samedi 30 octobre 2010
Electric Wizard - Black Masses
vendredi 29 octobre 2010
Kiss The Past Hello de Larry Clark
Vous vous en doutez, pas la peine de parcourir rapidement la filmographie (assez courte en plus) de Larry Clark pour savoir qu’il ne s’agit pas ici d’un film mais bien de l’exposition dont tout le monde parle (au moins dans le microcosme parisien), notamment à cause de son interdiction au moins de 18 ans.
Ce n’est pas vraiment mon rôle de revenir sur cette interdiction. Il me semble qu’il y a des images qu’un enfant ne peut pas voir et il est bien logique d’attendre qu’il est un certain âge pour qu’il les voit. Il me semble également qu’il est antithétique de faire une exposition sur l’adolescence et de priver les individus qui sont en plein dans cette rude période de mutation boutonneuse de contempler leurs congénères même quand ils s’adonnent à des choses secrètes.
Il est certainement là le tabou premier ; un peu comme une partie de la gente masculine ne s’imagine pas une femme qui éructe ou qui flatule, il apparaît qu’une partie du monde adulte ne croit pas en la sexualité des adolescents. Donc, si l’on poursuit le syllogisme jusqu’au bout, si l’adolescent ne baise pas il n’a pas à voir des images de lui-même en train de baiser… Le problème est bien que si ces images existent, le premier vers du syllogisme est infirmé. Bah oui, faut pas être neuneu quand même. Une interdiction au moins de 12 avec avertissement, aurait peut être suffit. Après tout, personne n’empêche les gamins de se bidonner comme des glands devant L’Origine du Monde de Courbet.
Il serait par ailleurs stupide d’enfermer cette rétrospective dans cette polémique qui n’a pas vraiment lieu d’être. Kiss The Past Hello (jeu de mot avec l’expression Kiss The Past Goodbye) revient sur la quasi-totalité du travail de photographe de Larry Clark, débuté aux côtés de sa mère alors qu’il n’avait que 14 ans. Pour illustrer ce passage assez iconoclaste de sa carrière, on découvre pour la première fois des clichés réalisés par sa mère : bambins emmaillotés, chiens de race déguisés, lumière tendre, léchée, rires forcés… On comprend rapidement que cet univers surfait, construit sur les faux semblants et sur l’artifice forgera un esprit bien plus radical. Le rejet semble inévitable.
La rétrospective est chronologique ; comprenez qu’on ne suit pas seulement l’évolution d’un travail mais aussi celle d’un homme, d’un éternel adolescent ou plutôt, d’un nostalgique. Larry Clark a fondé toute son œuvre autour de cette période charnière du passage à l’âge adulte. De 1963 à 1971, le natif de l’Oklahoma s’aventure dans des groupes de jeunes de sa ville pour en livrer un portrait sordide d’une Amérique qui préfère s’ignorer, une Amérique de la marginalité qui se cache dans la maison de Monsieur Tout le Monde. Les armes, la violence, la prostitution, la drogue. Tulsa, sa ville natale, semble être le théâtre de tous les maux d’une société rongée par la guerre du Viet Nam. Chacune des photos de Tulsa est un petit chef d’œuvre en soi. Lumineuses et irradiantes, profondes et violentes, elles révèlent l’indicible et abattent les tabous sans jamais empiéter sur l’intimité des personnes qui sont photographiées.
C’était pourtant le risque et certains diront assurément le contraire. Pourtant la démarche de Clark évite cet écueil racoleur. Que ce soit pour Tulsa, pour Teenage Lust, 1992 ou Los Angeles, Clark a toujours procédé comme un sociologue le ferait : par l’immersion. Il s’est fait accepter, a adopté les codes, compris les principes de ces générations successives sans juger. Il a su se faire eux et ils le lui ont rendu en se livrant à lui, mettant de côté leur peur de l’objectif, se laissant aller à leur quotidien fait d’effrois, de stupre, d’ennui.
La déambulation du visiteur suit horizontalement ces déflagrations, un peu comme un noctambule qui traverserait les quartiers les moins fréquentables d’une grande ville du monde. On prend coup après coup, on s’étonne de cette proximité, de cette complicité avec ses modèles, avec ses amis.
Au bout de Tulsa, juste avant de tourner vers Teenage Lust, la rétrospective a la très bonne idée de diffuser un film inédit de Clark, daté de 1964. Premier pas de cinéaste, préfiguration de ce que pourra être son Wassup Rockers, son film le plus abouti. Dans un noir et blanc silencieux, Clark suit comme s’il faisait un documentaire de famille, ces gens qu’il photographie, avec une étonnante tranquillité, une sourde banalité.
Teenage Lust est dans la continuité directe de Tulsa, tout aussi agitée, révoltée, sombre et pourtant tintée d’éclats (cette photographie de chien devant une petite falaise, clin d’œil au travail qu’il faisait avec sa mère, cette bande de jeunes qui se roulent nus dans la boue…). Les corps se livrent, de plus en plus, sans réserve et Clark s’interroge comme dans ce diptyque qui présente d’un côté, un jeune garçon en érection, la tête baissée, contemplant son membre viril et de l’autre cette femme sans tête, offrant à tout œil et donc, à tout sexe, son vagin libéré.
Les deux dernières séries le confirment. La première regroupe quelques photographies couleurs et grand format prises sur le tournage de Kids. On y reconnait évidemment le jeune Leo Fitzpatrick, héros du film. La seconde, occupant une salle entière, met en scène une autre figure de l’adolescence à laquelle Clark voue toute une série. Jonathan Velasquez, héros de Wassup Rockers, que Larry a suivi de 2003 à 2006, du gamin duveteux à la crinière blonde au jeune homme au regard perçant.
Changement de ton saisissant. A ce noir et blanc électrique est substituée une couleur vive et chatoyante, lumineuse et saturée. Le cadrage change, le format aussi. De grandes photos qui saisissent des corps qui grandissent, qui s’allongent, qui bougent. En témoigne cette trilogie où Jonathan Velasquez, nu, s’étire et déplace l’air qui l’entoure, symbole de cet état de transition, où les corps muent et expérimentent, où les âmes se forgent et, parfois, se déchirent.
jeudi 28 octobre 2010
SCORN- Refuse, Start Fires
J'ai eu une légère crainte quand j'ai compris comment était confectionné le nouvel album de Mick Harris. Après le départ de Bullen, Harris avait tenu les rênes seul, fièrement pendant 15 ans. Stealth avait enfoncé le clou quant au propos de Mick, puisqu'il signait l'album le plus brutal de sa production, bien plus dévastateur et tortionnaire que les disques de Napalm Death sur lesquels il a rigoureusement cogné, et bien plus perturbant que les plus sombres morceaux improvisés de Painkiller. L'ajout d'un batteur m'inquiétait car je pensais que la mixture aurait des allures de production anticon, c'est à dire vidant quelque peu la sève toxique des productions de Scorn, en les adoucissant. Le mixage electronique/ Batterie live n'a pas toujours fait bon ménage, donnant parfois un grain charmeur qui supporte mal le temps.
Le premier contact avec l'album est avant tout visuel: de mémoire, sans vérification, je crois que Mick Harris n'avait pas humanisé son univers visuel depuis Gyral. Aujourd'hui se dresse un homme peint, torse nu, couvert d'un casque qui lui couvre la moitié de son visage. Couplé au nom de l'album, l'heure est à la guerre chez Harris. Lorsque le disque joue les premières secondes, le doute s'envole: Harris reste sur la progression naturel qu'il a entamé depuis Greetings From birmingham, affinant sa formule tout en renforçant sa production. L'impression tenace, largement éloquente depuis le live sur VIVO, d'un traumatisme sonore venant fendre l'air ambient demeure, prend encore de l'ampleur ici. Chaque coup est une déflagration qui abime le climat sonore, et le fait un peu plus sombrer à chaque mesure. Harris est un homme teigneux, ses boites à rythme ne peuvent pas dire le contraire. Les basses sont toujours ces agressions mécaniques et chaudes qui ébouillantes l'oreille, tandis que derrière, comme chez ses nombreux camarades anglais, le son s'entasse, s'épaissit, composé de larsens, de sons accidentels, de drones, d'inquiétantes résonnances. Puis vient le second temps, celui de la collaboration avec le batteur, le même qui visiblement était un de ses proches du temps de Napalm Death et batteur de Meathook Seed, si je ne m'abuse. Bref, un grindeux. A eux deux, ils tissent une musique qu'on ne pensait jamais entendre de la part de Scorn, et pourtant totalement cohérente et légitime: du dub, du vrai. Harris n'a jamais caché son admiration pour le reggae et le dub, mais la filiation n'était pas des plus évidente (même si réelle). Harris se livre donc à l'exercice, et en sort d'importantes plages d'un dub massif, sombre, malade. Harris s'avère un magistrale producteur, il sait mettre en évidence un jeu lourd mais aéré, l'articule à merveille avec ses machines et ses basses. La dynamique de l'album est est exemplaire. Et la mixture fait effet: Harris signe un album d'une noirceur éreintante mais remarquable. Opressant, l'album ne permet le repos, créée une tension permanente qui met en alerte. Les passages plus soutenues rythmiquement prennent du corps, constrastant avec la sérénité malsaine importé par la présence d'un réel batteur. Harris est arrivé à surpasser sa production précédente, en atteignant ce qui semble être, à nouveau, un paroxysme cr'éatif éblouissant, tout en proposant un album noir, méchant, troublant, faisant passé bien des tentatives similaires pour des jeux de fillettes.
SEEFEEL- Faults
Je pourrais passer pour un fan transit et aveugle de Seefeel pour mériter les louanges de ce 10" comme je m'apprete à le faire, mais en fait je n'en ai pas grand chose à faire: Seefeel, c'est pas franchement une grande histoire d'amour chez moi, je croise le nom du groupe dans les bacs à disques depuis plus de 10 ans sans jamais m'être poser la moindre question à ce sujet. Je ne vénère pas ce groupe de façon incompréhensible depuis une éternité, et son split était jusque là inconnue de mes services. Pourtant, il y a finalement un élément qui m'a intrigué, à savoir la présence de deux japonais au sein du groupe reformé pour les 20 ans de Warp, et surtout la présence d'un des premiers batteurs des Boredoms. Warp+Boredoms= me voilà en quête d'informations. Je pourrais raconter comment je me passe en boucle depuis la musique de cette formation y trouvant un monolithe sonore fascinant, mais je resterais sur ce 10" de la résurrection. Seefeel opère dans ce qui semble être aujorud'hui une musique qui semble se réconcilier avec le son et les intentions plus organiques de ses premiers disques, moins porter sur les errances digitales de ces dernières sorties pré-split. Les orgues et synthés sont de lointains échos qui tentent de percer le rythme, la basse, ultra imposant sur les deux premiers morceaux. Le patron du groupe adécidé d'amplifier sévèrement le bas du spectre, et l'a fourni d'épais claviers qui rappelleront les lignes dubstep, wooble sauvages. Le batteur des Boredoms apposent de lentes et régulières rythmiques, étrangement mécaniques, avec un son homogène entre les différentes compos. C'est d'ailleurs ce qui s'avère presque comme une marque de fabrique pour mes oreilles novices: Seefeel est un groupe de rock qui sonne comme un projet 100% electroniques. Juste quelques voix se distinguent, celle de la madame, et me rappel de façon assez inexpliqué Clouddead. L'autre face comprend deux morceaux moins certain, plus flottants, qui s'imprègnent plus du climat des anciens disques du groupe. Un retour très attendu par les fans, apprécié dans mes oreilles, et qui fait attendre un album qui devrait suivre, début février.
