Voici un petit film d'horreur uruguayen qui cache assez mal son jeu de "phénomène horrifique de l'année". Sorti de nulle part (enfin si, d'Uruguay...), ce film, rebaptisé The Silent House pour les besoins de sa commercialisation française (qui débutera le 16 mars prochain), a atterri on ne sait trop comment au Festival de Cannes 2010.
Après l'avoir vu on en sait (forcément) un peu plus. Comme nombre de films de genre récemment sortis sur les écrans, la part la plus importante du travail se fait autour du concept dit "novateur". En cela le cinéma d'horreur se rapproche certainement plus que d'autres genres cinématographiques narratifs des arts conceptuels, minimalistes ou d'avant garde. La Casa Muda a même l'audace de tendre vers le happening en développant un plan séquence unique d'environ 79 minutes. C'est un peu comme si vous étiez avec Joseph Beuys dans une maison hantée bien glauque...
Audacieux? Certainement, même si le film n'est apparemment pas le premier à être tourné de la sorte (Allociné précisant qu'un certain Albert Pyun avait déjà tenté une expérience similaire avec un film intitulé Infection en 2005). Il l'est vraiment si l'on considère le film d'horreur ou d'épouvante comme un genre qui laisse peu de place aux temps morts. Ou disons plutôt que certains spectateurs ont beaucoup de mal à comprendre l'intérêt d'un temps mort dans un film d'horreur, ayant la cordiale mais non moins désagréable impression qu'on se moque un peu d'eux. C'est la dictature du frisson : si l'on a pas atteint son quota ou pire, si l'on a été capable de dire "même pas peur" à la caméra, on oublie un petit peu de prendre du recul vis à vis de ce triomphe de la subjectivité sensible sur son humanité effrayée.
Or le plan séquence n'est pas une technique qui ménage le spectateur et son besoin d'action, bien au contraire. Cependant il est particulièrement propice aux poussées d'angoisses atmosphériques, créant une sensation d'enfermement et d'oppression palpable. La caméra ne s'arrêtant jamais, on est obligé de réfléchir en tant réel à ce qui se passe sur l'écran, d'avancer au même rythme que le personnage.
Comme bon nombre de film concept de ce genre, Paranormal Activity ou Cloverfield en tête, La Casa Muda ne brille pas par son scénario fouillé ou par des propositions novatrices à cette échelle. Hernandez ne voit que part la prouesse technique que le Canon 5D lui permet de réaliser. Et encore, si on était vraiment très exigeant on aurait aimé qu'il soigne un peu plus son cadre... Certains diront qu'un plan séquence aussi long c'est forcément mal cadré à un moment donné. Je les renverrai alors à L'arche russe de Sokourov (un plan séquence de 95 minutes) ou je les défis d'aller dire à Bela Tarr qu'un cadre dans ce genre de plan ça décadre obligatoirement.
Là dessus je suis un peu de mauvaise foi. Hernandez filme avec un appareil photo, caméra à l'épaule... A défaut d'un cadre parfait son film ne manque pas vraiment de rythme. Il défonce toutefois tous les écueils scénaristiques possibles. Il fallait visiblement faire un choix. Reste qu'ici, malgré de chouettes lumières et une très solide chorégraphie, le solitaire concept technique n'atteint pas l'autosuffisance requise pour devenir une oeuvre de premier ordre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire