mardi 28 septembre 2010

Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois


La montagne, cachant un soleil naissant, immuable spectacle aux chatoyantes couleurs qui plante, avec la certitude des Dieux, le cadre de l’action. Quatre plans fixes ; voilà ce qu’il aura fallu à Beauvois avant que l’immobilisme du quotidien, de la nature, l’immobilité divine en somme, ne se meuve en action. L’action, le mouvement, le temps. Voilà dans quoi évoluent ces hommes, ces messagers des Dieux. L’arène de cette inamovible éternité étreint la répétition des mêmes gestes, ceux qui rythment le temps, ceux qui attachent l’homme et lui donnent l’impression de maîtriser l’écoulement trop rapide des jours et des années.

Par les temps qui courent, le nouveau film de Xavier Beauvois aurait très rapidement pu tourner à la fable prosélyte, enfermant le spectateur dans une guerre des civilisations inextricable qu’Huntington n’aurait certainement pas désavouée, brandissant la morale comme on brandit un livre sacré à la moindre incartade, au moindre chamboulement qui annonce pour les uns le déclin, pour les autres demain.

La tentation est forte de nos jours de prendre à parti et de juger. Nous sommes confrontés dans notre quotidien, dans notre temporalité incertaine, à ces autres qui nous gênent, que l’on se sent incapable d’aimer. A cela Beauvois objecte l’improbable possibilité d’une spiritualité retrouvant le chemin qui aurait toujours dû être le sien. Celui de l’amour.

Mais de quoi parle-t-on ? Des Hommes et des Dieux est le récit des quelques semaines de la vie des moines de Tibhirine qui précédèrent leur enlèvement puis leur exécution. Beauvois a choisi de montrer l’implication, le travail, l’importance de cette petite communauté de prêtres auprès des algériens du village voisin. Ils ne sont pas là pour convertir, non, ils sont une aide indispensable pour les besognes de tous les jours, tour à tour médecins, confidents, jardiniers, mais aussi des compagnons respectés, des invités, des membres du village. Ils sont ces âmes charitables qui réalisent dans la pauvreté et dans l’amour véritable de leur prochain, ce pour quoi ils se sont engagés sur la délicate voie de l’Eglise.

Beauvois agite avec douceur cette caméra qui prend parfaitement les lumières naturelles de la vie, filme l’ordinaire et le dévouement tout en gardant à l’esprit que cela s’inscrit dans un temps qui se meut, qui avance, sans savoir vers quoi il tend. Et parfois, lorsque le divin touche au style sublime qu’il adopte, il s’arrête, fige son objectif et contemple, dans un recueillement laïc, curieux et respectueux, ces hommes qui prient, qui parlent avec celui qui les guide. Le silence devient musique, leurs chants absorbent l’émotion et témoignent de leur dévouement.

Voilà où est l’amour véritable, celui du partage, de la tolérance, du sacrifice. Beauvois ne donne pas de leçon, il nous invite à partager les instants communs et pieux de ces hommes qui, en leur âme et conscience, ont choisi leur mission plutôt que leur confort, attachés à ces gens qui leur sont chers, attachés à cette terre qui n’a pour eux nul autre dogme que l’humanisme. Une invitation à ne manquer sous aucun prétexte.

Aucun commentaire: