On connaît Koen Mortier pour son premier film, le sulfureux Ex Drummer, poème brûlant et provocateur sur la déchéance complète d'un mauvais écrivain. Le film ayant connu un grand succès international, s'étant très bien vendu dans les différents marchés du film à travers le monde, le réalisateur belge était attendu au tournant et on se demandait bien ce qu'il allait pouvoir livrer dans ce second long métrage. Mortier est donc arrivé à l'Etrange Festival avec ce 22 Mai (en français) qui s'est révélé être l'une des meilleures surprises de la dizaine.
22nd of May conte l'histoire tragique d'un agent de sécurité qui n'a pas pu empêcher un attentat à la bombe dans le centre commercial où il travaille. Envahi par la culpabilité et un intarissable besoin de comprendre, il est poursuivi par les fantômes des victimes de l'attentat et celui de son commanditaire, tentant dans une course perdue d'avance, d'éviter le terrible événement.
Beaucoup de choses séduisent inévitablement à la vue de ce film qui bouscule quelques certitudes. Tout d'abord, et il faut le souligner, la très belle performance d'acteur de Sam Louwyk, pénétrant d'une tristesse froide, convaincant en vigile méticuleux et hanté par cette erreur traumatisante. Il irrigue son personnage d'une humanité incroyable, d'une fragilité et d'une peur qui prennent aux tripes. Koen Mortier ouvre d'ailleurs le film sur lui dans un très long plan séquence qui dissèque l'intimité du gardien solitaire, organisé, rangé, silencieux. Le choc de l'attentat oblige son personnage à un travail d'introspection spectaculaire, à un voyage transcendantal entre le rêve et le monde parallèle, épique remontée dans le temps dont il semble refusé l'inanité.
Surtout que ce personnage est lui aussi bousculé par le réalisateur. Les fantômes sont loin d'être conciliants et ils poussent le vigile dans ses retranchements. Chacun a d'ailleurs quelque chose à dire, quelque chose à apporter. Une maman, qui vient demander au vigile pourquoi il a fuit, pourquoi il les a laisser périr à l'intérieur. Un photographe qui lui aussi veut comprendre, veut lutter et empêcher le kamikaze de commettre son forfait. Un homme obsédé par une vendeuse, qui se masturbe dans les cabines d'essayage, et cette vendeuse qui ne sait que lui dire, qui préfère appeler un policier à son secours. Et ce policier, qui découvre peu à peu le lien qu'il a avec le kamikaze. Et ce kamikaze alors, qui brise tous les stéréotypes: jeune homme blanc, motivé par des raisons uniquement personnelles, petit voleur à la tir aux prises avec une relation maternelle troublée.
Koen Mortier croise toutes ces routes dans une tragique parade qui ne trouve ni salut, ni rédemption. La compréhension des faits ne résout rien, elle ne fait qu'asseoir le passé comme irréfutable et irréductible, les fantômes se révélant être tout aussi impuissants que le seul survivant de ce massacre. Tout s'est joué à des détails, et ce sont ces détails qui, dans une construction un peu alambiquée et alourdie de quelques effets de style parfois répétitifs, apportent une saveur âpre et douloureuse à ce récit tonitruant, violemment ancré dans les questionnements et les tourments de son époque. Un film brillant, en salle le 2 novembre.
1 commentaire:
J"ai enfin finis par le voir... Pas dégueu, plutôt sympa même si j'ai eu un peu de mal avec la redondance des lieux etc... Par contre je le trouve vachement moins consistant que le génial Ex Drummer. Un poil déçu, mais ça m'empêchera pas de me jeter sur ses prochains films...
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