mardi 26 juillet 2011

Sortilège de Daniel Barnz

Il est une tradition à Hollywood qui veut qu'un grand classique contient, indépendamment de son contexte historique d'écriture et de production, quelque chose d'universel, transposable à l'infini à travers les époques, les générations. Il s'agit de véritables mythes culturels, fondateurs de la culture contemporaine mais aussi de la représentation de l'homme au cinéma.

Sortilège est de ces films qui sont tirés d'un livre lui même inspiré d'un mythe. Difficile ici de ne pas voir la très nette influence du conte La Belle et la Bête, immortalisé par Jean Cocteau en 1945 avec Jean Marais et Josette Day. Un jeune garçon, imbu de sa personne mais dont la popularité est sans pareille se voit jeter un sort par une sorcière (Mary Kate Olsen en goth à froufrou tout droit descendue d'un podium de mode). Il a une année pour trouver quelqu'un qui l'aime pour ce qu'il est sinon sa beauté (physique) sera à jamais perdue et il sera condamné à être un laid jusqu'à la fin de ses jours.

Je ne grossis pas le trait, vraiment pas la peine, le film est bien bâti sur cette très frêle dichotomie qui veut que la beauté plastique soit dépourvue de toute beauté intérieure mais détienne un pouvoir de contrôle presque hypnotique sur les masses tandis que la laideur renferme des trésors de bonté et d'humanité. D'un côté Kyle (Alex Pettyfer), fils à papa élevé dans un luxe scandaleux, dans l'absence d'une mère et le dédain d'un père affairé qui ne se trouve une raison d'être que dans l'étalage naïf et prétentieux de son charme ravageur; de l'autre, la prolo du quartier, Lindy (Vanessa Hudgens, loin d'être moche), sans mère elle non plus, qui distribue des paniers repas aux SDF et cherche son père drogué la nuit dans les rues sombres de New York. Tout deux sont condamnés à s'aimer. Lui parce qu'il devient laid et elle parce qu'elle a su percevoir les blessures du bellâtre qui se la pétait grave.

Au delà de sa nanardise indiscutable, Sortilège dresse un portrait au vitriole d'une jeunesse qui n'existe nulle part et qu'on croit pourtant déceler parfois. Une jeunesse qui aurait vécu dans le confort matériel absolu mais qui aurait été délaissée affectivement. Kyle n'est poussé par son père qu'à être beau, à vivre pour cela et par cela, aux dépends des autres et du reste. D'ailleurs son père est incapable de lui adresser la parole plus de deux minutes. Lindy elle a été amenée à devenir mature plus vite puisque ses relations avec son père sont distendues. La primauté du paraître a étouffé la nécessité de vivre avec les autres.

Par ailleurs Sortilège résume assez bien ce que la société du paraître et du consommable a fait de la politique: une marchandise de confort vidée de substance. Le film s'ouvre sur un ubuesque discours de Kyle qui se présente à l'élection des Verts (écolo) de son lycée. Son seul argument est la beauté. Pire, il l'affirme haut et fort, il n'a que faire de l'écologie. Sa seule ambition est, justement, son ambition, son arrivisme, la nécessité de paraître mais de paraître au sommet. Et la salle comble de l'applaudir et de l'élire. On croirait voir une foule d'italiens heureux d'avoir encore réélu le gominé Berlusconi...

Sortilège est certainement l'un des plus beaux nanars de l'été, sinon de l'année. Son casting teen cheap et joli, ses dialogues abêtissants, son humour besogneux et sa dialectique de la beauté sont, pour le coup, hideux. Tout comme son romantisme à trois kopecks: c'est vrai qu'on a rarement fait mieux qu'un baiser final devant un Foot Locker... Placement de marque oblige! Il s'inscrit donc dans cette lignée des réactualisations médiocres et vulgaires, à l'image de ce qu'a pu être l'ignoble Sexe Intentions de Roger Kumble. Cette pochage vile et grotesque revisitait de la pire des manières l'ouvrage de Choderlos de Laclos, Les Liaisons Dangereuses. De la même manière, les producteurs s'imaginent que la poésie, la complexité de dialogues fouillées et d'intrigues raffinées ne sont pas des biens consommables pour de jeunes adultes en devenir. On en viendrait même à recommander le dessin animé de Disney...

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