mardi 31 mai 2011

OXBOW, KODE9 & SPACEAPE, Villette Sonique

Chose promise, chose due: cette année, une Villette sonique uniquement chroniquée via les vidéos Youtube.

En fait non, mais pour une fois, le verbe sera rare et la photo plus présente.








Kode9 & Spaceape ont joué devant une foule qui s'est semble-t-il fait chier à en lire quelques réactions sur la toile. Pourtant le duo donne remarquablement vie aux morceaux de leur seconde collaboration récemment sortie sur Hyperdub (le label du premier, si tu l'ignores) qu'on chroniquera un jour. Un son limpide, des basses remuantes, un duo qui fonctionne, solide. Une collection d'hymnes 8 bit et de beats complexes pendant que la voix grave de Spaceape ne cesse jamais, entre incantation SF et mantras obsédés.















Eugene n'a pas pu s'empêcher de se foutre quasi à poil, de se la toucher, de souligner que la ballade dominicale au parc prenait une nouvelle allure ce jour, que les profanes avaient là une sacrée surprise et que la dame qui filme aurait pu être femme de ménage dans un Sofitel, bref, Eugene Robinson mesdames et messieurs, moustachu, combatif, tatoué.
Une musique complexe, un son dégueulasse (non, il n'y avait pas qu'un guitariste !), et un noir skinhead (huh) qui se fout à poil, voilà l'équation magique pour faire fuir la moitié des touristes venus se faire bronzer le dimanche et accessoirement, me faire réaliser que la musique d' Oxbow ne pourrait jamais charmer au delà de quelques connoisseurs. J'ai beau rester admiratif à chaque fois que j'écoute ce groupe, la musique d'Oxbow reste une exigence qui ne sied pas à tout le monde.

Et une coda accoustique au rigoleto, 1h30 plus tard, dans une chaleur intenable et avec un groupe qui dégaine 5 morceaux intenses pour fanatiques. Sympa.

jeudi 26 mai 2011

DEFTONES- Around the fur (LP)

Etienne est un mec bien sous tout rapport. Au lycée, il était vu comme le mec qui aime la musique. Mais qui aime vraiment la musique. A l'époque, il faisait office de résistant: alors que tous ses potes achetaient à tour de bras des "compact discs", lui, via son père, il continuait d'acheter des vinyles. "Le con" se disait certain, "les cons", se disait Etienne. Dans les années 90, le nombre de gars qui le pensaient DJ était important. " Tu mixes ?".

En troisième année de droit à la fac, son pote Nico un jour lui parle d'un truc qui vient de sortir. Nous sommes en 97 et Etienne se tape quelques brocantes et écume la fnac des Italiens quand il a un peu de temps. Il cherche ce truc mais le vendeur lui apprend la terrible nouvelle: non, pas de version 33 tours de "Around the fur". De toute façon Etienne tente de s'en foutre. Le metal c'était cool au lycée, et puis lui il possède la version collector du Ride The Lightning de Metallica, alors le reste... Il a certes pu s'acheter "White Pony" par la suite, mais jamais il n'a pu écouter Around the fur. Il n'a jamais voulu de lecteur CD. Ca sonne pas vraiment bien à ses oreilles. "C'est froid".

Quelques 14 ans plus tard, Etienne va pouvoir enfin se passer "Around the fur" en vinyle. Il va enfin pouvoir entendre ce fameux disque d'un groupe rangé encore ce jour dans le rayon fusion du disquaire et qui n'en porte absolument pas la moindre trace, sa musique étant plutôt un mélange de post hardcore à la Quicksand, Fugazi, de metal bourricot qui se joue à 7 cordes et de rock indé, quelque part entre les Smashing Pumpkins et la pop de Duran Duran. Pudiquement, on tente de corriger le tir sur internet en appelant ça du "metal alternatif". Etienne va pouvoir se passer les classiques "my own summer" et "be quiet and drive", ainsi que les parfaits "Around the fur" ou "Lotion" sans négliger les plus subtils et pourtant impeccable "Mascara" et "dai the flu". Il va quand même souffrir arrivé vers la fin de la face B avec ce répugnant "Head up" avec Maxou, le très surestimé chanteur de Sepultura/Soulfly.

Et puis Etienne ne saura jamais qu'il n'entendra jamais la moindre note de l'excellent "Damone", piste cachée qui n'est honteusement pas reproduite ici. Mais Etienne a aussi bien des chances de ne jamais être au courant qu' Around the fur est enfin disponible en vinyle, parce que 14 ans plus tard, Etienne n'achète plus que quelques disques de temps en temps, et qu'a part le dernier Julien Doré il n'y a rien sur sa liste de course.

vendredi 20 mai 2011

ULVER- War of the roses

Chaque nouvelle tentative de m'enquiller cet album amène tristement le même constat: Ulver n'a pas produit ce coup ci un album mémorable mais un disque pénible et mauvais goût. Il y a toujours eu cette dimension kitsch dans la musique du groupe, mais Garm et ses potes ont franchi le cap du ridicule cette fois en étant incapable d'injecter dans leur bouillie les couches sonores de Shadow Of the Sun. Le concert accompagnant l'album nous avait pourtant mis en garde, avec ses passages Chérie FM et ses roulements de batterie que même Depeche Mode s'interdit. On avait misé sur quelques drones sympathiques et des passages riches en claviers. Mais le quatuor n'a pas enregistré quoi que ce soit d'expérimental ou d'avant gardiste sur War Of The Roses, juste une pop convenue, du sous Pink Floyd peu inspiré et embarrassant. Le morceau avec la Céline Dion des fjords, Siri Stranger, qui avait déja chanté avec le groupe ou avec Wyclef Jean enterre un peu plus l'album dans le pathos. Non, ce n'est pas beau, c'est pompier. Ulver avait jusque là fait illusion, étant vu avec son trip hop appliqué et ses influences soigneuses ( Future Sound Of London, pas les derniers en terme de kitsch mais largement battu ce jour, Coil...) comme le zénith de l'audace musicale par certains restés sur la base d'une mutation black metal improbable. Des bacs à disque entiers dégueulent d'albums plus audacieux que ces 7 morceaux. War of the Roses ne possède pas grand chose pour lui, il semble être un album de paresseux, les idées et le statut du groupe dépassant définitivement sa propre musique. Et ce n'est ni les quelques escapades prog gaulées correctement ici ou là et la fin climat/récitation qui sauveront le tout.

La conquête de Xavier Durringer

La conquête, titre chevaleresque pour un périple relativement épique quand on y repense, s'avançait comme l'un des films évènements de l'année. Son sujet, inédit en France, laissait les uns perplexes (comment peut-on traiter de l'accession d'un personnage pareil aux plus hautes fonctions de l'Etat avec si peu de recul historique?) et en faisait saliver plus d'un. Il faut l'avouer, l'idée de voir comment Nicolas Sarkozy est arrivé à la tête de la France, en savoir un peu plus sur les coulisses de cette longue marche en avant, se délecter des dessous de table, des non-dits, des confidences, ça avait de quoi attirer le badaud.

Et le film ne rate pas le coche, fonçant tête baissée dans ces coulisses peu recommandables d'un pouvoir qui périclite et qui semble désintéressé par sa mission première: l'avenir du pays. Le film commence sur un homme en plein doute. Nicolas Sarkozy, en peignoir, joue avec son alliance, le regard vide. On est au matin de sa victoire en 2007, Cécilia est partie, elle est injoignable, l'homme ne sait que faire. Voilà le vrai drame du film, la seule véritable trame scénaristique. Le reste, est assez accessoire, un habillage de luxe dirons nous, qui étire quelques conspirations par là et quelques bons mots par-ci.

Durringer livre exactement ce qu'un spectateur moyennement informé, moyennement investi, moyennement intéressé recherche: un épisode politique qu'il connaît déjà, assorti d'une histoire d'amour qui change la donne et de quelques bonnes répliques bien senties qui font mouche. Autant dire qu'avec un tel sujet, c'est le service minimum, pour ne pas dire un désolant constat de non-film. Poussive, l'intrigue se promène dans les flash-backs et la fameuse journée de mai 2007, avec une régularité trop rébarbative. La mécanique ne surprend pas, elle ne permet même pas de dévoiler la complexité d'un homme, d'une scène politique, d'une ascension. Durringer échoue à faire de cette conquête une fresque politique digne de ce nom.

Le problème majeur est la simplification extrême des enjeux et du propos. A trop vouloir en mettre, Durringer et Rotman (le scénariste) schématisent, ébauchent, effleurent et ne vont jamais au coeur des intrigues, au fond des dissensions et des affaires. L'important c'est que le spectateur s'y retrouve, qu'il entende à coup de pied dans les oreilles, des noms qu'il a déjà entendu à la télé, comme Clearstream, Gergorin, Atias... Les seconds rôles en deviennent anecdotiques, cantonnés à des places de faire-valoir (le personnage de Rachida Dati, pratiquement pas de répliques). Rotman ne semble en réalité retenir de tout ce parcours que les citations. Chacun aura ainsi l'occasion de se remémorer telle ou telle allocution et de savourer les lapidaires vacheries qui ponctuent chacune des séquences. Mais là encore, la mécanique se répète jusqu'à l'ennui (une séquence = une réplique vacharde cachée). Et la critique de l'hypermédiatisation de se vautrer dans les ornières de celle-ci.