mercredi 27 octobre 2010
Le coup du parapluie – Philosophie, bien être et crimes passionnels
Le coup du parapluie serait un excellent film de Woody Allen. Un film que l'on n'aurait aucune envie de voir, qui nous parlerait choucroute quand on aurait envie d'un thé, mais un film qui aurait quelque chose d'historique. Une ambiance qui tisse sa toile au fil de morceaux consistants et qui nous amène à un endroit qui était prévu d'avance. Pas de syncope rythmique pour le plaisir de la démonstration ici, le coup du parapluie fait dans la finesse. On ne parle pas non plus d'arpèges cristallins lisses qui se rencontrent au bout d'une dizaine de minutes pour terminer un disque chiant comme la mort. Issu du punk, du post rock (les héritiers de Bastärd, à comprendre zëro, Marvin, binaire et un peu tout ça à la fois, assommés par une version noise métallisés comme si Unsane avait pondu des œufs). LCDP est un mammouth qui rencontre la progression intelligente d'un noise rock redécoré en version 2.0. Un raffinement dans l'assaut, avec une propension à toujours garder de l'humour et d e la distance, même quand l'ambiance se fait pesante (Colonel Mustard with an AK47 in the library). Un disque digeste tout autant qu'il est complet, avec ses morceaux de bravoure :le loup dans la bergerie et la chasse à la baleine, deux morceaux lorgnant vers la dizaine de minute à la structure dyslexique mais littéraire. Un disque aux confluents de plusieurs scènes en déclin, une sorte de synthèse de la scène punk moderne, un post hardcore qui aurait comme parent l'écurie dischord, un noise rock qui aurait coupé la queue au lézard, un post rock qui aurait fumé des cigares avec la scène française et quelques excursions en virée métalliques progressives qui permettent de lier le tout. Pourtant le ragoût est ragoutant (production impeccable aidant), et on sent que l'on tient un objet qui a quelque chose d'historique et qui met un point final à une époque qui semble en passe de se terminer. Et comme ils le disent eux même, ''there are no accidents''. (Myspace)
vendredi 22 octobre 2010
La chronique de Stockton: Crippled Black Phoenix & Godflesh
Chers tous, chers toutes. Voici un autre nouveau chroniqueur, en mode mercenaire, comme Big Ad, Machou, A. Laffillé (Noise mag), JJ, Gugo et j'en oublie avant lui. Sauf que celui-cisera régulier, mais de par son caractère sauvagement indépendant, refuse d'avoir un compte chez nous. Chaque fin de semaine, il pense pouvoir ne pas tenir la promesse d'un billet. Mesdames et messieurs, bienvenue à Stockton.
Une expérience à faire dans une vie, absolument, c'est de se rendre à un concert de métal. Une expérience unique, qui prend des allures de safari quand il est temps de se plonger dans la pénombre d'une salle de concert et dans sa fosse, rempli d'énergumènes qu'on ne croise nulle part ailleurs, si ce n'est parfois à l'oeuf cube, et dans les salons dédiées à la consommation crasse d'alcool à base de houblon à Munich, par exemple. En plur de chérir le diable d'une manière qui relève plus du TOC que d'un réel dévouement religieux, puisque la moindre occasion est prétexte à symboliser la tête du malin orné de ses cornes, l'homme composant cette faune est aussi un cas social fascinant. Le premier point qui en fait effectivement un être passionnant à étudier, est sa forte tendance à rejeter la mode tout en cherchant continuellement à s'inscrire dans un visuel ambiant prédéfini de multiples codes. Il niera s'impliquer dans son look, mais sa tendance à collectionner les t-shirts noirs à l'effigie d'un orchestre est un élément qui trahit l'absence évidente de je-m-en-foutisme stylistique, sans parler de son amour pour sa toison capillaire surdéveloppée, de ses chaussures lui étouffant le pied ou totalement agonisantes, et d'autres encore. L'autre point qui mérite investigation, c'est la proportion de cette faune à monter des groupes de métal, comme s'investissant davantage que bien d'autres cercles musicaux dans l'accomplissement personnel d'une passion vers une réalisation. Lecteur, tendras-tu l'oreille lors de ton prochain déplacement pour entendre le nombre d'échanges commençant par "et alors, vous en êtes où? Vous enregistrez en ce moment?" ? Si tu ne l'avais prévu, je te donne là un précieux conseil qui animera ta morose soirée, car un concert de métal est forcément un truc morose, sans parler des horaires de concert (19h30-23h00) qui tend bien à démystifier l'opulence réelle de vampire dans ce milieu.
