vendredi 30 décembre 2011

BLACK FACE- S/T 7"

En posant le diamant sur le sillon, on y croit, on en est persuadé: on est en plein milieu d'un disque de 85. Du pur punk ou du pur hardcore de l'époque, les riffs, les sons, et l'immédiateté des paroles ne laissent presque planer aucun doute. C'est la face "I Want To Kill You" qui ne pouvait être écrit que par deux personnes pour pouvoir être prise au sérieux. La première, c'est Rollins qui se serait pas encore engagé ni dans le cinéma ni dans les spoken words ou les émissions de TV. L'autre c'est Eugene Robinson. On est, de fait, en 2011 -pour encore quelques heures- et c'est donc Robinson qui se ferait une joie de te coincer la trogne entre ses jambes pour t'expliquer la moindre subtilité qui pourrait t'échapper. Sur le papier ça ressemble à la meilleure idée de tous les temps: foutre Robinson avec Dukowski pour faire vivre une alternative au Black Flag déchu. Sur disque on se rend surtout compte que ça fonctionne parce que la promesse des mecs est la suivante: ils ne l'ont pas fait pour la nostalgie (inexistante, de surcroît) mais pour l'envie de détruire tout une fois sur scène. L'envie de tuer. La face A suinte, comme promis, de ces lignes de basses typiques et de la haine glaviotante de Robinson bien épaulé. Sur l'autre, on se croirait sur une envolée chantée tirée d'un "Process of Weeding Out" qui virerait sans s'excuser vers un quasi funk psychédélique où Eugene de Whipping Boy se rapprocherait du Robinson en slip d'Oxbow. On attend forcément que cette incarnation viennent avoiner le curieux sur scène.

vendredi 23 décembre 2011

PUSCIFER- Conditions of my parole

Tool nous avait habitué à un rythme de croisière quasi régulier, publiant un nouvel album 5 ans après le précédent sur ces deux dernières productions. Cette année nous n'avons pas eu notre dose, les fanatiques n'en peuvent plus et c'est finalement Puscifer qui a dégainé plus vite... reléguant par ailleurs le projet phare (quoi qu'on en dise) de Maynard James Keenan au placard pour encore quelques temps. Surtout que Puscifer avait déjà sortis deux disques (un album et son siamois de remixs) qui, bien que loin d'être mauvais, n'étaient que la preuve que Puscifer était avant tout un projet fourre-tout de luxe pour le vigneron. "V for vagina " était surtout le moyen de voir ce que glandouillait Keenan loin d'un groupe, et le concept ne prenait pas plus que ça une fois sur bandes, malgré un casting incroyable (RATM presque au complet, Tim Alexander...).
Puscifer revient avec son deuxième véritable album, alors que les admirateurs attendaient plus un nouveau Tool, voir même un nouvel enregistrement d' A Perfect Circle, pusique ressuscité contre toute attente. MJK a visiblement poussé le jeu du beauf américain de base jusqu'au bout avec cette nouvelle fournée, les clips et visuels promos/pochette allant dans la continuité de Cuntry Boner. On y voit un Keenan ventripotent, moustachu et coiffé d'un mulet de champion dans sa caravane ou en prison. Technique marketing pour faire fuir le metalleux ? On se souvient de son goût pour les costumes affreux, de sa volonté presque maladive à garder l'anonymat (même si pour la première fois de sa carrière, il apparaît sur la pochette d'un de ses albums) et de cette anecdote qui veut qu'un soir, en sortant d'une séance de ciné avec Adam Jones, celui ci se fait abordé par une poignée de fanatiques de Tool une fois séparé de son camarade qui lui demandent l'air ébahis "tu connais le guitariste de Tool ?", n'ayant alors pas été identifié comme le chanteur du quatuor par la horde.
Coté casting, encore une grosse sélection: épaulé par Carina Round sur la plupart des morceaux, il convie également son fils Devo à jouer sur un morceau (contrebasse), Josh Eustis de Telefon TelAviv aux claviers et à la programmation, Tim Alexander, Gil Sharone de Dillinger Escape Plan ainsi que Jon Theodore de One Day As A Lion et Mars Volta à la batterie, Alessandro Cortini de NIN au Buchla (synthé modulaire ésotérique) et Juliette Commagere au chant qui avait largement contribué à la première tournée live du groupe. Et cette fois, le surplus d'invités ne débouchent pas que sur une grosse blague assortie de quelques bons morceaux, mais plutôt d'un disque étonnamment réussi. Ce Puscifer ressemble au disque de pop indus que Perfect Circle n'a jamais enregistré. A la production massive s'ajoute une série de morceaux sérieux, imparables. Dynamiques et intelligentes, les compositions voient Maynard chanter de son impressionnante voix sur des chansons toutes arrangées avec soin, offrant une puissance et une rigueur qu'on ignorait de la part de ce projet. C'est la grande force de ce second album: plutôt que de récolter des ébauches et idées en tout genre, ce nouveau disque se compose de chansons, d'un réel travail d'écriture et couplé à un souci du détail et de la création inventive. On saluera particulièrement les apports de Mitchell, Eustis et Cortini aux claviers, venant truffer ici et là les chansons de trouvailles sonores, de petits sons étranges apportant une dimension nouvelle aux compositions sans aller ni dans la facilité ni dans le dépotoir à sons. Tous se plient au jeu de l'orchestre, personne ne vient faire de la figuration en faisant mumuse, mais sert un projet musicale qui se tient de bout en bout. Le tout, en quelques 12 morceaux et en totale inadéquation avec l'emballage, se présente comme un disque de pop rock malin et créatif, disposant d'une insoupçonnable puissance.

mercredi 21 décembre 2011

MOBB DEEP- Black Cocaine

La preuve que les formats courts ont du bon, on se met à rêver quant à le prolifération de ce genre d'EP, ramassé, puissant, qui se tient sans longueurs ni faiblesses. De Mobb Deep on connait surtout les deux classiques "the infamous" et "Hell on earth", deux indispensables du hip hop type sécheresse sonore et regard mauvais. Black Cocaine est un disque court mais impeccable, composé de 5 morceaux qui nous pousseraient à nous pencher sur les autres albums du duo, du moins à guetter celui qui arrive si il est dans la même veine. Hip hop de truands certifié, production phat qualité supérieur, peu importe qui s'occupe de tapoter la mpc: Beat Butcha ouvre avec un morceau se basant sur un sample de rude boy et des claviers type horrorcore, Havoc produit lui-même un Conquer qui commence en faisant peur avec ses cors samplés mais qui fait ses preuves avec une construction redoutable et un beat lourd. The Alchemist s'occupe pour sa part de deux morceaux habités de samples et de sons hypnotiques, dont un soutenu par Nas qui ne brille plus que grâce à ses apparitions chez les autres. Freak Beats produit le dernier morceau, entre piano irritants et samples gras de guitares, synthés stellaires et batterie massive. Cinq morceaux sérieux sur un EP brillant, entre clin d'oeil aux petits nouveaux (on pense très fort à Clipse sur deux morceaux) et retour prometteur.

mardi 20 décembre 2011

KICKBACK-Et le diable rit avec nous

Etonnamment prolifique, Kickback revient seulement 2 ans après l'album précédent (rappelons nous que No Surrender n'est séparé que de 12 ans de son prédécesseur). Un retour donc plutôt inattendu, et qui ne s'est pas fait attendre: annoncé et publié rapidement, à l'image de la musique d'ailleurs. Un coup rapide, furtif.
Et le diable rit avec nous chante la mélodie et l'amour de bout en bout, on en vient à regretter qu'il ne se soit pas nommé "accolade dans les coquelicots". Logiquement, il se pose comme la suite logique et inévitable de No Surrender (d'ailleurs la pochette reprend le visuel de la première page du livret de l'album précédent), qui avait vu une mutation de la musique du groupe tout en asseyant paradoxalement son identité. Kickback ne ressemble plus qu'à lui même, et son affirmation dégueule de chaque note, chaque coup, chaque hurlements. Certain se précipitèrent pour affirmer un virage black, et si il faut relativiser cette affirmation, la musique du groupe s'est noirci, s'est méchamment salie avec l'arrivée de l'architecte du riff en chef, tête pensante de Diapsiquir. Mais cette suite, expéditive (une grosse demi heure), entame aussi un virage qui semble s'éloigner du groove omniprésent depuis Cornered. Le triple K s'est associé pour ce nouvel enregistrement à un batteur plus sobre que précédemment, et le rythme en devient moins chargé, perdant au passage une dose de groove. Le son des 10 morceaux va d'ailleurs dans ce sens. La production est tranchante, sèche, agressive, et ne déborde pas de basses, manquant légèrement de rondeur. Et le diable rit avec nous est le disque le plus froid de Kickback, le plus austère, et a des allures de punk vénéneux. Une agression glaciale d'une demi heure, remuant dans le crâne puis se retirant sans prévenir. Ce constat serait cependant renforcé sans les deux reprises finales cloturant l'album- une des Geto Boys et une seconde des Brainbombs. On se penchera surtout sur celle des Geto Boys, la plus surprenante. Pendant quelques minutes, Kickback multiplie les sons inédits dans leur mixtures: passages presque claires, samples, saturations absentes pour respirer, mais mixé au denses sonorités âpre de la production. Le rythme est assuré par une BaR, elle aussi glaciale et monomaniaque, puis la reprise se finit sur une longue sortie calme et noire, larsen de machines ravagées.