Enfin, Durringer se refuse à prendre un quelconque parti pris esthétique. Son film est d'une neutralité à toute épreuve, sans aucune prise de risque, sans aucune âme visuelle. La pauvreté de la mise en scène est flagrante à chaque plan, n'arrangeant pas, hélas, une direction d'acteur tout aussi émaciée. Car si Podalydès remplit parfaitement son contrat en assimilant les mimiques, le ton, la gestuelle de Nicolas Sarkozy, sans emphase, il n'en est rien de Le Coq, Labarthe ou Pernel. Chargeant dans le mimétisme primaire, ils effacent leur appropriation des personnages derrière une caricature scandaleuse et falote.

On ne retiendra pas grand chose de cette tentative quelconque si ce n'est la performance de son acteur principal. A trop rester en surface, à trop vouloir nous dire que cet homme surmédiatique s'est pris dans son piège et à trop ramener son histoire d'amour sur le même plan que sa prise de pouvoir, La conquête s'inscrit dans la continuité de Président de Lionel Delplanque (avec Albert Dupontel), peu convaincante tentative de décryptage des rouages du politique.

vendredi 13 mai 2011

BEASTIE BOYS- Hot Sauce Committee Part.2

Finalement, il est sorti. Et si le disque a longtemps été retardé, il n'a pas trainé: à peine un mois entre l'annonce de sa sortie avec date précise et la date de disponibilité. Les Beastie boys ont fait les choses vite et bien, comme pour rattraper 2 années de merde. Vu qu'on risque de s'étaler un peu, on va tout de suite aller à l'essentiel: cet album est une réussite. Rendez- vous en bas de page pour les pressés.

En 2009, les Beastie boys s'apprêtent à sortir Hot sauce Committee Part. 1, qui sous entend une "part. 2", effectivement prévu pour le printemps 2011. Le principe est simple: après Hello Nasty (98), les Beastie se sont rendus compte que leur album était alors bien trop important, et refusent dorénavant de s'aventurer dans un album trop long et pire, un double disque. Donc le choix est fait d'étaler sur 2 sorties à 2 ans d'intervalle. Hot Sauce, premier du nom est présenté à la presse, le trio assure un peu de promo, notamment en France où le groupe participe à un shooting photo dans les rues de Paris (disponible sur le net). Dans la foulée, "Too Many Rappers", se fait entendre sur le net, sur scène (quelques concerts sont d'ailleurs donné dont un peu glorieux où le groupe peine à rentrer Sabotage en rappel), suivi de Pop the balloon (pour un jeu vidéo), ou encore "Lee Major comes again" disponible sur quelques 7" gentiment distribués sur l'édition collector de "Check Your Head". La presse est assez claire: l'album semble dense, loin de "To the 5 boroughs" et ces extraits ont tendance à le prouver. En rentrant de promo pourtant, tout se plante, comme l'avion de la pochette de leur premier album: Adam Yauch découvre qu'il est atteint d'un cancer au niveau de la gorge, et tous les projets du groupe sont avortés jusqu'à nouvel ordre- si ce n'est la sortie du 12" de Too Many rappers, comprenant une apparition de Nas (cf. la chronique ici).

2010 s'avère relativement calme pour le trio, MCA semble suivre un traitement qui lui permet progressivement d'envisager l'avenir. Début 2011, la machine s'accélère. Des photos d'un trio d'acteur (Elijah Wood, Seth Rogen, Danny McBride) habillé exactement comme les Beastie Boys dans la vidéo de "You gotta fight for your right (to party)", premier tube/clip débile du groupe en 86 laissent entendre qu'une version "revisited" va être projetée au festival de Sundance. La vidéo est en fait un court métrage de 30 minute, stupide et affichant un casting colossal (Will Ferrell, Susan Sarandon, Steve Buscemi, Laura Dern, Orlando Bloom, Krinsten Dunst, Chloë Sevigny... entre autre). La vidéo est réalisé par MCA, qui se fait un énorme plaisir en conviant tout le monde, et faisant figurer les 3 déguisé en flics, alors qu'au fond du décor, comme un signe de ce qui vient ensuite, l'échoppe "Paul's Boutique" est reproduite.

