La conquête, titre chevaleresque pour un périple relativement épique quand on y repense, s'avançait comme l'un des films évènements de l'année. Son sujet, inédit en France, laissait les uns perplexes (comment peut-on traiter de l'accession d'un personnage pareil aux plus hautes fonctions de l'Etat avec si peu de recul historique?) et en faisait saliver plus d'un. Il faut l'avouer, l'idée de voir comment Nicolas Sarkozy est arrivé à la tête de la France, en savoir un peu plus sur les coulisses de cette longue marche en avant, se délecter des dessous de table, des non-dits, des confidences, ça avait de quoi attirer le badaud.
Et le film ne rate pas le coche, fonçant tête baissée dans ces coulisses peu recommandables d'un pouvoir qui périclite et qui semble désintéressé par sa mission première: l'avenir du pays. Le film commence sur un homme en plein doute. Nicolas Sarkozy, en peignoir, joue avec son alliance, le regard vide. On est au matin de sa victoire en 2007, Cécilia est partie, elle est injoignable, l'homme ne sait que faire. Voilà le vrai drame du film, la seule véritable trame scénaristique. Le reste, est assez accessoire, un habillage de luxe dirons nous, qui étire quelques conspirations par là et quelques bons mots par-ci.
Durringer livre exactement ce qu'un spectateur moyennement informé, moyennement investi, moyennement intéressé recherche: un épisode politique qu'il connaît déjà, assorti d'une histoire d'amour qui change la donne et de quelques bonnes répliques bien senties qui font mouche. Autant dire qu'avec un tel sujet, c'est le service minimum, pour ne pas dire un désolant constat de non-film. Poussive, l'intrigue se promène dans les flash-backs et la fameuse journée de mai 2007, avec une régularité trop rébarbative. La mécanique ne surprend pas, elle ne permet même pas de dévoiler la complexité d'un homme, d'une scène politique, d'une ascension. Durringer échoue à faire de cette conquête une fresque politique digne de ce nom.
Le problème majeur est la simplification extrême des enjeux et du propos. A trop vouloir en mettre, Durringer et Rotman (le scénariste) schématisent, ébauchent, effleurent et ne vont jamais au coeur des intrigues, au fond des dissensions et des affaires. L'important c'est que le spectateur s'y retrouve, qu'il entende à coup de pied dans les oreilles, des noms qu'il a déjà entendu à la télé, comme Clearstream, Gergorin, Atias... Les seconds rôles en deviennent anecdotiques, cantonnés à des places de faire-valoir (le personnage de Rachida Dati, pratiquement pas de répliques). Rotman ne semble en réalité retenir de tout ce parcours que les citations. Chacun aura ainsi l'occasion de se remémorer telle ou telle allocution et de savourer les lapidaires vacheries qui ponctuent chacune des séquences. Mais là encore, la mécanique se répète jusqu'à l'ennui (une séquence = une réplique vacharde cachée). Et la critique de l'hypermédiatisation de se vautrer dans les ornières de celle-ci.
Enfin, Durringer se refuse à prendre un quelconque parti pris esthétique. Son film est d'une neutralité à toute épreuve, sans aucune prise de risque, sans aucune âme visuelle. La pauvreté de la mise en scène est flagrante à chaque plan, n'arrangeant pas, hélas, une direction d'acteur tout aussi émaciée. Car si Podalydès remplit parfaitement son contrat en assimilant les mimiques, le ton, la gestuelle de Nicolas Sarkozy, sans emphase, il n'en est rien de Le Coq, Labarthe ou Pernel. Chargeant dans le mimétisme primaire, ils effacent leur appropriation des personnages derrière une caricature scandaleuse et falote.
On ne retiendra pas grand chose de cette tentative quelconque si ce n'est la performance de son acteur principal. A trop rester en surface, à trop vouloir nous dire que cet homme surmédiatique s'est pris dans son piège et à trop ramener son histoire d'amour sur le même plan que sa prise de pouvoir, La conquête s'inscrit dans la continuité de Président de Lionel Delplanque (avec Albert Dupontel), peu convaincante tentative de décryptage des rouages du politique.
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