dimanche 30 mai 2010

Doom - Born Like This

Doom est le supervillain du rap. A comprendre un sacré clochard, freak marvel and co. Son activité est incernable, fruit de quantités de collaborations, mais aussi de quantités de pseudonymes différents. Madvillain avec Madlib, Danger doom avec dangermouse, vous avez le topo. Doom c'est aussi Mf doom, et son fantastique operation doomsday, une des pièces les plus jusqu'au boutistes du hip hop, les plus fantastiquements construites bourrée à craquer de surprises et de quantités de samples, clins d'oeils, collages. Doom sans le Mf a un regain d'activité, avec une tournée qui est passée par Paris (et il semblerait que c'était bien lui derrière le masque cette fois ci, cf le topo de mon collègue) mais aussi quelques disques et eps depuis l'an dernier. C'est sur ce Born Like this, sous ce pseudo epuré que l'on revient aujourd'hui. Visiblement même chez les fans l'objet ne fait pas l'unanimité, certains le trouvant trop facile, trop depersonnalisé pour le monsieur. Pourtant avec le temps qui est passé, et son côté immédiat bien plus évident que chez certaines autres productions du clodo, ce disque gagne du bec. Déjà, on a l'impression de retomber dans les productions 90's typées école Wu Tang, dans cette façon de gager sur des instrus raclantes et lointaines, habillées de quantités de basses lourdes et de samples funky et soulful. Le flow de Doom en impose evidemment de bout en bout, avec sa voix pleine de café et d'alcool, version salie de quantités de MC. Doom est le Supavillain, plein d'humour dans ses productions, libérant les constructions des morceaux en ne surusant jamais des mélodies ou samples qui font mouche. La force de ce disque est dans la force de frappe de ces morceaux qui nous semblent revenir d'outre tombe, d'une période morte, à l'époque ou Nas avait sorti un bon disque (ouais, une sacrée paye...) et où les claviers s'eclipsaient encore devant une ribambelle de samples. La force de ce disque c'est aussi que sur ces instrus belles et sales se pose une des voix les plus passionantes du hip hop. Tubesque oui, et alors?

Altar of flies - Permanent Cavity

Altar of flies, c'est Mattias Gustafsson qui travaille tout seul. Permanent Cavity, c'est le résultat de bandes enregistrées sur cassettes entre 2007 et 2008. Permanent Cavity c'est aussi un des plus bels artworks qui m'ait été donné de fréquenter depuis belle lurette. La couverture du digipack d'abord, réalisée par Daniel Fagerström (The Skull Defekts) est un des habillages les plus convainquants qui aurait pu être donné à ce disque. Quelque chose de fondamentalement cubiste et déconstruit, animalier et à la fois humain, tout en sobriété aléatoire. Un résultat convainquant donc, pour un disque reprenant le rond noir sur fond blanc d'Oversteps (on ne saura jamais qui l'aura fait avant, mais à la rigueur, ce concept artistique n'a rien de détonnant en soi).
Un nom de projet fantastique, un artwork plus que juste, Mattias Gustafsson, on pourrait s'arréter la, vous vendre le truc en vous disant que Permanent Cavity est hautement recommandable, voire plus si affinités. C'est sans compter sur la brutale mandale qui fait office d'écoute, une musique cauchemardesque, pas loin du You Will never survive this nightmare de Megaptera, se rapprochant des ambiances power electronics version suédoises, avec une predilection pour les alternances dark ambiant et les assauts analogiques en boucle. Les boucles sont triturées, grésillantes et ne lachent rien de leur agressivité jusqu'à extinction des machines. Une musique ronflante, sinueuse, inhumaine, pleine de cliquetis saupoudrés qui trouve son rythme de croisière au milieu des morceaux en transformant les parcimonieux sons en violentes nappes criées, produites au hachoir. ALtar of flies se rapprocherait presque des travaux industriels originels, avec une predilection pour les ambiances apocalyptiques de Boyd rice, parsemées d'explosions rituelles. Surprenant, ce vandale. Favori. (ideal Recordings)

jeudi 27 mai 2010

Malnoïa - Surface of Arts

Malnoïa me rappelle les on dits sur les web designeurs et autres graphistes. C'est d'ailleurs pas forcément faux à la vue de l'artwork, millimétré et diablement deshumanisé. Epuré au maximum, ne laissant pas baver une seule couleur, ne laissant jamais un écart dans le titre des chansons au dos, bien encastré dans son clinique fourreau blanc. L'¡mage du graphiste un peu frigide, complétement perfectionniste et aux limites du maniaque (vous vous souvenez de cette série policière, Monk?). A noter que c'est la première pochette qui se fond entiérement avec l'arrière de notre joli blog (à croire qu'à donner des leçons on ferait mieux de regarder sous son toit).
Et les premières écoutes de ce disque révèlent un peu ce même défaut issu d'une qualité: le perfectionnisme à outrance. Du coup le premier voyage en devient trop guidé et on a l'impression de se faire macher l'écoute par leurs concepteurs. Tout y est bien à sa place, rien de froissé, dans une musique se voulant contemporaine dans sa vision d'une pop électronique douce fleurtant avec certains accents néoclassiques. Au début c'est limite vomitif, dans les pires aspects de ce que pourrait livrer Saycet sur son dernier effort, comme si les les auteurs nous livraient un moelleux au chocolat en faisant d'abord cuire les oeufs en omelette.
Et pourtant avec les écoutes, ce disque libère de son hermetisme emotionnel, se fait plus intimiste et plus vivant, et là ou on voyait un professionalisme cul serré au début, on finit par se retrouver avec un tout autre disque bien plus vivant, plus passionné même, aux confluents de quantités d'influences, mais qui de par le format reste une pop aventureuse, en héritiers de radiohead (à comprendre, un groupe de pop/rock grand public capable de digérer des musiques dites expérimentales et de les faire avaler à tout le monde, dans un format pelote de régurgitation). Quelque chose de foncièrement français, de presque cabaret, qui au final dévoile une fresque, un manège qui tourne au gré des pianos, des voix feutrées, des effets ambiancés. La musique de Malnoïa est peut être trop ambitieuse, parfois même prétentieuse, mais se transforme au final en un cocon de sons propices à se lover. Dommage que l'hiver soit fini. (la maison records)

MELVINS- Sludge glamorous


Un nouvel énième album arrive, et on peut déja prévoir que les mécontents vont se faire légion, probablement ceux qui pestaient déja lors de la sortie du précédent,protestant que les Melvins se foutent de leur gueule alors que de toute évidence ils ont attraper l'intégrale il y'a moins de 4 ans (aucun mal à cela), et en faisant comme si on les obligeait à écouter leurs disques. On verra quand on l'aura, mais en attendant, le groupe commercialise gentiment un vinyle limité. Bel objet, qui semble confectionné en collage, et qui renferme 3 morceaux. Attrape-cons, aucun inédit, avec un remix, une version rallongé (dies irae) et une reprise. Au vu du prix, on pourrait trouver cela superflue si en plus de l'objet (12 pouces gris marbré), la reprise (disponible aussi sur Electroretard, qui vaut un rein) ne proposait tout simplement pas la quintessence du style Melvins: basse qui ramone, grâce à ce vieux vicelard de Rutmanis, le riff parfait et entêtant, et Crover l'increvable qui bourre la buche avec feeling et puissance. Cher aujourd'hui, il le sera d'avantage dans 10 ans, quand on redécouvrira le groupe.

samedi 22 mai 2010

As the stars Fall - Tempus Fugit

Le plus dur c'est de commencer. As the stars fall est un trio, qui est connu pour sous le nom de Medeline et ils ont bossé avec La fonky Family, Booba, Soprano et Rohff). Si faire une chronique pouvait s'accompagner de rire sitcoms, c'est içi que je balancerais les premiers. Car il s'agit d'un disque de post rock. (deuxième semonce de rires). Pour les troisièmes rires aux éclats, le plus simple sera de citer nos intellectuels en herbe, nos poètes anonymes:
"Traversant la vie sans but
Les yeux tournés vers les étoiles
à la recherche d'une réponse qui n'existe pas,
Impassible témoins de notre propre existence
Des rêves de routes désertées, d'arbres sans vie
de rivières emprisonnées dans la glace,
Mémoires d'un amour depuis longtemps disparu
Le temps lentement s'écoule
Détruisant irremédiablement tout ce que l'on connait."
En gros le tout s'annoncait délectable, des types qui ont collaboré avec Booba and co, qui font du post rock et qui griffonent des poèmes bons à terminer sur le skyblog de couette couette. Pourtant il faut avouer que c'est plutot carrément pas mal foutu. Alors ça tombe facilement dans l'écueil des musiques instrumentales un peu trop tire larmes, débordant de pathos (et en laissant trainer un peu partout, quitte à devenir envahissant), mais certains plans sont pas trop racoleurs, notamment au niveau rythmique. Les morceaux sont sufisamment courts pour pas sombrer dans l'ennui profond à la Explosions in the Sky (ce à quoi les arpèges me font inévitablement penser). Là où As the stars fall réussit, ce n'est ni dans la poésie (sic), ni dans les pianos entrelacés plagiant clairement les pires BO de Glass (The hours), ni dans les arpèges de guitare résolument chiants, mais dans une vision assez filmesque de sa musique, assez panoramique. Alors il y a de quoi rigoler, beaucoup de choses en trop, d'effets de cordes foutrement hilarants, mais certaines percus, certains touches electronica assez enfantines restent pas mal senties. Au dela de leur musique, on voit sur leur blog que la photo leur réussit bien mieux. Ils savent comment se recycler. Un bon conseil, évitez le recueil de poésies! (both sides)

