mardi 31 janvier 2012

ASMUS TIETCHENS & KOUHEI MATSUNAGA- Split

Après avoir été plutôt rare, Matsunaga se fait prolifique et disponible. Entre deux travaux où le japonais travaille sur le rythme et la dynamique de ses plages, il continue de grossir ses publications de travaux plus abstraits et moins évidents. C'est encore les impeccables Important Rds qui s'y collent pour sortir cette divagation sonore. Kouhei se confronte ici à Asmus Tietchens, emblématique figure de la scène électronique expérimentale allemande depuis les années 70. Une face chacun où Tietchens s'offre les deux premiers essais. Tietchens s'offre un sample de guitare préparé par le scultpeur de Fear Falls Burning. En ressort une variation sur les ultras sons plutôt désagréables avant de déboucher sur un second morceau immersif et plus convainquant. Il y déploie alors une répétition enivrante de sonorités épaisses et ésotériques. L'autre face est donc dédiée à Matsunaga qui dessine presque une symétrie: il commence pour sa part sur un travail des nappes envoûtantes puis se dirige vers des variations aléatoires de cliquetis digitaux, qui rappellent le genre d'exercice que Jack Dangers propose lors de travaux parallèles (comme sur le disque dédié à Forbidden Planet, déjà sur Important par ailleurs !). Si le second morceau laisse également perplexe, son ouverture est d'une grande beauté. Matsunaga développe un climat cotonneux de nappes éthérées qui semble se composer de résonances métalliques aux réverbérations majestueuses. Très convainquant.

vendredi 20 janvier 2012

BLUT AUS NORD-777: The Desanctification

La quête sonore audacieuse continue pour Blut Aus Nord. Audacieuse car les plus puristes ne sont pas invités ici à comprendre au plus juste ce que l'entité produit. BAN continue de s'éloigner d'un black metal codifié nordique pour aller creuser davantage dans les ressources offertes par les machines sans délaisser la recherche mélodique qui s'avère triomphale quand il(s) y cède(nt) complètement. Aberration sonore, l'entité francophone opère une fusion pratiquement inconcevable avec des formes de groove vicieuses pour égarer les oreilles de quelques auditeurs fanatiques de compartimentation. C'est pourtant un large spectre qui est balayé ici, avec ingéniosité. Mélodies, nappes, distortions, glaires vocaux, choeurs, swing, boue, lumières, agression, accalmie, chant clair, sprint rythmique, tout y est, même la démo du dernier flanger/phaser acheté (cf. la troisième plage, entre anecdotique foutage de gueule et pause éthérée). Un second volume qui fait attendre la conclusion, mais qui se suffit à lui même car Blut Aus Nord a particulièrement soigné chaque chapitre. Ce deuxième enregistrement croise une certaine forme de beauté épique à un groove rare et malsain, alternant rame de guitare avec envolé quasi dub progressive, coups martiaux avec blasts marathonien, dans un emballage visuel très réussi qui invite à la curiosité et à la découverte.

mercredi 18 janvier 2012

Millenium de David Fincher

Le nouveau film de Fincher pose au moins une bonne question : que dire d'un film que vous avez déjà vu? C'est en fait le noeud de la problématique de cette deuxième version, de ce remake, de cette redite autour du phénomène Millenium. Je n'ai, personnellement pas lu le livre, je ne suis pas un grand lecteur de romans en réalité... J'étais donc allé voir le premier film de Arden Oplev vierge de tout préjugé littéraire et je l'avais trouvé tout à fait convaincant dans son traitement nerveux de l'intrigue, mesuré dans ses effets de manche et pourtant terriblement vicieux, parfois à la limite du sordide. Rien de jouissif ni de véritablement excitant, juste une bonne pâte, un peu dérangeante, un peu violente et surtout qui mettait habilement en valeur la véritable intrigue, celle de cette affaire de crimes nazis, eugénistes, incestueux... 

