lundi 17 juin 2013

BOARDS OF CANADA - Tomorrow's Harvest

Duo électronique culte, voici enfin le retour des enfants prodiges, tant attendus, presque inespéré. Après un premier album « séminal » à la fin des années 90, une suite vénérée, c’est un silence de 8 ans qui sépare le troisième LP de cette nouvelle livraison. Sauf que si le parallèle que tu fais avec deux versaillais jusque là semble évident, on attirera ton attention sur la pochette, premier élément clairement différenciant avant de faire un amalgame douteux.

Si il y a bien un duo dont on attendait vraiment la nouvelle production, c’est effectivement Boards Of Canada – et il y en a des duos, en 2013 qui publient des disques électroniques de qualité, que ce soit Autechre ou The Knife. Groupe important et influent, capable de poser avec une sérénité incroyable les disques les plus sombres et ambitieux d’une musique électronique pensée comme une œuvre intemporelle. La RAM ici n’est pas une histoire de gimmicks singé et péniblement livide, mais plutôt une sorte de véritable mémoire humaine mise à contribution de la création pure, celle qui ne se déguise pas en bioman mais qui se terre dans le fin fond de l’Ecosse.

Jamais jusque là le son Boards Of Canada n’avait été configuré comme une entité aussi visuelle, sinon cinématographique. L’album s’ouvre sur une sorte de jingle, sorte de clin d’œil Tarantinien, avant de partir sur un lourd drone synthétique. L’ambiance est parfaitement posée dès les premières secondes. Le visuel de l’album est à l’avenant. Les 17 morceaux s’éloignent quelque peu de l’imagerie nostalgique et froide. Tomorrow’s Harvest est l’album de la chaleur, du lourd soleil écrasant les grands espaces américain - parfois déserts. L’angoisse de la solitude et l’immensité comme clé. Les décors ne sont même plus habités de souvenirs. Tout en demeurant le groupe tant vénéré, Boards Of Canada n’a pas stagné depuis 8 ans et signe un album qui tranche sévèrement avec le précédent opus, le bien moins électronique Campfire Headphase. De fait, ce nouvel enregistrement est très proche de Geogaddi, tout en affirmant une réelle évolution. Les drones sont plus présents, les beats se font moins organiques et se composent de cliquetis digitaux et de glitchs plutôt discrets jusque là. Les résonnances métalliques de « Jacquard Causeway », comme les puissants kicks gonflé d’infra de « Sick Times » attirent l’attention.  Entre ses beats massifs, on reste en terre connue, à savoir l’épiphanie mélodique des amples claviers délavés, salis, irréguliers. « Reach For The Dead », premier single et extrait de l’album donne le ton. Et lorsque la révélation se dessine (la vidéo va dans le même sens, puisque c’est le moment ou la caméra cesse d’être au sol), le rythme s’esquive. Au milieu des nuages. Idem pour le magnifique «Split your infinitites », tout en nappes qui devient progressivement une longue descente rythmique qui sans changement brutal, transforme de manière improbable le morceau esquissé en début. 

Surtout, on sait le groupe friand des messages cachés et subliminaux, et Tomorrow’s Harvest est, de l’aveu du groupe, l’album le plus lézardé de mystères et de codes. Les frères ont déjà donné la clé de l’album construit en palyndrome, avec son single « Reach For The Dead » décliné en « Come To Dust » à l’autre bout. On sait aussi que le visuel de l’album n’est pas simplement une ville (San Francisco), mais bien une cité transpercée, fantôme, correspondant à un point de vue, peut-être depuis le point de coordonnées révélé par les codes des 6 disques disséminé dans le monde pour la promo de l’album (pour faire simple pour les absents : le groupe a distribué 6 vinyles contenant un code chacun et un court sample, dans 6 villes du monde le jour du Record Store Day). Entouré de messages indescriptibles, de voix déshumanisées, de sons dégradés, nous voilà également au cœur de l’album le plus angoissant produit par le duo. Impossible de ne pas sentir une singulière peur à l ‘écoute attentive de « Uritual » ou de « Semena Mertvykh »  -  composé à partir d’une …VHS. Comme souvent chez les groupes très attendus, on sait que l’album ne se fera que dans le temps, qu’il prendra son ampleur après quelques écoutes et assimilations. D’autres clés, probablement plus innocentes (les samples d’enfants transformés, les poèmes et suites mathématiques) ou plus angoissantes (rappel toi les références aux sectes ou les messages à l’envers invoquant le diable, tout ça pour faire réfléchir) que celles déjà disponibles se révèleront plus tard.  Toujours est-il qu’à peine révélé, Tomorrow’s Harvest est déjà un enregistrement qu’on devine inépuisable. Il ne reste plus qu’à s’incliner devant ce disque, grand, moderne et pourtant crucialement intemporelle.

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