mercredi 20 octobre 2010
BASQUIAT: THE RADIANT CHILD
Soit je deviens définitivement vieux avant l'heure, soit je deviens une sorte de bobo parisien qui ne s'en donne pas les moyens, toujours est-il que j'ai franchi le cap que je ne pensais jamais franchir: aller au cinéma, payer la rançon quémander au guichet, et aller voir un documentaire. Alors Bobo? Pas vraiment parce que Basquiat, le personnage, m'amuse plus que Basquiat, le mec qui a dessiné une poignée de croutes surestimées dans les années 80. Pire encore, je connaissais le bonhomme avant que la capitale de la France (Paris, c'est bien, y'en a qui suivent) soit totalement recouverte d'affiches vantant l'exposition au Palais de Tokyo. Parait-il qu'au vernissage, il fallait faire 2 heures de queue pour rentrer, tout ça pour probablement entendre des conneries de pouffiasses délurées type "on sent bien la dépersonnalisation de l'artiste dans cette toile" entre deux étudiants aux beaux-arts faire des rapprochements douteux avec l'iconographie d'une chaine de meuble suédois. Pour preuve, nous avions déjà parlé de Downtown 81, avec ce bon vieux Jean-Michel. Enfin, certainement pas bobo quand une autre des raisons qui m'ont poussé à aller voir ce doc, c'est que la réalisatrice s'appelle Tamra Davis, réalisatrice du seul nanard ayant eu l'immense honneur d'afficher Britney au casting, présentatrice d'une émission de bouffe vegan sur le web et accessoirement, Madame Michael Diamond, la seule et réelle raison qui fait que je n'ignore pas son existence. Et que fait madame "D" quand elle ne signe pas son émission dans son loft new yorkais? Elle exhume des vidéos de son feu pote jean-Michel, fait faire la musique à son mari et à son pote Horovitz, assemble des bouts de vidéos, de portraits, et d'interviews de gens ayant gravité dans la grosse pomme au début des années 80 et sort un film. The Radiant Child retrace le portrait et la vie de Basquiat, artiste emblématique et à la carrière éclair du New York des années 80. Emblématique parce que sa peinture était à l'image même de l'effervescence artistique qui sillonna la ville à cette époque, où tout devint permis, où les codes étaient détruits dans la peinture et dans la musique. D'ailleurs, Downtown 81, qui me semble être le complément parfait au documentaire, retraçait au mieux cette impression de par la présence de DNA, entre autre, au casting. Le chaos, l'absence d'esthétique évidente comme nouvel ordre. On y apprend entre autre que SAMO était un piètre joueur de clarinette qui s'essaya pourtant à la musique via un groupe (avec Vincent Gallo, alors danseur dans un posse hip hop). Faut-il y voir un lien avec la qualité de ses représentations graphiques?
Offshore - Aneurysm EP
mardi 12 octobre 2010
Kaboom de Gregg Araki
Gregg Araki est, hélas, un réalisateur dont l’œuvre, dans le sens exhaustif du terme, reste encore trop marginalement connue. Kaboom, une des rares véritables sensations du festival de Cannes jouit ainsi d’une distribution plus que modeste (44 salles seulement) malgré la qualité phénoménale de cette belle besogne. On se consolera en consumant jusqu’à l’extase un film qui jouit par tous ses pores, sans réserve et sans aucun complexe.
Araki est un récidiviste. Il est l’un des derniers réalisateurs pop (avec Todd Haynes et John Cameron Mitchell) dans un cinéma qu’on trouve souvent triste, qui manque de couleurs, de folie, de singularité. Lui a toujours fait l’inverse et depuis bien longtemps. Déjà dans Totally Fucked Up, premier volet de sa trilogie adolescente entamée en 1993, il imposait une patte de dialoguiste hors paire et croquait avec une justesse incroyable une bande d’ados homosexuels un peu perdue et marginalisée.
Toutefois, Totally Fucked Up était encore relativement sage, épousant plus la forme d’une chronique presque documentaire à certains instants. C’est véritablement avec The Doom Generation et Nowhere que tout fout le camp. Le premier est un road movie sanglant mettant en scène James Duval et Rose McGowan dans une Amérique qui cache sous son puritanisme apparent de belles largesses et de sacrées perversions. Le second est un teenage movie délirant où le même James Duval s’interroge sur le sens de sa vie de lycéen paumé dans un Los Angeles où tout le monde est un marginal, à la recherche d’une pureté qui semble fuir tous ceux qui l’entourent.
Kaboom s’inscrit dans la digne lignée de cette trilogie adolescente. Smith (interprété par l’excellent Thomas Dekker) est un lycéen comme les autres qui fonce sur ses 19 ans, toujours un plan cul sous la main (que ce soit une fille ou un garçon) mais qui ne rechignerait pas à se trouver l’âme sœur. Seulement quelque chose se trame dans les travées du lycée ; un groupuscule aux intentions louches, une sorcière nymphomane et un rêve récurent qui dit tout en pointillés. Le pauvre Smith va se retrouver empêtré dans une machination qui le dépasse et le changement qu’il pressent va arriver plus vite que prévu.
On retrouve dans ce dernier long métrage, le nihilisme jouisseur de Nowhere. Il faut dire qu’Araki n’y va pas avec le dos de la cuillère niveau cul. Ni avec le nihilisme d’ailleurs ; l’Etat, la police, ses amis, ses parents. Le monde entier semble faire parti de cet incroyable complot qui se monte autour de lui. Une sorte de tragédie grecque, à la géniale absurdité, résolue dans une course poursuite en voiture complètement barrée et jubilatoire.