Hint Versus Ez3iel - Collision tour 2009

On entend beaucoup ici et ailleurs (même dans l'objet ici présent) que Hint et Ez3kiel seraient comme deux frères jumeaux séparés à la naissance. On le lit un peu partout dans les billets qui parsèment le web. Pourtant c'est faux. Si Hint fait partie du paysage musical français, et est une influence indéniable pour toute une frange de la scène, ayant livré une musique protéiforme et évolutive tout au long de sa carrière, le groupe n'a pas à priori d'affiliations avec Ez3kiel. En cherchant bien on pourrait trouver de légères sonorités sur Wu Wei, un peu world, un peu ethnique, un peu dub, un peu jazzy, qui seraient de claires influences pour le son d'ez3kiel. Mais non. La seule chose qui rapproche ces groupes est un son unique s'abbreuvant des musiques et de certains couranta pour livrer une mixture typiquement française. Oui, je reprends les mots de mon collègue pour sa chronique du 93-99 de Hint car c'est vrai. Leur son a quelque chose de typiquement français, tout en s'abbreuvant de quantités d'influences. Cette collision en est donc vraiment une et se veut le témoignage d'une tournée un peu spéciale lors de laquelle deux mondes musicaux se sont rencontrés pour créer une alchimie. On peut remercier Jarring effect d'ailleurs de s'atteler à la tache de redonner des lettres de gloire à ce groupe beaucoup trop mesestimé, aux albums beaucoup trop durs à dénicher avec d'abord ce double disque compilant une bonne partie de leur carrière et maintenant cette idée de collaboration live. Un disque qui est un réel témoignage de ceux que sont leurs concerts, vu que la tracklist est peu variable (oui, essayez en un temps record dadapter des morceaux normalement taillés pour deux à une petite dizaine de personnes). Un coffret luxuriant d'ailleurs (Jarring effect fait des objets de plus en plus fréquentables et généreux) avec sur le premier disque le live audio, decliné dans sa version visuelle sur le DVD. Pléthores de bonus sur celui ci, d'abord avec un documentaire d'une petite heure retracant la tournée, plutot interessant, avec un parti pris de mettre l'accent sur l'aventure humaine qu'était cette rencontre. On y trouve aussi un mini documentaire dédié à Hint, ses débuts, ses choix scéniques, sa rencontre avec Unsane (et ouais!) et deux clips (Foetus Anxiety et Lady of Pain).
Que dire de ce long live sinon qu'il est juste. Communicatif de par des morceaux fleuves qui s'articulent autour des guitares, portées par claviers, xylo, une basse dub, rehaussé par des cuivres (notamment des trompettes souvent magnifiques, je pense à ce 100% White puzzle rappelant les sonorités de Carnivale, ou à cette envolée sur The wedding). Une rencontre, une collision qui explore la piste amicale en laissant tour à tour la balle dans le camp d'un groupe. La tracklist est équilibrée (et pour ez3kiel le dernier album beaucoup plus vengeur Battlefields prend tout son sens lors de cette collaboration avec Hint, les accents noise et industriels bien plus mis en avant) et s'articule autour d'une reprise de Chinatown des Bastard, plus un hommage q'un réel pied de nez. Les morceaux de Hint gagnent en parcimonie, en effets variés, en douceur tandis qu'ez3kiel laisse libre cours au chaos que peut sous tendre sa musique, comme galvanisé par la présence sur scène de ces deux artisans de la scène française. La puissance rock de Hint se marie à merveille avec la fragilité habituelle de la musique d'ez3kiel et certains grands moments de bravoure sont palpables (flexible d'une puissance exacerbée, ou encore volfoni's revenge qui prend enfin tout son sens). Du coup on en vient à espérer qu'hint sorte de son silence discographique. (Jarring Effect)

Cathedral - The Guessing Game

Cathedral n'a jamais aussi bien porté son nom. Commençons dejà par cet artwork, la pochette n'étant qu'un bref aperçu de la fresque entière présente dans le disque. Honteusement plagiée des travaux de Jérome Bosch certes, mais magnifique, au message fort, une humanité enfermé dans une toile, une humanité colorée aux présages idylliques, avec un fort caractère édenique entouré d'une laideur insectoide et cybernétique. On se perd déjà dans cette fresque ambitieuse, aux couleurs hippies. C'est un peu pareil pour ce double album fleuve, constitué de deux versants d'une durée héritière des grands albums psychédéliques, qui rend les deux bords complètement digestes pris séparément. C'est aussi et surement le meilleur disque qu'a composé et écrit Cathedral. Un groupe dans la plus pure maitrise de sa musique, de ses influences et dans sa manière de déglutir leur son. Un groupe toujours fasciné par les riffs sabbathiques lourds et à la fois mélodiques, mais un groupe qui lorgne bien plus vers le rock dans son intégralité, vers le rock des années 70 d'ailleurs. Quelque chose de royal, du genre In the court of the crimson King dans les sonorités, (impression surement renforcée par quelques choix instrumentaux), dans cette mélancolie et cette découpe des morceaux assez folle, mais quelque chose de foutrement rock en soi, et de surprenant de bout en bout. On pourrait citer les claviers kitshouilles qui supplantent un riff, les solis qui débarquent sans aucune raison (et sans jamais trop en faire). On pourrait parler de Lee Dorian au sommet de sa forme qui élargit le spectre du chant pour se fondre avec la varieté de sa musique, ironique parfois même, pleins de clins d'oeils. Mais dans le fond la seule chose qui nous rassure avec ce double album, c'est que ça faisait bien longtemps qu'un album dit métal (par l'héritier et à la fois le fondateur de la scène stoner doom si insipide actuellement) n'avait pas été si intelligamment orchestré et si passionant de bout en bout. Ça foisonne, ca éclot, ça grandit et c'est exponentiel. C'est une fresque musicale.

jeudi 20 mai 2010

PROPELLERHEADS-Decksandrumsandrockandroll


Devenu l'icône sonore des scènes de "bullet-time" en même temps que ZE morceau sur la BO du calamiteux Matrix, Propellerheads est aussi un de ces groupes qui n'aura sorti qu'un album avant de disparaitre. Formé au milieu des années 90, les Propellerheads était un groupe typique des années 90, proposant une musique au croisement de plusieurs autres, et qui affublé de quelques gimmicks qu'on rattacha rapidement au "big beat" n'en était pourtant pas moins originale et définitivement hors de toute catégorisation possible. Du big beat ils n'en avaient rien, si ce n'est la mixture effective-de toute façon cette étiquette n'a jamais eu de sens, puisque les apotres du genre ont depuis longtemps prouvé son invalidité, laissant les tour de passe-passe "on rigole à la plage" au miteux fat Boy Slim et son dancefloor dans le sable,(et "...at the boutique")- du hip hop, de l'électronique émergeante par tous les pores de la peau de la musique de l'époque, et du rock, cet éternel chien galeux qui revient toujours d'une manière ou d'une autre. Duo mystérieux, les Props ont créée l'engouement suite à leur création en balançant quelques lives mémorables lors de différents festivals ou autres venues. Will White, DJ et batteur s'associe à Alex Gifford, clavériste, bassiste et DJ également, de 10 ans son ainé, et soit-disant ancien membre des Stranglers. De concerts explosifs, le duo passe le cap de l'enregistrement avec brio via quelques EP puis l'album, la réussite qui permet aussi de voir le taux d'alcool dans le sang quand vient la difficile étape d'écrire sans faute le titre-remplaçant le "sex" en "decks", comme pour montrer qu'il n'y a rien entre ces deux là.
Ne samplant que d'infimes parties des disques qu'ils chérissent, les deux Props passent de nombreuses heures à dessiner les grandes lignes de leur musique via d'énormes improvisations, qui seront ensuite triturées à l'extrême en studio, utilisant par là une méthode très similaire à celle usé par Massive Attack sur Mezzanine. Si stylistiquement nous sommes aux antipodes du collectif de Bristol, l'épaisseur du son fait trait commun. Les batteries ont une âme, leur propre grain se renouvelle à chaque morceau tout en gardant une identité propre. Les basses, alternativement composé aux clavier et à la basse 4 cordes ondule entre les sons crasseux de l'analogique chérie et des tensions rock/jazz. Les grooves poisseux ne seraient rien sans les scratchs, habilement exécuté par White la plupart du temps, et surtout sans les claviers de piano vintage, de Hammond ou Rhodes que Gifford plaque.
Take Califronia résume et plonge directement l'auditeur dans ce qu'est Decksandrumsandrockanroll: une rythmique soutenue, enivrante, vrillé par les coupures de fréquence des machines, habillé par la richesses des samples. Comme beaucoup, les Props utilisent, à défaut de piller des disques, samplent énormément de vieux films, de vieux passages radio, donnant au disque un coté encore plus ancré dans les années 50-60, celle des vestes en tweed, des espions, des chapeaux et des premières heures de Peter Parker-ouvrez un comic Marvel des 60's et vous y êtes. Antipop Consortium avait marqué les esprits en basant un de ses morceaux sur le rythme d'une balle de Ping pong, Propellerheads utilisait 5 ans auparavant un procédé similaire en articulant une batterie sur le rythme d'un skate passant d'un coté à l'autre d'une rampe sur "oh yeah?". Le duo, pour son album, ne souhaitait avoir que 3 invités: Mike D des Beastie Boys, Lemmy de Mötorhead, et Shirley Bassey. Seule cette dernière eut le temps de répondre favorablement au duo et effectua donc le célébrissime History Repeating avec eux. Plongé dans un jazz Bond-ien à cantatrice pour bar enfumée de 5 minutes, coup de maitre, le clip passe en "heavy rotation" en 98. Sur "Bang On!", le duo effectue le morceau le plus teigneux du disque, véritable pièce maitresse d'une Techno Rock en plein boom, pourtant d'une simplicité déconcertante. La pépite du disque est, étonnament, une reprise. Non pas que les Propellerheads aient été incapable de composer quoi que ce soit d'inoubliable, mais le travail d'orchestration et la confrontation sympahonique/electronique fait ici des merveilles: "On her majesty secret service" est une relecture en 3 mouvements d'un thème de James Bond. Le groove infectieux se plonge dans un épais tissu d'instruments traditionnels. Chef d'Oeuvre, la collision des deux mondes est puissante, luxuriante, brillante. Tout parait bien fade juste derrière.
L'année d'après, sort un EP, qui collecte deux inédits, dont un avec les Jungle Bros (on en reparlera), et une relecture de "Oh Yeah?" accompagné de De La Soul. Will White ne se sentant pas bien, il laisse son comparse s'occuper seul de la promo, qui explique (à la presse et dans un des morceaux où il pose sa voix) que le groupe reviendra bientôt après un break. 12 ans plus tard, malheureusement, les Props ne sont jamais réapparus...et c'est peut-être mieux ainsi; le groupe laissant très peu de traces de son existence, quasiment aucune vidéo existante relatant leurs concerts (si ce n'est une performance à NPA récemment déposé sur le tube ). Decksandrumsandrockandroll est un magnifique album, une réussite totale, une cathédrale sonore où chaque détail est dissimulé, mais ne cesse de se dévoiler avec le temps. Certainement marqué par son époque, on se plait à croire que le groupe ne pourrait faire mieux, même si une reformation était envisageable (ce qui ne semble pas être le cas). Demeure ce seul disque, qui reste inépuisable...et probablement impbattable pour ses géniteurs.

SNOT-Get Some


Pratiquement tous ceux qui n'étaient pas allergiques au nouveau son californien (Sacramento, Bakersfield toussa) des années 90 se souviennent ému du seul album de Snot (à ce jour). Ranger rapidement dans le même placard que leurs potes de scène, Snot n'avait pourtant strictement rien à voir avec eux. Si comme beaucoup d'autres, l'aspect sympathique de leur musique et franchement inoffensive était partagé, c'est bien là le seul point commun que le groupe au nom le plus crétin de l'époque (même Bloodhound gang n'avait pas osé) pouvait se trouver avec eux. Associé un peu brusquement au néo metal, Snot n'en a pourtant aucun attribut. Pas de fanatiques de la 7 cordes et du multi effet, ni de la basse désaccordée, et encore moins de samples, de scratch ou de la moindre trace de hip hop. Plus ou moins descendant des lamentables Ugly Kid Joe (en fait le seul lien est Larkin, premier batteur de Snot) le quintet de Santa Barbara revendique le funk blanc des Beastie Boys, le punk croisé des Bad Brains, et l'influence omniprésente de Suicidal Tendencies. Le mixage de tout cela donne un groupe unique à l'époque. Deux guitaristes plutôt orientés sur la puissance du champs en stéréo, jouant sur l'ampli plutôt que sur la pédale font le gros du travail mélodique, tout en axant le détail de la 6 cordes sur l'utilisation massive de la wahwah, crédibilité funk s'il en est. John "Tumor" Fahnestock n'a rien à voir avec l'ensemble des bassistes avec qui il partage la scène: fanatique de punk, le son qu'il délivre est ample, puissant, et n'est pas sans rappeler les lignes du hardcore américain ou suédois. Musicalement, Snot aurait probablement été totalement anodin sans la présence de Jamie Miller à la batterie. Extrêmement précis, de par un accordage rigoureux de ses toms et une sélection intelligente du kit, Miller étonne. Roulements improbables, groove permanent, capable de couvrir aussi aisément de purs passages de funk psychés que des accélérations punks sans faille, Miller s'impose comme un des architectes principaux de Snot. Mais surtout, ce qui a imposé le groupe fut son chanteur. Lynn Strait alternant récit de société et conneries royales déploie une voix puissante, qui joue dans la même cour qu'un Chris Spencer (pourtant, rien à voir): à mi chemin entre le hurlement et le crie, Strait est toujours dans la capacité de moduler sa voix vers quelque chose de mélodique (essaye de chanter en gueulant toi, voir). Après 3 démos, Snot sort en 97 ce seul album avec ce line up. De façon assez surprenante, le groupe est capable de brasser différents aspects de sa musique sans jamais se dénaturer. Egaré dans le funk instrumental malade, grouillant de couïnements de guitares dilués dans le rythme, les 5 offrent une série de pauses entre ces salves qui savent prendre la forme d'un métal plombé, comme sur l'excellent et très réussi "I jus lie" ou celle d'un punk à moulinets maitrisé, "pointing finger & sing along". Mais définitivement, bien qu'attirant des groupes comme Coal Chamber, Soulfly ou System of a Down, Snot reste seul et éloigné dans ce microcosme. L'ironie crasse et amer de l'histoire, c'est le son d'un terrible accident de voiture qui conclue "Joy Ride", et qui 1 an plus tard, alors que le groupe termine son deuxième album, se métamorphose en tragédie en otant la vie de Strait et de son chien, mascotte et modèle de la pochette de Get Some, entrainant logiquement la fin du groupe, un tribute salement médiocre, un concert (snot alive!) puis une reformation 10 ans après le décès de Strait -avant que le groupe ait eu le temps de traverser les océans, car "vive la fuckin' France, man!". Cette dernière prend d'ailleurs des allures de mauvaises blagues quand, après avoir présenté un nouveau chanteur, les voilà déja avec un nouveau nom (Tons) et les départs du remplaçant, comme celui de Sony Mayo, qui en fait probablement à ce jour le musicien qui a quitté le plus de groupes aux Etats Unis avec Joe Preston: Mayo avait déja quitté Snot en 98, mais aussi Hed PE, Amen, Sevendust, Vanilla Ice ...Entre temps, Doling assura les guitares dans Soulfly, Miller passa aux guitares et aux claviers dans un groupe plus new wave (avec Aimee Echo de Human Waste Project,et Mike Smith, remplaçant de Mayo puis de Borland dans le biscuit mou), the Start; Tumor jouant également dans Amen mais aussi Mothra et Noise Within. A l'écoute des bandes du second album qui ont filtrées à travers les projets posthumes, force est de constater que Snot avait de grandes chances, sans la perte de Strait, de devenir un imposant groupe de punk teigneux. Reste cet album, un peu unique, à qui il manquera toujours une suite, et aussi, surtout, une voix.

lundi 17 mai 2010

BEAK>-Beak>


Quand Barrow a du temps libre, entre deux tournées (le truc qui veut rien dire sachant qu'entre les deux dernière tournées il s'est passé 10 ans), il monte un label ou fait un groupe avec des potes. Les deux sont subtilement combinés ici pour ce premier album de Beak>, projet ou le pousse-disque de Portishead passe à la batterie accompagné d'un clavériste et d'un guitariste. Barrow, comme Utley, s'est passioné pour le doom et le krautorck, au point de dénaturer complètement Portishead. Le problème c'est que ce qui s'apparentait à de l'audace commence de plus en plus à ressembler à un acharnement stylistique opportuniste et vulgaire. Le titre pour Amnesty international sorti récemment du groupe de Bristol a tendance à révéler un groupe qui commence à en faire un peu trop dans le "regardez moi comme je suis crédible". En attendant, Beak> s'illustre comme l'essai un peu graveleux, un peu pute. Néanmoins, on ne pourra taxer Barrow de vouloir se faire du fric car clairement, Beak> ne gonflera pas considérablement son compte en banque. Beak> se contentera juste d'être un peu maladroit, un peu simple, et peu convainquant. Allant du rock minimaliste très germanique dans l'intention à des envolées plus bruyantes ou parfois même se rapprochant des terrains de chasse d'un Mogwai, le trio brasse un ensemble de sous-genre assez vaste tout en restant très spécialisé. Et si "3" était très réussi, Beak>, ne pouvant échapper à la comparaison, peine à convaincre.

dimanche 16 mai 2010

Twin pricks - Young at Heart (CKK008)

