dimanche 3 octobre 2010

La Meute de Franck Richard


Mercredi soir, dans la nuit noire, métro Stalingrad, MK2 Quai de Seine. La fraîcheur grisante de cet automne avenant revigore mes neurones éteints par le dernier film de Christophe Honoré. J’aurai pu vous parlez d’Homme au bain, troisième film « conventionnel » (après Saw VI et L.A. Zombie) de François Sagat, acteur de porno gay. Mais je me suis abstenu. C’est certainement mieux pour le film d’ailleurs. Et puis bon franchement, le petit nouveau là avec son pseudo de cinéphile intello qui se la pète, faudrait pas qu’il se prenne pour un nabab du net. Y a des dirlos ici. Paraît même qu’il y en a un au crâne rasé qu’a un air peu commode…

Mais là je ne peux plus. Dimanche a débuté depuis une heure et vingt minutes quand j’écris ces mots et j’ai passé mon samedi soir au cinéma. Ca a un peu excité ma verve (non, pas ma verge, merci de rectifier vos esprits tordus) et mon tube d’anxiolytiques fini, je n’avais plus aucune raison de la taire.

Voilà pour la frustration contenue. Place au dilemme. Les femmes vous poussent souvent à faire des choses que vous n’auriez jamais faites tout seul. C’est encore plus vrai pour ceux qui s’embarrassent d’une de leur représentante dans leur vie. Mais en avoir comme amie peut suffire à sacrifier votre amour propre et à aller voir n’importe quoi. Ce fut mon cas pour le premier des deux films que je viens de voir.

J’avoue que l’idée de voir le dernier film de Joel Schumacher ne m’était pas venue à l’esprit. Pas même pour y voir l’arrière train de 50 Cents qui joue le rôle d’un dealer (grosse prise de risque…) ; pas même, non plus, pour constater une nouvelle fois que Schumacher est un réalisateur vulgaire qui n’a d’autre talent que de filmer avec toutes les outrances possibles des visages qui ne recèlent aucun sentiment. La misère émotionnelle des personnages, l’omniprésente et kitchissime voix off de Kiefer Sutherland et la caricature hideuse à laquelle s’adonne Schumacher durant 90 minutes ne valent pas plus de lignes. Côté féminin, l’argument était de poids mais n’aura pas suffi à sauver le récit : Chace Crawford, bellâtre au regard cyan perturbant il faut l’avouer, transféré du Manhattan chicos et turbulent de « Gossip Girl » au… Manhattan chicos et turbulent de Twelve.

Non ce n’est pas de ça dont je veux vous parler. Ce qui vaut vraiment un billet, plus que mes états d’âme dont vous vous lassez certainement, c’est La Meute. Le casting avait de la gueule : voir Yolande Moreau, Benjamin Biollay et Philippe Nahon sur la même affiche, ça promet des étincelles. Le trailer mettait d’ailleurs à profit cette jolie bande de ferrailleurs grincheux aux visages usés et leur gouaille inclassable.

Le pitch lui laisse dubitatif. Une jeune femme (Emilie Dequenne) prend un homme en stop (Biollay). Ils s’arrêtent dans un troquet pourri et cet homme disparaît dans les toilettes. Intriguée, la jeune femme se lance à sa recherche et se fait kidnapper par la tenancière du bistro qui lui réserve un sort tout à fait ésotérique.

La Meute est un film multiple qu'on a un peu de mal à ranger. Le récit débute comme un road trip mené par une Emilie Dequenne qui conduit une vieille caisse moisie en écoutant du rock dur et qui enchaîne les clopes. Puis de road trip le film devient western. Notre Dequenne se transforme en Calamity Jane qui rencontrerait un Cow-boy solitaire. Ensemble ils partagent un bout de chemin dans ce désert brumeux. Ils s'arrêtent dans le saloon de Yolande Moreau sur la grille duquel est placardée le panneau "Texas". Ils y rencontre un Nahon chevauchant son vélo en poussant de petits hennissements et qui se prend pour le shérif du comté. Ajoutez à cela une bande de motards qui oscillent entre fascisme et homosexualité refoulée, menée par un Joe Dalton surexcité, un petit chinois en cage qui répète à tu tête le nom de John Wayne et vous avez l’ensemble des figures typiques du western… Ah non, manque le chicanos aux dents longues, mais bon, on va pas chipoter.

Le tout est bien crasseux, bien vitreux, avec ce petit brin de perversité qui laisse présager un tournant vicieux et sanglant qu’on attend en trépignant. On se lèche les babines lorsque les premiers échanges fleuris fusent dans le tripot. Richard donne l’impression de convoquer l’ambiance poisseuse et la fantaisie foutraque des frères Poiraud et de leur déjanté Atomik Circus dans un acte d’exposition digne de La Colline a des Yeux de Wes Craven.

Puis, les premières atrocités passées, tout fout le camp. Les dialogues tout d’abord qui de truculents deviennent volatiles pour finalement disparaître dans les tréfonds de l’absence. Puis, l’acmé, le climax comme on dit dans le jargon, l’arrivée des zombies… On ne rêve pas mais vraisemblablement le réalisateur a décidé de rendre hommage à Sam Raimi et à son Evil Dead. Il nous gratifie d’une petite bande de zombies (par faute de budget, leur nombre oscille entre 4 et 8… terrifiant) aux visages gratinés, vêtus comme des éboueurs, qui dévorent des gens dans une profusion minimaliste d’effets visuels assez rétro.

« Chaos regn » aurait dit le renard mouillé d’Antichrist. Comment, comment, alors que jusque là tout tournait assez convenablement à défaut d’être totalement excitant, comment (oui trois fois) un réalisateur peut perdre à ce point le sens des lumières, le sens des réalités, le sens de la crédibilité ? Toute proportion gardée, le film qui tendait plutôt vers un Frontières version Bidochon cannibales se vautre confortablement en ressuscitant des profanateurs de sépulture qu’Uwe Boll aurait maquillés à la truelle… Reste une bonne idée (attention spoiler), celle de filmer le visage d’Emilie Dequenne en train de se faire dévorer la guibole en donnant cette jouissive impression qu’elle a un orgasme et d’enchaîner dans la scène suivante avec la même Dequenne enceinte, reprenant le rôle de Yolande Moreau.

Finalement, on sait où La Meute ira se ranger. Quelque part dans le rayon série Z, pas minable (pas vraiment en tout cas) mais curieuse et fauchée, le rayon des films de genre qui ont mal tourné. La comparaison me vient comme ça mais c’est un peu comme si au milieu du tournage de La nuit des morts vivants, Ed Wood avait remplacé Romero et en avait fait un film sur la transsexualité au Far West… Etrange non ?

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