Si Araki donne cette impression de nonchalance durant toute la première partie du film, il n’en pose pas moins les jalons essentiels à son dénouement excentrique. Un rêve, une porte noire derrière laquelle se cache une réponse… Une intrigue sous-jacente d’inspiration lynchéenne (pas mal de choses rappel Twin Peaks, dont cette introduction onirique) qui garde éveillé l’instinct d’enquêteur d’un spectateur qui pensait n’avoir qu’à éjaculer durant 1h30.
Malin le Gregg. Et toujours aussi inspiré, notamment dans le recyclage. Le terme est peut-être mal choisi mais il reflète bien l’application avec laquelle Araki fait des choses formidables avec d’autres choses qu’il a testées sur d’autres films. L’introduction, si elle rappelle Twin Peaks, n’est pas non plus sans évoquer Mysterious Skin, les fondus rappel Smiley Face, l’esprit, je l’ai déjà dit, nous fait revenir au temps de Nowhere tandis que les apparitions de James Duval nous évoquent toute une trilogie. Comme quoi on peut être un génial récupérateur de ses propres idées sans tomber pour autant dans la mégalomanie.
Car Araki est loin d’être dans l’autosatisfaction. Il saisit à nouveau avec perfection les envies et les instincts d’une génération qui n’est pourtant plus la sienne. Dans le fond, Kaboom résume à lui seul cette incompréhension des enjeux d’un monde qui nous écrase et dont on ne peut s’extraire, ce besoin de faire du sexe pour partager, pour rompre l’isolement, pour se retrouver dans quelque chose de simple, de primitif, de presque animal. Pour ne plus être un au milieu du monde mais pour être le monde, à plusieurs.
KOUHEI MATSUNAGA, MIKA VAINIO & SEAN BOOTH-Telepathics Meh In-Sect Connection
Pour ceux qui sont intéressés par les trois bonshommes, c'est une période intéressante: 2 disques d'Autechre cette année, un Pan Sonic magistrale, et au moins un véritable album de Kouhei Matsunaga. Ce qui, ajouté à cette nouvelle étape dans la discographie des trois, nous amène à quelques heures d'écoutes et de fouilles auditives sans fins. On aurait pu penser que les 3 là, en se croisant sur disque, allaient trouver un terrain d'entente cordial autour de leur marque de fabrique, et orienter le tout vers le rythme déstructuré et la distortion crasse et crépitante. Ils ont choisi une autre option, qui n'est pourtant pas illogique. Booth d'Autechre se retrouve à prolonger l'expérience du split Ae/ Hafler Trio, tandis qu'on est finalement moins surpris par l'approche de Vainio et Koyxen. Si tout est limpide dans mon esprit, il semble que tout cela ait été enregistré en "live" alors que les sorciers soniques n'étaient pas physiquement au même endroit. Concept fumeux permettant d'offrir à ce genre de disque le cachet d'originalité conceptuelle obligatoire. Les 3 morceaux (une collaboration des 3, et deux morceaux où Kouhei est le point commun, puisque tout ceci semble s'inscrire dans un cycle qui lui est "dédié" chez Important) s'apparentent soit à du pure génie contemplatif pour admirateurs de craquements ésotériquement mécaniques (cf. Coil vs Elph), soit à du pure foutage de gueule. Le trio s'aventure dans l'exploration glaciale du micro intervalle, du son le plus insoupçonnable, le plus absent, le plus fantomatique. Pas de structures ou de construction. Juste des collisions de sons à peine audible, où le grésillement des circuits fait plus de bruits que les ébullitions cristallines des oscillateurs. L'impression, dans ce déluge chaotique du silence, d'assister à l'effondrement du palais des glaces des insectes. Aussi étrange que la pochette, aussi égaré et égarant que le regard siamois de cette banane.
lundi 11 octobre 2010
TRICKY-Mixed race
Pour une fois, l’énorme webzine anglo saxon qui fait la pluie et le beau temps et qui porte le même nom qu’un ep de Clutch, pour ne pas le nommer, n’a pas tort : il est dur, très dur même d’être un admirateur de Tricky en 2010. Car, en effet, le kid sait exactement ce qui marche dans sa musique aujourd’hui, dans le sens qualitatif, et s’acharne à réaliser des morceaux dans ce qu’il n’est que médiocrement capable d’exécuter. Aussi, si Tricky est aujourd’hui plus une sorte de souvenir lointain pour lequel on a un peu d’indulgence depuis 99 (la même qui fait que chaque sortie voit son lot de chroniques positives, et je ne m’exclus pas du lot), les coups de génie se font rare dans cette terre aride que l’on appelle « discographie d’Adrian Thaws ». Un soupçon d’honnêteté nous fera sauver, quelques morceaux de blowback, quelques secondes de Vulnerable, et une bonne moitié des morceaux de Knowle West Boy, l’album logique du retour. Avec un coup de chance, ce Mixed Race est une fin de cycle, comme Juxtapoze clôturait le précédent. Un indice? non, une idée, comme ça, en se basant sur le fait que Juxtapoze était un album de feignasse totale, avec ses 30 pauvres minutes, venant clôturer un triptyque qui 12 ans plus tard laisse encore des traces dans les oreilles des profanes. Oui, Mixed Race fait moins de 30 minutes. Alors comment affirmer qu’il sait exactement ce qui marche? parce que Tricky s’acharne, sur scène, à ne pas reproduire ses derniers disques, mais plutôt à offrir des relectures de ses morceaux, si possible des plus vieux, et même des plus récents, en les défigurant, ne laissant qu’un squelette méconnaissable et torturé par sa fascination pour le blues et le bruit (exception faite de la tournée de 2003 ressemblant plus à un mauvais pop-tour). (d’ailleurs, comment prendre au sérieux les déclarations du monsieur qui affirme que Blowback est son meilleur album alors qu’il n’en joue qu’un morceau, une reprise, en live ?). Tricky revendique de ne pas s'impliquer vraiment dans ses disques, et cela s'entend.
Bref, de quoi est fait ce Mixed Race ? La bonne nouvelle, et on le sait depuis Knowle West Boy, c’est que Mr Thaws sait à nouveau produire sa musique, qu’il sait faire sonner une batterie, qu’il sait imposer une basse qui va dans les basses, et donner un peu de relief. Le plastique fondu de Vulnerable ne laissait pas ceci pour évident. Pour ne pas changer, Thaws se panne quand il tente une reprise qui ressemble à ce qu’a pu faire de pire Daft Punk, mais relève la barre avec un reggae plutôt sympathique et bien accompli. Le troisième morceau fait presque croire au miracle: une batterie pas si évidente, et un climat brumeux se pointe, mais l'essai est bien court et le soin du tout donne l'impression d'un nearly god hyperglycémique. Il y a même un passage presque dance, avant un grime boiteux final qui est presque là bienvenue.
En fait, Tricky me semble aujourd'hui incarner une sorte d'entité musicale qui ravit les programmateurs radios, fiers de proposer autre chose que Raphaël, qui se sentent mélomanes, et qui trouve son public chez la ménagère de moins de 50 ans. Vous vous rappelez, vous, les trentenaires, de vos parents quand vous étiez gamin? Ils écoutaient un peu les Pink Floyd, un peu Genesis, ce genre de trucs, mais plus parce que c'était de l'acquis culturel qu'autre chose. Un jour, Genesis a été un bon groupe. Et le succès commercial enterra le succès d'estime. Quand vous regardiez Casimir, votre mère écoutait Phil Collins chanter Mama. Les enfants regardent Dora pendant que maman écoute Tricky chanter Murder Weapon.
dimanche 10 octobre 2010
Swans - My Father will guide me up a rope to the sky
Ce nouveau Swans n'est pas mauvais en soi. C'est d'ailleurs le meilleur album de Michael Gira depuis l'épitaphe qu'était Soundtracks for the blind. D'angels of light il a gardé la majorité de l'architecture sonore ou éthique. La preuve avec ce line up remanié en majorité (bien que des vieux soient encore là, on est d'accord), ces invités de la famille Young gods records, notamment ce bobo de Devendra Banhart qui n'aurait pas dépareillé sur un album des angels of light. Simplement, les swans n'étaient pas un projet récréatif, et le laboratoire d'expérimentation à la force mystique magique se retrouve ici transformé en une vieille mine ouverte au public pour visite. Gira nous fait revisiter son musée Swans, en y insérant suffisamment de rythmique tribale qui cogne (la magique introduction No Words/no Thoughts, ou encore Inside Madeline) ou de distorsions vengeresse (eden prison) pour justifier l'exhumation de ce projet sacré. Certes, la totalité n'est pas à jeter, mais trois vrais morceaux des swans dont un de 10 minutes sur trois petits quarts d'heure pour justifier un album, c'est bien peu. En espérant que le concert de novembre sera plus consistant en vieilleries, pour que réellement le maitre de cérémonie nous commande la transe tant attendue. (Young gods records)
Brian McBride - The Effective Disconnect
samedi 9 octobre 2010
Horse Gives birth to fly - Ouroboros
mercredi 6 octobre 2010
Les amours imaginaires de Xavier Dolan
Il existe ici bas, nombre de réalisateurs (ou d’acteurs) énervants. Certains aiment (à tord ou à raison, là n’est pas tout à fait la question) déblatérer sans fin sur Schumacher ou Bay, consacrant l’inanité de leurs films aux idéaux muets, oubliant peut-être qu’à défaut d’être de prolixes philosophes, ils sont de brillants techniciens. Il y a ceux qui s’insurgent contre le cinéma d’auteurs, contre ces réalisateurs qui sentent les archives, la naphtaline et la Nouvelle Vague. Et puis il y a ceux qui s’indignent de la suffisance et de l’égotisme de certains individus qui, persuadés (ou peut-être même convaincus) d’avoir du talent, s’affaissent dans ce que le critique appelle la vanité ou la prétention.
Pour certains, Xavier Dolan est énervant. Enervant car à 21 ans il a déjà réalisé deux films. Enervant car son premier long, J’ai tué ma mère, a connu un grand succès critique et a notamment été récompensé à Cannes. Enervant enfin car le jeune homme donne cette froide image de l’autosatisfaction créatrice, celle d’un jeune homme au génie sans pareil qui aurait réinventé le cinéma à lui tout seul. Plus que son talent certain, c’est donc bien son « orgueil imaginaire » qui enquiquine le spectateur français (qui, bercé par les Bresson, les Rohmer, les Chabrol et les Godard, n’apprécie pas le trop plein d’esbroufes et ne comprend pas le besoin qu’on peut avoir à chercher des esthétiques un brin chichiteuses).
