J'ai hésité suffisamment longtemps avant de prendre ma place pour cette soirée pour rater les places en fosse. J'ai un mal fou à "rentrer" dans un concert assis. Alors c'est quasi à contre-coeur que j'ai pris des places gradins, en me disant que j'allais peut-être rater un grand concert. J'avais tort. Je n'aurais pas rater un grand concert, j'aurais rater une leçon. Et c'est tellement rare que finalement, peu importe les gradins ou la fosse. Et tant pis pour les photos de merde.
Il y a très nettement deux types de personnes formant le public ce soir : les fans de MIA et les fans de Nas. Au milieu, quelques glands qui comme moi apprécient les deux. MIA a enregistrer il y a presque 10 ans un album de dance qui aujourd'hui garde un charme fou, et est capable de pondre encore aujourd'hui de bons morceaux. A vrai dire, c'est une fois sur deux, puisque j'avais aimé également son troisième enregistrement. De Nas, je suis très client du premier album, mais le reste ne m'intéresse que très peu, même si je suis assez preneur du dernier en date, qui pose quelques morceaux vraiment bien gaulés et accrocheurs. Jamais vu ni l'un ni l'autre, le festival hip hop de Paris propose de rattraper en une fois ce double manque.
Les fans de M.I.A. en premier donc. Pas difficile à identifier, ils sont légèrement plus jeunes que les autres, et plus colorés aussi. A l'image de leur reine, qui se pointe en salopette orange avec de grosses lunettes. Derrière, un seul DJ (je pensais que Partysquad était un duo), une danseuse, une choriste/danseuse et un danseur avec une vraie putain de tête d'Anglais en guise d'accompagnement. Tout MIA se retrouve sur scène : couleurs, visuels kitsch et épileptique, tendance au fluo, des beats bourrins et des riffs mauvais goûts, des danses minables et hystériques, la scène est la continuité des pochettes, véritables gouffre pour le crâne vers des migraines interminables. Mais ça fonctionne pas mal -même si les fans de Nas ont l'air dépités par le spectacle. L'énergie de l'ex belle-fille de Monsieur Warner est efficace. Poses à la con, caillera en pixel, beats mongoloïdes, voix épuisantes, la mixture Angleterre profonde/Tamoul vénère dégage une rage joyeuse plutôt appréciable. Entrée sur l'excellent Bucky Done Gun tiré de son tout premier album et clôturant sur son Bad Girls en passant par son récent Double Bubble Trouble ou son acclamé Paper Plane (qui ne fonctionne pas si bien en live), le show est solide. MIA montre aussi son rattachement au hip hop pur et dur, alors que bêtement, j'ai toujours considéré ça comme de la pop ou de l'électronique : le fait est que la dame est une piètre chanteuse. Souvent fausse, elle est juste à côté - pas loin - de ses notes sur ses lignes de chant. Non pas que le hip hop inclut forcément un chant médiocre, c'est juste que son registre est celui de la scansion. Rapide et concis, quasi sans pause, on regrettera juste que le troisième album soit écarté (j'aurais aimé Born Free ou même XXXO) au profit de son dernier album, pas terrible. Mais surtout, l'orga a visiblement considéré que MIA n'était finalement qu'une simple première partie et non pas une co-tête d'affiche au vu du volume sonore absolument ridicule délivré. Ou sont les basses ? Tout ça devrait ramoner le bas ventre !! Rien. Pas de son. Enfin pas à la hauteur du truc qui semble se passer sur scène.
