Imaginez un débris qui rentre dans votre bar, votre bar habituel, celui où vous faites offrir des demis en bon pilier de comptoir. Vous êtes là à votre accoutumée, en sirotant des verres en désespoir du lendemain, toujours plus dur que la veille, essayant d'oublier la misère de votre quotidien. Bien entendu vous ne parlez jamais à personne, aux clans formés d'ores et déjà qui se pignolent entre potes, entre rires sournois qui vous fatiguent de fausseté, ou vous font jalouser d'envie au fond. Bref, accoudé, à moitié saoul, avec ces flash lancinants dans votre tête, où vous écrasez la tête d'un de ces incestueux petits connards contre le tabouret, pour enfin rigoler et utiliser l'alcool de manière salvatrice, vous êtes chez vous. Et rentre ce vieux gars. Il s'assoit à coté de vous, place normalement vide, et ô sacrilège il vous adresse la parole. Il vous dit qu'il est nouveau ici, que l'ambiance lui plait, et qu'il compte y rester. Et il vous adresse la parole. Il commence à vous parler, à vous raconter des histoires. Et là où normalement vous auriez rabattu son caquet de vieil homme, vous l'auriez saigné à froid pour qu'il la ferme sa grande gueule, là où vous commenciez à lui répéter qu'on vous la fait pas à vous, la magie opère. Ce type a un talent d'orateur fou, il vous hypnotise, vous raconte ses errances, et au gré des verres de whisky qu'il descend, votre taux d'alcoolémie s'emporte au contact de ses divagations. Ce type vous ramène à votre condition, son dévolu s'est porté sur vous, pas sur eux. Vous touchant au plus profond de votre être, vous racontant ses errances au gré du monde, ça en devient chantant, rythmé, et il vous prend l'envie de l'accompagner, de claquer des mains, de taper du pied, sur une rythmique parfois presque hip hop, soul, toujours cajoleuse. Vous l'accompagnez et ce type rigole, il se fend la poire de bien être, il continue à vous embourber dans ses délires. Vous l'admirez ce type, vous vous prenez à envier sa vie, vous enviez le fait qu'il se tienne là, au même endroit que vous mais en en ayant vu beaucoup plus. Au fond ce type, c'est ce que vous voudriez être. Là est le tour de force.
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