Anne Diatkine, "critique" au magasine "Elle" écrivait que pour quiconque connaît le cinéma depuis plus de 20 ans, le film de Dolan n’avait rien de novateur. Simplement parce que le jeune québécois, certainement trop bercé par ses idoles, de Wong Kar-Wai à Almodovar, leur emprunte trop ou plutôt, leur rend trop hommage, si bien que l’hommage, au lieu d’être le témoignage de sa modestie, apparaît comme le pompeux aveu de sa prétention.
Xavier Dolan abuse de ces ralentis contemplatifs qui, pourtant, figent parfois avec brio le temps éternel de l’amour et toutes les méandreuses alcôves de l’insatisfaction et de la frustration. Il déçoit avec ses raccords de plans parfois douteux et peu esthétiques (un comble !). Il énerve avec ses inutiles réajustements de cadre lorsqu’il filme ces témoignages pourtant savoureusement écrits.
C’est d’ailleurs cette écriture drôle et cruelle qu’on ne peut pas lui reprocher. Son trio amoureux repose pour beaucoup sur ces échanges choyés et sur ces silences bavards. On suit avec une assiduité sans brèche, les amours contrariées de ces deux amis amoureux de la même personne. Ce bellâtre n’a de cesse de leur distillé des signes torrides, sauvages, ambiguës pour finalement les laisser sur le tas.
Et puis on ne pourra pas reprocher non plus à Dolan de ne pas soigner ses lumières, ni ses ambiances, ni sa musique. Encore moins d’être partout à la fois. On a vite fait d’oublier qu’en plus d’être acteur, réalisateur, scénariste, le jeune homme est aussi au montage et à la conception des costumes. Le perfectionnisme agace, il est à mon avis loin de l’ignorer, mais comme il le dit lui même, cela lui passera.
Enfin, il faut reconnaitre à Dolan la conviction avec laquelle il s’atèle à construire une œuvre homogène, traitant des affres des rapports humains avec cette plume vive et caustique. Les multiples similitudes que l’on notera entre J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires vont clairement dans ce sens : les apartés témoignages, la course poursuite dans les bois, cette conflictualité avec le sexe féminin... Le canadien bâtit une œuvre complexe et raffinée, et c’est bien là l’essentiel !
Mais que les sceptiques se rassurent, ceux qui voudront continuer à bavasser sur le « comportement imaginaire » du jeune homme auront de quoi jaser encore et encore après avoir vu le film. En effet, la succincte apparition de Louis Garrel, autre tête de turc du cinéma francophone, ne sera pas là pour leur suggérer l’idée qu’on peut être quelqu’un de (soit disant) insupportable et faire des films qui valent le coup d’être vu.
Alone With King Kong – Three hats on one head (CKK010)
Maintenant, KK qui livre l'objet CKK010, j'en viens à soupçonner les Kito de faire une fixette. A bientôt sur les planches. (Chez Kito Kat et Myspace du projet)
dimanche 3 octobre 2010
Grinderman - Grinderman 2
C'est d'ailleurs bien là l'essence de ce projet, qui prend forme peu à peu sous nos yeux. Nick Cave et sa bande de potes avaient besoin de se libérer d'un nom étouffant, d'un projet exigent pour revenir aux racines de leur rock n roll, éclater leurs structures, faire crisser les instruments mais aussi les caresser. Grinderman 2 est le pot pourri musical sans but ni origine. Des guitares apparaissent et scient la commodité pour repartir mollement, voire d'un coup et sombrer dans l'oubli. Grinderman est un projet qui n'a au final aucun réel objectif, ni aucune aspiration autre que le son brut pour l'amour du son. Nick Cave peut alors s'envoler et s'éloigner de son devoir de maitre de cérémonie, pour laisser ses amis aux backing vocals, pour laisser s'insinuer le coté tribal et dansant de When my baby comes, pour laisser les instruments vivre. C'est finalement à l'écoute de ce Grinderman 2 que l'on se rend compte que Dig Lazarus n'était qu'une tentative d'aboutir à quelque chose, qui se dessine ici même, loin du costume engoncé des murder ballads.
La Meute de Franck Richard
Mercredi soir, dans la nuit noire, métro Stalingrad, MK2 Quai de Seine. La fraîcheur grisante de cet automne avenant revigore mes neurones éteints par le dernier film de Christophe Honoré. J’aurai pu vous parlez d’Homme au bain, troisième film « conventionnel » (après Saw VI et L.A. Zombie) de François Sagat, acteur de porno gay. Mais je me suis abstenu. C’est certainement mieux pour le film d’ailleurs. Et puis bon franchement, le petit nouveau là avec son pseudo de cinéphile intello qui se la pète, faudrait pas qu’il se prenne pour un nabab du net. Y a des dirlos ici. Paraît même qu’il y en a un au crâne rasé qu’a un air peu commode…
Mais là je ne peux plus. Dimanche a débuté depuis une heure et vingt minutes quand j’écris ces mots et j’ai passé mon samedi soir au cinéma. Ca a un peu excité ma verve (non, pas ma verge, merci de rectifier vos esprits tordus) et mon tube d’anxiolytiques fini, je n’avais plus aucune raison de la taire.
