lundi 24 janvier 2011

Les chemins de la liberté de Peter Weir


Lors de sa présentation en avant première au Forum des images, le rédacteur en chef du magasine Positif disait de Peter Weir qu'il avait cela de particulier qu'on ne savait pas vraiment d'où il venait. Façon dissimuler de dire, "vous savez les australiens et le cinéma c'est un peu comme les muets et la chanson, certes ils peuvent ouvrir la bouche mais ils n'ont jamais sorti un disque". J'extrapole un peu, mais cette réflexion sortie de nulle part si ce n'est des tréfonds d'un égocentrisme très atlantiste, m'a un peu rappé la gorge. Des détestables Bazz Luhrmann ou Robert Luketic aux respectables Paul John Hogan (ouais bon... mais Muriel c'était marrant quand même, non?) ou Alex Proyas (surtout pour Dark City), la colonie australienne a plutôt bien percé à Hollywood et est loin de représentée une touche si "exotique" dans le paysage cinématographique.

Bref, oublions, l'intérêt du nouveau film de Peter Weir n'est pas de savoir s'il a quelque chose d'australien où non. Il n'est pas non plus dans le fait qu'il aura fallu attendre 8 ans entre Master and Commander et Les chemins de la liberté. Les mauvaises langues vous diront que le seul intérêt du film réside dans ces jolies retrouvailles entre le réalisateur et Ed Harris, qu'il avait dirigé en 1998 dans The Truman Show, oubliant peut être la belle performance d'un Jim Sturgess que l'on découvre littéralement ou celle, plus anecdotique certes, d'un Colin Farrell en briguant naïf et finalement sympathique.

L'histoire que nous conte Weir est l'adaptation du roman "A marche forcée" de Slavomir Rawicz, l'escapade d'une poignée d'hommes, fraîchement évadée d'un goulag, qui a traversé la Sibérie, le désert de Gobi et l'Himalaya pour rejoindre l'Inde et fuir le communisme en expansion.

Noyant l’âpreté de son récit dans une sauce très mélodramatique et trop romanesque, cette quête de la liberté s'aventure plus sur les dunes nauséabondes du Patient Anglais d'Anthony Minghella que sur les traces du Into the Wild de Sean Penn. Lyrisme forcé, raccourcis scénaristiques et choix de mise en scène discutables plombent cette échappée sauvage. Ainsi on n'a du mal à comprendre le montage inintelligible de l'évasion du goulag. Il en va de même pour les nombreuses coupes qui semblent privilégiées la beauté des paysages à la dureté et la violence de leur fuite.

Weir semble également peiner avec son contexte politique. Seconde Guerre Mondiale, guerre civile en Chine, expansion du communisme en Mongolie... La charge contre le stalinisme et contre l'internationalisation du communisme est à sens unique. On ne saura nier l'évidence des affres du totalitarisme à travers le monde. On pourra juste douter de la pertinence du réalisateur quand, au terme de leur périple, il les fait arriver en Inde, dans une liesse toute proprette, comme si l'Inde s'avérait être la patrie de la liberté. Weir semble juste oublier que, jusqu'en 1947, l'Inde est une colonie anglaise, qui lutte, pacifiquement, pour son indépendance et donc pour obtenir sa liberté à disposer d'elle-même, contre l'impérialisme britannique...

Alors si Weir, avec une obstination sans faille et un manque cruel de relativisme historique, taille avec une serpe bien affûtée dans le gâteau pourri de l'URSS et du stalinisme, il se vautre avec la même aisance dans ce visqueux fantasme de la terre promise. Son dénouement quant à lui est une pure plaisanterie, d'une naïveté toute déplacée lorsque l'on aborde un tel sujet. Si bien que l'aventure incroyable de ces hommes au courage sans pareil, devient une peu subtile démonstration d'une idéologie de la facilité. On aurait aimé que Weir réussisse à insuffler le même élan clairvoyant qui rugissait dans The Truman Show, le même optimisme adolescent qui jaillissait du Cercle des poètes disparus ou encore, le même naturalisme qui habitait son sublime Pique-nique à Hanging Rock. Il n'en est malheureusement rien...

1 commentaire:

Neocreed a dit…

Billet très intéressant, comme d'habitude. Il me bottait pas mal ce film (le sujet + Ed Harris, tout ça...), même si je n'ai vu aucun de ses précédents films. Mais ton jugement m'a quelque peu refroidi.