Outre le plaisir coupable du trio, et la joie de revoir le groupe en pleine forme, se pose, ici et là, l'évidente question de l'utilité du trio en 2011, soit plus de 30 ans après leur début et 25 ans après leur premier carton à l'heure de ce (seulement) 8ème album. La toile fleurit en trentenaire qui ne comprennent pas le retour du groupe, de plus jeunes ne saisissant pas cette musique, ou encore de blogueurs se demandant si le groupe ne devrait pas se renouveller.

La première question est d'une tristesse assez incroyable, sous entendant qu'un groupe qui n'a jamais particulièrement fauté avec un album médiocre (encore que je me souviens parfaitement de mon énorme déception à la première écoute de To The 5 boroughs, le 15 juin 2004) ne peut, finalement, continuer éternellement sans fatiguer son public, essentiellement constitué de trentenaire ayant saigné les disques du groupe dans les années 90. Les Beastie Boys n'ont jamais fait d'album vraiment faible, et n'ont surtout jamais fait de grosse erreur, ou de faute de gout. La fin des années 90 aurait permis au groupe de venir se servir dans le bain "fusion" mais le trio n'a jamais cédé à aucune mode, continuant à faire sa propre mixture. Et c'est sur ce point que l'interrogation du renouvellement peut également être plié: dans les années 90, les Beastie Boys étaient les créateurs de mode et de tendance. Combien de magazine aujourd'hui doivent beaucoup à Grand Royal ? Combien de groupes sont passés par Grand Royal (le label) ou se réclament d'une façon ou d'une autre du trio ? Combien de marque de fringue doivent leur statut à X large ? Les Beastie Boys ont été un moteur de la culture populaire des années 90, et ce , sans jamais faire la moindre concession. Le besoin de se renouveller apparait de toute évidence complètement stérile, de plus, au regard de leur carrière. Reprenons: En 86, ils sont le premier groupe de l'histoire du rap à arriver en tête des charts avec leur premier album. En 89, ils sont parmi les premiers groupes (De La Soul au même moment, et Public Enemy arrive dans peu de temps) à élever le sampling au rang d'art et à ce titre, l'abstract hip hop, le trip hop et la musique électronique en générale tout comme le hip hop au sens très large leur doivent énormément- influence allant ainsi de Dj Shadow à NERD en digressant du coté des Chemical Brothers. Ils sont aussi parmi les premiers à se payer un procès pour les mêmes raisons. En 92, ils sont un des premiers groupes de rap à se produire sur scène avec de véritables instruments (on y reviendra lors d'une chronique de Check Your Head), chose assimilé par la suite aussi bien par les Roots que par Cypress Hill. En 94, ils s'engagent à reverser l'ensemble des droits d'auteurs de certains morceaux de leur nouvel album (ill communication) à une association pour le Tibet, Milarepa, fondé par MCA. En 2000, ils inventent l'utilisation moderne du DVD en étant le premier groupe à proposer un système de multi angle et de changement de bande sonore sur la quasi intégralité de leur clip. En 2006, ils révolutionnent le concert filmé en proposant à 50 personnes du public de capturer eux-même le film.

Alors pourquoi font ils encore de la musique ? Tout simplement parce que ces 3 là ont dépassé le simple stade de "groupe", ils sont juste 3 potes qui produisent de la musique quand ils ont le temps. Et ils n'ont pas besoin de se renouveller puisqu'ils sont perpétuellement en train d'inventer. Personne ne fait de la musique comme eux, ils n'ont pas de pairs. Ils font du Beastie Boys, ils sont seuls. Ni plus ni moins.