Voilà pour la frustration contenue. Place au dilemme. Les femmes vous poussent souvent à faire des choses que vous n’auriez jamais faites tout seul. C’est encore plus vrai pour ceux qui s’embarrassent d’une de leur représentante dans leur vie. Mais en avoir comme amie peut suffire à sacrifier votre amour propre et à aller voir n’importe quoi. Ce fut mon cas pour le premier des deux films que je viens de voir.
J’avoue que l’idée de voir le dernier film de Joel Schumacher ne m’était pas venue à l’esprit. Pas même pour y voir l’arrière train de 50 Cents qui joue le rôle d’un dealer (grosse prise de risque…) ; pas même, non plus, pour constater une nouvelle fois que Schumacher est un réalisateur vulgaire qui n’a d’autre talent que de filmer avec toutes les outrances possibles des visages qui ne recèlent aucun sentiment. La misère émotionnelle des personnages, l’omniprésente et kitchissime voix off de Kiefer Sutherland et la caricature hideuse à laquelle s’adonne Schumacher durant 90 minutes ne valent pas plus de lignes. Côté féminin, l’argument était de poids mais n’aura pas suffi à sauver le récit : Chace Crawford, bellâtre au regard cyan perturbant il faut l’avouer, transféré du Manhattan chicos et turbulent de « Gossip Girl » au… Manhattan chicos et turbulent de Twelve.
Non ce n’est pas de ça dont je veux vous parler. Ce qui vaut vraiment un billet, plus que mes états d’âme dont vous vous lassez certainement, c’est La Meute. Le casting avait de la gueule : voir Yolande Moreau, Benjamin Biollay et Philippe Nahon sur la même affiche, ça promet des étincelles. Le trailer mettait d’ailleurs à profit cette jolie bande de ferrailleurs grincheux aux visages usés et leur gouaille inclassable.
Le pitch lui laisse dubitatif. Une jeune femme (Emilie Dequenne) prend un homme en stop (Biollay). Ils s’arrêtent dans un troquet pourri et cet homme disparaît dans les toilettes. Intriguée, la jeune femme se lance à sa recherche et se fait kidnapper par la tenancière du bistro qui lui réserve un sort tout à fait ésotérique.
La Meute est un film multiple qu'on a un peu de mal à ranger. Le récit débute comme un road trip mené par une Emilie Dequenne qui conduit une vieille caisse moisie en écoutant du rock dur et qui enchaîne les clopes. Puis de road trip le film devient western. Notre Dequenne se transforme en Calamity Jane qui rencontrerait un Cow-boy solitaire. Ensemble ils partagent un bout de chemin dans ce désert brumeux. Ils s'arrêtent dans le saloon de Yolande Moreau sur la grille duquel est placardée le panneau "Texas". Ils y rencontre un Nahon chevauchant son vélo en poussant de petits hennissements et qui se prend pour le shérif du comté. Ajoutez à cela une bande de motards qui oscillent entre fascisme et homosexualité refoulée, menée par un Joe Dalton surexcité, un petit chinois en cage qui répète à tu tête le nom de John Wayne et vous avez l’ensemble des figures typiques du western… Ah non, manque le chicanos aux dents longues, mais bon, on va pas chipoter.
Le tout est bien crasseux, bien vitreux, avec ce petit brin de perversité qui laisse présager un tournant vicieux et sanglant qu’on attend en trépignant. On se lèche les babines lorsque les premiers échanges fleuris fusent dans le tripot. Richard donne l’impression de convoquer l’ambiance poisseuse et la fantaisie foutraque des frères Poiraud et de leur déjanté Atomik Circus dans un acte d’exposition digne de La Colline a des Yeux de Wes Craven.
Puis, les premières atrocités passées, tout fout le camp. Les dialogues tout d’abord qui de truculents deviennent volatiles pour finalement disparaître dans les tréfonds de l’absence. Puis, l’acmé, le climax comme on dit dans le jargon, l’arrivée des zombies… On ne rêve pas mais vraisemblablement le réalisateur a décidé de rendre hommage à Sam Raimi et à son Evil Dead. Il nous gratifie d’une petite bande de zombies (par faute de budget, leur nombre oscille entre 4 et 8… terrifiant) aux visages gratinés, vêtus comme des éboueurs, qui dévorent des gens dans une profusion minimaliste d’effets visuels assez rétro.
« Chaos regn » aurait dit le renard mouillé d’Antichrist. Comment, comment, alors que jusque là tout tournait assez convenablement à défaut d’être totalement excitant, comment (oui trois fois) un réalisateur peut perdre à ce point le sens des lumières, le sens des réalités, le sens de la crédibilité ? Toute proportion gardée, le film qui tendait plutôt vers un Frontières version Bidochon cannibales se vautre confortablement en ressuscitant des profanateurs de sépulture qu’Uwe Boll aurait maquillés à la truelle… Reste une bonne idée (attention spoiler), celle de filmer le visage d’Emilie Dequenne en train de se faire dévorer la guibole en donnant cette jouissive impression qu’elle a un orgasme et d’enchaîner dans la scène suivante avec la même Dequenne enceinte, reprenant le rôle de Yolande Moreau.
Finalement, on sait où La Meute ira se ranger. Quelque part dans le rayon série Z, pas minable (pas vraiment en tout cas) mais curieuse et fauchée, le rayon des films de genre qui ont mal tourné. La comparaison me vient comme ça mais c’est un peu comme si au milieu du tournage de La nuit des morts vivants, Ed Wood avait remplacé Romero et en avait fait un film sur la transsexualité au Far West… Etrange non ?