C'est fou comme des fois on se dit que l'on est pas objectifs. Puis on se souvient rapidement que de toute façon c'est le but d'un tel article, d'un tel blog, d'une telle passion. Ce qu'on livre à travers ces brèves de comptoirs parfois imbibées, parfois complètement maitrisées, ce sont des tranches de cœur. Des tranches d'émotions emballées, des amours, des coups de gueule. C'est un peu pareil que Twin Pricks finalement. Ces deux gars là sont des rescapés de Dead for a minute (vous avez pas fini d'en entendre parler), Meny Hellkin plus récemment, et sont en plus signés Chez Kito Kat. Ce disque est à Dead for a Minute ce que Pennac est à Debord. Cette même sensation que lorsque j'avais une dizaine d'années, et que je découvrais l'œil du loup, dans un émerveillement qui fait voyager sans bien comprendre pourquoi. D'ailleurs il est possible que Flo et Geo (oui, pourquoi seulement l'ami Trouvetout du duo aurait droit à un surnom finalement?) aient senti cette même flamme et cette même verve en composant ces cinq morceaux qui composent l'ep. Une sorte de régression en hommage. Comme si toute cette pop, cette folk, cet émo (ouais le nom est lâché, vous pouvez déglutir) qu'ils avaient bouffé avaient fini par ressortir dans ces périodes de vide où seuls avec leur vieille pile de disques et du temps à tuer ils avaient décidé d'exorciser un vieux démon. Et grand bien leur en prend. A l'heure où quantités de types ne sont pas foutus d'évoluer, de faire tourner leur musique autant que les disques s'écoulent dans leurs oreilles, Twin Pricks est un caprice d'adultes. De ceux qui sont plein d'humilité. Que cette feuille promo putassière brûle en enfer, et que l'on ne me parle pas des Get up Kids (c'est leur retour cette année, sic!), mais que l'on crie plutôt le nom de Jonah Matranga, ce type passe partout qui a fourré son nez dans la scène émo comme dans la scène post hardcore pour livrer des projets plus folk, ce type qui au final n'aura eu pour ligne directrice que l'authenticité de ses œuvres et leur continuité (et ouais c'est aussi le retour de Far).
Et on est servi du début à la fin, avec cette naïveté pop adolescente, ces paroles qui frôlent la mièvrerie bon enfant, ces mélodies et ces rythmes sucrés et ces arrangements douceureux. On erre dans un héritage pop 90's, une pop humble, qui chante une période de nous et ravive quantités de choses enfouies (Lily des Smashing Pumpkins). Les voix se passent peu à peu le flambeau, toujours proches de la cassure (on se prend à entonner le refrain de IRT j'imagine pour I Refuse To Follow), pour reprendre certaines paroles à deux, emportées par un riffing d'une rare justesse. Production claire, parfois proche d'un home studio d'Ellioth Smith (Twin Freaks) qui se terminera dans un dernier morceau fleuve plus que touchant, madeleine pop comme l'on aimerait consommer plus souvent. Merci.
Question résiduelle: lequel des deux n'a pas pu s'enfiler le pilote de Twin Peaks? (Chez Kito Kat) http://www.myspace.com/wearetwinpricks

Jamie Lidell - Compass

Jamie Lidell est au croisement d'un joli pot pourri entre hype, artistes et ébullition d'un son moderne. En les balançant au hasard, on naviguerait entre Beck, Wilco, Feist pour les collaborateurs plus connus, autant dire pas de réjouissances à priori. Simplement ce type là est signé chez Warp et livre sa vision d'une Soul moderne, teintée de funk, de rock et d'une production électronique. Ses morceaux sont fleuves, libérant quantités de rythmes, appelant à un grand nombre d'influences de « black music » au cours d'un même morceau. Les chansons sont souvent éclatées et les choix sonores rendent le tout étrangement très rock, loin des disques les plus froids et cliniques produits par Warp. Un côté moderne est présent dans ce disque, pas très loin des excellents Tv on The Radio, dans cette façon de livrer un Melting pot d'influences tout à fait inédit et de maitriser des constructions complètement éclatées. Pour faire simple la rythmique est toujours sèche, que ce soit au niveau percussif qu'au niveau des lignes de basse toujours enlevées. Par dessus se rajoutent claviers (de tous types, brassant une quantités d'influences évidente), quelques guitares, et cette voix qui n'en peut plus de descendre dans tous les déhanchements possibles, à la fois pleine d'âme (facile pour l'influence Soul) mais n'hésitant pas à monter dans certaines contrées Gospel. Voix assez folle d'ailleurs, qui même si elle en fait surement trop (le chanteur de Tv on the radio m'a d'abord énervé avant de me conquérir) arrive à remplir l'espace à elle toute seule par pleins de moments et à se faire écho à soi même pour créer des phrases musicales qui permettront à l'évolution d'une chanson. Après, le disque est peut être un peu long, pour déceler toutes les nuances qu'il recèle et rester accroché du début à la fin. Certains passages sont clairement en trop, notamment l'utilisation de l'acoustique ou certaines phases trop pompeuse tous cuivres et cordes sorties. (Warp)

mardi 11 mai 2010

Emeralds - Does it Look like I'm Here?

Ne pas s'attendre du tout à ça. Voila comment les affiliations font un travail de désinformation des fois, tout comme le feront ces billets d'ailleurs. Voila bien la limite qu'a l'information musicale. Emeralds que je croyais affilié à Robedoor, Robedoor qui m'avait rebuté au point que je suis passé largement à côté d'un dernier album (qui semblerait en soit plutot bon). Une scène américaine arty, pleine de drones et se voulant héritière du psychédélisme 70's, avec des affiliations aux musiques expérimentales modernes hype (à comprendre kraut et drone), voila ce que Robedoor représente. Ces types ont tout de même l'air cools, dans leur façon de vouer un culte à l'objet qu'ils distribuent, en le confectionnant de leurs petites mains délicates et en gérant leur back catalogue comme ils le peuvent. C'est pour cela qu'au départ je ne savais même pas si on avait à faire là au même groupe, signé chez Mego, le label de Peter Rebherg, excellent choix de musiques électroniques déviantes, propices aux expérimentations tout en gardant une douceur et une chaleur propre. Fennesz en gros représentant de ce catalogue assez fascinant, livrant disques ambiant epurés, glitchs controlés et peignant des paysages toujours différents, aux albums avec des connotations saisonnières. On pense aussi à Daniel Menche, plus agressif et jusqu'au boutiste dans son jeu avec les machines (Animality chroniqué ci bas). Effectivement, on a toujours pas la certitude que ce groupe est le même, vu qu'Emeralds est un patronyme douteux que beaucoup peuvent utiliser comme blaze. Il y a fort à parier vu les relents narcotiques et psychédéliques que ce disque recèle que l'on parle bien des mêmes gaziers. Au Mastering, James Plotkin et vu ses différents remix ou ses aptitudes à bidouiller le son pour scorn, KK Null ou même sunnO))) (officiant dans les morts Khanate), le son est en effet massif et immersif. Un épopée fantastique, une chevauchée dans des contrées célestes, remplies de mélodies d'outre monde soutenues par des synthés cosmiques et des pads de guitares (j'imagine) leur permettant de traiter le son d'une manière beaucoup plus spatiale. Deuxième surprise, les morceaux sont courts, là où ces groupes arty nous avaient habitués à des disques à un ou deux morceaux longs (et souvent chiants), ici retour aux fondamentaux psychédéliques, sans intros qui triture des drones imbitables. On enfourche directement sa monture pour s'échapper dans des sonorités proches d'une Musique électronique triturée, une mélopée folle (ash ra Temple). Au milieu, un morceau de bravoure, le seul s'échappant au dessus des 10 minutes, combat de titans entre un riffing de clavier (oui oui) et une guitare aqueuse que l'on ne reconnait plus du tout. Does it look like I'm here est un vrai renouveau psychédélique, un disque électronique lumineux truffé de mélodies qui invite foutrement plus au voyage que certains drones irrespectueux. (eMEGO)

RAF & O- A giant in the snow


Oh! En foutant trop de sucre, tout devient vite écoeurant. Tout juste: Raf & O gagnerait à se débarrasser de cette chanteuse qui en fait des caisses, chante des conneries ("Si notre amour se mangeait, il n'y aurait plus de famine", en gros, et au hasard), se prend pour une grande créatrice lyrique. Quelques structures et sonorités intéressantes se retrouvent massacrées par l'enrobage indigeste. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir une Fever Ray, une MIA, une PJ Harvey, une Matrina Topley Bird (pour en nommer quelques unes) dans ses amies. Par contre, Raf & O démontre que tout le monde connait une fille rencontrée dans une chorale municipale. Même la pochette mal photoshopée (v. Se dit de ce qui est réalisé sous photoshop tm.) ne peut rattraper le coup.