Hot Sauce Committee Part. 2 est donc finalement le "part. 1", légèrement modifié, remixé (au sens premier, le mix a été refait) par Zdar (Cassius, MC Solaar), et sort donc à la date initialement prévu. Et que propose-t-il concrètement ? Peut-être l'album le plus Beastie Boys-esque depuis Hello Nasty, tout simplement, et peut-être un de leur meilleurs albums. Après une certaine forme de sécheresse dans la production de To The 5 boroughs et après la petite parenthèse que fut "The Mix Up" (qui aura eu au moins le mérite de ré-injecter le punk dans leur show et leur musique), HSC reprend les choses là où Hello Nasty les avait laissé. Ce dernier était un album à la production royalement complexe, d'une richesse des textures vertigineuse. 13 ans plus tard, son écoute reste un défi pour l'oreille tant il fourmille de milliers de sons enfouis dans les beats. Avec la tournée ayant accompagné The Mix Up le groupe ressortait ses morceaux punk, et ce détail semble avoir ici toute son importance: le son des Beastie Boys est littéralement crade mais ample. Comme au temps de Check Your Head, les morceaux semblent massivement construits sur des squelettes élaborés par le groupe lui-même. Les beats ne sont pas issus de boites à rythme et de boucle, mais de jams. Les lignes de basses sont parmi les plus massives que le groupe ait jamais enregistré. Lorsque l'on compare la version originale de Too Many rappers avec celle obtenu suite au passage de Zdar, on ne peut que féliciter l'apport du Français dans la production du trio. Il y ajoute aussi un clavier grassouillet et entêtant. Say It propose un hip hop atypique, posé sur une ligne de basse qui rappelle forcément les vieux jours hardcore du trio, tout comme "the ratcage" sur l'album précédent. Sur Lee Major Comes Again, la musique est ouvertement punk et pour la première fois (de mémoire, sauf peut-être sur Mullet Head) les 3 chantent par dessus. On se surprend même à réaliser que les B Boys n'ont pas enregistré le moindre morceau punk depuis Aglio E Olio il y a 16 ans. Long Burn The Fire est un morceau à la lourdeur remarquable mais surtout, et c'est assez rare, d'une noirceure peu commune pour le groupe. Mais la constante de l'album est cependant maintenue: guitare fantômatiques, éloignés, mais salement présente, basses rondes ou distrdues et cycliques, beats sales, claviers imposants.

Même si l'album n'est pas autant orienté hip hop que ne le fut " to the 5 boroughs", il se positionne tout de même comme un disque qui affiche moins de diversité et moins de respirations que le trio magique (Check your head- Ill com- hello nasty). A quelques reprises, sans parler des interludes, le groupe s'éloigne de son terrain de jeux. Sur "Don't play the game that I can't win" avec Santigold, ils flirtent avec un reggae granuleux, nettement éloigné du dub électronique un peu tièdasse d' Hello nasty avec Lee Perry (pourtant). Sur Tadlock's glasses, nom originalement prévu pour l'album, les Beastie propose une sorte d'électro irradiée et étonnamment lourde alors que "Multilateral nuclear disarmement" est le seul morceau quasi instrumental -on note une voix vocodé. Des écarts tous réussis.

Les 3 se font un malin plaisir à se retrouver derrière le micro, 7 ans après leur dernier album totalement rap. Les textes sont toujours un mélange foutraque de private joke, d'ego trip 15ème degré, de références télé et d'obsessions pour la bouffe. Horovitz, Diamond et Yauch ont également choisi de reprendre une formule qui avait vu le jour sur Check Your Head (cf. So Watcha Want, Stand Together...) et qui avait trouvé toute son ampleur sur Ill Com (cf... tout l'album mais surtout "All right Hear this" ou sur "the scoop") et qui avait trouvé ses derniers rebonds sur Hello nasty ( "Electrify" ): les voix sont à nouveau traffiquées, maltraitées, gavées de reverb et de distortions. Le trio affiche plus que jamais son identité à travers ses choix de production, chose qu'ils ont toujours faite, mais qui aujourd'hui trouve un écho différent à l'heure où certain essaient de voir où va le groupe. Ils prouvent tout au long de ces titres qu'ils ne vont nulle part puisqu'ils avancent sur un terrain où ils sont seuls, où personne ne peut les y attendre et que eux seuls dicteront la suite.

Au demeurant, et en attendant la suite hypothétique, ce nouvel album des quadras New Yorkais est une réussite. Après leur anthologie (99), il semblait difficile que le groupe puisse étonner son public. Pourtant, cet album est le plus brillant depuis une décennie, et sans enlever des qualités aux deux précédents, affiche un groupe en (relative) excellente forme. Leur musique est d'une épaisseur jouissive, complexe, riche, sans pourtant tomber dans l'excès. MCA avait prévenu en 2009: "It's a combination of playing and sampling stuff as we're playing, and also sampling pretty obscur records. There are a lot of songs on the record and there are a lot of short songs and they kind of all run into each other". La démarche (pas si éloigné de celle que peut avoir Tortoise dans le résultat, ou même une version XXL de BS 2000) est audacieuse et place définitivement le groupe comme une formation toujours essentielle de la musique contemporaine, tout en la plaçant au delà de toute école ou classification. Et si jamais le doute persiste, on se plait à croire que si tous les groupes inutiles disposaient d'autant de savoir faire et de personnalité, les bacs à disques auraient probablement meilleure allure.

