dimanche 9 février 2014

Mea Culpa de Fred Cavayé

Alors c'est lui, le nouveau nabab de l'actioner français ? C'est lui le prodige de la course poursuite et des bagarres de rue made in France ? La plaie... Si j'avais su qu'une réputation pouvait s'éteindre en si peu de plans... De Cavayé je n'avais strictement rien vu. Ni Pour elle, tant loué par la critique et remaké aux Etats-Unis par Paul Haggis (Les Trois prochains jours, avec Russel Crowe), le surestimé scénariste de trois Eastwood et deux James Bond, ni A bout portant, sorti en 2010, qui a coûté 10 millions d'euro sans arriver à rameuter en salle un dixième de son prix en équivalent spectateurs (ouais, c'est pas clair...). 

Cavayé propose certainement l'un des plus vilains torchons de ce début d'année : il tente d'explorer l'amitié de deux flics, Vincent Lindon, vu dans Pour elle (tiens, tiens...) et Gilles Lellouche, vu dans A bout portant (ah bah oui...), détruite par un accident de voiture qui a entraîné le divorce du personnage de Lindon, son licenciement de la police, sa déchéance totale, etc. Complètement paumé, il va retrouver sa paire de couilles lorsque son petit mouflet va être menacé par une pègre plus vilaine que vilaine, tout ça parce qu'il n'a pas été foutu de pisser droit et de ne pas traîner dans les corridors d'une arène de... corrida. 

Toute cette petite aventure rapidement musclée et hâtivement mise en valise n'est qu'un prétexte grotesque afin d'interroger une virilité masculine en pleine perte de sens : le personnage de Lindon est totalement émasculé par une faute qu'il croit avoir commise. Cavayé joue sur des effets de flash-back tronqués, à la lourdeur et à la laideur sans nom, pour suggérer une culpabilité terrible, celle d'avoir tué une femme et son chiard après avoir picolé (aparté : j'ai une théorie sur les couleurs. Lorsqu'on veut cacher la misère d'une séquence esthétiquement médiocre, on la noie dans une teinte qui en accroit la dimension irréaliste : un bleu profond, un vert gras, un jaune patate... Les flash-backs de l'accident sont bousillés par un bleu flou et triste, soulignant le côté sombre de ce souvenir tandis que ceux de Lindon et Lellouche à la plage (ouais...) le sont dans un jaune jovial et pétulant, pour mieux en souligner la nostalgie heureuse... Vous avez dit original ?). Il est incapable de tenir son rôle de père, son rôle de mari et même son rôle d'homme (ex : lui le flic intègre obsédé par la justice, reconverti en convoyeur de fonds, ne réussi pas à protéger un de ses collègues martyrisé par une brutasse). C'est l'effondrement du patriarche, menacé par la nouvelle petite tantouze qui convoite sa femme : un gringalet à la barbe de deux jours, qui ne se confronte jamais directement  à la violence (il prend juste un plaisir sadique à regarder les mises à mort de corrida), qui est tristement romantique (le bouquet de fleurs moches), lâche (il se planque derrière les voitures pendant la fusillade) et incapable d'afficher une quelconque autorité (il ne tient même pas la télécommande...). Cavayé pousse l'opposition sommaire jusque dans les traits physiques des personnages : au visage marqué, usé et buriné de Lindon répond le visage très lisse aux traits fins de l'acteur Cyril Lecomte... Bref, on le voit bien, c'est un concurrent fantoche : parce que quand notre gros mâle en mal de masculinité aura retrouvé sa paire de burnes dans les cendres de son amnésie accidentée, il n'aura même pas besoin de bomber le torse longtemps, sa femme, toute noyée dans son besoin de protection, répudiera le prétendant, sans la moindre contestation. 

Par delà cette réaffirmation de la figure du mâle dans toute sa splendeur (protectrice, juste, violente, virile), c'est le sondage de l'amitié entre hommes qui est le deuxième noeud de l'intrigue : Lellouche et Lindon sont deux potes fort en gueule, rongés par un accident de voiture qui cache un lourd secret. Et ce secret, Cavayé le jalonne avec des sabots tellement encrottés qu'on n'en peut plus de soupirer devant la vacuité immense qui épouse la forme de l'écran... Lorsque le gamin demande à Lellouche si il connaissait les gens que son père a tué, le flic répond que non et que son père n'a tué personne. Le gamin demande alors pourquoi il est allé en prison, ce à quoi Lellouche rétorque que parfois, même quand on est innocent, on va en taule... Voilà, voilà, ça vaut bien une heure trente de profonde marade à Marseille non ? 

Ah oui Marseille ! C'est si charmant l'opportunisme... Quoi de mieux que cette ville à la sulfureuse réputation pour aborder le crime organisé, le trafic de putes et de dope, mené par des serbes au crâne rasé, qui kiffent les merco et les entrechats au couteau ? Bah rien, tant qu'à faire dans le cliché, enfonçons nous-y gaiement ! Nos vilaines quiches mafieuses viennent de l'Est, bien évidemment, font toujours des grimaces et sont les seules fauteuses de trouble dans cette cité phocéenne qui a pourtant l'air si calme quand la police fait son travail... 

Cavayé est donc le petit prince de l'action à la française, avec tout ses glaviots poivrés et bien bruns, nourri aux vigilent de Branson et aux nanars 80's de Delon. Du cinéma des années 90 au mieux, jamais pertinent, toujours dans la caricature outrageante des sentiments humains et dans les oppositions factices, toujours à chercher une tangente manichéenne et vieux jeu, toujours à regarder le nombril des archaïsmes qui s'écroulent plutôt qu'à en chercher des échappatoires. 

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