l'ensemble du groupe, tout en roulement et cassures hystériques. Fin du premier morceau et le public explose : les types remportent rapidement l'adhésion de la salle. Sur fond de synthé Carpenter-ien pour les pauses, d'arpegggio furieux et de tapping gaëlique, le trio s'impose avec classe son spazz-kraut dans un Zenith qui se remplit lentement. Très impressionnant.

Deftones c'est désormais une affaire plié. Depuis Diamond Eyes/Cheng, le groupe est à nouveau soudé, capable du meilleur. Oublions les concerts en demi teintes d'il y a 10-15 ans (avec un Moreno fin bourré qui chantait des fois justes, des fois avec les paroles), zappons également les deux albums de 2003 et 2006 (aucun morceaux ne sera joué ce soir, sauf erreur de ma part), peu inspirés. Chi Cheng s'en est allé, Vega semble donc rester à cette place en CDI, et on se dit que si les circonstances sont tragiques, le groupe de Sacramento se permet d'assurer un suivi de grande classe avec le bassiste de Quicksand, qui mélange street cred pour son passé au sein d'un des groupes les plus importants du hardcore US, et charisme scénique efficace-le type, tout comme Chino, saute partout et habite la scène, à l'inverse de Carpenter qui ne doit pas faire plus de 15 pas par soirée. J'avais été un peu moins convaincu par leur concert de février, non pas à cause de la prestation même, mais à cause de la set list qui défendait logiquement leur dernier album que je trouve être une bonne continuité de Diamond Eyes mais avec un peu moins d'efficacité et d'impact. Ce soir c'est la correction. Avec un son pas excessif, les cinq entament le concert par deux morceaux de leur sixième album, puis deux de Around the Fur, et trois de White Pony. La soirée sera ainsi faite: des allers-retours entre les grands disques du groupe, notamment White Pony qui sera largement présenté-y compris via Boy's Republic, morceau disponible uniquement sur l'édition limité de l'album à sa sortie. Le groupe semble heureux d'être là : après avoir passé la journée de la veille à Paris pour prendre tout ce qu'ils croisaient en photo (catacombes, tour Eiffel) le quintet cloture sa tournée par un concert où Moreno se veut hyper communicatif et donne de sa personne pour assurer le show. Mais le spectacle ne tient pas qu'à ça. Les Deftones sont devenus des bêtes de scène, avec des morceaux hyper carrés, précis, même dans les morceaux les plus agressifs (Korea). Carpenter discret, Cunningham et Delgado en artisans essentiels du son Deftones, entre rythmiques solides et nappes synthétiques ajustées. Bien sur, après une pause électronique, les mecs de Sacto reviennent plié les derniers encore debout après un show assez long en balançant 3 morceaux d'Adrenaline. Moreno, tout content, se permet même une petite blague en reprenant les paroles de Nookie de Fred Durst sur Engine n°9. 7 Words puis s'en vont. Deftones est grand. Toujours.

ps: Merci à C. Pour la photo HD, mon fidèle acolyte.

lundi 9 septembre 2013

Etrange Festival 2013 - Troisième journée

Il fallait bien le voir ce foutu film d'ouverture quand même ! C'est l'entrée de cette troisième journée, le festival offrant, fort heureusement, des séances de rattrapages pour ceux qui ne pouvaient pas être là où qui, comme moi, avaient fait d'autres choix. 

The Agent n'est pas, comme on pouvait s'y attendre, un pur produit coréen. Déjà parce que, contrairement à ses confrères, le tournage n'a pas eu lieu en Corée mais a été délocalisé en Allemagne. Nous voilà plongés dans un film d'espionnage en plein Berlin, mettant aux prises des agents nord et sud-coréens autour d'une bien trouble affaire de prise de pouvoir dans l'ambassade des "rouges". C'est drôle de voir revenir cette expression à plusieurs reprises dans le film. Ca donne l'impression d'être dans un vieux films des années 80, en pleine Guerre Froide. De fait, la ville de Berlin est particulièrement symbolique : les vestiges du stalinisme face à l'un des Dragons, dans la capitale allemande qui a toujours incarnée cette fracture de blocs. 

The Agent redessine ainsi la géopolitique mondiale de façon assez troublante et, même, déconcertante. Fini le temps où les fiers occidentaux déplaçaient leurs productions dans des pays du Tiers monde afin de conférer un exotisme très néocolonialiste à ces films d'espionnage dont James Bond ou OSS 117 s'étaient faits une spécialité. Voilà que l'Asie débarque en force en Europe, impose son style, sa vista, sa patte sur des lieux aussi mythiques que la porte de Brandebourg. Il n'y a pas ce regard exotisant dans le cinéma coréen. On ne cherche pas à capter des stéréotypes, à donner une image de l'Allemagne. On exploite son territoire, on en fait le terrain de tensions bien plus lointaines. A ce titre, il est assez intéressant de voir que le personnage central du film est un nord-coréen. Bien évidemment, il va être amené à remettre en cause son attachement à la République Populaire de Corée, mais pas forcément à l'avantage de ceux du Sud. En effet, The Agent se garde bien d'adopter une posture manichéenne sur les relations entre les deux pays, démontrant au contraire, qu'elles sont plus ambiguës qu'on ne le croit et qu'elles se jouent sur de très nombreux tableaux.

Après cette petite remise à niveau de géopolitique, on reste en Asie pour le manga Blood C - The Last Dark. On n'est pas immobile pour autant puisqu'on traverse la mer du Japon pour une sale histoire de monstres/vampires. C'est le lot de tout festivalier qui dévore du film sans se méfier : il peut tomber sur des choses auxquelles il ne connait rien. Aussi, il est difficile de chroniquer, même succinctement, un film dont l'univers m'est totalement étranger. De Blood, je ne connaissais que l'ignoble adaptation live, The Last Vampire, réalisée en 2009 par Chris Nahon, échappé des écuries Besson... J'ai depuis appris que tout cela est tiré d'une série de bouquins nommés Blood + et dont Mamoru Oshii lui-même est à l'origine, donnant naissance à une série animée d'une cinquantaine d'épisodes diffusés au Japon en 2005. Viennent après des jeux vidéos, puis des films. Un vrai filon dont Blood C - The Last Dark n'est qu'une petite partie assez sympathique à regarder par ailleurs. L'animation y est de qualité, les dessins sont très soignés (en même temps, quand on est produit par les mêmes studios que Oshii et qu'on est tiré de son oeuvre, on a intérêt à respecter le standing...). On notera pour l'anecdote, la très bonne séquence d'ouverture dans le métro de Tokyo, parfaitement mise en image et superbement rythmée. Pas un chef d'oeuvre, mais un agréable moment. 

Petit passage en salle 100. Ca se bouscule dans les couloirs, les poseurs, les voyeurs, tout ceux qui aiment se faire voir... c'est assez fou. Avec Guillaume on se demande d'où vient tout ce monde... En arrivant en bas des escaliers pour prendre un peu d'air (et surtout de 3G), on comprend mieux : ils viennent pour le dernier film de Dupontel en avant-première, 9 mois ferme (que j'ai zappé, vous ne m'en voudrez pas). Nous on préfère aller voir un vieux truc... 

Gaspar Noé nous accorde quelques minutes pour nous présenter un film qu'il a acheté dans une Fnac en Espagne. Une vieillerie de 1944, assez rare, d'un certain Edgar Neville, nommée La Tour des 7 bossus. Noé nous le présente comme une curiosité, notamment parce que le mec en question a été un pote de Bunuel avant de réaliser des films franquistes... Et en effet, plus que par sa réalisation, le film brille pour deux choses. Une convocation de tout un tas de références qui se pratiquaient depuis les années 20, du réalisme poétique à la Feyder, au film noir à la Fritz Lang en passant par le cinéma expressionniste de Robert Wiene... L'identité visuelle est composite, assez forte, sans être remarquable. On note un certain goût pour les freaks, avec tous ces bossus. 

Mais ce qui marque surtout, c'est l'antisémitisme dont le film se larve dans sa dernière partie. On apprend que la ville sous-terraine où se planquent les bossus a été construite par des juifs qui se cachaient des lois d'expulsions. Alors, le professeur d'archéologie déclame que les signes hébraïques qu'il voit sur une poterie sont "horribles". On comprend très vite que ces bossus ne sont qu'une métaphore, qu'ils représentent les juifs en question. C'est encore plus flagrant quand on sait qu'ils font du trafic de faux billets. Bah ouais, les juifs, l'usure, tout ça... Le film s'achève de façon assez improbable : ces vilains difformes, plutôt que se rendre au monde du dessus, préfèrent crever dans leur cachette, détruisant eux-mêmes la citadelle juive... 

Je crois que la salle 500 est maudite. Mis à part Wrong Cops je n'y ai rien vu de bien pour l'instant... Guillaume me prévient qu'il ne vient pas voir Frankenstein's Army car Mad Movies l'a descendu. Je retrouve Sophie qui a proprement arrosé un siège avec son smoothie à la fraise... Frankenstein's Army est un ratage de grande classe. Le film est annoncé dans la veine d'Iron Sky (qui, s'il a été décevant sur sa fin, était un trip plutôt drôle). Sauf qu'on n'arrive jamais à savoir ce que veut faire ce foutu réalisateur hollandais. Toujours le cul entre deux chaises, il oscille entre comédie sans humour et horreur sans peur... C'est d'un ennui mortel. Ici encore, le found footage apparaît vraiment comme une paresse ultime de mise en scène plutôt que comme un vrai parti pris artistique. Ca ne rend rien, ça fait jeu vidéo, et c'est pas du tout crédible dans l'ambiance 1940 sur le front russe... Un gâchis tant il y avait quelque chose de fou à faire avec une idée pareille... A croire que, les mecs qui ont des idées folles avec des nazis, que ce soit dans Iron Sky ou ici, avec F'sA, sont toujours rattrapés par quelque chose qui les dépasse : l'obligation de sombrer dans les normes narratives les plus éculées pour le premier ; une mode visuelle barbante et ô combien surestimée pour le second. 

On sort prendre une bière. On croise des gens de Panic Cinéma qui prennent aussi un verre une table plus loin. On se raconte nos vies. Un peu de chaleur humaine et d'alcool avant d'aller affronter la nuit Bad Girls. Parce que oui, il est minuit, je suis sur le pont depuis 14h30, mais j'ai encore 8h de cinéma qui m'attendent... J'ai déjà les yeux qui piquent, mais le Monaco m'a donné un peu de courage (qui a dit que c'était une boisson de pédé ?). 

samedi 7 septembre 2013

Etrange Festival 2013 - Deuxième journée

C'est toujours le deuxième jour que ça se corse. Le cinéma est une drogue comme les autres, quand on augmente les doses on est encore plus défoncé mais on frôle aussi l'overdose. Après une calme matinée à rédiger un petit billet sur Leviathan, je suis reparti pour quatre rounds bien serrés. Du Danemark des années 2010 à l'Italie des années 70 en passant par l'Indonésie et les States, petit tour d'horizon de cette journée n°2. 

On ne cesse de multiplier les poncifs et les expressions toute faites pour parler des films venant des pays scandinaves. Du "polar venu du froid" au "thriller nordique", on décline à vau-l'eau ce genre de périphrases que l'on consacre immédiatement comme un genre en soit. Northwest s'installe donc sans sourciller dans cette classe et en décline - aussi - tout l'attirail. Un début à la Ken Loach, dans une veine sociale qui fait la part belle à la situation familiale délicate de Casper (le héros, pas le fantôme), mère qui travail de nuit, absence de figure paternelle, aîné qui s'occupe de ses cadets et qui doit ramener de l'argent pour aider sa mère... Puis tout dérape, le gamin se laisse emporter dans des traquenards qui le dépassent. Pire, il embarque son jeune frère avec lui. C'est l'escalade, jusqu'au dérapage, bien entendu. Quoi de neuf sous le soleil de Copenhague que Winding Refn n'ai pas déjà visité dans Pusher, que le suédois Daniel Espinoza n'ai pas traité dans Easy Money, ou que l'on n'ai pas déjà vu dans le Black's Game présenté l'an dernier à l'EF par l'islandais Oskar Thor Axelsson ? 

Moins borderline que le premier, moins clinquant que le second et moins fun que le troisième, Northwest affiche un premier degré tout à fait louable, qui le porte effectivement plus vers ses confrères anglo-saxons que scandinaves. Toutefois, sa narration linéaire laisse peu d'espace pour les variations de rythme et si l'on suit sans déplaisir ce film tout à fait correct, on peine à lui trouver quelque chose de remarquable. Certains s'extasieront peut-être devant sa fin ouverte, mais on a tout de même l'impression que, moins qu'un coup de force, c'est plutôt là un aveu de faiblesse... Un film honnête mais qui manque clairement d'ampleur. 

On reste en salle 300 pour Starcrash, un monument du nanar intersidéral de la fin des années 70. Pondu un an après Star Wars, Starcrash singe grossièrement le premier épisode de la saga de Lucas et propose une excursion spatiale des plus grotesques mais des plus jubilatoires. Au casting de cette improbable production italienne tournée dans les studios Cinecitta, une Caroline Munro qui n'a pas encore tournée dans Maniac ; Joe Spinell, son futur tortionnaire dans celui-ci, qui campe un Zarth Arn (à vos souhaits) au look méphistophélien sous amphétamine ; un David Hasselhoff qui n'a pas encore arpenté en long en large et en travers les plages de Malibu mais qui arbore une remarquable choucroute seventies ; l'incroyable Marjoe Gortner, dont le sourire niais et le personnage WTF de Akton sont entrés dans la légende du cinéma bis ; et, pour couronner le tout, l'ubuesque prestation de Christopher Plummer (venu tourner une journée sur les quatre mois de tournage selon Caroline Munro) qui clôt magnifiquement le film, dans un monologue sans fond, d'un abyssal désespoir d'acteur qui ne sait pas ce qu'il fout là. En somme, Starcrash est une légende. C'est le genre de films qu'on va voir un carnet à la main pour noter toutes les aberrations qu'il peut comporter et en rire encore, et encore. 

C'est l'heure de la pause déjeuner. On m'annonce qu'il y a de l'orage dehors et on s'étonne que je porte des tongs par ce temps. Je réponds qu'il est difficile de se rendre compte du temps qu'il fait quand on passe 8h d'affilée dans un cinéma et que de toute manière, il ne pleuvra pas quand je sortirai, à minuit. Parce que c'est bien connu, à minuit, il ne pleut jamais. Guillaume me donne un premier retour de Belenggu, film philippin que je vais voir plus tard la semaine prochaine. Apparemment c'est pas terrible... Ca fait chier. Je retrouve Selma. C'est, comme elle le dit elle-même, son "dépucellage" d'Etrange Festival. 

Quoi de mieux pour devenir une festivalière heureuse que d'ouvrir son compteur avec le dernier Quentin Dupieux, présenté en avant première ? Rien. Vraiment, y a rien. Car Wrong Cops, c'est la crème de la crème. Dupieux confirme tout le bien que l'on pensait de lui après le semi échec de Wrong. Et il faut dire qu'il s'est lâché et a corrigé quelques trucs qui ne fonctionnaient pas. Par exemple, la multiplication des personnages est ici salutaires : elle permet de croiser plus d'intrigues, de créer plus de situations à enjeu (ou à non-enjeu, c'est selon), de déplacer les frontières de l'absurde de l'individuel au groupe. Si bien que dans le film de Dupieux, personne n'apparaît normal si ce ne sont ceux que l'on s'attend à voir dans des situation incongrues. On pense au personnage de Marilyn Manson, génial en gamin introverti traumatisé par un Mark Burnham surexcité alors qu'il ne voulait qu'écouter sa musique tranquille au pied de son arbre. Quel dommage de l'avoir d'ailleurs tant coupé au montage, comme Grace Zabriskie d'ailleurs. 

Mais quel bonheur aussi de retrouver Ray Wise, acteur trop rare, dans un petit rôle très comique, ou encore Eric Roberts qu'on a plus l'habitude de voir dans des nanars et qui, pour le coup, joue quelque chose qui doit assez ressembler à sa vie... Wrong Cops retrouve la dimension métafilmique que l'on distinguait déjà dans Rubber, Dupieux déplaçant la question sur le DJing (Eric Judor joue un flic qui rêve de devenir DJ) et le rôle de la musique dans notre enfer terrestre. Il garde toujours cette veine décalée, aux dialogues géniaux et parfaitement calibrés. On lui reprochera toutefois un montage parfois dommageable (notamment dans les flashbacks) et une image quelque peu bâclée, qui fait un peu crasse quand on se souvient de la sublime photo de Rubber... M'enfin, Wrong Cops s'annonce comme instantanément culte. Difficile de regarder une biche dans les yeux après ça. 

La soirée s'achève presque. Selma part à un barbecue, Guillaume rentre dans le 77. Demain c'est son anniversaire. Peut-être le fêtera-t-on à l'Etrange ! Sophie débarque. Quel courage d'enchainer avec une séance à 22h après une journée de boulot... Surtout pour venir voir V/H/S 2 ! Voilà une étrangeté, une vraie. Je ne m'attendais pas, personnellement à ce qu'un tel film s'annonce en compétition à l'EF. De fait, je n'ai pas vu le premier et c'est, là encore, par pure vanité comptable que je l'ai ajouté à ma liste. Qu'en dire ? Comme le précédent volume, V/H/S 2 se propose d'explorer les potentialités horrifiques qu'offre ce média désormais disparu qu'était la cassette vidéo. Quatre courts métrages reliés par un cinquième tentent donc, dans des genres très différents qui vont du film de fantômes aux zombies en passant par les sectes et les extraterrestres, de prouver aujourd'hui, que la cassette, ça peut toujours faire peur. 

Il va sans dire que l'entreprise est ici assez médiocrement exécutée tant les sketchs sont inégaux. Le premier film donne quelques rapides frissons mais est d'une indigence flagrante. Le film de zombies est, n'en déplaise à Mélanie, d'un ennui mortel. L'idée d'adopter le point de vue zombie avec la caméra fixée sur la tête était pourtant une idée réjouissante... Le film de secte est certainement le plus jubilatoire. Convoquant Rosemary's Baby de Polanski, son réalisateur, Timo Tjahjanto, lâche quelques fulgurances bien dégueulasses. Son court a pourtant du mal à se lancer, et on redoute un nouvel échec, mais lorsque la machine s'emballe, elle ne s'arrête plus. Plus du tout. Quitte à en devenir grotesque (quand le Diable, qui ressemble à une grosse chèvre en peluche, vous dit "Papa", vous le prenez au sérieux vous ?). Le quatrième est tout bonnement insupportable : sa caméra posé sur un putain de chien nous en fait voir de toutes les couleurs, le réal abusant à l'envie de fumigènes rouges et de gros effets sonores pour mieux dissimuler la platitude et la vacuité de sa réalisation. Au final, tout ce que démontre ce V/H/S 2, ce n'est pas l'actualité horrifique de la vhs, mais bien celle des nouvelles technologies, celles du montage notamment, capable de dissimuler à la perfection les coupes dans le plan et les effets spéciaux. 

Une fausse note pour terminer la journée donc, mais le soleil de Wrong Cops va encore briller quelques jours et faire certainement oublier quelques ratés. Demain on repart à l'attaque. Déménagement le matin et puis ce sera l'apocalypse : The Agent pour commencer (parce qu'il faut bien le voir ce film d'ouverture), le manga Blood-C, une pépite perdue, La tour des 7 bossus, le successeur d'Iron Sky en la personne de Frankenstein's Army puis, parce que je suis un warrior, un vrai, la nuit Bad Girls... C'est dimanche que ça va être dur... 


vendredi 6 septembre 2013

Leviathan de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel

Un navire de pêche en haute mer. La nuit. Le vent. La tempête peut-être. La caméra qui fuit,  qui cherche, qui tourne, qui travaille. Un filet qui remonte des entrailles de l'océan, chargé d'un poisson que l'on va contempler agoniser longuement. Puis le travail, encore. Non pas celui du cinéaste, mais celui des pêcheurs. Mécanique, précis, violent, rapide. La longue séquence d'ouverture de Leviathan, quelques plans d'une caméra que l'on dirait posée sur l'épaule d'un marin, est somptueuse de fluidité et de témérité. Pas un commentaire, pas une parole discernable aux milieux des éclats de la mer et de la rouille qui se livrent une guerre qui s'annonce, tout au long du film, redoutable : l'homme, sa technologie, contre la nature et son irascible impétuosité. 

Le Leviathan est à la fois ce monstre marin tout droit sorti des profondeurs de la mythologie phénicienne et de la Bible, et ce livre de Hobbes qui discute la notion de pacte social, dans lequel il y fait le constat que l'homme, à l'état de nature, est un loup pour l'homme. Leviathan, le film, reprend ces deux aspects. Tout d'abord dans la dimension quasi monstrueuse qu'il donne à l'océan, à cette intense masse d'eau noire, presque insondable, toujours mystérieuse. Une nuit de vagues, vigoureuses, éclatées, martelant les corps comme l'acier. Le film se fait hobbésien lorsqu'il renverse le questionnement du philosophe anglais. L'homme, malgré sa technique, malgré son organisation en sociétés complexes, a-t-il véritablement vaincu sa nécessaire lutte pour la survie ? Et si jamais il était possible de répondre oui à cette question, désormais qu'il n'est plus un loup pour lui même, pour qui l'est-il devenu ? 

De toute évidence, l'une des puissances de Leviathan est de répondre non à la première question et de répondre la nature à la seconde. Ce qui revient à poser une question plus essentielle encore : quel lien l'homme a-t-il tissé avec celle qui assure sa survie et comment celle-ci le lui rend ? Sans équivoque, c'est bien la violence de cette relation que le film capte, avec maestria. Les deux réalisateurs mettent en place des dispositifs filmiques remarquables qui exploitent toutes les possibilités qu'offre le navire. De la caméra en plongée totale placée en haut du mat à celle agrippée au bout d'une corde et qui subit, au grès du chahut d'une mer déchaînée, quelques noyades impressionnantes, toutes ces installations servent à démonter les rapports âpres qu'entretiennent hommes et océan. Ces noyades justement, sont autant de subjuguants étouffements dont la répétition confine à l'hypnose. Tantôt sous l'eau, baigné dans les bruissements énervés de l'eau qui se heurte à la coque, tantôt dans l'air, aux côtés des mouettes et des goélands, ces charognards opportunistes et zélés qui, tels de mortuaires vautours, ne quittent jamais la sanglante trainée qui suit le chalutier. 

Sanglant. C'est une des caractéristiques physiques de cette relation. On l'aurait voulu charnelle, elle est un déchirement permanent. Leviathan donne à voir cette mer que l'on vide de ses entrailles, sans ménagement, par d'immenses sacs de poissons. Ces mêmes poissons que l'on dépèce, que l'on décapite et que l'on éventre, industriellement, sans âme. Et leur déchet que l'on remet à la mer. Voilà à quoi servent les installations de Castaing-Taylor et Paravel : à être au milieu des morts et de leurs débris. C'est ainsi lorsque la caméra est posée au milieu de la benne où se déverse les animaux, tanguant avec le bateau, se déplaçant au milieu des cadavres, filmant par hasard les derniers débattements d'un rouget qui succombe. C'est ainsi lorsque, plongée sous l'eau, à la sortie du déversoir, la caméra capte ce long filet rouge et chargé de morceaux d'animaux sans vie. Les visions sont hallucinantes, elles sont d'inlassables cris d'effroi. Mais dans le noir océan, nul cri ne perce. 

Il ne faut pas croire que cette relation violente soit à sens unique. A ce viol permanent, la mer tente de se venger. A l'usure. Castaing-Taylor et Paravel cherchent, sans trop forcer, les stigmates de cette guerre de survie de l'homme contre la nature, sur celui qui a soit disant cessé d'être un loup. Trois plans magnifiques donnent une idée de la rudesse de ce combat. Un long plan serré sur les yeux d'un matelot, rongés par la fatigue, creusés comme des falaises que l'eau ne cesserait de frapper. Des dizaines de rides qui sont autant de crevasses profondes où les flots se sont engouffrés. Un plan furtif, dans la cale, où une partie des marins ouvre les coquillages pour les conditionner à leur arrivée au port. Sur les bras de l'un d'eux, l'on aperçoit nombre de cicatrices. Enfin, un long plan fixe sur un marin en salle de repos qui regarde la télé. Au fur et à mesure, l'homme, visiblement éreinté, s'éteint, incline sa tête et s'endort. 

Leviathan est une épreuve aussi passionnante intellectuellement que physiquement. La violence, véritablement au centre du film, est ressentie au premier degré par le spectateur grâce aux dispositifs caméra dont j'ai déjà parlé, mais aussi par un travail sonore magistral. Le mixage nous plonge littéralement dans cet univers dézingué, où règne une terreur auditive qui s'infiltre jusque dans nos os. Des tintements métalliques aux bouillonnements marins, des hurlements d'oiseaux au fracas du vent, c'est tout un écosystème brutal et sauvage qui est ici mis en valeur. On en sort chaviré, comme frappé en pleine face, avec la certitude d'être encore des loups.

Etrange Festival 2013 - Première journée

C'est un rendez-vous traditionnel qu'on a plaisir à couvrir à BTN, le signe que la rentrée est là. Notre rentrée à nous en somme (du moins côté ciné, parce que niveau musique, y en a un qui n'a pas pris beaucoup de vacances...). S'est ouvert ce jeudi 5 septembre la 19e édition de l'Etrange Festival au Forum des Images, à Châtelet. Et pour ouvrir les festivités, une fois n'est pas coutume, j'ai séché le film d'ouverture du festival, le coréen The Agent, pour me ruer dans la salle 300 et jeter un oeil distrait à Big Bad Wolves de Aharon Keshales et Navot Papushado, thriller israélien porté par l'excellent Tzahi Grad (Les Méduses, Tu n'aimeras point). 

Voilà un film dont je n'attendais rien, qui ne faisait même pas parti de ma sélection à la base et que j'ai coché par vanité, histoire de dire que cette année encore, j'avais explosé mon nombre de films vus à l'Etrange. Big Bad Wolves est pourtant assez déroutant : voilà un film qui traite de la pédophilie avec un sens de l'humour noir et du guignol qu'on n'associe jamais, mais alors jamais, à ce genre de sujets. La pédophilie, c'est toujours grave, toujours plombant et en général, ça donne lieu à de jolis vigilant bien réactionnaires ou à des revenge movies qui foncent tête baissée dans l'émotion grasse et l'outrance crasse. Big Bad Wolves propose une voie hasardeuse qui laisse le spectateur le cul entre deux chaises. D'un côté, un humour assez dévastateur qui a le dont de jouer à la fois sur les stéréotypes les plus ancrés de la communauté juive (la mère hyper protectrice par exemple) ; de l'autre, la mise à distance du sujet de fond (le meurtre d'une jeune fille par un pédophile). Les séquences de thriller succèdent à des scènes dignes de n'importe quel torture porn des années 2000, puis à des scènes cocasses dont le second degré intime un décalage plus que jubilatoire. Les dialogues sont particulièrement bien ciselés, et cela n'en est que plus délectable encore. 

Le hic, c'est que le scénario est un véritable entonnoir qui ne laisse place, ni réellement à la surprise, ni au suspens non plus. Si bien qu'il n'y a quasiment aucun doute quant à la nature du suspect qui se fait torturer dans cette cave. En s'enfermant dans ce huis-clos en sous-sol, le film met hors de toute considération les possibles échappatoires qui auraient pu nous mener en bateau jusqu'au dénouement. Une fin d'ailleurs bien abrupte, qui agit non comme un révélateur mais comme la confirmation de ce que nous savions déjà, neutralisant tout effet de surprise, toute sensation d'étouffement. Voici donc un thriller auquel on peut reprocher de nous avoir trop laissé respirer... 

Pas vraiment le temps de souffler. Vingt petites minutes de pause avant la prochaine séance, à peine le temps de retrouver dans la file d'attente Mélanie de zombiesworld.com, de prendre de brèves nouvelles (il s'est quand même passé un an depuis ce fast-food mexicain partagé avant un film... de zombies bien sûr !) et c'est déjà reparti pour un film d'animation... mexicain avec des zombies, justement ! 

