vendredi 27 février 2009

Portishead - Third

Tout a été largement dit et redit sur ce disque, buzz, pas buzz, déception, convainquant. En parler est juste un respect pour nos lecteurs (qui a dit lesquels?), vu qu'il se situe en tête de nos classements de l'an dernier. Cherchez le trip hop, vous le trouverez pas. Cherchez ces ambiances jazzy enfumées, cherchez ces beats sexuels, il n'y sont pas.
Third est différent, pas forcément moins accessible, portishead a toujours cette patte mélodieuse propre à eux, mais jouent beaucoup moins propre sur eux. J'ai peu de mots clés, mes chroniques tournent souvent autour des mêmes, c'est le moment de ressortir mon favori: angoisse. Third est le disque le plus angoissé de portishead, le plus urgent, clinique, froid dans les émotions. Beth gibbons y livre une prestation vocale habitée, proche de la rupture, des larmes, de la peur incontrolée. Le tout sur des ambiances musicales aux confins d'une électronique industrielle, où samples de fin du monde (machine gun, le single) se mélangent a des guitares menaçantes. La rythmique délaisse les ambiances hip hop pour quelque chose de plus martial, jouant sur la répétition sortie droit de la hype krautrock. On a même droit à une pause au ukulélé en milieu d'album (deep water), sorte de comptine qui passe inaperçue mais déleste un peu du poids de l'album, rugueux. Ruguosité accentuée sur une fin d'album en chapeau de roue, où les moments de bravoure s'enchainent (small et son final psychédélique). Portishead revient plus de dix ans aprés son live a roseland, sorte de manifeste et de conclusion au trip hop. Ce n'est plus le même groupe, rien ne sert de reformer des moments contextuels de l'art. Dix ans pour penser sans penser à sa musique. Le groupe aurait pu revenir avec un autre nom, ce retour aurait été encore plus flamboyant. Indispensable.

Snowman - The horse, the rat and the swan

Aux vues du buzz revival 80, no wave, post punk, et des groupes avec lesquels ces gaziers là ont tourné (Liars, Interpol), on était pas rassurés, ou du moins interessés. Gardez vous le!
Alors maintenant vient le fameux contraste, "et ben non, ce disque vaut le coup, on avait tort!". C'est un peu ça, pourtant il y a quelque chose dedans de facile, de téléphoné, comme si sommeillait dans ce groupe la facilité latente, comme s'ils n'étaient pas loin de surfer sur quelque chose de consensuel.
Au delà de cette apparence, Snowman se situe au dessus, ou un peu à part de toute cette masse de groupes n'ayant pas degurgité leur passion pour ces années fastes de découvertes chimiques et d'expérimentations sonores. Quelque chose de malsain couvre tous ces morceaux, quelque chose de trés Swans (le mot est laché), quelque chose de répugnant et malade. Snowman ne se contente pas de quelques mélodies cristallines sur une rythmique qui tappe, Snowman déconstruit ses morceaux et joue avec les montées et descentes. Rage contenue, rampante, aidée par la diversité des instruments pour l'exprimer. Il y a quelque chose de pourri dans ce disque. Une rupture stylistique nette, ecorchée et pourtant largement belle, parfois tribale (on pense à Savage republic) ou parfois théatrale (Bauhaus, Christian Death, And also the trees sur la conclusion). Suffisament court pour ne pas lasser, pour ne pas déborder, pour laisser couler la rage de manière fluide, pour utiliser à bon escient les différents registres touchés, Snowman livre un essai convainquant, encore un peu proche de ses influences, mais soutenu par une prod épique dans le riffing (the horse part 1 et 2) et assez distordue pour rehausser les passages dejantés. On attend la suite.