ELEH-Location Momentum


Autrefois chez Important Records, Eleh passe pour la première fois sur Touch au format album avec cette nouvelle exploration sonique. Ne faisant pas tache au milieu des autres artistes du label, la musique est minimale, abstraite, et basée sur l'exploration du son, en particulier, si j'ai bien compris, celle de machines analogiques. L'album commence comme un désastreux foutage de gueule, le premier morceau étant un simple drone synthétique sans la moindre variation jusqu'à la toute fin, où le ton diminue. On se dit que celui-ci pousse le concept un peu trop loin. Pourtant, passée cette entrée en matière quelque peu insultante ou au moins érintante, les longues dérives sonores prennent de l'ampleur, et ne succombent sous le poids d'une experimentation vaine. En étant franchement plus électronique, on se surprend (du moins pour ma part) à y entendre une résonance au Salt Marie Celeste de NWW, lointaine et minimale. Pas la meilleur sortie Touch, une exploration plutôt agréable néanmoins.

jeudi 6 mai 2010

Frank Bretschneider – EXP

Lorsqu'on insère un disque de chez Raster Noton dans son lecteur, on sait en général à quoi s'attendre. Sur EXP le travail semble être microscopique dans la plus pure tradition Ikeda, ou Alva Noto. Le projet s'étale sur un double disque, d'un côté la musique, de l'autre un visuel voulant rendre grâce au mouvement de la musique de Bretschneider. Musicalement, EXP s'apparente à un pur essai de collage sonores des plus épurés aux plus frontaux, comme si la musique en soi n'était qu'un résultat abstrait des machines. 35 pièces pour autant de morceaux, purement électronique et protéiformes. Plus rien d'humain ne semble composer les données brutes que sont les différents assauts de Bretschneider et chaque tonalité, fréquence, intensité, crépitement (appelez ça comme vous voudrez) exige à elle seule le changement de morceaux. Raster Noton semble livrer des objets de plus en plus extrêmes quant aux choix des sons et à l'agencement de ceux là. Là ou Byetone par exemple livre une version dancefloor d'une musique robotique, où le rythme prédomine avant tout, Bretschneider s'aventure plus dans des contrées de tiroirs caisse, où les divers glitchs et déformations soniques s'apparentent plus à un caprice technologique. Le constat c'est que le traitement que leur réserve l'homme derrière est clairement d'une justesse époustouflante, notamment dans les modulations de volumes ou encore dans l'organisation des mouvements qui évoluent vers quelque chose de beaucoup moins minimal au fur et à mesure. Plus que plusieurs découpages, c'est au final une entité vivante (pas forcément humaine certes) qui se déplace dans différentes fréquences, dans différents univers visuels et créent un mouvement. Là où Autechre par exemple apporte une chaleur à ses sons sur Oversteps, ce qui les rend directement plus humains, EXP est au contraire un ultime essai de déphasage cérébral tout en finesse (jamais les sonorités ne tombent dans le bruit brut), peignant contrées ambiant et ajoutant des coups de pinceaux sur une toile digitale où le peintre aurait buggué, et son programme empêcherait la cohérence apparente de son œuvre. La musique de EXP est géométrique, anguleuse dans sa façon frontale de jouer sur les volumes de et mettre en relief certains sons qui n'ont plus rien d'instrumentaux. Encore une œuvre totale, avec sa vidéo qui permet de visualiser la musique de Bretschneider comme un mouvement géométrique, une avancée des formes et un travail sur les fréquences purement arythmiques. (Raster Noton)

Rudi Zygadlo – Great Western Laymen

Ce qui gâche le plus cette mode dite dubstep, c'est qu'on en perd la qualité intrinsèque de certaines choses et ce côté hype n'est pas celui qui dérange (Burial me la fait toujours par exemple). Non, ce qui est dérangeant c'est d'en bouffer à toutes les sauces, comme un goût insidieux qui reste collé dans la bouche à n'importe quel plat. Il y a quelques temps c'était post machin qui revenait dans nos assiettes, et tous les groupes se sentaient obligés d'être post quelque chose sous prétexte de pas être has been. Maintenant c'est le contraire, il vaut mieux revenir à ses débuts old school pour ne pas être dépassé (plus true, plus réel sic!). On pense clairement aux sorties récentes de chez Ad Noiseam, toutes orientés dancefloor londonien en mal de sensations (je vous jure, si je faisais un tir groupé ça ferait mal à mon clavier).
Rudi Zygadlo aurait pu sortir un bon disque. On sent ce côté pop qui sauve le disque d'ailleurs, cette envie de balancer du tube, cette envie de chanter, de créer des canons pop. Quoi qu'on en dise, il y a une énorme influence Depeche Mode dans ce disque, dans une pop arrangée, une pop (homo)érotique pleine de manière, ces vocaux pleins de gel et ces synthés qui se transforment en claviers bardés de couleurs. Une pop électronisée maniérée pleine d'arrangements, qui fourmille de détails, avec cette teinte kitsh. Mais par dessus se profile une grosse dose de kick basse typiquement dite dubstep qui sort de nulle part et qui vient ravager les tubes pour les transformer en orgies hype party. Du coup le reste en devient agaçant derrière, et les sonorités raffinées qui auraient pu devenir de jolis canons synth pop bien ficelés (et nous faire oublier un dernier Depeche mode bien fade d'ailleurs) deviennent ennuyeuses et ce disque embarrassant. A l'arrivée Rudi Zygadlo et son disque sont drôles au mieux, complètement lourds au pire, surtout que c'est long. (Planet Mu)

mardi 4 mai 2010

Interview Florian Schall (Dead for a minute, Hyacinth, Meny Hellkin, Twin Pricks)

J'avais pleins de choses à raconter en introduction de ce billet, qui me tenait à coeur. Dead for a minute surtout, le groupe que j'ai usé à l'époque ou j'avais aucun revenu voire même pas de chéquier pour acheter un disque autre qu'en disquaire, à l'époque ou Union Of Uranus était mon truc fétiche. Puis Buddy Satan, un type qui trainait presque partout ou je trainais, que t'avais à la fois envie de claquer mais tu savais au fond qu'il jouait le même role que toi. Hyacinth, que j'ai moins apprécié, car découvert un peu tard surement mais après Meny Hellkin, que j'étais dégouté de voir mort. Florian Schall, quitte à lui faire gonfler les cheville est un type important (ouais c'est laché) du paysage musical français, activiste qui se nourrit de sa passion sans réellement chercher à obtenir des retours positifs, tant qu'il y a des retours. Du coup c'est avec plaisir que je poste ce billet, qui sera plus explicatif que mes mots maladroits, surtout qu'il a été généreux.

Salut, nos chemins se sont pas mal croisés sur le net, ça doit être ton coté nerd non ?

C’est vrai que j’aime bien squatter l’ordi. C’est un truc que je fais depuis que j’ai eu le malheur d’avoir un Amstrad CPC 6128 entre les mains. Je suis pas particulièrement fan de nouvelles technologies, je ne me tiens pas au courant de tout ce qui sort avant tout le monde. C’est juste mon outil de travail depuis que je bosse, donc fatalement… J’ai un Iphone maintenant, je fais souvent des surprises à mes amis sur Facebook quand je suis aux chiottes…

Avant de parler présent je voulais revenir sur pas mal de tes projets. Marrant car par exemple Dead for a minute est un des trucs que j’ai le plus usé quand j’écoutais que des musiques dites hardcore. Je trouvais que le groupe avait un grain particulier, et était particulièrement jusqu’au-boutiste. Je voudrais que tu reviennes dessus.

DFAM, c’est une des expériences musicales dont je suis le plus fier. On a démarré ça au lycée, juste une bande de potes ayant envie de jouer la musique qu’on bouffait par paquet de 100 disques à l’époque. Hardcore et métal pour commencer. Fin décembre 1998, on répète pour la première fois dans ma chambre, Geo passe devant ma fenêtre et intègre le groupe dix minutes plus tard. On fait nos premiers concerts à Metz et je crois que tout le monde s’en branle, alors on essaie d’aller voir ailleurs et là on se rend compte que ça a l’air de plaire. On aime bien jouer partout, on aime bien se faire mal, tout casser et faire le plus de bordel possible. On tâtonne un peu sur nos premiers disques, on expérimente sans trop savoir où on va, en évoluant au niveau de notre style à peu près tous les six mois. On fait notre toute première tournée en Allemagne avec Desiderata et c’est juste du bonheur (on joue dans un hôtel devant une personne et on passe la nuit à jouer aux quilles en se bourrant la gueule). On enregistre un split en rentrant, puis on s’attaque à l’écriture de Diégèse, notre dix pouces pour Shogun. On voit rouge, on veut que ce soit le truc le plus violent jamais enregistré. Je sais pas si on y est arrivé, en tout cas c’est le disque du groupe qui me plaît le plus. On repart en tournée avec Hot Scone, cette fois-ci. Les concerts sont sauvages et funs, on rencontre plein de gens (qui sont encore des potes aujourd’hui). On enregistre un nouveau split avec Submerge puis on décide de partir en Espagne avec eux. C’est la grosse tuerie, on s’amuse vraiment comme des fous, on prend goût au fait de partir en tournée. C’est aussi à ce moment-là qu’on décide de mettre fin à cette aventure. Geo a envie de passer à autre chose, on n’est pas tous d’accord avec lui mais on prend le parti de respecter sa décision. Pour moi, à partir du moment où tu remplaces une personne dans un groupe, celui-ci n’est plus le même. On pouvait pas continuer sous ce nom-là, même si ça commençait à « bien marcher » (on nous proposait des dates de plus en plus grosses, de plus en plus fréquemment, les disques circulaient un peu partout). On fait un dernier concert à Metz devant quasiment 400 personnes, peut-être l’expérience live la plus puissante de toute ma vie. On enregistre un dernier disque qui ne voit jamais le jour. Début avril 2003, fin de l’histoire. On se reforme pour les dix ans de Spiruline (asso DIY nancéienne) en 2007 et c’est fun, on joue n’importe comment, bon gros délire. Fin définitive de l’histoire. J’aurais énormément de choses à raconter sur ce groupe. Rien d’exceptionnel en même temps, juste des choses que d’autres groupes ont vécu, vivent et vivront encore. J’ai cependant l’impression qu’on était là au bon moment, qu’on a aidé à démarrer un truc qui vit encore aujourd’hui, c’est plutôt cool. Je dis ça en toute fausse modestie, hein. J’ai quand même le droit d’être fier d’au moins un truc que j’ai fait dans ma vie.