jeudi 12 mai 2011

OXBOW- King of the jews

J'ai beau le répéter à chaque fois que je tente de le faire: il m'est totalement impossible d'écrire au plus juste un billet sur Oxbow. Pourtant je m'acharne. Hydrahead propose une nouvelle édition du second album d' Oxbow, le disque le plus tordu et exigeant du groupe, mais aussi celui qui demeure selon Mr Robinson (le chanteur, pour les ignares) son préféré. King of the jews est un album absolument indispensable d'un rock totalement ravagé, esquinté et éreintant, d'un blues vicieux et sec. Robinson sort de ses envies suicidaires (quoique), Wener brode de superbes riffs, pendant qu'Adams glisse des lignes de basses fuyantes et hypnotiques. Ce second enregistrement est probablement l'album le plus complexe du groupe, le plus difficile, qui peut facilement concurrencer un Residents en terme de terreur joviale et de compositions alambiquées. HH sort une version qui semble fidèle à l'original, reprenant notamment le curieux symbole mêlant une étoile de David et une svastika sur le rond central de la face B. Cette édition est semble-t-il limitée, et cet album étant déjà peu commun, il semble urgent de se ruer sur ce nouveau pressage.

mardi 10 mai 2011

WEEDEATER- Jason... the Dragon

Avec un nom pareil, il parait peu probable que le penchant Dungeons & Dragons de Dixie Dave Collins ait pu prendre le pas sur l'admiration de substances stupéfiantes. Pochette et nom d'album sont pourtant là pour nous prendre en traitre. Sort ta bure de moine ou ton armure et ton glaive on fait un grandeur nature dans le jardin. Il n'en est rien, Dixie est un malin qui trompe l'ennemi: le titre de l'album est une référence à une phrase faisant allusion à la consommation d'opium. Bref: Weedeater est de retour, faisant une musique toujours aussi lente que le temps qu'il faut au groupe pour enregistrer un album (on excusera quand même Collins de s'être lui-même dégommé l'orteil à coup de fusil, repoussant l'enregistrement dudit album), et dans la suite logique si ce n'est exact de l'album précédent: God luck and good speed. Jason déploie ce qui était déjà entamé sur le précédent, tout en gonflant le nombre de passage plus calme, americana de grenier sans le banjo limite inquiétant jadis enregistré. Tant de quiétude au milieu de ce blues distordu et poisseux ferait presque peur. Mais la musique de Weedeater, certes grasse comme l'herbe huileuse de leur fumerie, n'est pas aussi pesante que celle des potes d'Eyehategod, de l'ancêtre Buzzov-en, voir même celle qui composait "16 tons". Juste l'amour du riff et de l'ampli qui gueule. Et de matières à retrousser le cerveau (quiconque à déjà vu le garçon sur scène compendra pourquoi). Homecoming à même un coté inédit pour le trio avec son riff presque "Pumpkinien". Les crusts de Weedeater continuent de faire voler une épaisse poudre verte du vinyle quand il se fait épingler par le diamant, et son sludge de faire partie des disques du genre qu'on continue d'écouter soigneusement.

SCORN- Yozza

Scorn ressort un EP "facilement" disponible, chose qui n'était pas arrivé depuis bien 10 piges (chez Hymen en fait), alors que quelques maxis étaient sortis chez Combat (doit y avoir un mot qui traine sur un de ces disques). Yozza sort donc chez Ohm Resistance et se présente comme un prolongement et un complément à Refuse, Start Fires, l'excellent dernier album en date. Yozza se compose de 4 plages qui se situent donc dans la logique tout juste entamée par Harris: une musique terriblement noire, offensante, insultante pour les enceintes, mais qui semble également s'enfoncer comme jamais jusque là dans ses racines dub. Harris, accompagné de Treasey encore, paie son tribut au reggae et au dub. Les kicks sont massifs, les caisses claires résonnent comme des timbales métalliques distordues. Les basses sont les monstres apprivoisés de Scorn: étouffantes, insidieuses. Derrière le bruit reste maitrisé et composé de strates diverses; on devine plus qu' on ne sait ce qui encercle l'audition. Harris est le Lee Perry contemporain, il enflamme son Black Ark. Eprouvant, noir... et recommandé.