jeudi 26 février 2009

DÄLEK- Gutter tactics


Eloquente fusion entre le passé bruyant d'absence et l'accalmie déprimante du language abandonné, le duo du New Jersey revient donc avec ce nouvel album qui avait été envisagé par Oktopus comme "black sabbath meets early TG". Ce gutter tactics pourrait être vu comme l'union logique des deux précéents opus du groupe, sauf qu'à mon sens, il dispose d'autre chose. Ce nouveau disque est probablement l'album le plus hip hop du groupe depuis "from filthy tongue..." c'est à dire depuis des lustres. Précédemment, le groupe avait poussé jusqu'à un paroxysme de brutalité sonique la violence du son pour finalement aller plus en profondeur dans le sens de sa musique, allant droit à l'introspection que le silence du MC pouvait laisser alors prendre forme. En un mot comme en cent, Dälek est revenu vers plus de concision, si bien que ce disque passe le temps d'un claquement de doigts, pourtant frolant les 50 minutes. Je me rappel avoir lu après leur passage au batofar une chronique où le rédacteur parlait d'un batofar qui semblait se concasser de l'intérieur dûe aux coups de boutoirs industriels du duo. Gutter tactics sera l'enfoncement du clou fatal, car la formation pousse ici sa formule dans une étonnante configuration. Les morceaux cuvée 2009 semblent bénéficier de l'accalmie précédente (exit les gimmicks "samples de cors"), pourtant il est évident qu'au bout des trois gros quarts d'heure que dure le disque, on en ressort le cerveau compressé. Gutter tactic est peut être le disque le plus bruyant du duo, bien plus lourd, pesant dans ses sonorités que ce que la formation américaine nous avait habitué jusque là. La péniche ne se concasse plus, elle a tout bonnement coulé. Les multiples couches de sons empilés (en plus de la voix, ici réel instrument de terreur démultiplié jusqu'a l'impression d'être face à une armée complète) par Oktopus sont sourdes, sournoises même. L'impression d'être pris dans une piège sonore, l'impossibilité d'en sortir. Mieux encore, au coeur de cet album résonne le morceau le plus industriel (rythmé) que le groupe ait jamais produit, l'impressionnant "los macheteros", qui est en fait qu'un simple appel avant le final de l'apocalypse, "atypical stereotype" qui ressemble plus à une énorme couche de bave metallique vous passant dessus. Puisqu'on parle bien de hip hop, outre cette concision tout fraîche, c'est à travers l'étonnant "2012" que Will et Alap signent un grand morceau de hip hop classique, une sorte de RZA-like version traumatisé. Sans oublier le visuel où tags en tout genre viennent se terrer derrière le visuel de Romano. Réussite totale, inutil de préciser, même si les deux compères ont visiblement déja une idée de la suite, conférant à ce disque un arrière gôut de transition. En attendant mieux?

MELVINS- Melvins VS Minneapolis


AmRep reprend du service, et même s'il se pourrait bien que ça ne soit qu'en vue de publications d'éditions limités, il est toujours bon de voir un label de qualité se remettre sur les rails.

Edition limité, donc pour ce triple CD live des Melvins. Un cd gavé de concerts en MP3, on passera dessus, et surtout, deux galettes de deux shows complets. Le premier CD, plus vieux (2004) parait plus experimental que l'autre. Les Melvins jouent encore avec l'ultra malsain Rutmanis, et les morceaux sont issus de Hostile ambient takeover entre autre, et d'autres morceaux de l'ère ipecac pré-Big Biz, sans oublier les passages classiques (night goat etc...). Ce premier concert est plus spécial, les morceaux sont plus longs, là où le second disque est plus concis, ressemble plus à une compil de tubes melvins-iens; datant de 2006, juste avant l'intronisation du duo en rab', et probablement avec David Scott Stone et Dunn en première ligne. La fin du second disque offre un réhaussement de la qualité sonore avec un segment de Lysol plutôt bien exécuté. Bel objet, collector, avec un son pas toujours excellent. En gros, pour acharnés uniquement, ou spéculateurs.

A noter que le visuel présenté ici est celui du second pressage limité a 333 exemplaires. Le visuel du premier pressage était plus rose/or/turquoise.

mercredi 25 février 2009

Coil - The new Backwards

Visiblement il y a une longue histoire derrière ces bandes, projet avorté d'un coil pré Ape of Napples, qui ne pensait jamais voir le jour. Et pourtant, Christopherson ressort des vieilles bandes et nous livre encore un album posthume à John Balance. Toujours dans cette suite d'albums plus aériens, plus aérés aussi, méditatifs, aux confins de l'electronique malsaine et des ambiances plus ethérées. En prime, la voix du mort se pose sur tous les morceaux, et colle parfois etrangement bien à l'ambiance totale. Alors ce n'est pas la première fois qu'on entend chanter un mort sur des nouveaux morceaux mais cette fois ci l'ambiance prend avec Coil. Les morceaux sont libérés, entre ambiances samplées un peu tordues, rythmiques et orgues mortuaires. The new backwards est loin d'être la meilleure livraison de Coil mais de part son statut d'album voué à ne jamais paraitre, et du contexte dans lequel christopherson le sort, la sauce prend. On se mettrait presque à rêver de live avec une présence holographique de Balance, en maître de cérémonie pour défendre une discographie toujours plus fascinante, innovante et à part dans un monde musical. La musique hybride de Coil est un langage, une expression electronique aux sonorités agressives qui apaisent, où l'utilisation de samples à priori moches créent une beauté mélodique hors du commun à l'ambiance lunaire.