Le travail de Fincher semblait donc grevé d'avance. Que faire de neuf, si peu de temps après la sortie du premier film? Que faire de personnel? Difficile en effet de trouver un nouvel angle d'attaque sur une histoire si monolithique, avec des contraintes d'adaptation visiblement bien rigides (aux vues des invariances entre les deux versions). Trouver une nouvelle Lisbeth Salander? Difficile... Pourtant la jeune Rooney Mara s'y prête avec aisance. Il faut dire que son rôle est bien moins ténébreux, bien moins sale et plus fragile que celui planté par Noomi Rapace. C'est assez étrange d'ailleurs de la part de Fincher d'avoir rendu ce personnage moins glacial et habité d'une plus grande fragilité. C'est, en fait, un prétexte : ce qui l'intéresse visiblement c'est l'ouverture au monde de cet être contrarié par la vie. Ce qu'il veut c'est montrer que cette ouverture aussi est contrariée et qu'il lui faudra s'accrocher, car le monde est plus dur que la carapace qu'elle tente d'ouvrir. 

En réalité, là où Fincher réussit réellement à produire quelque chose de grandiose et de réellement original, c'est dans son générique d'ouverture. En voilà une belle réussite ! Une variation sur la couleur noir, sur l'élasticité des corps et des substances, un magnifique exercice de style qui voit couler une terrible substance saumâtre qui s'épanche sur le monde, sur la terre, les objets, enrobe des individus... Bref, un mal qui se répand partout et qui fige, de manière infernale, les hurlements vains des protagonistes mystères. Le tout sur une variation (encore) musicale (cette fois) de Trent Reznor (à qui Fincher réserve quelques clins d'oeil, notamment un gros geek qui porte un T-shirt NIN) et Atticus Ross dont le réalisateur américain semble désormais incapable de se séparer. 

Cette création musicale est d'ailleurs un des atouts maîtres du film, lui conférant une ambiance électrisante, perturbante. Malheureusement, tout est si soigné, tout est si millimétré, si propre qu'on finit par se désintéresser progressivement d'une intrigue dont on connaît déjà, par ailleurs, tous les tenants et les aboutissants. Fincher échoue donc à faire de Millenium une oeuvre réellement personnelle, restant à la surface d'une adaptation soignée, efficace, mais qui, au sortir de la salle, laisse très profondément indifférent. 

mardi 17 janvier 2012

THE WASHINGTONIANS: Discussion près du feu.

Lecteur, tu te demandes pourquoi il n'y a quasi aucune activité sur cette page depuis quelques jours, et tu as raison de te poser cette question. Non, ce ne sont pas les tops de fin d'années qui nous ont pris tout notre temps. Alors on se rattrape: ici on parle rarement avec des groupes ou des gens, mais quand on le fait, on choisit des intervenants qualité sucre. Premier article musical de l'année, une discussion autour du feu encore chaud des fêtes avec le batteur des Washingtonians, dont on avait vanté les mérites de leur excellent premier album ici même en fin d'année. Réalisé par mail, Antoine, frappeur de peaux de bêtes synthétiques, répond à quelques questions classiques et d'autres plus foireuses.


BTN : Peux-tu présenter le groupe ? Date de création/membres... En tant que batteur : quelle formation ? Des cours ou juste les oreilles et de la volonté ?

Antoine Washingtonians : Salut C****** (Oui, c'est un vrai prénom-ndlr.), on s’est formé il y a 3 ans à peu près, il y a donc Garth au chant, Eric à la guitare, Tof à la basse et moi-même à la batterie. On est tous complètement autodidactes, pour ma part j’ai juste pris trois mois de cours, avec un prof qui me faisait bosser du Metallica…je me suis donc empressé d’arrêter, en parallèle je bossais des plans de groupes de thrash que j’écoutais à l’époque, les classique en gros, Machine Head, Sacred Reich, Sepultura, Meshuggah, ou des trucs de death etc…On a sorti une démo, un lp et on a quelques titres sur des compil.

BTN : Washingtonians est-il votre premier groupe ? D’autres formations en parallèle ou précédemment ?

AW : On a tous joué dans d’autres groupes auparavant, depuis une dizaine d’années, en particulier avec Garth et Eric, on a partagé plusieurs « formations » ensemble, Accion Mutante(grindcore) avec Dobey d’Inside Conflict aussi aux fûts, No Compromise (hardcore metal batard), Eric faisait aussi du death avant quand il était sur Paris, dans Rigor Mortys, Tof était bassiste dans un groupe de noise rock, et j’ai fait de la gratte dans Inside Conflict pendant deux ans. On se connait depuis un moment tous, du coup ça a été plutôt simple à mettre en place.

BTN : Vous êtes de Poitiers : y a t-il d’autres groupes dans le genre agressif en ce moment ou vous êtes un peu seul pour les concerts ?

AW : On est loin d’être les seuls, il y a toujours eu pas mal de groupes à Poitiers et dans les villes autour, une bonne scène rock au sens large du terme, ça va du skate punk au black, il y a The Phantom Carriage, Nothingness, Microfilm, Tanen, Vergogne, Crawling in Sludge, The Bottle Doom Lazy Band, Astron Fall, Naked, Angmar, Klone, Hacride…, bref il y a de quoi faire. De façon plus générale, il y a un gros vivier d’ "activistes " en tous genres, des graphistes, des orgas de concerts, du skate, des labels/distros,…

BTN : Par ailleurs, j’ai entendu via l’émission de radio à laquelle tu participes que tu semblais un peu remonté contre la ville –du moins son administration- puisqu’il est visiblement impossible de jouer le week end ( ?) désormais. Ce qui est un peu gênant pour des petits groupes... Peux tu développer ça et nous raconter ce qu’il en est ?

AW : C’est un vaste sujet … Disons que la ville ne fait peut être pas ce qu’il faudrait pour avoir une situation idéale, même si, et c’est ça le pire, on a pas trop à se plaindre ici en fin de compte. Ce n’est pas nécessairement la mairie ou son service culturel les responsables du manque de structures adéquates… c’est toujours pareil, va expliquer aux mecs qui bookent des tournées de groupes punk/hardcore, sludge etc qu’il faut communiquer et caler les tournées 8 mois à l’avance…il y a un petit problème d’emblée à ce niveau. Pour le reste c’est plus vicieux. Tu peux ajouter dans l’équation le fait que beaucoup de concerts se font un peu à l’arrache, en mode DIY etc, la mairie n’a peut être même pas connaissance et conscience du potentiel et de l’activisme qui se passe à Poitiers, du coup de façon générale, ça perdure et vivote comme ça peut avec les bars qui sont prêts à jouer le jeu –ce qui implique pour eux de prendre des « risques », plaintes régulières des voisins, flics, menaces de fermetures administratives -quand ça n’ en reste pas qu’au stade de menaces- , et c’est ce qu’il s’est passé cette année…on avait un pur spot pour faire des concerts dans de bonnes conditions, avec des patrons cools qui avaient envie de faire les choses bien, donc qui ne se foutaient pas de la gueule du monde en terme d’accueil. Et le public, comme les groupes et les orgas l’appréciaient énormément.

Et bien bingo, une voisine pas très fûtée(faut quand même être con pour aller habiter à côté d’un bar en plein centre-ville d’une ville étudiante, en espérant y trouver quiétude et tranquillité dès 21h) s’est plainte rapidement, et la suite on la connait, plus de concerts sinon fermeture du bar etc etc…il nous reste juste un bar actuellement pour y faire quelques concerts de temps en temps, mais seulement en semaine puisque le weekend ce lieu accueille une toute autre clientèle…il y a quand même le Confort Moderne, la SMAC de Poitiers, où il est possible de faire des choses, mais ce n’est jamais très simple malgré la bonne volonté des gens qui y bossent, ils mettent à disposition le lieu (la salle ou le bar en fonction de la renommée des groupes ), un peu de matos et les techniciens nécessaires, et en gros tu fais le reste. Le soucis c’est qu’il faut nourrir tout ce petit monde en plus des groupes que tu fais jouer, ce qui est tout à fait normal, voire la moindre des choses. Mais sachant que tu n’as que les entrées pour couvrir tes frais, et bien…il vaut mieux être sûr de son coup. Du coup ça refroidit un peu, tu ne fais pas jouer un groupe de crust tchèque dans ces conditions, t’es sûr de te ramasser… on attend tous l’ouverture d’un vrai club dédié aux concerts , privé, sinon on retombe dans le système public et là bonjour les délais etc, une bonne alternative à tout ça qui permettrait de subvenir aux besoins de toutes les assos frustrées du coin.

BTN : Severed Heads est votre premier album, qui suit de 2 ans un premier jet : le processus a-t-il été long ? Ou alors vous avez été assez rapide ? (Ca semble brut comme changement de sujet- les risques de l'entretien mail-ndlr.)

AW : On compose assez vite, et ça c’est dû à la nature des morceaux qui sont plutôt courts et simples, par contre on est feignants et fauchés, du coup pour réunir les moyens financiers, caler les dates entre nous et Lionel (ingé son et propriétaire du Studio 4 où l’on enregistre) pour le studio c’est beaucoup plus long. Tu ajoutes le temps de trouver les moyens et les gens pour financer le pressage, et on arrive vite à quasiment une année.

BTN : Comment avez vous obtenu Rica, qu’on a vu illustrer Noise mag (entre autres), pour votre pochette ?

AW : Tof(basse) le connaît depuis quelques années, ça n’a donc pas été compliqué pour nous de le contacter et de lui demander si il avait le temps, si ça l’intéressait. A partir de là on a échangé un peu sur ce qu’on avait en tête, comment il voyait le truc puis c’était parti.

BTN : Vous lui avez laissé carte blanche ou vous aviez une idée dans les grandes lignes ? Il ya un coté Burns (facile) mais aussi un coté Terry Gilliam dans le visuel.

AW : Terry Gilliam c’est pas faux oui. Oui il a eu carrément carte blanche, bien sûr on lui a donné deux trois pistes, on lui a parlé de deux trois pochettes qu’on aimait bien dans le genre, mais globalement il avait le nom de l’album, le film des Washingtonians en tête et ses crayons (J'ignorais totalement l'existence de ce film et, du coup, le lien avec le groupe. Honte à moi, mauvaises recherches de ma part. Mais peut-être que notre Mr Cinéma nous en causera ultétieurement-ndlr.). D’où la fourchette plantée dans le crâne du mec , sur l’arrière de la pochette, petit clin d’œil au film par exemple.

BTN : Pourquoi les smileys ?

AW : Haha, lui seul peut répondre à cette question. (l'appel est lancé !! -nldr.)

BTN : Comment avez vous approché Franck Hueso ? C’est un pote ou vous aimiez son travail (sur Inside Conflict par exemple) avant ? (lecteur, il va se passer une chose très intéressante dans la réponse: la double peine. D'une je me suis gouré quant au metteur en son de l'album, et deuxièmement, je me rend compte que j'ai posé une question assez idiote-ndlr).

AW : Oui Franck est un pote, on se connait depuis longtemps, par contre on aime pas du tout son travail (voilà, ça c'est pour la question con-ndlr.). Mais juste une précision pour cet enregistrement, Franck a simplement masterisé la version vinyle, ce n’est pas lui qui a fait le son. On le doit à Lionel Ferry dont je te parlais un peu plus haut -et sur la démo aussi d’ailleurs- qui a son propre studio(le Studio 4 donc) à côté de Poitiers. Franck y enregistre aussi certains groupes de temps en temps. Pour nous c’est plutôt naturel d’aller chez lui, on se connaît super bien, on a joué pendant quelques années ensemble, on sait comment il bosse et à quel point il est tolérant avec nous, il sait comment on fonctionne… c’est simple avec lui haha(je veux pas dire par là que c’est pas simple avec Franck hein).

BTN : Là encore carte blanche ou vous aviez une idée du son que vous vouliez ? J’aime le son du disque, qui s’éloigne un peu des « habitudes » du rock sale actuel (cf. n’importe quelle sortie relapse).

AW : La seule contrainte qu’on s’est imposé au départ avec ce groupe, c’était de ne pas sonner metal (ça veut pas dire qu’on le fera pas un jour) ou du moins d’éviter au maximum, ça peut vite manquer de relief, et tuer un peu la spontanéité qui peut se dégager de ce genre de zique. Bref, on avait pas d’idée précise du son pour l’album, et tout y est hyper brut au final(très peu de mix), c’est un peu ce qu’on voulait, relativement brut et rentre dedans. La seule certitude c’est qu’au grand jamais on essayera d’approcher une prod comme tout ce qui peut sortir de l’usine Deathwish/Ballou. Agoraphobic Nosebleed ont écrit un morceau à ce sujet d’ailleurs, le texte y est parfait. (Pour les curieux, allez voir en bas de cette page. Oui, vous ne délirez pas, ils avaient bien partagé un split il y a quelques années-ndlr.)

BTN : Quels sont les groupes qui vous ont donné envie de jouer ce type de musique ?

AW : Sûrement un mélange de ce qu’on écoute et de ce qu’on aime individuellement. Disons qu’on repique des plans à beaucoup de groupes… Genocide Superstars, les Spudmonsters, Entombed , les vieux groupes crust metal genre Loudpipes, The Dukes of Nothing, après on écoute tous plein de trucs différents, Tof pourrait dire Unlogisitc, X-Or(les toulousains), World Burns to Death, les Poppies, Eric Zeke, Disfear, Trash Talk, Garth Impaled Nazarene, Rocking Dildos et aller jusqu’à Emperor , Ulver…y’en a tellement…

BTN : Il y a un coté hyper rock’n’roll, voir groovy dans cet album, c’est quoi l’idée ou l’impulsion derrière ?

AW : La question précédente répond un peu à celle-ci du coup (en effet, Genocide SS ou Dukes of Nothing sont des groupes assez groovy malgré le bois tronçonné et envoyé à chaque morceau-ndlr.). Ça doit sûrement venir de tout ça. L’idée c’est juste de faire un truc énergique où on se fait plaisir, et surtout où on se pose pas trop de questions. Faut que ça reste spontané.

BTN : De quoi causent les Washingtonians ? Politique ? Abstrait ? Autre ?

AW : Je passe. On a jamais trop compris Garth, même en tant qu’individu. Ça doit pas mal tourner autour du cinéma hongkongais, après…aucune idée.

BTN : Il y a un morceau lent et lourd qui clôt (presque) l’album. C’était quoi la volonté derrière ce morceau ? Cela peut-il aussi montrer une piste pour l’avenir ou c’est juste un exercice ponctuel ? (très réussi, je le redis).

AW : Pareil, aucune idée. On a enregistré ce morceau complètement en catastrophe, le dernier jour de l’enregistrement en se disant que ce serait pas mal d’avoir une sorte d’interlude(tu me diras une interlude à la fin c’est un peu débile), un truc un peu plus posé histoire de pas simplement avoir une rafale de morceaux rapides et bourrins qui s’enchainent. On a mis en commun quelques riffs qui trainaient avec Eric, on a fait tourner le truc deux trois fois, et on l’a enregistré dans la foulée, mais c’était pas du tout prévu. On a fait les quelques samples de l’intro avec un vieux Roland, on a aussi pitché toute la zique histoire de lui donner un côté un peu « rampant », un peu « sludge ». Et pour le chant Garth a juste lu un passage du bouquin qu’il lisait à ce moment là, le pauvre il a même pas eu le temps d’écrire de textes.

BTN : Ici (en France), on est devenu assez réputé pour notre Black Metal, mais j’ai l’impression que d’autres « genres » commencent à s’imposer. Après un passage assez calme, quand je vois votre album, ou, pour brasser large, le dernier Kicback ou le Comity qui arrive à grand pas, j’ai comme l’impression que le Hardcore aligne de bonnes sorties en ce moment- du moins des choses plus intéressantes qu’ailleurs. Un sentiment là dessus ?

AW : Je me sens pas trop de juger tout ça, il y avait déjà d’excellents groupes il y a 10 ans, et plein de choses qui se passaient, le problème c’est qu’il y avait beaucoup moins de visibilité que maintenant…merci internet. Par contre il est évident que les groupes français s’exportent beaucoup plus facilement à l’étranger désormais, et sans chauvinisme aucun, ça fait plaisir de voir que certains groupes d’ici cartonnent, à juste titre, et ont des opportunités dignes de ce nom.

BTN : Pourquoi la version CD est sortie si longtemps après le LP ? c’était pas prévu ? D’ailleurs pourquoi avoir sorti le CD avec cette pochette en sérigraphie ? Pour donner un coté Constellation ou pour proposer tout simplement un autre objet et pas une copie du LP ?

AW : Au départ ça ne devait sortir qu’en vinyle oui. Puis on a eu quelques demandes, des gens qui voulaient acheter le disque, à force on s’est dit que ce serait peut être pas mal histoire de pas faire les snobs. Alexis de Gheea Music était motivé pour nous filer un coup de main, et on a mis le reste avec mon pote Sylvain, avec qui on a monté Beards & Bones, notre asso pour les concerts et qui fait aussi pseudo label à ses heures. On s’est dit avec le groupe que quitte à faire un cd, autant faire autre chose qu’une copie conforme du vinyle, ça n’avait pas grand intérêt pour nous, surtout un an après. La sérigraphie c’était un peu pour le côté esthétique de l’objet, et il faut bien le dire, parce qu’on a le labo de la Fanzinothèque à côté de chez nous, il y a un aspect pratique évidemment, c’est pas très cher, il y a pas mal de possibilités, on peut voir l’avancement de la chose en temps réel, apprendre 2/3 trucs au passage, s’épargner quelques galères de logistique… et en toute honnêteté sortir un bon vieux boitier cristal, ça nous branchait pas vraiment. On a également ajouté un morceau « bonus » qui n’était pas sur l’album, ça redonnait une seconde vie au disque quelque part. En tout cas dans nos esprits haha…

BTN : Actu à venir pour le groupe ?

AW : On a une douzaine de nouveaux morceaux donc on va essayer d’enregistrer quelque chose au printemps, si on a assez de thunes. On a eu un ou deux plans pour faire des splits, mais rien de bien concret pour l’instant… sinon quelques dates notamment le Bloodshed Festival au Dynamo à Eindhoven, avec Dropdead, Looking For an Answer, Gride et plein d’autres groupes, on était plutôt content quand on appris la nouvelle. On a également eu la confirmation d’une tournée d’une dizaine de jours à Cuba en février 2013 sur le Brutal Fest, un festival itinérant, avec les danois de Hexis, nos copains de The Phantom Carriage, qui sont eux aussi de Poitiers, et une petite dizaine d’autres groupes… on a bien hâte !

BTN : Dernière question, passage obligatoire imposé par un de mes collègue et qui, je le sais, va te faire plaisir : que penses- tu de Prodigy, le groupe anglais ?

AW : Alors là……pas grand-chose malheureusement. A vrai dire je connais très peu voire pas du tout, quand ça a commencé à cartonner j’écoutais plus Obituary, Napalm Death et consorts, j’étais pas trop dans le délire mix rock/musique électronique, et à part deux trois trucs plus « lourds » de l’époque, j’étais quand même vachement plus branché death,thrash et black. Du coup j’ai juste le vague souvenir d’un clip dans Best of Thrash à l’époque qui m’agressait visuellement , faudrait que je retente mais je suis pas convaincu du résultat…

BTN : Le mot de la fin ?

AW : Un grand merci à toi pour tes questions et ton intérêt , et Garth tient à te remercier personnellement, il s’est senti beau après avoir lu ta chronique.

mardi 3 janvier 2012

Take Shelter de Jeff Nichols

Alors que l'Occident s'enfonce dans une crise tant économique que politique, le cinéma, lui, s'éprend douloureusement de celle-ci et étale ses peurs de fin du monde. Frissonnante fin tragique d'une civilisation euro-américaine en panne d'idées ? En tout cas, cette même "civilisation" ne semble pas en manquer lorsqu'il s'agit de sa chute. Prenons la Hongrie par exemple. Alors que le pays, au bord du gouffre financier, s'enfonce dans un autoritarisme ultra-conservateur qui rampe lentement mais surement vers le despotisme d'un parti unique, Bela Tarr, fer de lance du cinéma hongrois, sort son dernier chef d'oeuvre, le Cheval de Turin

Ce film magnifique, à l'âpreté sans pareil, déclame un chant de mort glaçant. Un père et sa fille, perdus dans une lande sèche battue par le vent, échouent à échapper à l'horreur de leur quotidien répétitif. De longs plans somptueux qui assènent sans relâche les mêmes gestes, ceux d'une humanité qui ne s'interroge plus sur le pourquoi de son existence ni sur son devenir, qui a accepté l'inacceptable et s'est assise à la table de la misère, le dos courbé, dans le silence le plus complet. Tarr déverse toute sa consternation et tout son abattement dans un unique monologue au milieu du film, qui oeuvre comme un coup de poing. Il nous l'annonce de façon sentencieuse, rien ne sera sauvé car tout, absolument tout, a échoué. 

Dans Take Shelter, l'échec du héros réside dans son incapacité à communiquer les raisons de ses peurs incontrôlables. Le magnétique Michael Shannon campe à nouveau le rôle d'un homme qui perd pied dans un monde qui lui semble de plus en plus hostile. Seulement, il est le seul à percevoir le danger et ses tentatives pour préparer sa famille à l'arrivée du désastre le font passer auprès de tous pour un fou. On ne cesse de penser à Bug de William Friedkin lorsqu'on voit la superbe performance d'acteur de Shannon. Cette plongée dans la psychose est relatée avec grande finesse par Nichols, qui prend le parie de passer beaucoup de temps avec son acteur principal au détriment d'éléments fantastiques qui seraient apparus comme superflus au final. 

On avance donc à tâtons, en accompagnant cet homme en prise avec ses doutes et sa peur intestine, celle de perdre ceux qu'il aime. Cette question impose d'autres interrogations, toujours bien amenées par Nichols. Le réalisateur s'interroge alors sur le sens de la vie de son personnage, sur le sens de ses pulsions, sur l'éclatement progressif d'une bulle familiale qui ignore le monde qui l'entoure au profit de son confort matériel et relationnel. Ces conforts agissent comme de véritables murs entre eux et l'univers entier, comme un gigantesque faux-semblant de verre qu'on ne peut ni toucher, ni voir. Shannon lui, erre comme une bête, pris de visions terrifiantes qui annoncent la fin du monde tel que les autres le voient et tel que lui aussi le voyait peu de temps avant.

Le lien entre le Cheval de Turin et Take Shelter et même, Melancholia, c'est l'aveuglement du monde devant ce qui l'entoure, devant l'imminence de la chute. Ce détournement du véritable, ces oeillères comme en porte le cheval dans le film de Bela Tarr, sont ce qui empêche les gens d'agir réellement pour leur propre survie. Lars Van Trier et Bela Tarr ne laissent aucun espoir aux hommes et aux femmes de cette Terre, celant leur sort à leur aveuglement astral et à l'échec répété qui les ramène inlassablement au point de départ. Take Shelter, lui, offre une autre voie. A vous d'aller la découvrir dès demain.