BANGS & WORKS Vol. 1 A Chicago Footwork Compilation

Une prochaine évolution de la musique électronique dansable ? Alors que le dubstep est peut-être déjà en train de crever de ses blessures fatales (on y reviendra), voici qu'une forme se développe lentement et semble déjà faire des adeptes. Le moment est crucial car encore totalement underground, et ne concerne encore quelques 12" et quelques fanatiques danseurs notamment situés à ...Chicago (c'est bien y en a qui suivent). Le footstep/footwork est ainsi une mutation étrange, rappelant aussi bien une house primaire qu'un dubstep bourré de glitchs (au sens premier, c'est à dire accidenté, faites vos recherches) ou qu'un R'n'B irradié et effrayant. Le tout ressemble surtout à un ensemble de tentative, d'intro qui n'aboutissent jamais, de breaks sans fin. C'est donc (et de manière assez étonnante) Planet Mu qui se colle au travail de compilation de ce mouvement pour proposer un paysage de ce qui se fait dans le genre, avec en guise de repère Dj Elmoe ou Dj Trouble. S'il se dégage une identité très forte de cette musique, on peut rester scéptique quant à l'absence d'âme de l'ensemble de par une production systématique. Chaque morceau sonne exactement comme un autre, et il est difficile de voir ou se démarque chaque "producteur". les kicks et basses sont tous issus des mêmes samples de boite à rythmes vintage, idem pour l'ensemble des éléments rythmiques. Ca manque d'épaisseur, malgré l'apparente lourdeur des infras qui dégueulent de chaque coté ici. Une compilation qui ne manque pas forcément d'intéret, quoiqu'un peu longue, forcément, et parfois poussive, mais avant de prétendre être le futur de la musique -ou du moins une de ses branches- il va falloir qu'un de ses représentants affirme une réelle différence et tire le tout vers le haut. Et comme bien d'autres mouvements, la question quant à la fiabilité d'une telle musique sur un album reste entière.

PRAXIS- Profanation [Preparation for a coming darkness]

Il semblerait bien qu'après un léger hiatus à la fin des années 90 pour Praxis, la tentative de retour de ses membres d'origine ne pourront emêcher le nauffrage du projet. Mold était un album où Laswell s'entourait d'autres compagnons de route, signant par là même le décès du projet en studio. Quelques live (l'excellent "Tenessee 2004") et tournées avec le line up d'origine (c'est à dire Brian Mantia de Primus, Tom Waits, Godflesh à la batterie, Buckethead à la guitare et surtout Bernie Worrell, de Funkadelic, Talking Heads, Baby Elephant, Mos Def...) plus tard voici enfin disponible chez nous le dernier album studio du groupe. Enfin disponible car l'album date en fait de 2008, mais demeura longtemps disponible uniquement au Japon. Chose réparé via MOD Technologies (MOD pour Method Of Defiance ? Autre projet de Laswell, ce qui laisserait entendre un énième label pour le musicien avec Subharmonic et Axiom) qui propose enfin l'album augmenté de 3 lives.
Le line up de ce "Profanation" est totalement hallucinant, presque aussi imposant que celui de Sacrifist, puisqu'il aligne au coté du presque quatuor (Worrell ne participe qu'à une poignée de morceaux et figure ici en temps qu'invité) PhonographDISK (présent sur les live "Warzsawa", et "Zurich", par exemple) Hawkman (ancien collaborateur de Tricky sur Blowback), Dr Israel (proche de Laswell et ancien Wordsound), Iggy Pop ( chanteur méconnu au sein des Stooges), Killah Priest (un proche de l'église Wu), Otomo Yoshihide (Ground Zero- pas le disquaire), Tatsuya Yoshida (Ruins, Zeni Geva et KK Nulls - on en avait déjà parlé), Serj Tankian (System Of A down), Mike Patton (Mr Bungle, Fantomas, Tomahawk, Faith No More, Melvins...), et feu Rammellzee entre autres. Pourtant, les "gros" line up ne font pas synonymes de qualité, et même si on peut difficilement reprocher des faiblesses musicales à cet ultime album, il faut aussi être honnête qu'on s'ennui un peu.
Derrière cette pochette à la laideur typique Laswell, se cache un album de funk metal galactique pour stade quelque peu épuisant et un peu vain. Il faudra attendre la seconde moitié de l'album, notamment sur une plage comme "Babylon Blackout" pour apprécier les ultra profondes lignes de basses de père Laswell se creuser entre la batterie sobre et les lignes de claviers psychédélique de Monsieur Worrell. Patton s'autoparodie en glapissant vainement sur un grind'n'bass aors qu' Iggy croone tranquilement sur le rythme impeccable du duo Brain/Laswell. Rammellzee, qui enregistrait donc là parmi ses toutes dernières lignes de chant est également fidèle à lui même passant sa voix dans un multi effet cosmique à telle point que sa voix de dictateur de décharge est totalement méconnaissable. Hawkman apparait comme il y a 10 ans au coté de Tricky: toaster qui se pose sans souci sur un rock massif -cf Bury The Evidence sur Blawback. Avec son affiche démesurée, Laswell met donc un terme au projet (annoncé il y a quelques mois) tout en ayant enregistré une épitaphe anecdotique, au regard de quelques autres disques précédent ("Tenessee", "Sacrifist"...) nettement plus remarquables.

mardi 3 mai 2011

Norwegian Wood de Tran Anh Hung

Le réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung adapte ici un roman de Haruki Murakami, best seller mondial (que je n'ai bien évidemment pas lu) autour d'un amour impossible, celui que porte le jeune Watanabe a Naoko, jeune fille psychologiquement fragilisée depuis la mort de son premier petit ami et qui depuis, souffre d'une incapacité totale à ouvrir son corps à la pénétration.

Si mon entrée en matière est à la fois douce et crue, c'est que Norwegian Wood (La Ballade de l'Impossible) se promène constamment entre la beauté fantasmée du Tokyo de 1968, aux grandes ouvertures et habités par la végétation, écueil d'une certaine idée du romantisme, et l'âpreté de certains dialogues, de certaines douleurs, de certains mots.

Watanabe a perdu l'amour de Naoko le jour où ils ont fait l'amour pour la seule et unique fois. Depuis, malgré toute la tendresse qu'ils se portent et l'intensité des sentiments qui les unis, la jeune fille ne cesse de se détruire et de dépérir. Parallèlement, Watanabe sait qu'un autre amour lui tend les bras, celui de Midori, une jeune étudiante qu'il ne peut satisfaire pour le moment. Car le jeune homme, pris dans l'étau de la culpabilité et certain d'être en parti à l'origine de l'agonie de Naoko, s'est promis de la protéger et de n'aimer qu'elle, tant qu'elle vivrait dans ce monde.

Le contexte d'un Tokyo en révolte n'est qu'un très léger prétexte. D'ailleurs dès qu'il le peut Tran Anh Hung quitte la ville et part retrouver les grands espaces qu'il aime tant. Rarement on aura vu film aussi fleuri, aussi investi par une nature qui marche au rythme des tourments de chacun. Les retrouvailles estivales de Watanabe et Naoko, l'hiver tragique, la violence d'une mer tourmentée, allégorie du chagrin inconsolable du garçon. A l'aise sur tous ces terrains, le réalisateur plane tout de même plus dans ses extérieurs magnifiques où les sentiments sont plus vifs, plus exaltés. Ses intérieurs sont toujours ouverts, offrant à chaque instant une fenêtre, un cadre vers une verdure apaisante et sereine, contrastant avec la douleur qui affleure peu à peu.

Cette douleur est surtout dans les mots. Tran Anh Hung a choisi d'écrire des dialogues sans détour, sans tabou, qui abordent droitement et crument les choses du sexe et les problèmes de Naoko. Cela heurte un peu mais évite tout un détour psychanalytique qui aurait été mal venu. La violence est aussi dans le mouvement. Ainsi Tran Anh Hung demande t-il a ses comédiens de marché rapidement, de créer un rythme par leurs déplacements heurtés, par leurs souffles coupés.

Il y a indubitablement une certaine beauté dans ce Norwegian Wood, quelque chose d'épidermique et sensuel qui nous abreuve de sentiments très hétéroclites. C'est peut-être cela qui fait qu'au final on a du mal à adhérer complètement au travail du réalisateur, tantôt trop emphatique, tantôt trop prudent. Ainsi, alors qu'il souhaitait mettre en avant le côté physique de ses personnages et mettre en évidence leur peau, il traite avec un certain détachement les scènes d'amour, préférant cadrer serrer sur les deux visages qui s'épuisent, délaissant le reste des corps. D'autre part, alors que ses dialogues sont sans travers, les scènes d'amour sont bien chastes, comme si la distance vis à vis des images couvraient la violence des mots.

Il manque peut-être un souffle à Norwegian Wood, qui briserai son côté mélodramatique. Mais au final on retiendra surtout la qualité du travail d'un réalisateur qui a su mettre très érotiquement en valeur une nature qui sert parfaitement le jeu de ses comédiens et qui offre à tout public, un récit intense et parfois poignant.