mercredi 18 février 2009

Religious knives - It's after dark

T'imagines les doors sans LSD? En 2008? Crades? Malodorants? Pas besoin, tu les as içi. En quelque sorte ce it's after dark c'est un peu ça. Un manifeste psyché toujours en mouvement, qui s'appuie sur l'ítération pour créer la transe, avec un clavier distordu. Sorte de jam dronesque, avec une forte odeur de 70's, proche finalement du dernier Oneida en date. Alors on adhère forcément à cette ambiance prenante, sur des vocaux qui n'en sont pas vraiment (ça vous rapelle rien?), guidés par une basse ronde (OM).
En plus ça sent la rue, la crasse citadine, la cour des miracles.
Pour couronner le tout, Religious knives nous livre un aspect plus intimiste, limite mortuaire, toujours transcendant. Gros potentiel processionaire pour ce groupe donc, qui hérite d'une tradition psyché tout comme drone pour créer son hypnose. Beau manifeste de digestion moderne, et ça prend.

Programme - L'enfer tiède

On a raison de faire ce qu'on fait de penser ce qu'on pense d'être ce qu'on est de continuer dans le même sens. Ça c'est la société. Cet enfer tiède. Vaguement nauséabond, où pullulent les névroses. Le cri d'une génération. La mienne, la tienne. Génération de ratés, qui marquent leur page d'histoire. Le choix, qui prend à la gorge, qui rend fou. Pourtant cet enfer tiède est dans ta tête, il ne s'exprime pas, sauf içi. Un endroit où tu souffres, mais sans vraiment la ressentir. Un endroit où tu souffres, pas physiquement et oú malgré cette souffrance sans saveur la rue continue.
Chronique de l'âme sur sonorités angoissantes, suffoquantes, le masque tombe. L'enfer tiède c'est un peu ton quotidien, le mien, le sien, le notre, une tranche d'égoisme tout sauf grandiloquant, de réalisme cinglant, de poésie sale, de haine retenue, de desespoir cathartique. Pas vraiment d'ailleurs, car aprés l'enfer tiède, il n'y a rien de plus, aucun espoir, aucune sortie. Il fait froid, mais tu as chaud. Reflexions inutiles, égocentriques et pourtant tellement poignantes. A travers les méandres d'une production qui racle, d'un ton acerbe l'enfer tiède s'immisce un peu plus en nous, comme le journal de notre génération. Michniak se met à poil, mais nous deshabille tous, et crée la peur en nous. Pourtant même la peur ne se ressent pas, elle s'exprime à travers les névroses. Responsabilité partagée, sorte de leg communautaire moderne. Voila ce qu'on laissera aux générations suivantes: cet enfer tiède. D'ailleurs c'est pas la peine de s'énerver, ce à quoi on va arriver c'est se briser les os. Puis même les sentiments positifs n'en sont pas réellement, ils ne sont que la partie emergée de l'iceberg. C'est bien.
Alors ou t'acceptes, ou tu fermes ta gueule, mais dans tous les cas tu seras seul.
L'enfer tiède, société moderne, illusoire, qui crée elle même les propres conditions de son échec. Puis toute façon c'est aussi le seul moyen de nous tenir en laisse, que l'on ne ressente plus rien.
Vous pouvez chialer.

Subheim - Approach

Je vous avais parlé de Biosphere recemment, et de ce côté anciennement electro qui a viré à l'ambiant. C'est peut être d'ailleurs pour ça que ce Subheim m'a autant touché. Similarité avec substrata, même s'il peut en être loin, sorte d'ambiant croisé à l'electro avec des touches néoclassiques, Approach fait figure d'un disque qui ne repousse aucune limite du genre: ambiances contemplatives crées à base de nappes, de notes de piano parcimonieuses, ou de violons. Pourtant son évolution, le parti pris d'un disque qui se dévoile sur la durée fait de lui un excellent moment. Diverses teintes sont developpées et les beats electro sont sagement agencés, assez aqueux ans la manière de se déployer. On navigue entre ambiance naturelle et ambiance post guerre. Toujours entre ces eaux, le navire fait même écho a du Dead can dance lorsque les ambiances heavenly prennent le dessus (c'est peut être cela que j'apellais néoclassique tout compte fait). En retenu, le disque se livre petit à petit, largement acessible de part la beauté de ses textures et la grâce de certaines mélodies. Trés recommandable.

Have a nice life - Deathconsciousness

Le genre d'objets assez discret, tellement que bon, on passe facilement à côté. Et c'est un tort, parceque ce disque vaut largement toutes les productions rocks/revival/post punk que l'on nous chiade recemment. Sans grande originalité dans la forme, vu que certains canons et ambiances sont reprises, Have a nice life gagne dans la densité de ses ambiances, de son son et de sa façon d'accoler les plans.
Sur un début typiquement post rock, apaisé, aérien et dubitatif, à l'ambiance onirique, le groupe s'envole rapidement dans des sphères un brin psyché (bardo pond n'est pas tout le temps loin), mais surtout trés cotonneuses dans la façon d'aborder son rock, machinal dans les rythmiques. Have a nice life joue même avec ses différentes influences, livre un morceau a la mélodie proche de darkthrone (Waiting to black metal records to come in the mail), et balance avec ironie au post rock moderne des envolées qui ne s'envolent pas, mais qui ne retombe pas. Et ce qui maintient en haleine tout le long du disque, entre différentes mélodies post punk simples et efficaces, ou riffs plus rock n roll, c'est la qualité du son, complétement vaporeux, malade et fatigué. Quant à la voix, proche des canons rock modernes à certains moments (donc pas mal d'effets dans certains morceaux), elle arrive a atteindre certains sommets emotionnels (telephony). Là ou le shoegaze, l'indie, le post punk sont victimes d'une surmediatisation et de reprises de canons, have a nice life arrive à s'en écarter pour livrer un disque à l'ambiance personnelle et sufisament depressive pour tous vos potes gothiques.

dimanche 15 février 2009

NHK-nhk


Jeux de pistes, quand tu nous tient. Cette fois-ci on parle de Kouhei, qu'on avait déja évoqué (où? Quand?) il y'à quelques mois, qui nous revient par le biais de Raster Noton, et accompagné de Toshio Munehiro sous l'appelation NHK. Les deux faces de ce 12" soigné ne tournent pas à la même vitesse mais offre une musique dont la rigueur rappelera sans grande surprise les autres sorties du label, la distortion en plus. L'électronique du duo est ici maltraitée, gonflée en distortions omniprésentes mais légères. Minimale par essence, les 6 compositions se contentent donc du minimum syndicale en terme de source sonore. Des crissements digitaux, salis; absence quasi malsaine de mélodie ou de quoi que ce soit d'autre qu'un quelconque élément rythmique. Néanmoins, les plages ne sont pas de longues pièces rigoureusement obstinées comme on peut trouver chez Byetone, collègue de label-pour n'en citer qu'un. Bien que ramassées, elles sont traversées de multiples accidents, évolutions sonores, progressions et déconstructions. On n'en attendait pas moins du Japonais qui bien que rare, n'offre que des pépites.

jeudi 5 février 2009

K-THE-I??? - yesterday, today & tomorrow


Ce qui n'apparait pas sur la pochette de ce disque tel quel, c'est l'autre coté qui nous montre Thavius Beck faire la prise de son de K the I en train de gueuler dans le mégaphone. Et Thav produit le disque, tout simplement, dans son intégralité. Son savoir faire mis au service d'un compère pour tout un album, ça n'arrive pas tous les jours et même si on pourrait demeurer en attente d'un prochain essai d'Adlib, on se délectera de ce nouvel opus à sa juste valeur. Effet Nine Inch Nails ou pas, le son made in Thavius s'est encore épaissi, à pris de l'embonpoint, est plus lourd que précédemment. L'album s'attaque d'ailleurs dans le beat distordu et opressant sur 400 on the BPM, mise en garde furtive des plages qui suivent... et qui ne se ressemblent pas. L'album sonne très éléctronique, voir digitale. Beats typiques de Beck s'affaissant sous le poids des claviers stellaires. Mais surtout, le beat maker a travaillé ses basses, sourdes, lourdes, abyssales comme jamais auparavant. K the I, puisque c'est son disque ne m'était pas franchement connu, bien que son nom doit figurer en invité sur une bonne poignée de disques hip hop indé de ces dernières années. Son flow se pose aisément sur la structure sonore de Beck, de façon fluide et claire. Sa voix n'est pas sans rappeler celle de Vast AIR de can ox, et est parfois accompagné par l'habituel Subtitle (qui est à Beck ce qu' Aesop est pour El-P), BusDriver ou plus étonnament High Priest, ou Thavius Beck himself (désolé, sa voix me facine!!). Ca faisait longtemps que je n'avais pas aquis un disque signé MUSH, mais cette sortie me conforte que si tout n'est pas indispensable, le label reste un gage de qualité en terme de Hip Hop audacieux. Si ce dernier opus ne restera probablement pas comme une pierre angulaire rapologique, il reste truffé de qualité, notamment via sa rapidité: ici, pas de superflu, tout va à l'essenciel pour un disque ramassé. Vite, le nouveau labwaste se fait attendre!