vendredi 16 décembre 2011

THE WASHINGTONIANS-Severed Heads

Les Washingtonians auraient totalement pu exister il y a 10 ans, à l'époque où des dizaines de groupes apparaissaient chaque semaines et où chacun d'eux faisait l'effort d'être plus créatif, plus efficace ou plus sauvage que les autres. Et les Washingtonians se seraient déjà largement démarqué. Nous sommes à la veille de 2012, et la pénurie de groupes de rock agressif se fait de plus en plus sentir. Les grands labels sont à la rue, et quand ils veulent briller, ils sortent des ré-éditions. En évitant de verser dans le "c'était mieux avant", c'est avec le sourire qu'un groupe comme les Washingtonians est accueilli. Après son premier essai traité ici, le groupe a pris le temps de concocter un long disque gavé jusqu'à la gueule en quantité mais qui a aussi le bon goût de ne pas faire saturer les oreilles de son auditoire: l'album est dense mais ne s'éternise pas. 19 morceaux pour 30 minutes, impeccable. Pour poser la rigueur du groupe c'est l'ensemble du projet qui est abouti et qui mets des points: l'album s'enrobe d'un visuel superbe (de Rica, qui avait signé quelques couvs chez Noise et bossé pour Marvin ou Death to Pigs) rappelant les comics indés US, avec un Georges à la tête décomposée en cubes libérant une armée de smileys: Washingtonians s'éloignent de son premier disque avec un visuel à l'opposé du précédent. C'est F. Hueso qui s'est occupé de capter le fouin, habitué de la console pour des projets parfois nettement moins intéressants mais qui produit un superbe son dynamique et adéquat. A l'heure où tout sonne comme un produit plastique Relapse, Washingtonians joue sur une production plus serrée, et qui ne donne pas dans l'artifice usant. Chaque membre a sa place et tout se distingue.
L'influence Benümb me semble moins parlante pour ce nouveau disque, le son y étant moins magmatique, respirant davantage et les Washingtonians jouant définitivement une musique plus entrainante, possèdant un coté aussi terriblement festif. De fait, le groupe me semble aujourd'hui jouer dans la cour hardcore (ou grind, à vrai dire on s'en tape) comme Entombed joue du death: en y incluant une dose évidente de rock'n'roll et de groove. Sans redéfinir les contours de musiques sauvages et ultra balisés, les 4 jouent avec cette conviction poisseuse et cette énergie impeccablement gérée: chaque break, chaque mesure, chaque plan semble bannir la molesse, même quand ils calment sévèrement le jeu. Techniquement, les membres semblent tous en place, et le travail rythmique est remarquables: entre blasts et ralentissement, chaque coup à l'air teigneux, ça rouste dans tous les coins, cymbales en guerre et peaux de chèvres en ruine. Fait(devenu) rarissime, la voix possède un vrai grain singulier, qui n'est pas sans rappeler Scott Angelacos, hurleur possédé de Bloodlet, Hope & Suicide et désormais dans Junior Bruce. Au bout des courses, le groupe distord complètement sa musique sur deux titres totalement opposés: un morceaux ou tout y est lent et écrasant, puis une dernière rafale tout en vitesse ramassée en quelques secondes. Le dernier titre fait une dernière fois les comptes avant de fermer la porte, mais celui d'avant permet au disque de se reposer et de montrer que si le genre lourd et lent est en surpoids grâce à un nombre de groupes incalculables tentant leur chance dans ce style, il reste un exercice souvent convainquant quand il est est (bien) exécuté par des gens dont ce n'est pas la spécialité. On se souvient d'ailleurs de Cephalic Carnage qui assurait totalement dans ce genre de tentatives. Un Severed Heads soigné de bout en bout, qui se finit comme il se découvre: en imposant une taloche qui rend heureux.

mardi 6 décembre 2011

TOM WAITS- Bad As ME

Waits ne se fait plus si rare, se fait moins désirer et ne mets que 4 ans à donner vie à ce Bad As Me (si l'on considère "Orphans..." comme un véritable album), et deux ans seulement depuis le live au son âpre que nous avions mentionné lors d'une réunion. Bad As Me, titre qui pourrait tout dire mais qui ne le fait pas, parce que "Bad" n'est valable dans aucun sens du terme. On a connu Waits plus effrayant, plus noir, plus vicieux, et on a connu des albums bien pires (sans parler, de fait, de sa discographie).

La famille Waits se fait fidèle lorsque le maître passe en studio: Brennan soutient encore son étrange mari dans ses délires, alors que le fiston se pose derrière la batterie de manière plus importante que jadis puisqu'il frappe sur une bonne partie des titres. Ribot est un fidèle, un habitué tout comme Claypool, toujours présent lorsqu'il peut passer quelques notes de sa 4 cordes mutante au patron du cabaret. Pour la photo, on notera également la présence de Flea, qui prouve encore que les mecs des Red Hot ne sont jamais aussi bons que losqu'ils s'évadent de leur machine à remplir du stade, et également celle plus surprenante et pourtant plus légitime de Keith Richards. On en oublie beaucoup d'autres.

Bad As ME ne porte donc pas vraiment bien son titre. Le cinglé effrayant du blues déglingué ne sort pas ses visages les plus terrifiants, laissant ça au premier tiers d'Orphans ou de Real Gone. Il n'est pourtant pas dans le registre d'un bluesman sobre: la voix mutante continue de se transformer d'une pièce l'autre, et c'est le grain qui assure le fil rouge de l'album; mais sans habitudes, l'auditeur pourrait s'y perdre: Waits est multiple... en plus d'être ravagé. L'instrument vocale de Waits est si complexe et fascinant qu'il pourrait écrire des paroles totalement déplorables qu'on s'en contenterait. Mais en plus d'insulter les cordes vocales de dizaines de troubadours en lichen, il les humilie en s'imposant encore comme un brillant parolier.

Et puis Waits à la classe mais aussi les façons des bruts. Il vous attrape violemment par le bras et vous force à le suivre dans ses déboires de poètes aux carnets sales et aux notes éparses, amenant cohérence dans la folie, la diversité dans sa vision musicale. Blues bâtard ici, folk triste par là, rock poisseux plus loin. Un traversée plurielle du bilan MMXI, entre incantation au rythmiques de bidons rouillés, guitares aux cordes saignantes, orgues enroués et confession plus intime sans importuner les artisans vicieux exécutant les délires et requêtes du taulier. Fanfare macabre et fin de spectacle, ambiance alcoolique pour l'amour de la bonne goutte plutôt que l'opulence du baril. A l'image de sa discographie.

lundi 28 novembre 2011

KING MIDAS SOUND- Without you

Kevin Martin semble créer maintenant une distortion étrange dans son projet KMS: alors que sa musique semble faire une boucle sur elle même et vient se régénérer au coeur de sa propre culture, le groupe sort un simili second album qui n'est pas vraiment un album de remixs au sens traditionnelle mais plutôt une collection de travaux tournant autour du premier album du groupe. Expliquons-nous: il est clair que le trio se dirige vers une musique de plus en plus brute et bruyante, comme si Hitomi et Robinson aidaient Martin à se réconcilier avec ses propres racines, créant un trait d'union entre Ghosts de Techno Animal et Waiting For You, l'album le plus accessible et mélodieux (qui se chante comme le racontait Martin au Wire) de toute sa carrière. Lovers Rock en plein ébat avec l'indus la plus âpre. Without You n'est pas un simple album commandé et conçu, il s'apparente plus à une collection de remixs épars, puisque reprenant des remixs originaux (Gang Gang Dance...) des versions où les voix sont redéfinis (Cooly G) et des mixs datant du tout premier EP- Il est d'ailleurs surprenant que le morceau de Dabrye figure sur l'album en piste cachée. Le disque hésite donc entre remixs fous d'un coté et approfondissement du climat dessiné sur l'album de l'autre. Gang Gang Dance assure une lecture limite mongolo et psychédélique à base de bonbons cosmiques (et le clip qui va avec), Nite Jewel imite le pire de Miles Davis avec ses cuivres synthétiques et ses sonorités cheaps et Cooly G rechante sans conviction un Spin Me Around qui se perd dans les "OoOh YeaaaAaaah" déstabilisants. Mala et Kuedo se partageaient un EP avec leurs deux morceaux, et on se demande un court instant si le 12" ne grillait pas toutes les cartouches du groupe quant à ce projet: remixs impeccables et soignés sur chaque face, Mala renforce le rythme avant de faire apparaitre les samples originaux alors que Kuedo dresse un décor K. Dick-ien comme sur son propre album en y incorporant la voix de Robinson. Kode 9 & Spaceape posent un remix ramassé, court et agréable tandis que Deepchord Presents Echospace incruste son langage au fantomatique son du trio avec les honneurs. On arrive au bout avec l'idée d'être en compagnie d'un mutant bien sage du premier album, un disque dont l'aspect foutraque prend le dessus malgré un climat générale obsédé et également hyper sensuelle, alors que la suite des aventures discographiques du groupes se veulent sinon passionnantes au moins aventureuses.

mercredi 16 novembre 2011

ROLY PORTER- Aftertime

Créateur avec son camarade Kuedo (Jamie Teasdale) du duo Vex'D, Porter part pratiquement anonyme pour enregistrer ce premier album solo. Pourtant, Vex'D restera probablement comme le projet ayant accouché d'un des tous premiers albums de dubstep de l'histoire. Etrange sabordage à l'heure où la frange la plus bourrine du genre se régale avec à sa tête d'horribles tentatives comme Skrillex. La séparation découle ainsi sur deux projets distincts, Kuedo d'une part, dont nous reparlerons, et Porter sous son nom, sans pseudonyme ni incarnation de l'autre. Si le premier projet peut traduire une certaine évolution, l'album de Porter montre, hurle même une certaine forme de nécessité quant à l'abandon (temporaire?) du projet Vex'D tant sa vision solitaire se place à contresens des travaux précédents.

Ici le rythme tel qu'il est généralement connu est totalement banni, et n'apparait qu'en lambeau, malmené via quelques samples tentant de s'incruster dans le bain ambiant. Règne en maître la distortion, le seul élément identifiable et permanent, prenant l'auditeur et le plongeant dans une cuve de ses plus belles et soignées émanations. Grasses ou subtiles, graves ou cristallines, elles sont déclinées sous plusieurs formes et se rencontrent en produisant un signal résiduel omniprésent et cannibale. Porter semble pointer du doigt une musique électronique qui se régénère dans sa propre origine, celle de la musique industrielle. Une illustration sonique de l'ouroboros, qui après avoir tenté l'extirpation via le battement ne peut se résoudre qu'à retourner à sa nature: celle de l'exploration de l'oscillateur, de ses déclinaisons et de la recherche constante du son. Viennent alors se mêler à la transe arythmique les voix, les violons, les claviers et percussions traditionnelles, délivrées au compte-goutte, ricochant dans la cuve. Quelques nappes analogiques (ou virtuelles) s'emparent du premier plan pour lui donner brillance comme quelques passages quasi Vangelis-ien, mais l'ensemble reste cet étouffement noise de basses massives et fuzz crépitant.

Au milieu des Machinefabriek et autre Ben Frost, hébergé chez Emptyset, Porter s'en sort avec les honneurs, surfant sur le courant très en vogue et plutôt intéressant -pour le moment- de la distortion soignée et mélodieuse (?); "post-industrielle" néanmoins courtoise et qui derrière quelques agressions reste loin de la méchanceté et probablement de la pérennité des ancêtres.

vendredi 11 novembre 2011

Les harmonies Werckmeister de Béla Tarr

Le premier film de Béla Tarr que j'ai eu l'occasion de voir fut assez désespérant. Non pas que le film eu été un désastre, bien au contraire, mais Damnation (c'est son titre) était rempli d'un désespoir qui inondait au delà de l'écran, tous les interstices de mon corps et de mon âme. Alors que s'entamait le générique de fin je ne pus m'empêcher de pouffer nerveusement tant l'abattement qui venait de s'offrir à mes yeux était immense, incommensurable... galactique. C'était en réalité, la seule réaction rationnelle qu'il m'était possible d'avoir, mis à part la pendaison. 

Le cinéma de Béla Tarr n'est pas pour les dépressifs. Il n'est pas non plus pour ceux qui trouvent la lenteur anxiogène et le silence ennuyeux. De Family Nest (1977) à L'homme de Londres (2007), il y a 30 ans d'un cinéma terriblement ambitieux et homogène, à la continuité fantastique, à l'âpreté rarement égalée, à l'exigence hors norme. Béla Tarr ne transige sur rien. Il ordonne l'espace, il construit le temps, il impose le silence et donne des visages à l'épouvantable et au sordide. 

Entre Familiy Nest et L'homme de Londres il y a donc Damnation en 1987, premier volet d'un triptyque qui trouve son apothéose en Satantango en 1994, film magistral de plus de 7 heures et s'achève en 2000 donc avec Les harmonies Werckmeister qui nous raconte l'histoire de Valushka, jeune homme serviable et un brin naïf, fasciné par une énorme baleine qu'un forain exhibe dans la ville où commence à gronder une insurrection ouvrière. 

Béla Tarr ne situe jamais ses récits. On sait que nous sommes en Hongrie mais nous ne savons jamais à quelle époque, ni s'il s'agit d'événements réels. Ce qui transpire, c'est la désolante situation sociale d'un pays qui sort du giron stalinien et s'avance vers le capitalisme. La peur au ventre. Le désordre est partout, tant dans les têtes que dans le corps social dispersé, démembré. La tension s'étale, dans de très longs plans-séquence qui sont la marque de fabrique du cinéaste. 

Dans la droite lignée de Miklos Jancso, illustre cinéaste hongrois avec qui il a travaillé à ses débuts, Tarr donne toute sa place au silence et au temps. Son cinéma est indissociable d'une certaine idée peu à la mode aujourd'hui: le processus prime sur l'instant. Béla Tarr se fiche bien de saisir un fragment, un instantané. Il veut que l'on vive avec, que l'on partage les hivers glacés, que l'on boive la même soupe, que l'on battent le même pavé, ensemble, longuement, humainement. De nouvelles sensations émergent. Comme lorsqu'il filme cette marche d'ouvriers qui vont saccager un hôpital: des visages se découvrent, la lutte prend une forme vivante. La masse n'est plus une masse mais une somme d'individus unis qui s'avance, dans le même silence, dans la même cadence. La lumière illumine ces tristes têtes fatiguées et l'on tâte alors l'intensité, la puissance de la révolte, la détermination d'un tout.

En rétablissant un temps humain par de très longs plans-séquences (qui dépassent pour la plupart la dizaine de minutes), Béla Tarr change aussi notre conception de l'espace au cinéma. C'est bien souvent le reproche que l'on fait à un film lent: "ça bouge pas"... Ici c'est tout le contraire. Obstinément, Tarr construit chaque plan avec la même minutie. Chaque mouvement est calculé, chaque déplacement pensé et articulé pour donner à chacune des séquences une vitalité et un sens. Ne pas comprendre sens comme direction, non, même si direction il y a forcément puisque Tarr nous emmène, nous trimballe avec une science éblouissante du mouvement, du geste, mais sens comme signification, comme question. Le mouvement fait naître la réflexion et c'est elle qui dirige l'intrigue.

C'est la richesse d'un cinéaste unique qui va bientôt disparaître. Son dernier film, Le cheval de Turin, vient d'être couronné de l'Ours d'Argent à Berlin. Béla Tarr a annoncé qu'il serait le dernier. Parce qu'il estime que le public ne veut plus voir de film comme ceux qu'il fait. Parce que les dernières lois du Fidesz de Viktor Orban sur le financement du cinéma rendent les choses encore plus difficiles. Béla Tarr est un grand sensible, un réalisateur fragile qui a toujours beaucoup lutté pour produire ce qu'il pensait être un cinéma ambitieux. La politique culturelle hongroise enterre très certainement l'un des plus grands cinéastes du pays.

mardi 8 novembre 2011

BRUTAL TRUTH-End time

On attendait même pas Brutal Truth, tant l'album du retour était une suite logique mais surtout suffisante à l'histoire du groupe. Ils remettent déjà le couvert avec un album qui propose du BT classique et donc en très grande forme. Grind punk de folie certifiée qui se ballade dans les champs voisins, du rampant et du crade agressif, Hoak joue toujours comme un malade mentale parkinsonien sous amphétamine, rentrant les plus improbables roulement à une vitesse ridiculement excessive; la dernière recrue, Burke, demeure le tenancier de la 6 cordes pour BT, et injecte visiblement sa connaissance du stoner et du hardcore dans des riffs où la lourdeur est de mise mais est capable aussi d'abattre des plans nébuleux, quasi psychédélique quand la rythmique de Hoak et Lilker s'embarquent dans l'excès de vitesse, créant une sorte de "contre-champs" musicale habilement mené ("Lottery"). Sharp prononce toujours la messe avec sa voix de cowboy Grindcore, efficace et sans fioriture. L'album en plus, celui qui confirme le groupe sans afficher de marque de fatigue, qui n'aligne pas autant de morceaux cultes que l'ainé Sounds of Animal Kingdom, mais qui ne décevra pas le fanatique. Bière, chasse et blast dans les enceintes. En revanche, l'édition vinyle ne propose pas le tout dernier morceau, longue évolution flirtant avec l'indus sur 15 minutes. Pourquoi ???

jeudi 3 novembre 2011

MELVINS- Glazart.

Aurait-on oublié de dire quelque chose sur les Melvins sur scène lors de leurs précédents passages parisiens ? Non, les Melvins restent les Melvins, soit le rouleau compresseur d'un rock énorme et techniquement impeccable grâce aux deux monstres derrière la batterie qui occupaient ce soir la grande partie de l'espace sonore.
Sinon que dire, si ce n'est qu'il fut compliqué de savoir s'il était possible de ramener de quoi faire des photos, que la réponse fut "non", alors que pleins de gens ont passé sans soucis la sécu avec de petits appareils. Je suis définitivement trop bien élevé - même si Gtok/Gtko m'a affirmé trop tard que c'était jouable, merci quand même. En résulte quelques documents visuels saisis sur le vif d'une qualité médiocre avec un système élaboré de téléphone cellulaire à multiples fonctions, qu'un de mes camarades eût la gentillesse de me nantir.
Mentionnons aussi qu'il faisait une chaleur absolument infernale; qu'il est également impossible de voir quoi que ce soit dans cette salle si les 2 premiers rangs (soit 27 personnes au maximm) ne sont plus disponibles; que les Melvins jouaient ce soir à 6 (Deux batteurs, basse, guitare, sécu à gauche, sécu à droite) et parfois même à 7-pour être honnête, mentionnons tout de même que c'était le chaos devant et que les batteries étaient trés avancées; et que bien qu'on ait croisé Dave Curran (et aussi les mecs de Big biz dans un resto coréen mais ça, on s'en carre), pas de Porn ce soir (enfin, je sais pas ce que vous faites chez vous après les concerts, moi...) mais Françoise Massacre de Noise mag a poussé quelques disques. Mais pour avoir souvent rêvé de ces soirées "Melvins & Friends" organisées outre-Atlantique pour Halloween, on aurait eu tout de même tort de se priver.











Deux bonus vidéos avec mal de mer en cadeau à visionner ici et .

lundi 31 octobre 2011

CODY SIMPSON - Coast to Coast

Bah quoi, c'est Halloween non? Quoi de mieux qu'un clone austral de Justin Bieber pour faire revenir les morts? Rien. Strictement rien. Au risque d'aguicher au passage quelques blondinettes à appareil dentaire qui rêvent de surf et de crème de visage la nuit, mais bon, à ce prix là franchement! Vous aurez bien quelques bonbons (gifles) à leur filer. 