Après une installation/mise au point un peu longue de presque 45 minutes, le beat de "Genesis" résonne dans le Zénith. Après le son crevette de MIA, c'est un son colossal qui frappe le lieu. Et "Genesis" n'est qu'une mise en bouche. Nas ce soir joue "Illmatic", son mythique et indépassable premier album qui fête cette année ses 20 ans. "NY State Of Mind" (changé dans le texte en "Paris State of mind") qui prend la suite voit Nas se pointer, fougueux, sur une scène gigantesque qu'il sera seul à habiter ce soir. Son DJ est derrière et ne fera que quelques appels vocaux mais se concentrera sur son taff de turntablist. La scène me fait étrangement penser à celle de Tool, avec ses écrans sous l'estrade, un autre de 2 mètres de haut derrière puis un tout en hauteur. Manque les lasers. Et encore, les lights de devant font l'affaire. Et cette entrée permet de faire le point : le son est magnifique, précis, la voix se détache bien mais ne domine pas les impeccables instrus de Premier, de Large Pro, de Q Tip (entre autres). Les samples de jazz, chauds, préparés avec minutie il y a deux décades prennent une dimension remarquable dans le Zénith. Les pianos sont présents et magnifiques, par exemple, pas étouffé par les coup de batterie. Les basses sont imposantes et se faufilent dans la salle, inondant l'audience. Les beats sont totalement magnifiés par l'importance du volume. Les kicks sont de mini séismes secouant la salle, tandis que les caisses claires sont de superbes coups de fouet précis. Encore.
Le DJ pour reproduire Illmatic va, en plus de quelques scratchs très old school type "copeaux sur le vinyle", à quelques reprises passer en intro les samples originaux ayant servis à dessiner les classiques formant le mythique album, le produit fini. Comme sur "One Love" ou ce vibraphone prend une autre vie. Ou comme sur "It ain't hard to tell" qui reprend "Human Nature" de Michael Jackson. Malgré ses excellentes et judicieuse digressions, le set va pourtant être extrêmement concis. Surtout qu'Illmatic est un album court. 39 minutes. Et Nas, imposant, coupe ses morceaux et les laisse à leur strict essentiel. "Life's a bitch" est résumé à un couplet. Autant dire que la demi heure passe, vite, bien trop vite vu la qualité. Et Nas de stopper et de signaler que le concert ne peut pas rester aussi court : c'est parti pour 45 minutes de plus, allant piocher sur toutes les périodes cette fois. Un peu de "Life Is Good" sur la fin, et un "If I Ruled The World", entre autre classiques, qui rend la salle hystérique.
Nas organise son set comme Autechre : les morceaux sont dépouillés, minimaux, et s'enchainent rapidement. Très peu de temps morts sur ces 1h15 de concert. Et Nasir Jones d'occuper royalement l'espace. Seul en scène, il domine complètement l'espace. Prestance remarquable, son flow ne faiblit jamais (même si une paire de prompteurs est là pour le soutien) et même seul, il électrise totalement la salle. Pas de compère mais ce minimalisme le rend d'autant plus fort. L'ambiance dans l'antre est folle. Tout le public est hyper réactif à chaque nouveau morceau, même les gorilles dansent (je crois que je n'ai jamais vu ça avant). Le roi Nas qui souffre de sa malédiction de premier album est un showman extraordinaire d'un charisme certain et d'une approche de la scène sobre et tout en puissance. Dominant le vaste Zénith, il impressionne. Un magnifique leçon, une superbe prestation.
A la sortie du concert, j'entends un groupe de 4 filles d'à peu près 25 ans qui s'extasient devant les vidéos de leur téléphone "elle est trop belle"; "elle fait trop pas son âge"; "elle a l'air trop sympa, elle a fait trop des sourires tout le temps"... Elles ne devaient pas parler de Nas.
lundi 7 juillet 2014
mardi 1 juillet 2014
GODFLESH - Decline & Fall
Putain. Ils l'ont fait. Ils sont revenus. Et en forme. Godflesh était resté comme mort suite au départ de Ben Green. Techniquement, Broadrick avait maintenu le projet en vie mais sans envie, avec une tournée de trop, de ses propres dires. La pierre tombale se nommait Hymns et était peut-être le moins bon Godflesh. Quoique. Hâtivement jugé, l'album a bien mieux vieilli que d'autres disques de la même époque, qui eux étaient célébrés et qu'on se repasse honteusement désormais. Hymns, a de réelles qualités. Et sa récente réédition lui fait largement honneur. Et pour cause : les démos de l'album sont incroyablement bonnes; addictives.
Suite à cette disparition, Broadrick fit un dernier tour avec Martin (Curse of the Golden Vampire, un album passionnant et d'une brutalité rare), avant de lancer Jesu, puis de réactiver Final, puis d'introduire Greymachine ou White Static Demon. Avec un parcours sans faute de 85 jusqu'à 2005, le bonhomme était arrivé à un point où sa musique était devenue sévèrement chiante. Jesu ne passionne que très moyennement, depuis un deuxième album qui indiquait très clairement le déclin. Puis vint la double surprise. Une reformation de Godflesh, avec le retour de Green, jusque là porté disparu. Un concert parisien mit les choses au claire: d'une puissance dévastatrice, Godflesh est un monstre. Et un album de J.K. Flesh au charisme indéniable.
Il a fallu attendre encore 2 bonnes années pour entendre quoi que ce soit de nouveau de la part du duo, mais le résultat est là. Minimal. Minimal dans son visuel, gris, dégueu, imprécis, aux mentions simples. Comme à l'époque. Minimal dans sa typo : exactement la même qu'au tout début. Minimal dans sa composition : Green à la basse, Broadrick aux cordes (guitares/vocales) et la machine. Pas d'invité, pas de batteur, pas de deuxième guitariste, pas de producteur. Et de la haine. En masse. En parpaing de 20. Epaisse. Crade. Rythme tendu, guitare qui plombe et basse qui tabasse le museau, Godflesh marque tous les points dès sa première mesure. Le duo est massif, vil. Si le second morceau est moins surprenant, les deux suivants, formant la face B, poussent le niveau de brutalité d'un cran. La BaR imite la double et le rendu se mèle aux voix désincarnées et dégradés, aux riffs dissonants et inondant l'oreille, aux lignes de basse si imposante que le sol même semble réagir aux impacts. Le spectre sonore est complètement renversé par ces 4 titres trop courts, d'une méchanceté qu'on ne pensait pas retrouver avec autant de joie. 20 minutes d'un bonheur qu'on imaginait disparu.
Suite à cette disparition, Broadrick fit un dernier tour avec Martin (Curse of the Golden Vampire, un album passionnant et d'une brutalité rare), avant de lancer Jesu, puis de réactiver Final, puis d'introduire Greymachine ou White Static Demon. Avec un parcours sans faute de 85 jusqu'à 2005, le bonhomme était arrivé à un point où sa musique était devenue sévèrement chiante. Jesu ne passionne que très moyennement, depuis un deuxième album qui indiquait très clairement le déclin. Puis vint la double surprise. Une reformation de Godflesh, avec le retour de Green, jusque là porté disparu. Un concert parisien mit les choses au claire: d'une puissance dévastatrice, Godflesh est un monstre. Et un album de J.K. Flesh au charisme indéniable.
Il a fallu attendre encore 2 bonnes années pour entendre quoi que ce soit de nouveau de la part du duo, mais le résultat est là. Minimal. Minimal dans son visuel, gris, dégueu, imprécis, aux mentions simples. Comme à l'époque. Minimal dans sa typo : exactement la même qu'au tout début. Minimal dans sa composition : Green à la basse, Broadrick aux cordes (guitares/vocales) et la machine. Pas d'invité, pas de batteur, pas de deuxième guitariste, pas de producteur. Et de la haine. En masse. En parpaing de 20. Epaisse. Crade. Rythme tendu, guitare qui plombe et basse qui tabasse le museau, Godflesh marque tous les points dès sa première mesure. Le duo est massif, vil. Si le second morceau est moins surprenant, les deux suivants, formant la face B, poussent le niveau de brutalité d'un cran. La BaR imite la double et le rendu se mèle aux voix désincarnées et dégradés, aux riffs dissonants et inondant l'oreille, aux lignes de basse si imposante que le sol même semble réagir aux impacts. Le spectre sonore est complètement renversé par ces 4 titres trop courts, d'une méchanceté qu'on ne pensait pas retrouver avec autant de joie. 20 minutes d'un bonheur qu'on imaginait disparu.
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