El Santos vs la Tetona Mendoza d'Alejandro Lozano et Andrès Couturier était présenté comme une petite bombe mexicaine, confrontant un héros national, le catcheur El Santos, à la méchante Tetona, tout droit sortie de Faster Pussycat Kill Kill ou de Megavixens ! Ce n'est clairement pas un dessin animé pour les gamins. Tout orné de son interdiction au moins de 12 ans, cette adaptation d'un BD fameuse au Mexique lorgne bien plus vers l'univers graveleux de Crumb, des miches bien rondes et des gros nichons de feu Russ Meyer ou de la frivolité du Fritz le Chat de Bakshi (adaptation de Crumb, d'ailleurs).

L'ambiance complètement givrée d'El Santos tient la moitié du film. Le générique est assez fabuleux et annonce parfaitement ce qui attend le spectateur : de la merde (un petit bout de merde qui porte la voix de Guillermo del Toro...), des seins, des zombies et des références. De Rocky à Orange Mécanique en passant par American History X, El Santos étale sa culture cinéphilique sans grandiloquence mais plutôt avec astuce et avec un humour ravageur, loufoque et très régressif. Seulement, le film ne tient pas la distance sur la longueur et une grande lassitude s'installe. La séquence en noir et blanc qui rejoue les perquisitions nazis avec un semblant de fun à la Inglorious Basterds marque sérieusement le pas, d'autant qu'on a du mal à comprendre pourquoi cette référence vient s'insérer ici. 

A vrai dire, l'effacement des zombies durant la seconde moitié de l'intrigue nuit terriblement à la cohérence du film et nous plonge dans un ennui qui devient embarrassant. Et c'est très dommage, car dans un format plus court d'une demie heure, El Santos aurait véritablement été la petite bombe qu'on nous promettait ! Reste de jubilatoires giclées de sang, un mauvais goût excitant et une imagination sans borne dès qu'il s'agit de partir en couille. C'est déjà pas mal !

Etrangement au sortir de la salle on ne croise personne de The Agent. Les horaires sont mal foutus, j'aurais bien voulu savoir ce qu'il en était avant d'aller le voir samedi... Bref, on papote cinq minutes du film avec d'autres blogueurs, puis on parle cuisine (quand un pédé et une lesbienne parle de comment cuisiner des gnocci à la poêle, c'est fabuleux...) avant de se quitter. On se retrouvera pour A Little Bit Zombie samedi 14 ! 

Un coup de fil à Lionel pour son anniversaire, une pana cotta pas terrible avalée en trois minutes, un nuts dans la poche et on repioche en salle 300 pour Murder Party, le premier film de Jeremy Saulnier, daté de 2007. Petite charge bêtasse contre le monde de l'art, Murder Party est un film fauché fait entre amis une semaine de vacances. Ca n'enlève rien à certaines de ses séquences, qui ont leur charme, à un certain humour qui peut fonctionner, au talent de son metteur en scène qui, sans moyen, a fait des choses pas dégueu (tout en abusant un peu trop des possibilités offertes par le steadycam...). Mais le film est chiant et bavard. Avant de péter les plombs dans un final ultra sanglant, ses personnages ultra stéréotypés papotent, baisent dans un cabanon (mais on ne voit rien...) et se chipouillent sous l'égide d'un "artiste" un peu plus charismatique que les autres. Cette logorrhée semble ne jamais en finir et s'avère d'une vacuité sans fond. Elle ne nous apprend rien sur les personnages, ne fait pas avancer l'intrigue (il n'y a quasiment pas d'intrigue), n'est même pas drôle non plus. Bref, ce film présenté dans la catégorie "Les pépites de l'Etrange" a quelque peu usurpé ce prestigieux statut. Et la présence de son réalisateur dans la salle n'a pas dissipé ma circonspection... 

La soirée s'achève en queue de poisson, sur un "massacre de bobos arty à la tronçonneuse" du pauvre (ouf !). Demain on remet le couvert : le très attendu Northwest, le nanar culte Starcrach, le nouveau Quentin Dupieux (avec Eric Judor et Marilyn Manson...) et V/H/S 2 pour clôturer un vendredi bien chargé... En attendant, j'ai bien mérité d'aller me coucher. 

mercredi 28 août 2013

TRICKY - False Idols

Rien compris. Que dalle. Rien du tout. Je reprends pour ceux qui suivent pas, au fond. Oui, vous deux là... Bon. En 2012, Thaws est d'une discrétion étonnante. Plus rien, pas un signal que dalle. Le dernier album en date est un bouse pop inoffensive qui n'a aucune saveur. Il fait néanmoins la couverture d'un nouveau magazine fort soigné et prometteur, Matter, où entre moult clichés mode, il cause d'un album sombre que le type venu l'interviewer concède ne ressembler en rien à ce que le kid a produit ces derniers temps. L'histoire, on ne va pas te la refaire : ici on fait partie des gens qui continuent de jeter une oreille systématiquement, par politesse, mais on sait bien que Tricky c'est une affaire plié depuis 99. Bref, on tique. Bêtement. Mi 2013, voilà enfin que l'album se précise et se pointe. Et là gros engouement. On parle d'un Maxinquaye 2, de son meilleur album depuis 15 ans, d'un retour aux sources avec le son d'aujourd'hui. En promo, à sa grande habitude, le type nous sort que ses deux LP précédents étaient là pour payer les factures et qu'il se rend compte aujourd'hui qu'ils n'étaient pas bons (et il la refera). Sauf que Knowle West Boy, son album retour après un silence inexplicable de 5 ans à l'époque est bien plus consistant que ce nouveau disque. Ici, un gros bloc mal gaulé, qui ne reprend en RIEN le mythique premier enregistrement, ni cette science du rythme concassé ni cette obsession pour les ambiances les plus oppressantes. Pas mauvais, pour de la variété. Mid tempo tout le long, on n'est jamais surpris. Des plans à sauver il y en a, comme ce début presque digne de Coil en intro de Tribal Drum, où ce Valentine qui fait illusion du début à la fin. On est même plutôt emballé par le très lourd Does It avec sa basse poisseuse et ses handclaps. Le reste ? Du danger pour la matinale de France Inter. Et encore. On est même interloqué par la Chinese Interlude, risible démo Bontempi. Par rapport à la promesse, la chute est rude. On a rien compris. Que dalle. Rien du tout.

lundi 26 août 2013

BROADCAST - Berberian Sound Studio

Mine de rien, les plus gros calibres de Warp (reste encore Afx et LFO, soit deux fantasmes absolus pour moult fanatiques) auront dégainé un album cette année. Autechre avec son rythme régulier n'a pas surpris grand monde; on ne peut en dire autant de Boards Of Canada, longuement attendu. Beaucoup plus étonnant donc, que ce nouveau disque de Broadcast puisque le groupe n'existe plus suite à la disparition de sa voix, Trish Keenan. D'ailleurs le "retour" de Broadcast prend les allures logique d'un groupe qui n'existe plus : la voix disparue est totalement absente et la musique est celle d'une bande originale pour un film indépendant, Berberian Sound Studio, qui cause d'un sound designer anglais devant aller besogner en Italie pour un film glauque avec le savoir faire de la BBC, présenté l'an dernier à L'étrange Festival (que notre collègue ne nous a pas présenté, lui). Composé alors typiquement de sonorités électroniques, d'échos, de modulation en anneau et de claviers vintage, le son se mèle aux mélodies et climats des films Italiens - giallo. Une quarantaine de vignettes sonores chaudes et effrayantes, comme autant de sonorités fantomatiques qui font aussi bien écho au sujet de l'exercice qu'à la situation de Broadcast actuellement. Entre clavecins et flutiaux, choeurs et hurlements, ce sont les rythmes rares et les épais oscillateurs analogiques qui mènent et donne son identité au projet. Angoissant et enivrant en même temps, le thème se fond à merveille avec le psychédélisme pastel traditionnel du duo.

vendredi 23 août 2013

THE ASPHODELLS - Ruled by passion destroyed by lust

Bateau garé en double file, je descend dans la cave de mon club préféré. Veston mal placé, moustache peignée rapidement, la graisse de mes cheveux encore suintante, prêt pour aller danser un jerk nocturne sans fin. Je regarde l'heure. Ma montre à gousset indique que la nuit est déjà bien avancée. Entre rassemblement de poivrots habitués au lieu et gitans en recherche de conflit, le club est bondé d'ondes négatives. Pas grave. Les basses sournoises sont relativement tranquilles mais font leur effet, le bas ventre est secoué chez l'ensemble de mes confrères. L'alcool a fait le reste : personne ne se rend compte du son extrêmement fort du melodica qui se débat derrière. Coup de rasoir sur la mousse de la première pinte, on enfourne rapidement. On reste concentré sur le rythme. C'est l'hypnose et ça ne fait que commencer. Guidé par la passion. C'est certain. Deuxième godet et mon froc en velours, bien qu'ample, ne cache plus que mon genoux ne résiste plus à ses roulements de 808 intempestifs. Troisième godet et le ton monte. Le type qui s'acharne sur sa guitare n'a pas changé les cordes depuis une éternité. Complètement rouillé, le garçon risque le tétanos à chaque nouvelle note. Nouveau breuvage. J'ai arrêté de compter. Je ne vois définitivement plus clair et la fille qui joue au strip burlesque est fusillée des oreilles par une montée de moog fulgurante. Elle ne s'en remettra pas. La chute inévitable. Le ton monte entre les gitans et les types qui tiennent les murs, rivalisant du point de vue du taux d'alcoolémie. Les coups sont imprécis mais efficaces. Du sang. Le type qui marmonne des trucs au micro, avec son accent à couper au couteau ne s'arrête pas pour autant. Une nappe de Prophet inonde la salle. Bagarre totale. Le jerk incessant doit pourtant cesser. Je remets mon veston et j'embarque au passage la fille au sol. Direction mon bateau. Ruiné par la luxure.