Cody Simpson donc. Des milliers de kilomètres le sépare de son comparse et aîné canadien (Justin est de trois ans son aîné, un monde vous comprenez). Pourtant les deux créatures semi-extraterrestres ont toutes les deux été découvertes sur le net, "grâce" à leur clip aguicheur et à leur minois de pré-ado tout droit sortis d'un camp d'émasculation pour jeune aryen dépressif. Le sourire large comme une pagaye, le regard aussi pénétrant qu'un couteau suisse dans une brique, le casque d'Albator ou de Mireille Mathieu (au choix)... La panoplie complète du parfait petit Playmobil de la musique expérimentale dodécaphonique et arythmique quoi. 

Ah les opérateurs de musique en streaming ont parfois de riches idées. Ils savent que j'aime écouter de la grande musique pop, des trucs comme The Soft Pink Truth, The Horrors ou Kim Fowley (j'suis un peu innocent en zik moi...) alors ils m'offrent sur un plateau le dernier album du platiné surfeur de la grande barrière de Corail. Cody Simpson, né le 11 janvier 1997, "chanteur et surfeur australien" dit sa page wiki. Presque dix ans nous séparent. Un univers aussi. Une certaine idée de la vie. Mais il finira par se poser des questions lui aussi lorsqu'il écrira son autobiographie comme son pote Bieber. Parce que oui, Justin a déjà son autobio, très humble cela dit: De mon premier pas vers l'éternité: mon histoire, disponible chez Michel Lafon. Ca doit valoir son pesant de cacahuètes... 

Bref. J'écoute ce Coast to Coast qui quitte le Golfe de Carpentarie pour aller à la conquête de l'Amérique. Je me déhanche nonchalamment sur la balade hivernale Not Just You, m'extasie devant ce p'tit gars au nez raboté qui arrive à serrer des filles qui ont bien dix ans de plus que lui (en tout cas le maquillage les y aide). Je m'enthousiasme comme une midinette sur On My Mind et ce jeune minet qui tombe amoureux d'une photographie (ça me rappelle mes cours sur le Nosferatu de Murnau d'ailleurs, merci Cody) et qui fait des gros check à son pote le vendeur de télévision... Je brûle et salive sur All My Day, morceau en carton où le jeune homme gesticule dans tous les sens sur des chorégraphies de Mia Frye mais peine à se remettre la mèche. Et puis mes oreilles prennent soudain feu lorsqu'il entonne son sémillant iYiYi (prononcer aïe-aïe-aïe-aïe) en duo avec le rappeur subversif Flo Rida. 

J'en suis tellement tombé amoureux que j'ai fini par ne plus distinguer les différences pourtant notables entre toutes ces mélopées enrobées de vaseline (appelée aussi gelée de pétrole).Il m'aura fallu une deuxième écoute, avec les clips sous les yeux pour comprendre l'ampleur du plagia qu'il m'était donné de voir. L'escamoteur de kangourou est en train de siphonner par le fond le marché des 8-15 ans que son pote l'emmancheur de caribou détenait jusque là. Au final, cet enfer ne m'aura pas permis de résoudre l'insoluble dilemme cornélien: est-ce pire d'infantiliser les mimiques et les gestuelles des adultes ou bien de faire des thématiques de pré-ado des paradigmes visants à régir la vie sentimentale d'adultes en perpétuelle dépression identitaire? Sur ce, joyeux Halloween. 

The Roost de Ti West

Je zonais sur la toile lorsque j'ai vu que le réalisateur Ti West allait sortir un nouveau film au doux nom de The Innkeepers, une histoire d'hôtel hanté qui semble s'inspirer grandement du Insidious de James Wan ou des Autres d'Alejandro Amenabar. Cette petite bande annonce m'a rappelé au bon souvenir du premier film de Ti West, sorti incognito aux USA en 2005 et sorti incognito directement en DVD chez nous, sans que je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir le moindre exemplaire dans un bac... 

Si vous organisez une soirée posée chez vous et qu'au lieu de mettre une playlist d'ambiance glauque qui ressasse les mêmes thèmes de l'horreur depuis 40 piges (ce qui revient à comparer la musique de l'Exorciste à Alexandrie Alexandra de Claude François en gros) vous aviez l'intention d'être original et de mettre en fond sonore et visuel un film inintéressant, fauché mais que personne n'a vu et qui rentre dans les critères "Halloweenesques" (cette phrase est interminable), The Roost est pour vous. 

Déjà parce que personne n'aura besoin de réellement faire attention à l'intrigue: de jeunes gens se rendent à un mariage. Ils ont une panne de voiture en rase campagne et sont kidnappés dans une ferme sordide. Là ils se font attaqués par une bande de chauve-souris zombie-carnivores et par leurs victimes zombies qui reviennent pour le plaisir du pays de l'Oncle Entre-les-Morts. Autant dire qu'entre deux saucisses cocktail, un léger coup d'oeil-sourcil relevé à ce drôle de récit en fera sourire quelques uns. 

A signaler que le film marche aussi si vous êtes en mode "potes de bar", bière, masques de Jason et pop corn en prime. Faudra juste le mettre en amuse gueule pendant la première pizza pour éviter que vous ne vous endormiez. Ti West, avec ce premier film, ne brillait pas franchement dans sa maîtrise du rythme de la terreur. En découle de longues séquences atones et lentes, loin d'être extatiques. 

Si vous organisez une projection dans une grange par contre, ça peut être super stylé. Surtout quand on sait que, celle qui est utilisée dans le film, est la même qui servit à Hitchcock pour Pas de Printemps pour Marnie en 1964. Les fans apprécieront. 

The Roost n'est pas si vilain que ça. Disons surtout que son budget (50 000$) ne l'a pas forcément aidé. Argument qui ne tient pas tout à fait au regard des effets produits par les sous-productions Paranormal Activity et Blair Witch Project. Mais le premier film de Ti West (qui a réalisé la suite de Cabin Fever) ne joue pas dans la même cour. Il est clairement une séquelle d'un certain cinéma bis des 50's (voire d'un certain cinéma bis mexicain des 50's) dans son côté théâtre de Guignol mais aussi un héritage trash molasson mais volontaire des premiers slashers comme Massacre à la tronçonneuse qu'on aurait mixé avec le Bats de Louis Morneau. Si bien qu'au final, on est loin d'avoir boudé son plaisir. 

vendredi 28 octobre 2011

UMBERTO-Prophecy of the black widow

Musique de giallo version 2010, comme un goût de revival anti-daté, par un type appelé Matt Hill et qui se cache sous l'étrange blaze d'Umberto. Un truc de nostalgique un peu geek, coincé dans une époque qui l'accueil les bras ouverts: la clique Not not fun se fait un malin plaisir à signer ça. Le disque que Jus Oborne aimerait composé avec un ampli Orange en s'insipirant de Goblin. Du kitch italien supposé mais composé avec le sourire de celui qui comprend, grosse tendance du synthé vintage, un rein en échange, et des milliers d'idées et d'image se bousculent dans la tête de l'auditeur. Une sorte de musique de dessins animés Metal Hurlant qui se finirait dans un bain de sang, Vampirella assise dans ton fauteuil en train de te vider ta cave à vins, l'oeil complice. Roulement de toms d'une autre époque, du type que tu n'entends plus sauf chez Céline (celle sur le paquebot) ou Barbara, passés dans des reverbs à la discrétion interdite. Anton LaVey te lit un poème de son cru pendant une descende en quinte diminuée, la boite à rythme n'atteindra pas le 666 BPM, calme toi. Tu paries bêtement que Daft Punk est en featuring sur le disque, ayant troqué les casques contre des bures de moines, levant les bras au ciel implorant le dieu Maiden de les pardonner. Orgie de sons, la vierge, seulement vêtue de crâne sur les seins et d'une cape en fourrure bondit pour échapper à sa punition nocturne, poursuivi par un découpeur de tête sous drogue, pendant que tu ris, affalé sur un canapé en vinyle rose. Soirée gothique qui vire au cauchemar comique et un peu plus, les basses rondelettes d'Umberto sont presque sympathiques avec cette musique qui accompagne la découverte d'un coffre longtemps oublié dans un grenier. Riffs de cloches et choeurs de synthés, chaque oscillateur sollicité ici est imbibé d'envolées Cartpenter-esque. Parait qu'il était prévu une version cassette, le format absolu du nouveau millénaire, dans un fourreau en moumoute rose.

