La fascination de beaucoup de musiciens occidentaux pour l’Orient n’est pas quelque chose de récent. Beaucoup de musiciens considéraient qu’un voyage, en forme de trip initiatique, un long voyage vers une différente culture leur permettrait en plus de s’enrichir personnellement d’enrichir leur musique à travers ce qu’ils ont vécu, mais aussi par certaines sonorités, rien de bien nouveau en somme.Les Beatles l’avaient déjà fait avec l’Inde, Savage Republic avec leur album Customs, composé avec les moyens du bord suite au vol de leur matos en Grèce, et la liste peut être longue. Jusque là, cet enrichissement restait ancré dans une démarche fondamentalement occidentale dans la manière de faire de l’art. En effet, il est évident que si certaines sonorités dites exotiques, ou world se sont incrustés dans la musique occidentale, même dans sa musique sacrée (oui, pensons à Dead Can Dance sur son Spiritchaser), la musique reste quand même clairement ancrée dans une tradition bien de chez nous. En gros elle permet un rapide angle de vue d’une autre culture, une régurgitation auto centrée d’une façade que le musicien veut bien nous montrer avec son background et son expérience propre. Une Fenêtre ouverte certes, mais toujours étroite. Pourtant, certaines de ces musiques nous paraissent pleines de fantasmes, fascinantes, par l’aspect religieux, ou même par son coté « frontières repoussées ». Ces musiques sont l’invitation au voyage dans notre imaginaire, mais aussi l’invitation à un certain héritage religieux non gangrénée par notre culture chrétienne.
Qu’en est il alors lorsque des musiciens fascinés par l’Afrique du Nord décident de vivre l’expérience de manière totale, en jouant le jeu inverse, c'est-à-dire s’imprégner de la musique locale pour ensuite la salir par quelques éléments de notre contre culture occidentale. Contre culture, car Khamsa Khala parait être bien plus influencé par certaines formations des années 80, héritiers de la musique industrielle tout comme ils étaient novateurs dans la scène électronique. Cabaret Voltaire est le nom qui revient à l’écoute de ce All rites reserved (joli jeu de mots), qui d’ailleurs avaient livré un effort grandement influencé par les ragas indiens sur de longs drones shamaniques. Khamsa Khala livrent avec ce digipack agrémenté d’un DVD une expérience sonore mais aussi visuelle qui prolongent l’expérience vécue autant qu’elle est retranscrite. Instruments typiques sont joués d’une manière industrielle, dans la façon de découper les rythmiques ou d’utiliser certaines technologies pour traiter les sons (sampleurs) . Le premier morceau est d’ailleurs une boucle rythmique obsédante, qui dégaine le ton de l’effort et attaque de manière frontale. Les morceaux restent courts, (et rappellent alors à quel point le dernier effort de OM est bâclé, ou alors une version aseptisée et édulcorée de ce qu’est la vraie transe religieuse) pour laisser l’effort déballer quantités d’idées qui vont des instruments plus lyriques (flutes), au voix d’imams appelant à la prière en passant par un vocal féminin (ce morceau est d’ailleurs le seul qui livre une percussion bien occidentale, aux confins du trip hop). Le parti pris du traitement industriel et direct des instruments se fait sentir à travers certaines boucles, certaines nappes ou encore certains bricolages qui créent une ambiance décadente ancestrale, entre modernité et rites anciens (un peu à l’image de la culture fremen dans le Dune de Frank Herbert). Le disque, en plus d’être très complet est très bien produit, comme si au retour sur leur terre natale l’effort avait été digéré, et beaucoup d’invités se prêtent au jeu pour sublimer l’effort instrumentalement. Oui, beaucoup penseront à Muslimgauze pour la teneur de l’effort, ou sa portée socio culturelle, avec son message clair : le refus du format culturel auxquels sont bridés les artistes dits électroniques. Cependant, je n’ai jamais vraiment trouvé un effort de Muslimgauze aussi complet que celui-ci, et sa discographique maintes fois éreintante pèse contre le bonhomme. Bel objet, musicalement sans fautes, immersif et surtout visuellement très beau. (Lens Records)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire