mardi 15 décembre 2009

TORTOISE-Beacons of ancestorship


Trop prise de tête, trop conceptuel, trop musique d'ascenseur, trop mobile, Tortoise avait tout en trop pour fasciner un auditoire fragile, qui de toute façon n'aime pas ne pas comprendre ce qu'il entend. Depuis TNT, Tortoise n'avait plus la superbe du début, du moins pour les profanes, et n'avait cessé de décevoir une partie au moins des curieux. Pourtant, récemment, entre une collaboration éblouissante, un disque de break beat remarquable et une énorme compilation extrêmement recommandable, la créature multiforme semblait bel et bien avoir de belles histoires à conter à nouveau. Beacons of ancestorship est probablement le meilleur Tortoise depuis des lustres, si ce n'est le meilleur tout court. Non pas qu'il n'ait eu aucunes difficultés à se hisser à ce niveau, mais parce que Tortoise maitrise ses sons comme jamais, ses compositions sont étincellantes, et son audace lui confère une puissance remarquable. Le quintet a cette fois-ci complètement mis de coté ses emblêmes, déposant ses armes pour s'aventurer ailleurs: exit donc les vibraphones et autres. McEntire est parti avec l'idée de ne pas produire un album comme il l'avait fait jusque là, d'explorer un son nouveau. Il en résulte un album à la production passionante. La mixture entre sonorités électroniques et organiques se révèle à chaque seconde de la façon la plus esthétique. Jamais, peut être, un disque mélangeant les sons n'aura aussi sonné naturel si ce n'est depuis quelques pépites du genre de la fin des 90's. Et même si le travail ici parait moins colossal, on se rend compte au fur et à mesure des couches et sous-couches qui stratifient les morceaux. Les claviers sont désormais d'énormes machines colossales, envahissant le son en apparence, mais laissant en fait chaque autre instrument respirer à son aise et s'exprimer. Entre deux grondement d'oscillateurs, résonnent ici et là les 1000 trouvailles de McEnitre, Bitney, McCombs, Herndon et Parker. "High class..." présente un Tortoise en pleine démonstration de claviers épais au sein d'un morceau construit en plusieurs phases. Prepare Your coffin résume peut être au mieux ce qu'est la formation de Chicago à ce moment précis: un groupe qui n'a plus d'équivalent, qui ne rentre définitivement dans aucune case, et qui peut se permettre tout. Ce titre, accompagné d'une vidéo promo d'ailleurs, est rapide, sec et dynamique, gavé de basses profondes et groovy, tandis que derrière, sur la lancé, Nothern something prouve que le groupe est excellent dans ses digressions stylistique, en mélangeant habilement un groove latin à une vision tout en distortion d'un dubstep admirable. Gigantes est d'un obsédant minimalisme dans sa construction, progressif et parfaitement Tortoise-ien. "The Fall..." promène lourdement ses chaînes (samplées) comme si les cinq éxecutaient là leur vision du blues, et plus loin sur Minors, Tortoise développe un thème cinématographique, avec des claviers plus discrets mimant une ligne de James Bond, accompagné de guitares saturées concoctées par le très bon, lui aussi, dessinateur de son qu'est Jeff Parker, dernière recrue (depuis 10 ans!) du groupe. Au milieu, se trouve même peut-être la plus grosse surprise du disque: "yinxianghechegqi" ressemble terriblement à l'écho d'une époque où Tortoise se formait sur les cendres encore fumante de formations punks. Mais chaque plage est ici une pépite, et chacune d'elle s'observe comme l'expression d'une entité qui est capable, comme bien peu d'autres, de faire l'éloge d'autant de musiques différentes que ses membres affectionent tout en accouchant d'un résultat homogène. Magnifique et passionant.

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