jeudi 27 octobre 2011

CYPRESS HILL- III Temples of boom

Il est assez intéressant de se repasser par ordre chronologique la discographie de Cypress Hill, puisqu'en plus de montrer l'évolution (j'aurais bien parlé de "progression" si le groupe était mort en 99) du groupe californien, les albums du posse enfumé sont aussi d'excellents traducteurs des grandes tendances du hip hop des années 90 jusqu'à aujourd'hui. Un premier album basé sur des samples archi grillés de soul et de funk, puis un second disque plus obscur, habité par ces fameuses "sirènes", petits sons stridents typique du rap de jadis, et également grande spécialité d'un DJ Muggs Monomaniaque puisque s'évertuant à perpétuer la tradition chez ses poulains New Yorkais de House of Pain à la même époque. Plus tard suivra la volonté d'ouvrir le son Cypress à des orchestrations plus denses et rock avec les prémices sur l'excellent "IV", avant de s'embourber dans le médiocre hip hop au violon mal samplé sur Skull & Bones, complété par un disque de... metal, venant aboutir une démarche intéressante mais qui se panne sévèrement au final. On a déjà évoqué le nullissime Stones Raiders par ailleurs, premier disque totalement inexcusable du groupe.
Au milieu se situe ce troisième album, peut-être le moins remarquable du groupe puisque celui ci n'est pas rempli de classiques (comme Black Sunday qui propose quasiment un tube tous les 2 titres), mais également celui qui se situe le plus hors du temps et hors de toute époque comme l'a pourtant fait (inconsciemment ?) Muggs sur tous ses autres disques. L'équilibre au sein du groupe semble alors relativement fragile: Sen Dog n'est pas le plus présent (il ne l'était déjà plus depuis le précédent) et s'absente de son crew pour aller s'amuser avec SX10. Lors d'un passage à NPA, Muggs laissera même ses platines à un autre pour venir poser sa voix directement avec B Real, l'homme à la voix de canard la plus reconnaissable du monde du hip hop. Le groupe s'offre de plus en plus, également, les services d'Eric Bobo, fils de Willie Bobo, mythique percussionniste de jazz, à qui les Beastie Boys avaient largement rendu hommage avec le titre "son of neckbone", sur Ill Communication auquel participa junior. Membre de Cypress depuis 94, il assura la tournée Check Your Head et enregistra Ill Com et Hello Nasty avec le trio New Yorkais, avant de s'investir pleinement dans le groupe californien lorsque celui ci décidera de franchir le pas et de s'équiper de véritables instruments sous l'influence-entre autre- des Beastie, justement.
Temples of Boom est surtout l'album le plus sombre de Cypress Hill. Muggs a progressé dans sa composition et sa production s'améliore remarquablement- non pas qu'il fut mauvais jusque là. Mais sa musique gagne en finesse, et ce troisième album est probablement son oeuvre la plus maitrisée. Ses basses sont légèrement moins agressives que précédemment mais aussi plus profondes, venant créer une tension lourde sur des passages plus contrastés, plus calmes. En fait, ce calme est une mise en son d'une certaine idée du macabre, plus ouvertement illustré ici qu'auparavant. Muggs flirt avec le blues poisseux plutôt qu'avec le funk festif, la soul glauque et dégradée et sample même du reggae (Barrington Levy). Temples Of Boom est également à cheval avec le psychédélisme, samplant cithares et violons, métallophones et guitares, passés dans les effets, bouclés sauvagement, s'imposant au coeur des beats et des basses. Muggerud invite aussi LE groupe qui est dans tous les esprit à l'époque: Wu Tang pose pour Cypress avec rien de moins que le chef, RZA, et un de ses MC, U-God. Riggs co-produit un morceau à mi chemin entre les 2 entités, Killa Hill Niggas, où ses obsessions pour les sons pillés et méconnaissables épousent la passion sonore du morbide des cannabiques latinos. Entre ces explorations sous psychotropes (illusions) et dérives psychés (Boom biddy bye bye), Cypress produit également deux morceaux d'une méchanceté sonore incroyables: "No rest for the Wicked" et "Locotes". Le premier est un règlement de compte avec Ice Cube (Muggs avait produit un morceau pour le gars intitulé "Wicked") que le groupe accuse de vol, véritable sous-thème de l'album (cf. le sample de Pulp Fiction, mais aussi d'autres morceaux comme celui avec RZA), sur un beat sec et puissant, la production étant limite minimale, comme pour rendre le propos plus claire, net. Le second est tout aussi teigneux, mais à l'ambiance urbaine et nocturne, alors que Bobo assure quelques percussions brillamment distillées avec discrétion, un exemple parfait du "Less is More" musical: en quelques coups de congas, Bobo habille avec un minimalisme remarquable cette excursion belliqueuse.
Constitué de 15 morceaux et interludes réussis et d'aucune faiblesse, Temples Of Boom est un des plus remarquables enregistrements de Cypress Hill. Certains préfèreront Black Sunday, tandis que par honnêteté, d'autres n'oublieront pas "IV". "III" est au milieu mais demeure une référence pour le groupe, qui aujourd'hui semble incapable de renouer avec ses grandes heures. Temples Of Boom est la preuve que le groupe, lorsqu'il prend le temps d'affiner son propos et sa production est capable de grands disques, allant bien au delà d'un simple cadre Hip Hop West Coast ou horrorcore: une référence du hip hop, sorti, en toute coïncidence, un 31 octobre (1995).

mercredi 26 octobre 2011

THE RESIDENTS- Freak Show

C'est à peu près un des rares trucs qui peut être sur avec les Residents: ces braves gens feront toujours un peu plus peur que les autres. Je me demandais justement quel aspect des Residents étaient le plus terrifiant. Leurs premières sorties, à l'humour intolérable en jouant avec les codes du nazisme sans scrupules ou de la pop ? Leur albums instrumentaux, vastes songes auditifs et perturbant ? Leurs vidéos, totalement perturbantes, jouant avec des codes graphiques élémentaires mais avec une volonté de nuire à votre psyché avec une certaine aisance ? Ou leurs albums plus classique, composé de (presque) chansons comme ce classique Freak Show ?
Bien entendu, une écoute sommaire des Residents ne révèle rien, si ce n'est une bande de sociopathes se plongeant depuis 40 ans dans un anonymat obsessionnel et jouant une musique à la limite du kitch total et un peu vain, faisant penser aux genres de musique qu'on écoutait quand on était tout petit, voir à la Salsa du démon, sorte d'opéras étranges et nimbés de mystère. Freak Show est d'autant plus étrange aujourd'hui qu'il se situe au moment où la formation, encore ancrée dans les années 80 décide de se tourner de plus en plus vers le multimédia (3D, CD Rom...) et la musique électronique. C'est la foire aux claviers MIDI, aux sons FM, aux boites à rythmes bontempi. Freak Show est cependant un pur Residents: musique carnavalesque désintégrée, pianos totalement détruits essayant de jouer quelques accords mélodieux, rythmiques élémentaires surgissant au milieu de choeurs féminins, conteur Allemand articulant les morceaux et autres évidences propres à cette bande de furieux. Et puis cette voix. Celui qui n'aurait pas d'oeil à la place de la tête mais un crâne noir serait le vocaliste, ici présenté comme un écolier dans les visuels. La voix, toujours cette voix, immuable, identique avant et depuis, surgit de temps en temps, chante au centre du manège malsain, donnant parfois la réplique à une invitée féminine. Visuellement, les Residents ont soigné cette énième édition (celle de 2006), avec en plus d'un DVD cadeau, quatre histoires dessinées, dont une par Savage Pencil (Edwin Pouncey, collaborateur de Wire et de Dodgem Logic), ainsi qu'une autre par le grand Brian Bolland. Maintenant, si vous devez vous rendre à une soirée bon enfant, vous pouvez toujours tenter de passer ce Freak Show (ou un autre à vrai dire) pour saccager l'ambiance... ou pour révéler quelques problèmes psychologiques chez vos proches.

lundi 24 octobre 2011

New York City Inferno de Jacques Scandelari

New York City Inferno est un film pornographique gay de 1975. A cette époque l'homosexualité en France est un délit, ce qu'elle n'est pas à New York. Aussi, quand Jacques Scandelari s'envole pour les Etats-Unis il est très au fait de cette situation juridique et morale. L'objectif était de filmer en peu de temps (le film a été tourné en quatre jours) le gay New York, celui de The Village, celui dont il avait entendu parler, qu'il avait fantasmé. 

L'histoire est simple mais c'est déjà peu banal pour ceux qui n'ont pas connu cette époque, d'avoir un porno avec une histoire. Jérôme est amoureux de Paul qui est parti à New York. Celui-ci dans sa dernière lettre lui dit qu'il ne reviendra jamais à Paris. Jérôme décide alors de se rendre sur place pour retrouver son amant. 

New York City Inferno a pour lui ce qu'aucun des pornos actuels n'est capable de fournir. Il ne s'agit pas simplement de faire bander mollement mais plutôt de poser des questions. Le film est en cela terriblement politique, incroyablement drôle, quasiment documentaire et, ce qui ne gâche rien, il est puissamment cinématographique.

Politique, cela va sans dire. Réaliser un film porno homo dans les années 70, c'est déjà un fait d'arme. Mais NYCI ne se contente pas simplement du geste. Il y porte la réflexion qui va avec à travers le biais scénaristique des lettres de Paul dans lesquelles il raconte les différences entre les deux villes et pourquoi il préfère continuer à vivre son homosexualité de l'autre côté de l'Atlantique.

Drôle, c'est indéniable. Quel porno se permet aujourd'hui d'insérer de déconcertants plans sur un chat pendant une partie de jambes en l'air, fait des panneaux sur des graffitis "Fuck" pendant une fellation dans un hangar ou habille ses protagonistes de vison ridicule? Quel porno utilise des chansons de Village People comme BO? Aucun, car le porno d'aujourd'hui n'a plus aucun second degré. NYCI ne se prend pas au sérieux, il a d'autres atouts. Il invite d'une part à réfléchir sur le combat homosexuel pour sa reconnaissance tout en se moquant des convenances orgasmiques.

Documentaire car le film se transforme souvent en une véritable plongée dans le NY gay de l'époque. Ses rues, ses cabarets, ses cruising incongrus (les quais du port industriel), ses backrooms... Il est aussi un témoignage sur des pratiques sexuelles qui sont devenues aujourd'hui mythiques, héritage affirmé des fantasmes de Kenneth Anger, de Jean Genet et de son Querelle (les pissotières par exemple).

Cinématographique enfin car NYCI n'est pas un vilain cliché froid à la lumière blanche clinique et sans âme. Il est brûlant, maladroit, déviant, imaginatif. Il multiplie les panneaux, propose un montage astucieux qui alterne intelligemment des scènes de off drôle (la séquence chez le tatoueur) et des scènes de sexe entre poilus-moustachus qui restent insondables pour les poilophobes modernes.

Pourquoi j'écris un billet là dessus, alors que c'est le mois spécial Halloween? NYCI ne s'achève pas par hasard sur un Inferno torride, presque satanique. Il s'achève dans une backroom quasiment démoniaque où l'on circule en caméra portée entre des bouffeurs de cul et des maîtres adeptes du dog training le tout dans des jeux de lumière aléatoires et sur une musique carbonique et démentielle de Camille O'Grady qui perf' en live au milieu de cette orgie hors norme. L'enfer on vous dit. Avec du cuir, du bondage, du sling, de la moustache et des dizaines de paires de coucougnettes bien pleines. L'apothéose pour un film turbulent et subversif, un porno vraiment pas comme les autres. 


BLACK HOLE- Charles Burns

Après avoir oeuvré dans RAW, la revue de Spiegelman pendant plusieurs années (il en était devenu un des fers de lance, et la revue est aussi culte que légendaire, avec entre autre, ce numéro qui offrait un vynil 7" souple à l'intérieur), et terminé quelques BD ( El Borbah...) ou autre pochette de disque (on cite l'inévitable pochette pour Iggy, mais nous n'oublierons pas les Residents ou Mc 900 ft jesus) tout en assurant toutes les illustrations du magazine littéraire The Believer, Charles Burns s'est attelé pendant 10 ans à la réalisation de son chef d'oeuvre jusque là: Black Hole.

Le pavé final raconte l'histoire de plusieurs ados issus de la banlieue de Seattle parmis lesquels certains sont touchés pas une maladie qu'ils appellent "la crève" (étonnament issu de "the bug" en VO). Intelligement mené sur 12 numéros, l'histoire raconte donc cet adolescence typiquement anormale, banalament à part. C'est à dire ancrée dans un tissu social précis et qui ne change pas ( Burns admet lui-même que son travail aurait pu être déplacé dans les 90's), car les schémas restent les mêmes. Maladie dont on ne parle pas, préoccupations bien loin du non dit (toujours les mêmes, l'alcool, l'herbe...) et parents quasi absents. La prouesse de Burns se situe dans le dessin de celui-ci. Contrastes secs, pas de gris, uniquement du blanc, et du noir. beaucoup de noir. D'énormes applats, et beaucoup de détails, sombres. Chaque case pourrait faire l'objet d'une analyse si ce n'est d'un temps pour l'admirer. Les détails fourmillent, le dessin est précis, contrastant alors avec la simplicité des traits humains: l'ensemble des ados ont tous un visage très similaire, seul une barbe, un nez ou un grain de beauté -pour les "sains"- permet de distinguer les différents personnages. Pour autant le trait de Burns ne s'affiche pas là dans la facilité puisque la constance des cases laissent admiratifs.

L'histoire que conte Burns est presque banal et fait côtoyer la pire horreur, celle d'une adolescence menacée et ravagée à une toile de fond immuable. Et si quelques développements peuvent laisser dubitatifs, on se prend surtout à trouver cette histoire -foncièrement dérangeante- très confortable dans son climat, dans son ambiance familière (le lycée, les longues journées à tuer le temps, la musique et les cercles de connaissances...) et intemporelle. Une oeuvre graphique parfaite par un dessinateur au talent majeur, une bande dessinée d'une grande force, remarquable.

lundi 17 octobre 2011

Creepy presents BERNIE WRIGHTSON

Assez dur de parler de ce genre de bouquin, d'autant plus quand d'autres l'ont déjà remarquablement fait. Dark Horse se colle donc à cette compilation des travaux et participations de Bernie Wrightson au magazine Creepy (publié de 64 à 83 par Warren) et Eerie (publié de 66 à 83, toujours chez Warren), magazines de BD d'horreur et de fantastique, absolument cultes, deux publications emblématiques de la BD Us des années 70. Bernie Wrightson ouvre une série (qu'on peut espérer longue) de manière logique puisqu'il est l'incarnation de la BD d'horreur contemporaine. Divisé en deux parties -une première étant la compilation d'histoires, la seconde composée de frontispices, couvertures et..."pin-up" (?)- cette collection fait éclater le trait impeccable et brillant de Wrightson, et permet de déguster telle une madeleine véreuse les incroyables planches du patron (grosse influence sur des grands d'aujourd'hui comme Kelley Jones-avis aux connoisseurs). Si le livre propose des travaux différents, comme les pages en collaboration avec Infantino et Chaykin qu'il encre, on appréciera tout particulièrement les magnifiques pages en noir et blanc (ie. sans gris, donc), qui sont très proches de la gravure, tant le dessin de Wrightson se révèle incroyable de finesse comme sur The Black cat, par exemple, l'histoire adaptée d'Edgar Allan Poe qui ouvre le livre. Le trait donc, souple, soutient ces histoires courtes, ces ambiances glauques et horrifiques avec ces détails et ces petites précisions qui font la richesse du travail, et mettant en avant le fait que Wrightson est particulièrement à l'aise pour dessiner au mieux les textures d'un corps en décomposition-à voir aussi son Swamp Thing qu'il inventa un peu avant et son Frankenstein. Un très bel ouvrage, que Dark Horse a la décence de ne pas vendre à un prix totalement rédhibitoire.

NOOTHGRUSH- Failing early, failing often

On en oublierait presque que le Sludge s'est notamment fait connaître par des formations fascinées par les tueurs en série, les comics d'horreur et films gore, à l'instar de Church Of Misery ou Acid Bath pour n'en citer que deux, et que la violence sonore était parfois plus recherchée que le psychédélisme de la lenteur totale de ce genre. Fut donc une époque où ce hardcore noise vénéneux était synonyme d'horreur sonore (pour aller vite et dans le contexte) avant de devenir la spécialité de tous les fans de Neurosis se cherchant un salut dans l'incapacité technique. Noothgrush est un groupe un peu plus discret que les poids lourds du genre (comprendre que là où Eyehategod remplissait un bar de la Nouvelle Orléans au top de leur succès, Noothgrush devait faire sale comble, au mieux, dans leur garage), et à ce titre totalement emblématique. Un peu comme Iron Monkey, valeur sure un peu plus discrète. Si il n'était pas difficile de dégoter un disque de Noothgrush au début de ce siècle, les différentes sources se sont progressivement taris au point que se procurer légalement une galette du groupe était devenue une mission des plus difficile. Emetic ressort donc en double LP/CD cette grosse compilation qui regroupe des enregistrements étalés sur deux ans (95-97), et initialement publiés sur des compilations, des splits, et autres 7". Le groupe californien a connu, comme d'autres, de nombreux changement de line up, mais s'avéra nettement moins consanguin que leur pote plus au sud (NoLa), puisque les membres eurent par la suite des trajectoires bien différents: l'ancien guitariste participa à Exhumed pendant que la batteuse frappa les peaux aussi bien chez Amber Asylum (sorti chez Neurot si je ne m'abuse) que Graves at sea ( nettement plus anecdotique, mais sur le même label).
Du sludge donc, qui s'est illustré avec les plus grands (comme quoi, la consanguinité reste relative): les fous furieux de Sloth, ou les princes de la lourdeur Japonaise Corrupted-par exemple. Loin de l'époque où les formations de tatoués se retrouvaient signées à tour de bras chez relapse et envoyées en studio grand luxe sans avoir rien à y foutre si ce n'est de lire tout Lovecraft en attendant son tour, Noothgrush a ce petit goût si appréciable des formations première giclée, era 90's, entre amateurisme totale dans la production, maîtrise totale de la lourdeur en amont -comprendre: la guitare ramone dans le bas, et rage dégueulante de chaque coté des enceintes. On songe rapidement aux excellents Toadliquor en plus propre, à Grief, ou même à Eyehategod pour sa rage quasi punk glaviotante, bien que le minimalisme de la formation (un trio) se ressente bien et marque une vraie différence. Pour tous les fanatiques adorateurs de sludge old school, cette compilation à nouveau disponible est un indispensable, et permet de (re)plonger dans cette scène passionnante d'une époque malheureusement révolue où la crasse débordait des enregistrements de ces groupes inventifs et franchement dégueulasses.

mardi 11 octobre 2011

RETOX-Ugly Animals

Tandis que the Locust seraient officiellement "en préparation d'un nouvel album", les plus rapides d'entre nous ont déjà certifié que Retox était composé d'ancien membre des sauterelles. Pearson chante mais ne joue pas de guitare et s'associe à Thor Dickey et Michael Crain pour tenir les 10 cordes qui sont sévèrement malmené chez Retox, sans oublier le psychopathe de la peau de chèvre synthétique, Gabe Serbian, qui en attendant de remettre son costume trop petit a préféré se payer un groupe de punk hardcore pur et dur plutôt que de faire montre de ses talents dans un combo jazz. Ipecac co-édite ces 11 titres horriblement chers avec Three One G, un alignement de nom très classique au vu du produit. Ce disque (un EP ?) est plié en 12 minutes, soit à peu près le temps qu'il faut à ces gens pour venir à bout de ce qu'ils ont à dire en temps normal (cf. Safety second, body last- entre autre) et on arriverait vite à la conclusion que décidément rien n'est surprenant sur ce petit quart d'heure à tamponner de l'oreille. Pas totalement faux: un profane n'y verrait que du feu. Pourtant la musique n'est pas similaire à celle de The Locust, Retox s'éloigne du trip mongolo spatiale/SF philosophique/Residents sous coke. Tout est placé sur une autoroute de riffs et de plans, et le déploiement est moins alambiqué et quelque part moins progressif et psyché que chez les insectes. Chaque riff tranche de la bidoche et Serbian va à l'essentiel. On pourrait croire que c'est Converge repris par The Locust ou Iron Lung qui imite les Blood Brothers. Du riff empilé et expédié avec élégance de jean trop serré, on applaudit le petit coup derrière la nuque.

vendredi 7 octobre 2011

DRILLER KILLER d'Abel Ferrara

Et le sang coule à flot t'accroche l'affiche. Depuis on a vu pire, pour sur. Abel Ferrara, surtout connu pour Bad Lieutenant, tourne son deuxième long métrage et interprète le personnage principal - sous pseudonyme- de cette histoire très new yorkaise et au feeling très 70's/80's.
Driller Killer est un film qui pourrait être vu comme la réponse lugubre de Taxi Driver, de 3 ans son "ainé", puisque tournant autour d'une thématique très proche: Reno est un artiste vivant à New York (l'ambiance de cette ville est capitale, tout comme Ferrara le prouvera notamment dans Bad Lieutenant, qui aurait pu tout aussi bien trouver sa place dans ces pages pour ce mois) et qui, agacé (probablement de manière plus direct que Travis) par son environnement finit par sombrer dans la démence. La différence est le traitement, bien plus sauvage et direct que le film de Scorsese, le film à ce petit goût de ciné indépendant et cette crasse poisseuse et collante- le film a également été largement comparé à "Massacre à la tronçonneuse". Autre point et pas des moindres: le son. Il est conseillé au début du film d'écouter ce film le plus fort possible. Comme certains films obscurs 70's dont notre Mr Ciné raffole, Driller Killer est un film bruyant, qui hurle, et qui fatigue aussi par son comportement audio. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que parallèlement, un des principaux éléments faisant sombrer le personnage de Reno est l'inlassable répétition du groupe de punk partageant son immeuble et qui un moment donné ne cesse de jouer un morceau basé sur l'entêtante ligne de basse de Peter Gunn. Et si De Niro sombre définitivement dans les toutes dernières minutes de Taxi Driver, Ferrara se saisit de sa perceuse électrique dès la moitié du film et massacre bien plus qu'un ou deux clochards.

Driller Killer est un film direct et crade, proto slasher qui se débat dans un climat très singulier, tournée avec des moyens dérisoirs et des acteurs totalement inconnus (avant et après), mais s'avère un métrage discret mais à l'influence considérable et tenace (cf. les allusions au film en musique, puisque le groupe Driller Killer revendique l'influence du film dans le choix de leur nom) qui assura à la bobine une interdiction de diffusion totale pendant 20 ans en Angleterre.

mercredi 5 octobre 2011

KICKBACK- Les 150 passions meurtrières

Il fallait bien débuter quelque part. Après tout, on aurait pu partir de l'origine pour remonter jusque là, et oublier certaines choses. "Les 120 journées de Sodome" pour commencer; Sade, la base. Ou le film, "Salo" de Pasolini. On est pourtant loin ici de la comédie et de la bouffonerie, du moins dans le propos et dans l'intention, car ce mini album en a fait rire plus d'un. Donc pour ouvrir ce mois d'octobre, on se penche sur Kickback, dont on avait déjà évoqué le dernier album en date.
Après deux albums de Hardcore assez classique mais bien exécuté, Kickback, avant de se lancer dans la préparation d'un long, enregistre 6 titres d'un hardcore qui s'appuie sur le groove en re-nouvellant son écrin avec un producteur tout neuf derrière la console. Le groupe se sépare de sa prod étouffé et métallique, et s'éloigne de l'étiquette qu'on lui colle au boule et qui ne lui convient pas, celle du NYHC. Simon Doucet, batteur des Bushmen et de quelques autres formations intègre Kickback et fait largement partie de l'équation faisant l'intérêt de ce disque. Avec donc Ed Rose, producteur de Coalesce la formation la plus teigneuse de l'hexagone couche 6 titres basé sur l'admiration du chanteur pour le marquis. Soulevant quelques débats et moqueries, Kickback propose malgré tout avec Les 150 passions meurtrières un mini album cohérent et sérieusement composé. La hargne du groupe reste unique et ses membres s'acharnent à composer des morceaux d'un hardcore virulent mais qui s'aère, dans des compositions qui évitent les évidences. Les morceaux se construisent loin des facilités, prennent de la consistance dans leur développement. Seul exception, le troisième morceau, beaucoup plus linéaire mais totalement nouveau pour le groupe: une guitare dresse un riff mélodique et entêtant, tandis que la voix, calme, parle et récite un passage du livre (les 120 journées) dudit marquis menant le tout vers un renforcement de la tension via la batterie. Ed Rose capture la batterie et la finesse de jeu de Doucet avec une maîtrise remarquable; ce dernier cale des rythmes complexes et des breaks impeccables au milieu des riffs à moulinet. Sur le calme morceau éponyme, le charley sonne comme des lamelles métalliques fendant les couches de 6 cordes. Le groove de la formation parisienne est magnifié par la production, définitivement plus rock qu'auparavant. On regrettera juste les paroles parfois trop directes, pas dans le sens frontales et agressives, mais dans le sens d'un premier jet, d'une ébauche. Domination, violence, agressions sont les thèmes évoqués, que ce soit à travers les samples, le texte lu et les paroles, comme une prolongation aux thématiques Sadiques, une vision contemporaine. Un disque crasseux et pesant, appellant une suite, mais qui verra le jour bien plus tard, après moult avortements.

vendredi 30 septembre 2011

ENABLERS- Blown Realms And Stalled Explosions

Comme une époque révolue, tout le monde se précipite, ou du moins tout le monde parle de la réedition de Nevermind depuis une semaine, l'album évènement de Nirvana. On ne s'éternisera pas à débattre pour savoir si cette place d'album indispensable est justifiée ou pas (j'entends les pro-Bleach et les pro-In Utero déjà gronder), mais un sentiment étrange se dégage de la parade autour du disque au bébé nageur. C'est à se demander si aujourd'hui il existe encore des groupes de rock qui proposent quelque chose qui ne soit pas forcément jovial et nerveux, un groupe qui ne serait pas une énième relecture des Talking Heads ou des Gang of Four et qui serait archi influencé par les Strokes, les véritables salopios qui ont un jour poignardé ce que l'on appelait jadis le rock indé pour lui fournir ses tees trop court et ses coupes de cheveux interdites depuis la fin de 1987. Il y a un public là dehors qui ne se lasse de sacrer Cobain mais qui ensuite revient aux affaires avec du rock dansant un peu pute et un peu pénible.
Le rapport ? Aucun, mais quand tout ce cirque s'active, on se dit que foncièrement, un groupe comme Enablers devrait aujourd'hui, avec un LP de la qualité de ce dernier album, être sacré champion du rock, celui qui en impose un peu, celui qui fait crade, celui qu'on aimera toujours pour ses trouvailles, ses sonorités, ses audaces et son cran. Attention, je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a qu'Enablers aujourd'hui. Si tu es un lecteur régulier, tu le sais, ce n'est pas le propos. C'est juste le temps. Quand on voit tout le génie du trio de base augmenté de Scharin (June of 44, autre groupe fascinant, ou encore HIM, projet non moins passionnant) à composer et produire une telle musique, on se pose des questions. La rythmique est extrêmement soignée, Scharin blinde la musique mais de sa touche et de sa frappe parfaite et créative, tandis que Goldring (Swans) gribouille des riffs absolument prodigieux sur sa 6 cordes - à genoux devant l'obsessionnel "Career", ni plus ni moins. Simonelli est un des attraits principaux et premiers du groupe, poête habité et passionné parlant de sa voix chaude et imposante sur les couches des trois autres. Par paresse, on songe à Slint, qui déjà marquait durablement mais discrètement le rock en ...91 (!!) avec son indépassable Spiderland. Les classe des patrons, simplement, gravé dans 10 morceaux parfaits et enfermés dans un packaging vinyle magnifique.

mercredi 28 septembre 2011

AFRICAN HITECH- 93 Million miles

Ouais, force est d'admettre qu'il y a des artistes qu'on aime. Pritchard est de ceux là. Je ne pourrais pas me vanter de tout connaitre du type, parce que je n'ai par exemple aucun disque de Global Communication. Issu de la dance music, Pritchard est un fou de matos et de sons uniques. On ne peut que recommander chaudement l'album qu'il a sorti sous le nom Haromnic 313, projet solo de dub digital issu de Harmonic 33, duo auteur d'un fantastique album à ranger pas loin des travaux plus calmes d' Alec Empire ou de Meat Beat Manifesto. Avec Harmonic 313 déjà, il faisait preuve d'une aisance certaine à jouer avec les sons 8bit et cheaptune autour de beats galactiques. African Hitech, groupe qu'il forme avec Steve Spacek (de Spacek... facile) mise là encore sur les sons digitaux et les beats denses, et l'association avec l'espace est encore plus précise (cf. le titre). Pourtant tout n'est pas entièrement électronique, certaines sonorités sont plus chaudes et classiques, notamment sur Cyclic sun. Autour, c'est de l'Amiga en folie qui bourlingue dans des échos d'un dub psychédélique, une bande son megadrive avec comme but ultime le dance floor en sub-bass. La production est limpide, peut-être même un peu trop. Bêtement, on aurait peut-être attendu quelque chose de plus lourd, plus massif encore, puisque le disque se présente ouvertement (cf. la promo sur bleep/warp) comme un album de Bass Music. Pourtant on ne se sent jamais menacé par celles-ci. Au contraire, la musique produite ici est plutôt confortable. Pritchard poursuit le chemin entamé avec ses précédents travaux, mais s'ouvre aussi vers l'avenir: Footstep et Out in the streets se rapprochent sans complexe du footwork/footstep (évoqué précédemment) mais ne s'enfonce pas dans une obsession qui pourrait devenir pénible. Un disque plutôt discret au sein du catalogue Warp qui présente pourtant une belle collaboration, qui gagne a être écouter plusieurs fois pour se découvrir.

mardi 27 septembre 2011

We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay

Sort ce mercredi un film un brin revêche qui pose de drôles de questions comme "quelle est la part de responsabilité du comportement affectif de la mère dans la phase prénatale sur la santé mentale du futur enfant?" ou bien encore "comment, malgré toute l'affection que j'ai pu lui offrir, mon fils est devenu un psychopathe?". We Need To Talk About Kevin n'est pas forcément un film agréable, d'ailleurs on a bien du mal à rentrer dedans. Son découpage, inventif mais complexe, laisse parfois perplexe. L'incipit du film est embrouillée et les va-et-viens entre différentes périodes du passé et différentes périodes du présent (hum...) ne facilite pas une adhésion directe. Mais cette âpreté visuelle, si elle est particulièrement peu tendre avec le spectateur, sert finalement au récit et à son déroulement. 

Une fois les éléments posés et le montage stabilisé, tout devient limpide. Tilda Swinton campe une mère en proie à la difficile éducation de son fils. Depuis ses premières heures hors de son ventre, celui-ci lui en fait voir de toutes les couleurs, ne cessant de défier son autorité et de la pousser à bout. Le gamin, fort intelligent développe une toute autre relation avec son père auprès duquel il passe pour le jovial et agréable bambin puis pour le beau et grand ado. 

L'ado, c'est Ezra Miller, un jeune acteur au fort potentiel qui, lorsqu'il en aura finit avec l'ère du bouton disgracieux et se sera un peu épaissi, fera tomber les filles comme des mouches opiomanes. On l'avait déjà vu dans le rôle d'un jeune ado accro à sa caméra et aux sites pornos dans le film Afterschool d'Antonio Campos. Il crevait alors l'écran grâce à un jeu sobre et nuancé dans un rôle tout en intériorité. Ici, son regard est d'une sexualité et d'une perversité bouillonnante. Il excelle dans un registre qui a souvent couvert de louange de jeunes acteurs qui n'ont pas toujours eu la chance de percer après. L'effet Cannes devrait toutefois permettre à Miller d'enchaîner rapidement et, espérons le, dans un registre toujours aussi ambitieux. 

We Need To Talk About Kevin pose beaucoup de questions (parfois douteuse, comme la première que j'ai pu énoncer plus haut) et présente minutieusement l'évolution d'une famille dont les membres ignorent les maux des autres. Le père, John C. Reilly, nie l'évidence, berné par son fils qui joue avec machiavélisme de sa crédulité. Il en vient à accuser la mère, à rejeter la faute sur elle, sur sa patience, sur sa santé mentale. Swinton elle, oscille entre le doute qui l'habite dans la période prénatale, l'irrépressible envie de bien faire et de construire une relation stable avec son fils et la culpabilité. Le gamin lui, est une purge à lui tout seul. Méchant, manipulateur, vicieux, il est le parfait stéréotype du vilain petit psychopathe. Il fait en cela penser au Joshua de George Ratliff, en pire... 

Ramsay, elle, a le sens de la mise en scène. Elle manie parfois avec brio un humour cruel qui met mal à l'aise. Elle habille son film d'un symbolisme bien vu, posant un jalon récurent qui annonce l'inéluctable drame à venir. Swinton ouvre le film dans une bataille de tomates, baignant dans un rouge sang. Ce rouge, on le retrouve dans le supermarché, sur les murs de sa maison etc. Le règlement de compte entre les deux personnages ne trouvera sa réponse qu'après le passage à l'acte. Viennent alors d'autres questions: comment vivre avec cette responsabilité de mère, comment faire le deuil, comment pardonner et surtout, pourquoi? Ramsay conclue d'ailleurs plutôt bien sur cette interrogation. Un film glaçant, dérangeant et implacable: un Cannes gagnant.  

GROUP HOME- Livin' proof

Alors on en est là. Exercice quasi imposé par commerçant de proximité, une sorte de rançon à payer, type, on cause mais ça se paye: un bifton dans ton salon de thé, entre report d'un concert de metal et une critique d'un obscur film. Au son du beat on est au milieu de New York, dans les batîments rouges qui bordent "Money Making" Manhattan, qu'on voit sous le pont direction Brooklyn. Pas de repos jusque là. Primo à la prod, l'improbable beat maker fou qui orne avec talent les longs du Damaja et de Gangstarr. Pourquoi fou me demande-t-on ? Parce que comme le soulignait DJ Mehdi (RIP), Primo fait la musique de la même manière qu'il y a 20 piges. On a inventé des tas de trucs pour lui simplifier la vie. Primo pourrait avoir la main pleine de bagouzes en train de cliquer sur son mac pour créer son beat mais non, Primo découpe ses vinyles à la MPC, et fait son rythme en frappant les pads. C'est quoi le rapport ? Quand Livin proof est sorti, l'ordi le plus remarquablement à la mode fonctionnait sous windows 95. Retour, era bonnet vissé sur la trogne, baggy et pompe de rando (en plein NYC, quoi de plus normal). Une traversée des rues de Paris pourrait s'apparenter à une sortie du coté de l'east Village sauf qu'il est plus simple de voir la lumière du jour à Paris qu'a New York passé 16 heures (en moyenne). C'est la refléxion que je me faisais en allant donc un jour chez un petit dealer de livre Parisien. Ce dealer lanceur de défi donc, me parle d'un disque, mieux que "the sun rises in the east". Le meilleur. Ok, je note. Mais je traine. Un jour que je suis encore en train de fouler les planches de son parquet imbibé, il me relance sans nommer le truc. Un type, accoudé sur le zinc (enfin presque) demande de quoi on cause, le dealer et moi. Le dealer précise et le type ironise "un truc neuf quoi". Merde. Je me rend compte que sur les quelques centaines ou milliers de disques qui trainent dans mon domicile fixe, je ne pourrais pas tout connaitre. Jamais. J'aurais du demander "toi l'indien, as tu écouté le dernier album de MoHa! ?". Mais je me suis abstenu. Après tout, moi non plus je n'ai pas écouté le dernier MoHa! et c'est toujours pas prévu. On en était où ? Ah oui, on balance des bonnes idées et en revanche on paye son petit mot. J'aurais donc aimé mettre la main sur une copie vinylique dudit objet, mais c'est pas le genre évident et certainement pas couplé à la qualité de la noire matière qu'on est en droit d'attendre. On se contente du CD. Triste. Le laser lance la découverte, puis te pousse à rappuyer sur "play". Le beat est brumeux, la caisse claire sur le premier vrai morceau est étouffée, y a un peu de fumée entre les doigts de Primo et les pads de sa MPC. Comme souvent au cour de ce trop court album. Enfin ramassé, du moins. A part un morceau qui fait penser à du Mantronix ralenti, ça sonne hip hop classique qualité certifié par les plus acharnés diggers du monde. Pianos monotouche en répétition, synthés discrets et optimisés sur basses profondes. Bêtement, on pense à Nas et Illmatic pour l'ambiance général. Comme dirait un ami, ça a un "p'tit goût de reviens-y". De toute évidence mon dealer a de bons conseils à offrir.

jeudi 22 septembre 2011

My Winnipeg à la Maison Rouge


Installation Vidéo de Guy Maddin (2011)
Voilà une exposition dont j'aurais dû vous parler depuis bien longtemps. Sachant qu'elle prend fin ce dimanche pour partir au tour du monde, il ne vous est certainement pas permis de faire autre chose que d'y aller si vous avez un peu de temps ce week-end. Alors direction la Maison Rouge, pas très loin de Bastille pour découvrir le premier volet d'une exposition des plus stimulantes!


Le concept est simple: il existe de grandes villes dont personne ne parle parce qu'elles n'intéressent personne. Pourtant, des gens y vivent tous les jours et y développent des formes d'art tout aussi passionnantes qu'à Berlin, Tokyo ou New York. C'est le cas de Winnipeg, ville perdue au milieu de l'Etat du Manitoba au Canada, à 8 heures de route de la première grande ville d'influence comparable, Minneapolis de l'autre côté de la frontière.



L'occasion est belle de découvrir un peu cette ville industrielle et souvent enneigée dont le porte drapeau est le cinéaste Guy Maddin. Pierre angulaire de cette exposition, le réalisateur y présente son dernier film, My Winnipeg, faux documentaire semi-fantasmagorique et autobiographique sur sa ville, ainsi qu'une installation de 11 vidéos diffusée simultanément. C'est une nouvelle preuve de l'implication de Maddin dans les circuits artistiques alternatifs: il avait en effet déjà présenté l'un de ses précédents films, Cowards Bend The Knee, dans une galerie d'art à Toronto sous une forme originale. Le film, découpé en chapitre, était diffusé à travers de petits hublots vers lesquels il fallait se pencher, un peu à l'image des peep show. Une volonté de forcer les gens à se mettre dans une position inconfortable pour regarder des choses personnelles, Cowards Bend The Knee étant son "autobiographie".

Il est intéressant d'ailleurs quand on connaît le travail de Maddin, de découvrir les artistes qui l'ont influencés et ceux qu'il a lui même influencé. On pense notamment au travail de Marcel Dzama, emprunt d'une même volonté de cartographier la mythologie d'une ville oubliée. Car Winnipeg est une ville étrange aux confluents de plusieurs fleuves et de plusieurs cultures (indienne, anglaise, française et islandaise). On identifie alors sur la carte de Dzama des endroits, des mythes évoqués dans le cinéma de Maddin. La ville s'est construite des légendes autour du somnambulisme, de la télépathie, des fantômes. Un rapport étroit semble s'être tissé entre une dimension imperceptible, iconoclaste et une nature figée et inquiétante.

Winnipeg Map de Marcel Dzama (2007)

On découvre une ville innovante. La première salle est une prise de contact tout à fait intelligente, elle nous permet de mieux cerner certaines légendes urbaines, certains faits marquants de l'histoire de la ville. Puis l'on s'enfonce dans l'imaginaire de ses habitants, on pénètre dans cette omniprésence de la mort, de l'étrange, de l'incongru, de la famille et de ses turpitude. On s'enthousiasme devant les travaux si personnels et déroutants de Sarah Anne Johnson par exemple qui traite de la maladie mentale de sa mère avec une grande intelligence.
Untitled de Sarah Anne Johnson (2008)

Voilà, ce ne sont que quelques lignes assez rapidement écrites mais elles transcrivent un peu ce que l'on ressent dans cette exposition. Un enthousiasme décontenancé devant la multiplicité des supports et des oeuvres, choses que l'on n'aurait pourtant pas soupçonné une seule seconde lorsqu'on entend le nom de Winnipeg. A signaler pour les pornocrates une salle un peu chaude au sous sol, juste après l'installation de Maddin, où l'étrangeté et le malaise atteignent leur paroxysme.