Si mon entrée en matière est à la fois douce et crue, c'est que Norwegian Wood (La Ballade de l'Impossible) se promène constamment entre la beauté fantasmée du Tokyo de 1968, aux grandes ouvertures et habités par la végétation, écueil d'une certaine idée du romantisme, et l'âpreté de certains dialogues, de certaines douleurs, de certains mots.
Watanabe a perdu l'amour de Naoko le jour où ils ont fait l'amour pour la seule et unique fois. Depuis, malgré toute la tendresse qu'ils se portent et l'intensité des sentiments qui les unis, la jeune fille ne cesse de se détruire et de dépérir. Parallèlement, Watanabe sait qu'un autre amour lui tend les bras, celui de Midori, une jeune étudiante qu'il ne peut satisfaire pour le moment. Car le jeune homme, pris dans l'étau de la culpabilité et certain d'être en parti à l'origine de l'agonie de Naoko, s'est promis de la protéger et de n'aimer qu'elle, tant qu'elle vivrait dans ce monde.
Le contexte d'un Tokyo en révolte n'est qu'un très léger prétexte. D'ailleurs dès qu'il le peut Tran Anh Hung quitte la ville et part retrouver les grands espaces qu'il aime tant. Rarement on aura vu film aussi fleuri, aussi investi par une nature qui marche au rythme des tourments de chacun. Les retrouvailles estivales de Watanabe et Naoko, l'hiver tragique, la violence d'une mer tourmentée, allégorie du chagrin inconsolable du garçon. A l'aise sur tous ces terrains, le réalisateur plane tout de même plus dans ses extérieurs magnifiques où les sentiments sont plus vifs, plus exaltés. Ses intérieurs sont toujours ouverts, offrant à chaque instant une fenêtre, un cadre vers une verdure apaisante et sereine, contrastant avec la douleur qui affleure peu à peu.
Cette douleur est surtout dans les mots. Tran Anh Hung a choisi d'écrire des dialogues sans détour, sans tabou, qui abordent droitement et crument les choses du sexe et les problèmes de Naoko. Cela heurte un peu mais évite tout un détour psychanalytique qui aurait été mal venu. La violence est aussi dans le mouvement. Ainsi Tran Anh Hung demande t-il a ses comédiens de marché rapidement, de créer un rythme par leurs déplacements heurtés, par leurs souffles coupés.
Il y a indubitablement une certaine beauté dans ce Norwegian Wood, quelque chose d'épidermique et sensuel qui nous abreuve de sentiments très hétéroclites. C'est peut-être cela qui fait qu'au final on a du mal à adhérer complètement au travail du réalisateur, tantôt trop emphatique, tantôt trop prudent. Ainsi, alors qu'il souhaitait mettre en avant le côté physique de ses personnages et mettre en évidence leur peau, il traite avec un certain détachement les scènes d'amour, préférant cadrer serrer sur les deux visages qui s'épuisent, délaissant le reste des corps. D'autre part, alors que ses dialogues sont sans travers, les scènes d'amour sont bien chastes, comme si la distance vis à vis des images couvraient la violence des mots.
Il manque peut-être un souffle à Norwegian Wood, qui briserai son côté mélodramatique. Mais au final on retiendra surtout la qualité du travail d'un réalisateur qui a su mettre très érotiquement en valeur une nature qui sert parfaitement le jeu de ses comédiens et qui offre à tout public, un récit intense et parfois poignant.
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