jeudi 22 août 2013

GHOSTFACE KILLAH & ADRIAN YOUNGE - Twelve Reasons To Die

Si certains estiment que le WU publient des albums de plus en plus faible (du moins largement incomparable avec l'âge d'or du posse), d'autre voient chez Ghostface Killah, le prolifique, le seul aujourd'hui apte à assumer le poids et l'héritage du collectif via ses solos. Et si on demeure toujours loin du fameux et classique "Iron Man", ce nouvel album est peut-être celui qui, oui, en effet, fait perdurer un peu plus et avec vigueur l'aura du Wu. Alors non, on ne considère pas ce nouvel album comme "un disque de plus". Celui-ci a du grain et du caractère. Derrière son visuel très horrorcore faussement vintage, le MC s'associe à Adrian Younge pour balancer un album à la production mat, loin des sons clinquants et précis actuels. Pas (ou peu) de samples et de machines là dedans. Des batteries amples et vives, des basses modestes, des guitares passées au trémolo obsédant et des claviers type Hammond ou Wurlitzer pour habiller l'ensemble. Une odeur de soul se dégage du truc, efficace et charnue. Avec un esprit snuff Tanrantinesque (facile), GFK et Younge dégagent sur cet album une sorte d'esprit qu'on trouve assez proche, finalement, du Enter the 37th Chamber du collectif El Michels Affair, qui ré-interprétait le premier LP du Wu Tang. On boucle la boucle, en somme.

mercredi 21 août 2013

RETOX - YPLL

L'autre jour je suis tombé sur un article qui se foutait de la trogne du label Epitaph et de ses signatures ridicules, voir complètement vulgaires - comme Falling In Reverse si vous êtes curieux. Pourtant, Epitaph prenait déjà cher il y a 15 ans quand Snot leur dédicassait une chanson ("Mr Brett"). D'autre part, si Epitaph est en effet plutôt marrant à signer des groupes de merde, il reste parfois pertinent, en assurant toujours les sorties de Converge ou en co-signant ce nouveau disque de Retox (avec Three One G). Second album (?) pour le quatuor punk hardcore, et on retrouve la même mixture que sur l'expéditif premier enregistrement. Du punk vorace, qui enquille les riffs sans difficultés sur des morceaux concis. Plus urbain, plus terre à terre que Locust (Gabe Serbian n'est plus de la partie), la distinction entre les deux entités se creusent définitivement. Même si les plans de guitares ont tendances à aller utiliser de la whammy dans tous les sens pour aller chercher ce côté un peu plus étrange, moins classique, on reste loin du spazz SF dégénéré de "l'autre" groupe de Pearson. Et ses effets semblent renforcés à la moitié du disque par des morceaux peut-être plus post punk, en tout cas plus marquant. Dès "Soviet Reunion" on passe du côté vraiment méchant du disque. Les hymnes deviennent addictifs, les morceaux passent du statut "efficace" à "obsédant". "Greasy Psalms" et sa guitare tout en montée arrive sur un riff épique. Et jusqu'à la fin ça débande plus, empilement de moments de bravoure. Pochette magnifique, morceaux mémorables, durée idéale : grand disque de punk.

mardi 20 août 2013

KANYE WEST - Yeezus

Lorsque Beyond The Noize s'est lancé il y a un peu plus de 5 ans maintenant, je n'aurais jamais cru que je parlerais d'une poignée de truc, et Kanye West en faisait précisément parti. Les autres, on verra plus tard- si c'est pas déjà fait. Mais là, inévitable. Le contexte aide aussi.

Imagine qu'en 83, après avoir vendu des tonnes de Thriller (et encore plus pour les décennies à venir) Michael Jackson envoyait ballader son producteur en lui disant "tu me fais chier Quincy avec la Motown, je veux faire du Throbbing Gristle !". Le parallèle peut sembler rapide mais quand le dernier album de Kanye est sorti, les rapprochements avec le mythique album de bambi ont été assez nombreux. De fait, tout le monde ou presque a déjà oublié le débordant My Beautiful Dark Twisted Fantasy, opulent et ambitieux précédent LP. Marre du marché ? En tout cas, ni la paire de fesses la plus célèbre des USA ni sa gestation n'ont donné envie à Kanye de faire un album calme et familiale, mais plutôt d'aller à l'exact contresens. Et niveau invité, le type n'a pas fait dans la légèreté. Daft Punk se pointe et se montre bien plus inspiré que sur son propre album (peut-être la meilleure blague de l'année au final), Evian Christ issu de l'écurie Tri Angle vient aussi mettre son grain de sel, et au milieu de quelques anecdotiques français tendance, Rick Rubin est quelque part à la production, entre confident, inspecteur des travaux finis et manitou. Son nom, pas loin du logo Def Jam ramène quelques vieux souvenirs, entre Slayer et les Beastie Boys. Le visuel est à l'avenant, rappelant le premier LTNO ou le troisième Mos Def : conceptuellement inexistant.

Avec un impact un peu stérile, cet album est pourtant pas mal du tout. Il faut oublier les paroles et la réalisation (les interviews des participants sont délirants, racontant comment maman Kardashian vient parler Louboutin pendant que Kanye essai de mettre de l'ordre dans son palais Parisien pour y voir clair dans son manifeste du bruit), le vocoder et le 7è morceau, seul véritable tâche au projet. West demeure un MC classique qui a fait école (ie. tous les jeunes gaziers qui ont repris son flow vitreux et neurasthénique pour se lancer) mais capable d'aligner des phrases parmi les plus affligeantes au milieu de rhymes bancales. C'est purement le projet global et l'objet musical qui en ressort qu'il faut considérer. Et cet objet a pour mot d'ordre le chaos. Poli, on reste dans les beaux quartiers. Mais chaos tout de même. Entre ses sonorités dissonantes et ses riffs de claviers agressifs, ses beats typés Trap belliqueux, sa production dégueulasse avec des fréquences que le mastering n'a pas su gommer (attention vos enceintes, ça crépite une paire de fois) et ses samples placés n'importe comment, l'album est une sorte de bordel bien élevé et ramassé qui en quelques dizaines de minutes va prendre le temps d'imposer un Kanye West qu'on ne connaissait pas, teigneux. Pour les fanatiques de Death Grips, de Kevin Martin, de Saul Williams, de Food For Animals, de Company Flow, de Dälek, de Roll Deep ou pour les plus anciens de Mark Stewart, de Meat Beat Manifesto, tout ça aura un petit goût d'opportunisme. Mais vu le public de West, on peut se demander de quoi il s'agit vraiment. Pour ceux-là, voilà le truc le plus agressif qui arrivera dans leur Ipod cette année. Et donc, après ? Commercialement risqué (pourtant il cartonne), ce disque est-il une clé vers la suite, un écart isolé ou une excuse pour un album rédempteur à paraître d'ici deux ans ? 

dimanche 11 août 2013

CATHARSIS - Miroiterie

"Tu fais quoi ce soir ?" J'avais pas prévu de bouger, j'avais pourtant bien vu l'affiche circuler mais je sais pas... j'ai cru que c'était une tournée pour remplir le compte, que la motivation était pas vraiment là et puis Catharsis, pour moi, c'est surtout les extensions de CrimethInc et ses débats politiques sur les feu forums HxC, couplé à un groupe culte et intouchable, en haut, au même titre que Converge sans la gloire, et quelque part entre Kiss It Goodbye, Bloodlet et Turmoil. Bref, un truc d'initiés, et pas les plus jeunes, en plus. Force est de constater que le public hardcore se renouvelle peu. Ca ressemble à une sortie d'anciens combattants ce truc. J'aurais eu tort - de pas venir. Dans une miroiterie qui, comme chaque semaine, vit visiblement ses derniers instants, Catharsis (désolé pour les 2 autres groupes, mais j'ai vu le merch et trop de subversion tue la subversion : je vais bouffer) a pris de l'élan et a collé une double tarte en revers lifté en 35 minutes bien tassés. A la fin de la seconde mesure, le chanteur fan de Peter Tosh est dans la foule, le bassiste, d'un autre gabarit ne se privera pas non plus. Si Catharsis est une illustration vigoureuse de puissance, on reste complètement abasourdi par la force de son batteur. Si son kit fait songer à un joueur de prog ou de death, la technique du gentleman lui fait honneur. Roulements insensés, cassures millimétrées, rythme effréné, le type à une endurance et une technique de seigneur. Et si au bout de 35 minutes, on ne regrette pas la conclusion (qui aurait pu être largement amené plus tôt si tout le charabia politique, que les plus sévères jugeront naïf, avait été expédié), on pose le genoux devant tant d'énergie aussi bien distribuée.

Ps1 : Félicitations, une fois n'est pas coutume, à En Veux Tu En V'là !, organisation qui se bouge et qui propose plusieurs concerts par mois sans jamais excédé les 5 ou 6 € par concert !

Ps 2 : Je ne te fais pas l'affront de photos minables, même si je te laisse observer le superbe flyer en tissu violet/carton, alors va jeter un oeil chez cet artisan de l'objectif ici ! 

lundi 5 août 2013

CANNIBAL OX - Gotham

Si les années 90 demeurent aujourd'hui encore un coffre a chef d'oeuvre hip hop, les années 2000 se sont avérées bien plus radines en la matière. Aussi, si on en finit jamais de compter les chef d'oeuvres, toute chapelles et sous genre confondus, de la décennie clôturant le XXè siècle, les disques indispensables produits depuis 13 ans sont nettement moins nombreux. Pourtant, le millénaire s'est ouvert avec un des disques les plus incroyables, novateurs et influents - en théorie, ceci dit, car la vérité c'est que les suiveurs ont été peu nombreux. Tous ceux qui ont posé le diamant sur The Cold Vein savent à quel point ce disque est important, riche, puissant, profond et d'une qualité rare. Aussi, le groupe implosa avant d'enregistrer le moindre soupçon de suite et même si une reformation quelques temps plus tard semblait envisageable, le producteur dudit premier enregistrement clarifia les choses assez vite : El-P balança en interview que malgré toute la volonté derrière le projet, le futur de Cannibal Ox s'avérait difficilement envisageable, laissant les fanatiques en larme et devant se rabattre sur les albums solo de Vordul Mega et Vast Aire. Annonce de retour en 2012, concerts, kickstarter et single, voilà le truc on ne peut plus classique pour le retour d'un groupe dont la sortie d'un nouveau disque semblait plus tenir du rêve impossible pour quelques égarés que de la réalité. Trois morceaux, sans Jaime Meline, trop occupé à enregistrer et à trainer avec Killer Mike, c'est court mais raisonnable. Pochette affreuse (c'est l'histoire de Can Ox, pochette aussi moche que la musique est bonne) dans un 12" comprenant 6 morceaux (les instrus en face B) et peu de surprise. Climat lourd et futuriste, le propos reste sensiblement le même. Mais on apprécie d'entendre le duo ensemble, sur ce qu'on devine être la suite absolument logique de l'inépuisable Cold Vein. Gotham et ses choeurs type BO d'anticipation ramènent à une époque qui semble révolue. Gases in hell est un peu plus direct, brutal, mais se plante avec un refrain creux qui semble se chercher et son sampling moins délicat. Psalm 82 est plus mesquin, rampant, Mega et Air s'y répondant avec efficacité. Un titre clôturant un disque promettant de belles choses pour la suite, mais qui ne possède pas la force d'un "Iron Galaxy" ou d'un "F-Word".

samedi 27 juillet 2013

Pacific Rim de Guillermo del Toro

Parce que je suis aussi feignant que lui, je vais écrire autant de lignes que Guillermo del Toro en a rédigées pour le scénario de son nouveau film de science-fiction, Pacific Rim...

mardi 23 juillet 2013

KING MIDAS SOUND - Aroo

Sorti pour le Record Store Day, Aroo est le premier extrait de ce que l'on peut attendre d'un prochain King Midas Sound. L'annonce de la sortie de ce court 12" a d'ailleurs servi de prétexte à Ninja Tune pour officialiser la signature (c'était pourtant le projet initial lorsque le nom a commencé à circuler vers 2006-7) et annoncer qu'un second album était en préparation. Depuis, le groupe a enclenché les freins, Martin décidant de mettre un terme à son nouveau Bug avant tout autre chose.
Aroo - le disque - est surtout le témoignage de ce que le groupe est actuellement. Deux morceaux (dont un décliné en instrumentale) diamétralement opposés se répondent. Sur une première face, Aroo - le titre - est le morceau le plus vif et bruyant que KMS ait enregistré, mélange de boite à rythme martelante, de petites notes de xylophone électronique et de déflagration de bruit blanc sur la ligne de basse la plus rock que Martin ait produit depuis la fin de GOD. Kiki Hitomi gagne en charisme, en présence, passant de la collaboratrice discrète à une réelle incarnation vocale, à l'identité forte, puissante. Elle habite à merveille ce morceau qu'on se repasse comme un mantra qu'on aimerait plus long. Sur la face B, Funny Love prend l'exact contre-pied. C'est Roger Robinson qui mène le titre de sa voix singulière, féminine, totalement dénué de beat et se basant sur d'épaisses nappes gonflées de reverb qui évoquent facilement la clique Basic Channel. Funny Love sonne comme une superbe complainte mélancolique chantée dans une cité vide, aux pads résonnants comme autant de souffles s'engouffrant contre les vitres de batîments abandonnés. Après le morceau titre, c'est l'hydrocution sonique; un contraste fascinant.

lundi 1 juillet 2013

Man of Steel de Zack Snyder

Quelle lourde tâche que de ressusciter Superman après ce que Bryan Singer lui a infligé en 2006. Celui à qui l'on devait déjà les deux premiers X-Men (et qui va revenir aux affaires en 2014 avec le prochain volet de la saga) avait pondu une merde sans égale (tout ceux qui l'ont vu se souviennent des insupportables cabotinages de Kevin Spacey...), d'une béance intellectuelle remarquable, plombant la possibilité de tirer du comic une nouvelle saga. Car en plus d'être un navet de premier ordre, les résultats du films ne furent pas à la hauteur de l'investissement des studios (le film n'a même pas rapporté 400 millions de dollars à travers le monde pour un budget titanesque de 270 millions...). 

Voilà donc le projet repris en des mains plus fermes, celles de la clique Nolan, ce très cher Christopher se chargeant de superviser la production mais aussi le scénario, délaissant la réalisation à l'esthète Zack Snyder, dont la maîtrise technique sur Watchmen ou 300 avait fait sensation. On a presque ce qui se fait de mieux dans le blockbuster hollywoodien contemporain. Un maître auréolé du succès de sa trilogie Batman, accompagné de son scénariste sur la saga, David S. Goyer, et un réalisateur capable de proposer des performances visuelles sans commune mesure. Niveau casting, Brandon Routh a logiquement été prié d'aller reprendre quelques cours de comédie et c'est le sémillant Henry Cavill qui touche enfin le Graal, lui qui avait été pressenti pour tenir le rôle du superhéros dans le précédent opus (sans regrets aux vues du résultat...). 

L'objectif est ainsi clair dès le départ : récupérer une franchise, la débarrasser de ses oripeaux kitchs et la ramener dans une veine résolument réaliste, dans le sillage donc de ce qu'a pu faire Nolan avec la saga Batman. L'entreprise colle à notre époque : le refus de l'irréalisme, le refus du fantastique en cela qu'il est la construction d'un contre-monde, la volonté farouche d'être dans notre temps quite à faire de l'uchronie en permanence plutôt que de créer des univers parallèles détachés de toute temporalité. Au débarras les artefacts qui accompagnent le héros dans ses aventures livresques : pas de kryptonite, pas de Lex Luthor, pas de slip rouge et pas de collant... L'heure est à la combinaison moulante à fleur de couilles mais qui, justement, respire les bourses fumantes et ne laisse pas paraître un poil de féminité.

La semonce réaliste est à la fois scénaristique et esthétique. D'une part, D.S. Goyer (quand on pense que ce mec a écrit Dark City... pff...) s'acharne à insuffler une identité toute américaine à son personnage : clin d'oeil à l'histoire du Kansas, Kent pêcheur, Kent serveur, Kent ceci, Kent cela... C'est parfois à la limite du républicanisme le plus primaire, mais bon, il fallait faire de cet homme venu d'ailleurs un parfait souchien, parabole de la réussite du système d'immigration étatsuniens certainement (et dire que Cavill est anglais... trahison !)... 

D'autre part, on a de quoi s'étonner des partis pris esthétiques de Snyder. Alors qu'on frôle le baroque lorsqu'il s'agit de filmer la mort de Krypton, quelque part entre du sous Avatar et du Riddick arrangé au compositing (merci Thomas pour la comparaison), la moulinette s'emmêle et on oscille entre néo réalisme aronofskyien genre The Wrestler (lumière moins blanche quand même), parkinsonnisme incompréhensible façon Michael Bay, zoom intempestif à la sauce Bigelow et quasi-mysticisme pastel en mode Terrence Malick mineur. Farouchement pour le mélange des genres, là j'ai pas tout compris... 

M'enfin passons... L'esthétique, après tout, si elle manque de cohérence, si elle passe de Star Trek aux Démons du maïs en trois plans, ça n'empêche pas toujours de suivre ce qui se passe. Encore eut-il fallu qu'il se passe quelque chose. Car oui, 2h20 c'est long, c'est même une gageur lorsqu'on assiste à une explication de texte et à la négation en bonne et due forme du sous-texte. Horriblement explicatif, Man of Steel se perd dans des déballages longs et monotones qui tuent avec hardiesse le moindre sous-entendu. C'est une nouvelle forme de cinéma vérité : tout est expliqué dans les moindres détails, refusant le petit bout de chemin que Voltaire voulait laisser au lecteur (ici spectateur) pour qu'il puisse faire lui aussi oeuvre de réflexion/fiction. Il n'y a plus l'ombre d'un mystère : les explications données par Russel Crowe, celles données par Kevin Costner sont d'un ennui à crever tant le mythe est éculé et tant elles font miroir. Il y a une horrible et insoutenable envie de tout dire qui plombe chaque dialogue, qui ne nous laisse aucune place. 

Car entre ces scènes sans majesté, il y a d'ébouriffantes séquences d'action. Un matraquage virtuel de grande qualité mais qui donne un mal de crâne que vous ne souhaiteriez à personne. Une lobotomie dans les règles de l'art. Une enfilade de grands effets qui ne racontent, au final, rien, et qui ne font que remuer des plaies dont l'Amérique, avec un sens manifeste du masochisme, ne cesse de contempler : énième redite du 11 septembre avec tous ces avions qui viennent percuter des tours qui s'effondre dans Metropolis ; une petite tornade, à l'image de celles que les Etats-Unis ont connu ces dernières années, particulièrement violentes et ravageuses ; une plate-forme offshore qui part en fumée, rappelant là encore le drame Deepwater horizon dans le Golfe du Mexique... 

C'est barbant. D'autant plus que le scénario, cette trame de fond, fait étrangement écho avec un grandiloquent navet sorti il n'y a pas si longtemps. Thor, vous vous souvenez ? L'histoire d'un mec avec des super pouvoirs qui se retrouvent sur la Terre et que ses potes assez vilains viennent chercher en menaçant au passage de détruire notre planète... Bis repetitas : menace extraterrestre, risque éminent de destruction de la Terre, inlassables séquences d'action où nous n'existons pas... C'est pénible. On enchaîne ? 

jeudi 27 juin 2013

THE KNIFE - Shaking the habitual

Par où commencer ? Bien difficile d'appréhender un disque d'un groupe qui me laissait jusque là totalement froid, alors que les bons points s'accumulent dès le début. Un morceau brutal et incendiaire, sorte de Pansonic pop hardcore incroyable, présenté en avant goût avait convaincu le sceptique. J'avais, il faut dire, particulièrement croché sur Fever Ray. Curiosité poussée au maximum donc au moment où ce simple ou double album (triple vinyle) marque le retour du duo (frère & soeur) et lorsque le truc se présente, avec ses couleurs qui brûle les yeux et avec son look de comics indés dans le traitement - mettez n'importe qui au défi de fixer cette pochette sans pleurer. Dedans, une BD et des références à Fugazi, Foucault, Salt'n'Peppa... Et donc un double album, blindé jusqu'à la gueule, débordant, pourtant pas dans l'excès car les deux disques sont individuellement raisonnables.
Dès l'intro, c'est une taloche qui se pose vigoureusement dans les gencives. Ca ne sera pas la dernière. Avec ses lignes de synthés d'une pureté remarquable, ses rythmiques nerveuses et ses longueurs savantes, la voix de Karin Dreijer Andersson se dégage splendidement du concassage systématique des agressions audio d'Olof Dreijer. Full Of Fire, entièrement électronique est brutal et sec, s'étalant sur 9 minutes comme un signe clair à l'industrie du disque que les deux méprisent jovialement. Ca sera ça le single, et y aura de gros assaut d'oscillateurs distordus au milieu. Mais Shaking The Habitual n'est pas qu'un bloc teigneux. A Cherry On Top est typiquement un morceau prenant le contre-pied du précédent, tout en étant beaucoup plus perturbant et ample. Wrap Your Arms mélange d'énormes claviers et sonorités en tout genre à des rythmiques colossales, étouffantes mais totalement organique. Même constat sur Raging Lung, sublime morceau obsédant, collision à la production remarquable du son électronique et du rythme organique - ou du moins un mirage audio s'y rapprochant. Peu à jeter à vrai dire, même si il y a bel et bien un étron en fin d'album. Fracking Fluid Injection est hermétique et ressemble à un pur remplissage gênant où les voix jouent un jeu épuisant de question réponse avec les larsens de machines. 9 minutes éreintantes. On sera par contre captivé par le long morceau d'ambient dispo en bonus sur l'édition CD (et découpant l'album en deux parts distinctes en version double CD). Longue recherche de 20 minutes au milieu des fréquences et résonnances, un moyen audacieux de laisser une réelle respiration sans relâcher la pression, "Old Dreams..." est un exercice de style qui permet définitivement au groupe de se détacher d'une électronique capable de s'attirer les honneurs pop avec cet album dur, agressif, mais passionnant.

mercredi 26 juin 2013

PSYCHE/BFC - Elements 1989-1990

Psyche/BFC sont des alias de Carl Craig sur ses tous premiers projets qu'il avait pondu dans sa chambre il y a plus de 20 piges de cela. Les quelques disques sortis furent compilés dans les années 90 sur une édition CD comprenant l'intégralité des travaux sous ces pseudos. Le dit Compact Disc était devenu un objet bien difficile à dégoter à des prix décents, aussi, l'annonce de leur mise à jour sur le label Planet E fut un beau projet. Seulement voilà, cette réédition est un scandale ! Mis en vente sur le web sans aucun tracklisting communiqué dans un premier temps, le label a sorti la carte de l'inédit venant compléter l'objet comme une sorte de collection définitive et indispensable. Triple vinyle, on s'attendait quand même a recevoir un objet complet et de qualité. Et bien pas du tout. Planet E se fout royalement de la gueule du monde avec cette sortie boiteuse et empestant la fumisterie. L'édition triple LPs ne sert strictement à rien si ce n'est de pousser l'auditeur à se lever 5 fois pour changer de face et de disque. Les morceaux sont étalés sur des disques en 45 et 33 tours, mais la qualité de pressage n'est même pas remarquable - je resterais prudent sur ce point, mais il semble même que certains morceaux souffrent d'un pressage particulièrement douteux en fin de face, chose qui est largement discutable pour un label techno, soit le genre qui a défendu la qualité et assuré la survie du vinyle. Surtout, les bonus ne viendront pas faire oublier que le tracklisting est totalement incomplet. Il manque par exemple l'extraordinaire "Please Stand By", sublime morceau que l'on peut retrouver sur quelques compilations pointues (comme sur le double ATP d'Autechre). Ca devient d'autant plus fâcheux que les notes intérieurs nous parlent de la genèse du morceau au même titre que ceux présents sur la compilation. Enfin, une version digitale du triple album a été mise en vente comprenant, elle, l'intégralité des morceaux - soit 4 de plus ! Mais ... mais... quelle est la logique du label aujourd'hui de publier ça ? Quel est l'intérêt de sortir des objets boiteux, chers (comptez dans les 25-30€ selon les revendeurs) et incomplet en osant proposer des version digitales en béton derrière ? C'est comme ça que Planet E défend le vinyle aujourd'hui ? On sait que le marché est fragile, que les vendeurs sont inquiets de voir les prix s'envoler car les grosses maisons de disques comme les plus petits labels, voyant la courbe de vente du disque noir monter, profite de l'occasion pour publier des disques extrêmement chers sous couvert de versions limitées et collectors. On sait que si les bobos se déplacent au disquaire day ils ne sortent pas de chez eux les 364 autres jours de l'année pour acheter des disques, que la tendance risque de s'inverser si les prix continuent de grimper. Planet E qui devrait montrer l'exemple (car encore une fois, c'est un label techno jusque là très respectable donc à la culture vinyle importante) publie donc un objet scandaleux, onéreux et incarnant la plus cynique vision artistique. Quand les ventes de disques vont rechuter, les labels moyens seront les premiers à pleurer l'hémorragie d'acheteurs. Il faudra se féliciter de ceux qui se sont moqués des consommateurs ? Rarement un disque ne m'aura donner l'impression de se moquer autant de ceux qui passeront à la caisse. Le pire c'est que la musique est bien entendu remarquable. Craig confectionne dans son petit home studio une techno rudimentaire mais ambitieuse. De Psyche, on restera admiratif de ces magnifiques nappes guidées par des 808 et 909 typiques mais survoltées, tandis que le traitement du son est sublimé par les breakbeat quasi hardcore de BFC, plus urbain et onirique. Mais la forme prend le dessus sur le fond, ce qui est regrettable : cette compilation qu'on aurait aimé défendre est un glaviot qui résume avec sarcasme ce qu'il se passe progressivement dans les bacs à disques.

mardi 25 juin 2013

QUEENS OF THE STONE AGE - ...Like Clockwork

Hein ? c'est fini ? Mais c'était le nouveau QOTSA ? Ah bon... je pensais que t'avais juste mis la radio.

samedi 22 juin 2013

RETOX, WARSAW WAS RAW - Instants Chavirés

Après l'affiche Locust / Warsaw Was Raw (et Sonic Boom Six + MAP) il y a quelques années, voilà ce qu'il reste de cette soirée en 2013 : The Locust ne semble plus être, tandis que Warsaw Was Raw a encore épuré ses rangs depuis. Et cette fois on s'éloigne de la maro pour se diriger vers le CBGB's de Montreuil, à savoir les instants chavirés, la seule salle de France où les gens viennent pour la salle plus que pour l'affiche (la preuve, il y a un système d'abonnement) - c'est pas un reproche, cette salle aligne tellement de bonnes soirées que ça serait malvenu.
Bref, le groupe au nom palindrome qui ne nous avait pas franchement passionné jadis ouvre à nouveau pour leur potes de label (c'était pas le cas à l'époque), puisque signé sur Three One G, maison de Justin Pearson. En duo, le groupe reste toujours aussi virulent et on se surprend surtout à admirer la technique des deux. Le guitariste à un son de porc hyper ample. Son pote batteur donne absolument tout ce qu'il a, il en est presque inquiétant. Je ne crois pas avoir déjà vu un type mettre autant d'énergie dans son jeu, tout comme je ne suis pas sur d'avoir déjà observer un frappeur lever les bras aussi haut pendant un roulement. Je crois savoir que le mec était à 2 doigts du malaise lorsqu'ils ont ouvert pour Comity en début d'année à l'espace Barbara (on en a pas parlé mais en deux mots: c'était super bien. Voilà, ça fait quatre mots et de rien pour le report express). Calme toi, ton jeu et ta technique sont suffisamment impressionnant pour t'éviter de te donner tout ce mal. Pas de souci pour Warsaw, sans me fasciner c'est assez bien foutu pour être captivant, et je préfère maintenant qu'auparavant.
Retox a perdu Gabe Serbian, l'autre sauterelle avec Pearson qui composait ce groupe de hardcore. Le petit nouveau, sans avoir le génie du batteur fou de Locust n'est pas manchot et est assez carré et solide pour ne pas tirer le groupe vers le bas. D'ailleurs il joue sur une caisse claire assez tendue, un truc qui me semblait de plus en plus rare. Chaque coup résonne. Son copilote de section rythmique est un jeune mec qui semble assez nerveux, et joue un peu comme Dave Curran, en plus vigoureux. Il a un son absolument dégueulasse et gras, à la limite de l'incompréhension, mais à la présence indispensable. Les nouveaux morceaux (puisqu'ils sortent un nouvel album, après le premier paru chez Ipecac) publié ces jours-ci sur Epitaph (logique !) & Three One G sont un peu plus aérés que les précédents et le guitariste, gominé et avec un portrait de Sade tatoué dans le cou, est le grand vainqueur du match. Le groupe s'éloigne du punk hardcore bas du front pour aller chercher des plans plus post punk, avec du delay et de la whammy dans tous les sens. Bon, c'est pas non plus PIL avec qui ils ont tourné récemment pour autant. Retox reste une version plus punk direct de Locust (désolé), moins hystérique, tout en étant singulièrement sauvage. Fini les sons aliens (quoique, le fan de Sade fait un bon boulot de ce côté), Retox se concentre sur l'efficacité, sur les plans et riffs de patron. Devant, Pearson est un chanteur nerveux et communicatif ("thank you, i d'ont speak french" et une autre phrase, ça sera tout pour ce soir) comme à son habitude, qui finira dans le public pas trop réceptif. Un rappel plus tard et les fanatiques de soirée noise-expe de la salle finissent en pogo maladroit récréatif. 30 minutes entre le premier coup de caisse claire et le dernier écho de guitare. Plié. Expéditif et administré avec le savoir des grands.

Ps: Merci à C pour la photo.

lundi 17 juin 2013

BOARDS OF CANADA - Tomorrow's Harvest

Duo électronique culte, voici enfin le retour des enfants prodiges, tant attendus, presque inespéré. Après un premier album « séminal » à la fin des années 90, une suite vénérée, c’est un silence de 8 ans qui sépare le troisième LP de cette nouvelle livraison. Sauf que si le parallèle que tu fais avec deux versaillais jusque là semble évident, on attirera ton attention sur la pochette, premier élément clairement différenciant avant de faire un amalgame douteux.

Si il y a bien un duo dont on attendait vraiment la nouvelle production, c’est effectivement Boards Of Canada – et il y en a des duos, en 2013 qui publient des disques électroniques de qualité, que ce soit Autechre ou The Knife. Groupe important et influent, capable de poser avec une sérénité incroyable les disques les plus sombres et ambitieux d’une musique électronique pensée comme une œuvre intemporelle. La RAM ici n’est pas une histoire de gimmicks singé et péniblement livide, mais plutôt une sorte de véritable mémoire humaine mise à contribution de la création pure, celle qui ne se déguise pas en bioman mais qui se terre dans le fin fond de l’Ecosse.

Jamais jusque là le son Boards Of Canada n’avait été configuré comme une entité aussi visuelle, sinon cinématographique. L’album s’ouvre sur une sorte de jingle, sorte de clin d’œil Tarantinien, avant de partir sur un lourd drone synthétique. L’ambiance est parfaitement posée dès les premières secondes. Le visuel de l’album est à l’avenant. Les 17 morceaux s’éloignent quelque peu de l’imagerie nostalgique et froide. Tomorrow’s Harvest est l’album de la chaleur, du lourd soleil écrasant les grands espaces américain - parfois déserts. L’angoisse de la solitude et l’immensité comme clé. Les décors ne sont même plus habités de souvenirs. Tout en demeurant le groupe tant vénéré, Boards Of Canada n’a pas stagné depuis 8 ans et signe un album qui tranche sévèrement avec le précédent opus, le bien moins électronique Campfire Headphase. De fait, ce nouvel enregistrement est très proche de Geogaddi, tout en affirmant une réelle évolution. Les drones sont plus présents, les beats se font moins organiques et se composent de cliquetis digitaux et de glitchs plutôt discrets jusque là. Les résonnances métalliques de « Jacquard Causeway », comme les puissants kicks gonflé d’infra de « Sick Times » attirent l’attention.  Entre ses beats massifs, on reste en terre connue, à savoir l’épiphanie mélodique des amples claviers délavés, salis, irréguliers. « Reach For The Dead », premier single et extrait de l’album donne le ton. Et lorsque la révélation se dessine (la vidéo va dans le même sens, puisque c’est le moment ou la caméra cesse d’être au sol), le rythme s’esquive. Au milieu des nuages. Idem pour le magnifique «Split your infinitites », tout en nappes qui devient progressivement une longue descente rythmique qui sans changement brutal, transforme de manière improbable le morceau esquissé en début. 

Surtout, on sait le groupe friand des messages cachés et subliminaux, et Tomorrow’s Harvest est, de l’aveu du groupe, l’album le plus lézardé de mystères et de codes. Les frères ont déjà donné la clé de l’album construit en palyndrome, avec son single « Reach For The Dead » décliné en « Come To Dust » à l’autre bout. On sait aussi que le visuel de l’album n’est pas simplement une ville (San Francisco), mais bien une cité transpercée, fantôme, correspondant à un point de vue, peut-être depuis le point de coordonnées révélé par les codes des 6 disques disséminé dans le monde pour la promo de l’album (pour faire simple pour les absents : le groupe a distribué 6 vinyles contenant un code chacun et un court sample, dans 6 villes du monde le jour du Record Store Day). Entouré de messages indescriptibles, de voix déshumanisées, de sons dégradés, nous voilà également au cœur de l’album le plus angoissant produit par le duo. Impossible de ne pas sentir une singulière peur à l ‘écoute attentive de « Uritual » ou de « Semena Mertvykh »  -  composé à partir d’une …VHS. Comme souvent chez les groupes très attendus, on sait que l’album ne se fera que dans le temps, qu’il prendra son ampleur après quelques écoutes et assimilations. D’autres clés, probablement plus innocentes (les samples d’enfants transformés, les poèmes et suites mathématiques) ou plus angoissantes (rappel toi les références aux sectes ou les messages à l’envers invoquant le diable, tout ça pour faire réfléchir) que celles déjà disponibles se révèleront plus tard.  Toujours est-il qu’à peine révélé, Tomorrow’s Harvest est déjà un enregistrement qu’on devine inépuisable. Il ne reste plus qu’à s’incliner devant ce disque, grand, moderne et pourtant crucialement intemporelle.

mercredi 22 mai 2013

Mama d'Andres Muschietti

C'est peu dire que l'univers du producteur Guillermo del Toro tourne en rond. De l'ennuyeux Orphelinat aux Yeux de Julia, en passant par l'inoriginal Don't Be Afraid of The Dark et donc, Mama, le réalisateur Mexicain s'arc-boute à indéfiniment produire des films qui se ressemblent, qui ont pour fond les mêmes rengaines, pour forme la même plasticité, pour prétexte les mêmes démons. Je ne saurai trop dire que je me suis patiemment ennuyé devant Mama. Le film est en réalité le prolongement, ou plutôt l'extension, d'un court-métrage de ce même Andres Muschietti. On sait ce que donne généralement ce genre d'entreprise au cinéma. Ceux qui ont vu le Cashback de Sean Ellis ne savent que trop bien qu'il s'agit d'un exercice difficile qui revient souvent à diluer un propos, à noyer l'originalité de départ dans les codes narratifs qu'imposent le format du long métrage. C'est du même coup un exercice scénaristique plus que compliqué et souvent un échec. 

Mama subit de plein fouet les affres de cet allongement. Mais outre son manque de consistance, ce qui commence à être véritablement emmerdant, c'est que cette putain d'histoire de fantôme vengeur à la mord moi le noeud, on l'a déjà vu mille fois. Dans les films de Del Toro bien sûr, dans l'Echine du Diable par exemple. Mais dans un milliard d'autres films qui, s'ils n'ont pas tout à fait la même trame, ont exactement la même résonance, la même aura, le même manque d'audace. Si bien que l'on est là, encore une fois, face à une énième répétition des schémas horrifiques les plus éculés, face à la même proposition métaphorique un peu nul (la vengeance d'une folle n'est en réalité qu'une très lourde tristesse due à la privation de son enfant), face à la même symbolique bêtasse (Jessica Chastain, bien qu'elle soit une rockeuse (de pacotille) qui ne se sent pas prête à élever des enfants va en fait découvrir que si, elle peut, et même qu'on tire beaucoup de joie à ça. Comprenez que toutes les femmes, même si elles vous disent le contraire, sont faites pour avoir des gosses, après tout, c'est leur rôle biologique à ces radasses). 

Bref on pourrait s'amuser à faire la liste de tous ces films d'épouvante contemporains qui prennent pour principe de base quelques éléments comme "une famille change de maison", "dans cette maison il y a un esprit vengeur" et "cet esprit en a après les enfants". On aura donc Sinister, Insidious, Possédée, tous les Paranormal Activity, etc., etc, etc. Bref, on m'objectera que je mets dans le même paquet les films de possession et les films de fantôme. Mais qu'il s'agisse d'un spectre ou d'un Dibbouk, les ressors narratifs de ces films sont les mêmes et, s'ils ne relèvent pas forcément des mêmes peurs, ils sont bâtis sur les mêmes structures, usées jusqu'à la corde et souvent ultra-moralisatrice. Mama n'échappe pas à cette règle, et ce n'est pas son esbroufe visuelle, particulièrement vaine et aléatoire (à quoi bon nous en envoyé plein la gueule dans une séquence finale d'une atterrante longueur quand on n'est pas capable de créer une ambiance de nuit en intérieur en laissant de grandes arrivées de lumière par les fenêtres ?), qui le fera changer de catégorie, celle des redites.