Puis Hyacinth, qui a eu un succès d’estime tout de même ou c’est juste parce que je traine trop sur le net ? C’est derrière toi tout ça ? Pourquoi ?

Je ne sais pas trop ce que tu appelles un succès d’estime (Ndlr: j'appelais par succès d'estime un succès de nerds mais qui au final ne s'est pas soldé dans la réalité par l'impression que ça donnait sur le net). Ce que je sais, en revanche, c’est qu’avec Hyacinth on a sorti un 7’ sur Alchimia (qu’on a en partie détruit, d’ailleurs), un 12’ sur Stonehenge et fait 4 tournées (dont 2 à l’étranger) en l’espace de 12 mois. Ca a plutôt bien bougé pour le groupe, les gens avaient l’air super enthousiastes (aussi bien pour la musique que notre démarche), puis on bénéficiait du délire d’ « ex-membres de » (Dead For A Minute, Desiderata, Short Supply, Cross Me, il y a 5 ans ces noms-là parlaient encore). C’est vrai aussi que ça s’est bien excité sur les messageboards (style Viva La Vinyl, Awesomeboard ou Emofrance). Je pense y être pour quelque chose, vu ma notoriété de rat de forum. Je pense aussi que la musique que l’on faisait (fortement inspirée par Union Of Uranus, Carol, Acme, Born Against et l’émo ricain des 90’s) jouait pour beaucoup dans cet enthousiasme (c’était un style un peu tombé en désuétude). J’ai beaucoup apprécié jouer dans ce groupe, musicalement c’était direct et violent, je passais à la guitare et je pouvais enfin me laisser aller à faire du métal sans qu’on me casse les couilles. Après, c’était un groupe d’individus avec de fortes personnalités, les clash d’idées et d’égos étaient nombreux et pas toujours bien gérés, c’est ce qui a un peu beaucoup précipité la fin du groupe (ça et donc la forte activité en l’espace d’un an). On est rentré de tournée complètement épuisé après avoir donné un concert vraiment chaotique au Luxembourg. On a tenté tant bien que mal de relancer la machine mais c’était foutu, les rancoeurs étaient trop fortes et le malaise bien installé. On a quand même tapé 2 dates 6 mois plus tard, histoire de. Dernier concert au Kafé Kult à Munich devant plein de gens, aucun pote présent. Triste. Depuis, les tensions se sont apaisées, on traîne plus ensemble comme avant étant donné que nos vies ont bien changé mais c’est cool, le fait de ne plus jouer avec ces personnes font que je les apprécie encore plus qu’avant, héhé. ‘fin, ce que je veux dire, c’est qu’on a fait le bon choix d’arrêter. Je pense pas qu’on reprenne un jour, de mon côté c’est définitivement derrière moi. Je n’exclue pas le fait de rejouer dans un groupe qui envoie du métal et de la violence. Avec Geo, on s’est dit qu’à 35 ans on aurait le droit.

Finalement Meny Hellkin, chroniqué dans ces pages. Peut-être que je me trompe mais j’ai la sensation que c’était super éphémère. Quelque chose de prévu avec MH prochainement ?

Meny Hellkin a démarré dans la foulée de Hyacinth. Ca me tenait très à cœur de jouer avec Julien et Christelle (anciennement Shall Not Kill et heureux fondateurs du label 213 Records) et de rejouer avec Geo (on s’était plus trop vu depuis la fin de DFAM). Le but du groupe c’était vraiment de ne se fixer aucune limite ainsi qu’aucune indication sur la musique que l’on devait faire. Jouer ce qui vient, expérimenter, essayer des choses, même si on se plante ou qu’on le fait mal. Pour ça que je m’étais mis au synthé (avec tout le succès qu’on ne connaît heureusement pas). On répétait à 4 au début, puis Alex (Gu Guai Xing Qiu) est venu nous prêter mains fortes à la batterie. Il nous a quitté un peu avant le premier concert, du coup c’est Fab (Hyacinth, Strong As Ten) qui a assuré les premières prestations live. Puis Alex est revenu, on a commencé à tourner (un peu) et enregistrer (beaucoup). Une démo, un LP et trois splits 7’ (avec les Bunch, Meths & Goats et The Ax). Un autre LP a été enregistré en collaboration avec Aghostino mais je ne sais pas s’il verra la lumière du jour. En revanche, un dernier split CD-R avec Dog Bless You (contenant un morceau commun ainsi qu’une reprise de 20 minutes du Set The Controls de Pink Floyd) doit sortir incessamment sous peu. On a donc, je pense, été très productif en matière d’enregistrement et de composition. En revanche, j’ai l’impression que les gens ont pas compris ce qu’on a essayé de faire. Peut-être qu’on le faisait mal ou que ce n’était pas le moment de le faire, je sais pas. J’ai senti une certaine forme d’indifférence polie à l’égard de la musique du groupe (hormis quelques amis qui trouvaient ça assez génial pour nous aider à sortir nos disques). On a fait une petite tournée en 2008 avec les Bunch, puis je me suis mis à bosser à l’Emile Vache, on a commencé à moins répéter (je ne sais pas si c’était de ma faute ou pas), Alex nous a à nouveau quitté. On a tenté de relancer la machine à 4 mais j’ai l’impression que la motivation n‘était plus aussi présente qu’avant. On a fait notre dernier concert à Besançon pour le Impure Fest de cette année. Une fin de groupe somme toute classique, dans l’indifférence générale. Maintenant, on me dit que c’est vachement bien et qu’on n’aurait jamais dû arrêter. Je sais. Fallait être là au bon moment.

On en vient donc à Twin Pricks, dont le disque (parle nous en d’ailleurs du format, c’est un 7’’ ?) sort d’ici peu chez Kito Kat. Une histoire humaine d’abord avec les Kito Kat ? Pourquoi tu as pris cette décision de faire un objet plus industriel que les autres sorties du label, cousues mains ? Quelles sont tes prétentions avec Twin Pricks ? On a cette sensation que tu t’assumes plus, tu chantes, tu épures ta musique, pourquoi arriver à ça maintenant ?

Twin Pricks est né il y a de ça quelques années, lorsqu’on Geo et moi nous sommes retrouvés autour d’un verre. On a toujours été des fans de pop, de soul, d’émo et de folk, de musiques tranquilles et accessibles (tout en adorant d’autres musiques, tout en en jouant des plus extrêmes). Geo me disait en délirant (à moitié) qu’il adorerait produire mon disque si jamais je me décidais à jouer seul. C’est une idée qui a fait son chemin dans nos têtes pendant quelques temps, je pense. Juste pas le bon moment à l’époque (encore). 2009. je bosse depuis 6 mois à l’Emile et je m’arrache les cheveux. Je parviens à faire en sorte que Geo intègre l’équipe et s’occupe du son pour les concerts. Du coup, on se retrouve à travailler ensemble et surtout constater qu’on a difficilement la possibilité de faire de la musique à côté. En revanche, on remarque qu’on a du temps à tuer les après-midi en attendant que les groupes arrivent pour les concerts du soir. On se met donc naturellement à discuter de l’éventualité de refaire quelque chose ensemble. On se fixe la deadline du 17 décembre 2009, date de notre première prestation scénique à l’Emile Vache. Ca se passe bien, on rigole comme des cons, les 30 minutes de set ressemblent plus à un sketch comique qu’à un concert mais c’est cool. On veut surtout éviter de se prendre la tête avec ce groupe. Dans la foulée on décide d’enregistrer 5 titres. On invite Sam (Chez Kito Kat) au studio. Il nous propose de nous le sortir. On est contents. On part sur l’idée d’un 7’ type single (un morceau par face) accompagné d’un CD regroupant les 5 morceaux de la session. On kiffe le vinyle depuis toujours, on sait aussi que le numérique est encore dans la place alors pourquoi pas proposer les deux formats au sein d‘un même disque (chose qui se fait de plus en plus, de toute façon) ?

Avec Sam, on se connaît depuis le lycée. On vient tous les 3 de la Vallée de l’Orne, y’a une espèce de lien indicible qui nous unit. Une espèce de fierté à la con. Je sais pas si tu vois ce que je veux dire. On parle d’une certaine manière, on réagit d’une certaine manière, on partage les mêmes souvenirs. Donc ouais. Y’a trois labels avec qui je nous voyais sortir un disque. 213 Records (des copains), T’As Voulu Voir Vesoul (un copain) et Chez Kito Kat. Sam s’est montré tout de suite intéressé, et pour nous c’était comme une évidence. Rombas, Vitry, Richemont, la vallée de l’Orne. 5-7 représente pour mes négros de l’usine. Puis j’aime beaucoup la démarche du label, cela va sans dire.

On a souhaité sortir un disque pressé avec une pochette faite de façon industrielle car c’était la seule façon de rendre justice à l’artwork qui avait été prévu à cet effet. On ne pouvait pas sérigraphier la pochette, beaucoup trop complexe. C’est vraiment la seule et unique raison. On travaille actuellement sur un projet de maxi pour la rentrée, celui-ci sera pour la peine complètement différent et adapté à une sortie plus artisanale (il a été pensé dans cette optique).

Je ne pense pas avoir de prétentions particulières avec Twin Pricks. Du moins autres que celles de jouer une musique qui me plaît, faire plein de concerts et rencontrer plein de gens, échanger avec elles et Geo, écrire des morceaux dont je peux être fier… j’ai jamais eu d’autres prétentions dans mes autres groupes non plus, j’ai jamais cherché à vouloir plus que ce que j’avais ou pouvais avoir, d’ailleurs. J’ai toujours aimé chanter (je fais ça depuis que j’ai dix ans), j’adore hurler aussi mais depuis Meny Hellkin j’assume vraiment ma voix claire, j’aime jouer avec elle, chercher des mélodies qui sont agréables à chanter… Je tiens à préciser que c’est bien Geo qui compose la musique dans Twin Pricks. Mon rôle est de lui apporter des idées de structure et d’arrangements (quand j’en ai), écrire les textes et les mélodies vocales. Sinon, tout le mérite lui revient. J’ai un projet solo dans lequel j’écris mes propres chansons. Ca s’appelle Trippy Eden. Un petit truc sans prétention, encore une fois. Si tu regardes la plupart des hardcoreux qui ont commencé à notre âge, aujourd’hui ils font tous des trucs plus épurés, plus calmes, plus minimalistes (ce n’est pas une généralité, je constate juste qu’il y en a beaucoup). C’est ce qu’on appelle la maturité. C’est une belle connerie, mieux vaut ne pas y penser et faire ce que tu aimes. Puis, comme je t’ai dit plus haut, à 35 ans je remonte un groupe pur violent histoire de se remettre dans le bain.

Florian Schall c’est aussi Buddy Satan, des fois je me demande si tu n’es pas un peu complètement schizophrène. L’impression de te voir un peu partout (blog de chroniques, distribution, programmation de concerts a l’Emile vache, promotion, quantités de projets). Explique moi un peu comment tu gères tout ça de front ? Tu es comme un chat, tu as plusieurs vies ?

Buddy Satan c’est une partie de moi. C’est mon avatar, la personne qui me représente sur Internet, sur les forums et sur mon blog. C’est un personnage que j’ai créé quand j’habitais encore chez mes parents, dans ma chambre. Buddy pour le côté copain et Satan pour le côté connard. A travers ses doigts, je peux me permettre de raconter des conneries plus grosses que moi, donner des avis pas forcément mesurés, faire chier le monde juste parce que ça me fait rigoler. Je sais pas si c’est de la schizophrénie. La semaine dernière, un mec réagissait encore à l’édito de mon blog en me disant qu’il était déçu, qu’il ne pensait pas que j’étais aussi blasé et cynique. Bien entendu, je peux l’être. Mais les gens qui me connaissent savent aussi que je suis naïf, joyeux et profondément optimiste. L’image que tu renvoies n’est pas forcément celle qui te définit véritablement. C’est vraiment juste une partie de toi. J’essaie d’être le moins manichéen possible, mais je ne peux empêcher les gens qui me lisent de me prendre pour la dernière des enflures ou le type le plus prétentieux du monde, étant donné que c’est l’image que je tiens à renvoyer par certains de mes écrits et réactions. Maintenant, étant donné que je fais aussi pas mal de promotion pour mon taf, la limite entre mon personnage et ce que je suis devient de plus en plus trouble (vu que je fais vachement moins le connard sur les forums par rapport à il y a quelques années).

On me voit partout parce que je squatte beaucoup l’ordi pour bosser et que je passe un temps certain sur la promotion de mes projets. Je publie des chroniques de disques tous les mois, faut que j’en fasse la promo. J’organise des concerts 4 fois par semaine, faut que j’en fasse la promo. Je joue dans un groupe, j’ai envie d’inviter les gens à les découvrir, faut donc que j’en fasse la promo. J’ai quantité de projets en cours, ça me bouffe un paquet de temps assez fou mais ça va, je crois que je m’en sors encore bien. En revanche, il est clair que ça me laisse beaucoup moins de temps pour m’occuper de ma vie privée, et ça me fait gravement chier. Je suis en train d’essayer de remédier à ça, passer plus de temps avec ma moitié et moins me laisser submerger par mon travail-passion. J’ai de la chance d’avoir rencontré une fille compréhensive et qui aime la musique autant que moi. Mais c’est clair que c’est pas évident tous les jours.

Concernant l’allusion au chat, je suis intimement persuadé d’avoir été félin dans une autre vie. Y’a des signes qui ne trompent pas (j’ai une tête de matou, je ronronne, j’aime bien passer mes journées à dormir).

Tu subsistes comment dans la vie pour pouvoir gérer tous ces projets ?

Je bosse donc en tant que programmateur à l’Emile Vache depuis décembre 2008. J’ai aussi un autre boulot en intérim (un jour par semaine) histoire de boucler mes fins de mois. Je suis archiviste sur le site d’Arcelor Mittal Gandrange, je prépare la fermeture définitive du site. C’est un boulot cool.

Je te lis depuis pas mal de temps sur Prententious Asshole, et j’en déduis une ligne directrice assez fun, avec pour caricaturer des gouts de black metalleux intello fan de pop sucré. Parle nous de tes gouts, mis à part Sade (tu as vu que chez nous aussi ça fait un tabac), The Gossip, Shining et The Austrasian Goat.

Mes goûts sont multiples. J’ai été sensibilisé très jeune à la musique dans sa diversité. Ca a commencé avec de la pop, du punk et de la new wave quand j’avais 4/5 ans, puis du métal vers l’âge de 10 ans. Un doigt de pied dans l’engrenage et c’est toute la jambe qui suit… J’ai découvert le hip hop à 12 ans, puis le néo métal et le hardcore à 15 ans. J’ai eu une petite période d’intégrisme musical à cette époque-là (tout ce qui ne sonnait pas comme Korn ou Sick Of It All, c’était de la grosse merde), puis je me suis rouvert à d’autres styles de musique vers mes 18 ans. Aujourd’hui, je ne me mets plus d’œillères en ce qui concerne la musique. Pour moi, c’est un langage. Afin de le comprendre, il faut pouvoir en saisir toutes les nuances. Bien entendu, il y a des styles que j’affectionne plus que d’autres, mais j’ai pas envie d’en bannir certains de ma construction culturelle sous prétexte qu’ils ne sont pas « musicalement corrects ». Pour moi, l’écoute du second Lindsay Lohan est tout aussi jouissive que celle du Nachthymnen d’Abigor ou des démos de No Escape. J’aime éprouver ce que je ressens avec chacun de ses disques. Et je pense pouvoir dire merci au punk-rock de m’avoir sensibilisé à cette culture de la diversité. C’est un sur-genre qui regroupe tellement de sous-genres différents… Le punk-rock m’a clairement amené à apprécier des styles tels que la teenpop ou le black métal, deux musiques stylistiquement à l’opposé l’une de l’autre mais très intéressantes à étudier d’un point de vue sociologique. Puis merde, je suis un gros métalleux mais j’ai un cœur, quand Michelle Branch me chante que je suis « partout où elle regarde », je fonds comme des poireaux dans une poêle (il est presque midi, j’ai la dalle). Puis je sais pas pour toi mais je peux pas écouter qu’un seul style de musique. C’est impossible. Même si je vais bloquer pendant une semaine sur un genre en particulier, je sais que la semaine suivante je suis parti pour un autre cycle. Et ça s’en va, ça revient. Comme dit l’autre con, c’est fait de tous petits riens (il a raison, n’empêche).

Au tour de Twin Pricks. vous êtes deux, comment tu envisages la tournée (parce que visiblement c’est ça qui va compter) ? J’avais entendu que tu voulais que ça fasse presque tournée de clochard généreux (j’extrapole), tu nous expliques ? D’ailleurs si t’as un appel à faire pour du booking, c’est le moment de prendre la parole.

On envisage la tournée comme des vacances. On bouge tous les deux, avec nos guitares, nos amplis et notre batterie. On souhaite jouer dans des lieux cools pour des gens cools. Pour ça qu’on a surtout sollicité des amis pour nous organiser des dates. Ca ne m’intéresse pas de démarcher des clubs, des bars ou des SMACS. Ca arrivera peut-être, qui sait. On ne veut pas aller dans cette voie-là, en tout cas. On ne demande pas d’argent pour jouer parce qu’on sait qu’on en aura, que ce sera probablement le minimum et que ça le fera, quoiqu’il arrive. Etant des deux côtés de la barrière (musicien et organisateur), ça me fait toujours délirer de voir les cachets que demandent certains groupes pour jouer. Même si on a 15 ans de musique derrière nous, on a surtout envie de privilégier les rapports humains et affectifs avant l’argent. C’est ce qu’on a toujours fait, c’est ce qu’on fera toujours. Je sais pas si c’est une attitude de clochard généreux. Je me souviens qu’à l’époque de DFAM, les autres groupes messins avec qui on jouait souvent se plaignaient de ne pas trouver assez de dates, de ne pas réussir à jouer aussi fréquemment que nous, et qu’ils se demandaient comme ça se faisait. Sûr que si tu demandes 1000 euros à une asso pour jouer, tu ne risques pas d’aller bien loin. Sinon, je ne vais pas faire d’appel booking pour la tournée de juillet (c’est pas encore bouclé mais c’est en bonne voie), en revanche si effectivement quelqu’un a envie de nous faire jouer, qu’il/elle nous contacte. On n’est vraiment pas chiant, on aime jouer, rigoler et discuter.

J’aurais bien aimé te faire cette interview sur Metz, face à face, parce que je suis sur qu’au fond et derrière Prententious Asshole se cache un type foncièrement tendre, vu les paroles de Twin Pricks, qui sentent la mise à nue, vu l’aventure humaine qu’il se passe autour de ce bouillon Metz/Kito Kat et autres. Je me trompe ?

Bah c’est ce que j’expliquais plus haut à propos du personnage de Buddy Satan. J’ai une part de connard qui sommeille en moi, comme chez n’importe qui. Je l’inhibe comme je peux, au travers de mes écrits. Ma copine trouve que je suis plutôt facile à vivre (je fais le ménage, la cuisine, je la soutiens dans ce qu’elle entreprend). Faudrait aussi demander aux gens qui m’entourent, ce qu’ils en pensent. Tu veux que je m’auto-analyse ?

Twin Pricks va durer ou pas du tout ? Tu sens que cette fois ci c’est la bonne ? Ou tu préfères les projets éphémères, qui sortent d’une idée précise, d’un moment, d’une magie ?

Je me suis jamais fixé de limites dans le temps. Les groupes dans lesquels j’ai joué ont tous arrêté parce que c’était le moment. J’aurais aimé que ça dure plus longtemps, mais il est des choses sur lesquels on n’a parfois aucune emprise. Concernant Twin Pricks, j’espère que ça durera le plus longtemps possible, en effet. On ne se met aucune forme de pression avec Geo. Par exemple, juste après l’enregistrement du 7’ (janvier 2010), on n’a quasiment pas du tout répété. On ne s’y est mis sérieusement qu’il y a deux semaines (on est début mai 2010). Pour les dates, on se dit pas qu’on doit absolument jouer. On a très envie de le faire, mais si ça vient pas « officiellement » (genre on nous propose des dates), on prendra nos guitares et on ira jouer dans la rue. Y’a pas d’objectifs précis, de buts à atteindre, si ce n’est le fait de jouer et de ressentir ce plaisir de partager la musique que l’on a créé avec d’autres, que ce soit par le biais de concerts ou de disques. C’est un besoin vital, viscéral. Les projets éphémères, on va les mener à termes au sein même de ce groupe (on a des projets de vidéos, une tournée particulière avec Culture Reject à l’automne, l’enregistrement d’un album avec un maximum de collaboration). Et si ça doit arrêter, je referai autre chose derrière.

Tu es un peu le mouton noir dans ton groupe de pote hein ? Avec tes gouts d’ancien coreux barbu et sale, ton affection pour la musique de goule, on se moque un peu de toi ? Aucune envie de ressusciter tes anciens (actuels) amours le temps d’un projet ?

Bah, je bosse dans un café-concert, je vis de ce « travail », donc rien que pour ça je passe pour un sale vendu auprès de la plupart de mes copains punks (que je peux désormais compter sur les doigts d’un moignon). Alors se faire bâcher parce que je préfère écouter Vanessa Carlton plutôt que le énième groupe de crust de salon, j’ai l’habitude. Mais je crois que c’est comme ça un peu partout. Les préjugés à la con. Certains groupes de chanson m’ont déjà pris de haut parce que j’avais les cheveux sales et un t-shirt Archgoat, pensant que je n’étais rien d’autre qu’un métalleux débile. Le punk DIY me crache à la gueule parce que je gagne 750 euros par mois pour faire jouer des groupes et faire vivre un semblant d’alternative culturelle dans ma ville (comme chacun sait, mieux vaut bosser dans le public, c’est plus honorable que de vivre pauvrement de sa passion). Les professionnels de la musique me prennent pour un amateur et les amateurs pour un professionnel (je parle des plus mauvais côtés de ces deux statuts). On se moque de moi, mais honnêtement je n’en ai rien à foutre. Certes, ça me rend un peu triste quand les critiques ou les moqueries viennent de personnes que j’estime proches de moi, mais même ça j’ai appris à vivre avec (cette syntaxe est purement mosellane, ndlr). J’ai une folle envie de continuer à faire ce que je fais parce que j’aime ça et j’estime être plutôt bon là-dedans. Le reste, je m’en branle. J’ai des projets à moyens termes que je veux faire aboutir, ça fera toujours grincer des chicots mais c’est comme ça, dès que tu fais quelque chose tu te confrontes à la critique. C’est la même chose en musique. J’ai hâte de connaître l’avis des gens par rapport à Twin Pricks, les bons comme les mauvais, les louanges comme les saloperies. J’ai envie d’aller de l’avant. Regarder en arrière, c’est cool, la nostalgie ça rassure mais ça ne fait pas avancer. Je ne ressusciterai pas mes anciens groupes (sauf si c’est pour une excellente raison, comme avec DFAM pour Spiruline). J’en monterai d’autres. Dans 5 ans…

Qu’est ce qu’il va se passer pour toi lorsque la tournée sera terminée, le disque distribué ? Déjà quelques idées futures ?

Pour Twin Pricks, les projets sont multiples après la tournée. On va enregistrer quelques vidéos pour illustrer le 7’. On s’enferme également pour réaliser un EP qu’on a en tête, une sorte d’hommage à l’émo des 90’s, celui pop et bricolé qui sortait chez Tree records, Caulfield et compagnie. Pour la peine, l’artwork sera une sérigraphie et le tirage plutôt limité. Je ne sais pas encore si Chez Kito Kat sera de la partie, en tout cas je l’espère. On aimerait aussi sortir un split avec les Verduns, des amis et voisins de l’Emile Vache. Un super duo de blues déviant que le monde devrait s’empresser de découvrir. Enfin, y’a ce projet d’albums rempli de collaborations qui nous tient à cœur, Geo a déjà commencer à bosser dessus, moi je viens seulement de mettre en forme quelques thématiques. Ca sortira probablement l’année prochaine, on veut d’abord monter un studio pour le réaliser (et ça, ça prend du temps). Ensuite, on compte partir en tournée à l’automne avec Culture Reject. Geo prend la batterie, je prends la basse, on devient son backing band le temps de quelques dates françaises. Ca va être bien cool, je connais pas encore la période ni les dates mais ça va se faire courant octobre. Bien entendu, on souhaite jouer partout, le plus possible. C’est à ce moment-là que je vais voir si tous les gens à qui j’ai rendu service en organisant des concerts vont répondre présents ou pas.

En ce qui concerne ma vie personnelle, beh je compte partir à Tokyo en août avec ma moitié. C’est un rêve de gosse que je peux enfin réaliser. Je vais en prendre plein la gueule, j’ai hâte. Au niveau du travail, au moment où je te réponds, je suis dans le flou le plus total. Je ne sais pas si l’Emile Vache va tenir longtemps à ce rythme, si je serai encore partie prenante du lieu à la rentrée ou non. J’aimerais beaucoup que ce soit le cas mais je pense que mon départ est inéluctable. J’ai envie de retrouver une vie un peu plus normale. J’espère néanmoins que je continuerai à évoluer dans ce milieu. Je compte aussi tuer mon blog pour ouvrir un site un peu plus conséquent à partir de septembre.

La question qui sert à rien, mais tu penses quoi de Prodigy (le Prodigy de Liam Howlett, pas le MC De Mobb Deep, vu que Samuel de Chez Kito Kat hésitait) vu qu’ici on fait une fixette ?

J’aimais beaucoup Music For The Jilted Generation, je l’ai vraiment sucé lors de mes séjours successifs en Angleterre à l’époque où celui-ci est sorti. Puis les clips de Voodoo People et No Good m’ont marqué. J’aimais bien Experience aussi, plus roots et juvénile. J’écoutais pas mal Carl Cox et Josh Wink aussi, j’étais pas un dingue de techno mais j’aimais ces sonorités répétitives et entêtantes, ces invitations à la transe (j’aimais pas danser, j’aimais bien rester assis et écouter). 1994, bon vieux temps (pour la noise et le crossover en France aussi). Avec The Fat Of The Land, j’ai décroché. C’est un super disque mais il manque un truc. J’ai beaucoup besoin du facteur affectif pour apprécier un groupe à un moment donné. Ouep, tout est une question de moment et d’affection.

En te remerciant je te laisse le mot de la fin. Et je te dis à bientôt de toute façon, j’espère pour vous faire tourner dans ce beau pays plat où je loge.

C’est moi qui te remercie. J’espère n’avoir pas dit trop de bêtises. Si vous voulez des infos sur Twin Pricks, l’Emile Vache, Records Reviewers Are Pretentious Asshole, la scène musicale messine en général ou mes anciens projets, n’hésitez pas : the_dead_kid@hotmail.com

J’ai pas vraiment de mot de la fin, je pense plus ou moins avoir tout dit dans cette interview. Au risque de paraître redondant, je vous encourage à écouter Confessions Of A Broken Heart de Lindsay Lohan, c’est un disque qui changera votre perception de la teenpop. Je devrais finir avec une citation mais je suis trop inculte pour en sortir une potable.